Le Grand Soir
Le Brexit et l’Europe fantasmée de la
gauche
Viktor Dedaj
Vendredi 24 juin 2016
Ce matin, toutes les bourses sont en
berne. Tous les assassins économiques
sont déçus. Tous les va-t-en guerre sont
en colère. Tous les escrocs et
incompétents montent au créneau et
s’arrachent les micros pour dénoncer un
« saut vers l’inconnu »...
Ainsi donc, à la question « voulez-vous
que la Grande-Bretagne sorte de l’UE ? »,
une majorité de Britanniques a
répondu « oui ». Aussitôt, les
commentaires prévus et prévisibles se
sont répandus dans les médias. Première
préoccupation exprimée : cela ne
risque-t-il point d’encourager
d’autres peuples à suivre cette voie ?
Deuxième préoccupation exprimée : que
vont devenir les Britanniques,
abandonnés à leur sort au milieu du
jungle de la mondialisation libérale ?
Pourront-ils trouver le chemin sans une
directive de la Commission européenne ?
Comment feront-ils pour manger si
Jean-Claude Juncker n’est pas là pour
leur expliquer comment qu’il faut
faire ? Sauront-ils encore exploiter
leurs néo-colonies si Cohn-Bendit n’est
plus joignable au téléphone ?
Oseront-ils aller bombarder en catimini
un pays du tiers-monde sans inviter
leurs anciens potes de l’UE ? Bref :
Doux Jésus, Marie, Joseph...
qu’allons-nous devenir sans eux ?
Oui, ça va être dur. Dur dans
quelques années lorsque les Britanniques
tenteront de traverser la Manche sur des
embarcations de fortune pour rejoindre
le Paradis perdu, leurs yeux implorants
quelques miettes du festin que nous nous
taperons lorsque ça ira mieux.
Mais tout n’est pas perdu. Ce soir, à
la radio, un quelconque spécialiste a
calmé le jeu en expliquant que les
Britanniques ont simplement voulu
exprimer leur colère et qu’ils finiront
par se calmer et, bien-entendu, revenir
à de meilleurs sentiments. Sinon, a-t-il
encore expliqué, on attendra qu’une
nouvelle génération de Britanniques
entre en scène pour redresser cette
erreur historique. De la vision à long
terme, on peut dire qu’il en a, le
spécialiste. Et de la détermination. Et
de la constance. Et aussi pas mal de
mépris.
Ce qui m’amène directement à la
question suivante : pourquoi la volonté
exprimée par une majorité de
Britanniques pour sortir de l’UE
serait-elle mieux respectée que la
volonté exprimée par les Français qui
ont refusé un projet de Constitution
européenne ?
Il paraît qu’aujourd’hui, ce sont la
xénophobes, les racistes et les
populistes qui ont gagné. Oui, au cas où
vous ne l’auriez pas remarqué, l’Europe
est une grande fraternité antiraciste,
anti-impérialiste, soucieuse du
bien-être des peuples. Demandez aux
Lobbies de la Pharmacie, de la Chimie.
Demandez aussi aux Grecs, aux Libyens,
aux Syriens, à nos amis néonazis
Ukrainiens. Demandez aux 10000 réfugiés
noyés en Méditerranée depuis 2014.
A l’instar de l’esprit « Je Suis
Charlie » qui sert d’alibi à une
constate érosion de la démocratie, de la
liberté d’expression, de la liberté
syndicale et qui a été plus efficace que
tous les fachos en herbe du continent,
le côté « antiraciste »,
« anti-xénophobe » et « fraternel »
affichée par les Européistes et l’UE a
fait plus de victimes que tous les
racistes, xénophobes et populistes
européens réunis. Ca, c’est du
concret.
Dans ce monde qui marche sur la tête,
il suffit d’ânonner « je suis de
gauche » pour imposer à coups de 49.3
une politique de droite extrême
contre la volonté d’une écrasante
majorité de la population.
L’Europe qu’on nous présente comme un
« contre-poids » et qui détourne l’avion
de président Bolivien Evo Morales pour
complaire au maître d’outre-Atlantique.
L’Europe qui réagit aux écoutes de ses
« amis » avec sa détermination politique
habituelle. L’Europe, qui ne connaît
comme remède à tous les maux que le
nivellement et la déréglementation.
L’Europe qui s’est plantée, se plante et
se plantera mais qui persiste.
Alors, amis progressistes
Européistes, en réalité, je vous le
dis : votre projet de « changer l’Europe
de l’intérieur » est voué au même échec
que celui de « changer le PS de
l’intérieur ». Dit comme ça, ça devrait
être clair.
Et tout ça pour quoi exactement ?
Pour quoi, concrètement ? Juste
pour avoir la possibilité de traverser
une frontière sans passer par un guichet
de change ? Et à part ça ?
Autour de moi, le constat est cruel :
aucun « pro-Européen » n’est capable de
me donner un seul élément positif et
concret apporté par l’UE.
« Est-ce que cela en valait le
prix ? » leur demanderons-nous. « C’est
un choix difficile »,
répondront-ils, « mais nous pensons
que le prix... oui, cela en valait le
prix ».
Et si cette dernière référence leur
échappe, c’est qu’il est temps, grand
temps, de sortir de cette maison de
fous.
V. Dedaj
©
Copy Left
Le Grand Soir - Diffusion autorisée et
même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|