Journal du
changement d'ordre mondial
Faut-il juger Vladimir Poutine ?
Thierry Meyssan
François
Hollande et Vladimir Poutine, il y a un
an
Mercredi 12 octobre 2016
Considérant Vladimir Poutine comme le
responsable du relèvement de la Russie,
les néo-conservateurs états-uniens et
israéliens tentent depuis 2011 de
l’arrêter, de le juger et de le
condamner devant une juridiction
internationale. Fidèle serviteur de leur
stratégie, le président français
François Hollande a publiquement suggéré
de le rendre responsable des crimes des
jihadistes en Syrie.
Durant la Seconde
Guerre mondiale, le chef de l’État
français qui avait aboli la République,
Philippe Pétain, fit juger et condamner
à mort son ancien dauphin devenu le chef
de la France libre, Charles De Gaulle.
Sur ce modèle, l’actuel président de
la République française, François
Hollande, a évoqué la possibilité
d’ouvrir une procédure judiciaire
internationale pour les crimes de guerre
commis en Syrie et de juger non
seulement le président de la République
arabe syrienne, Bachar el-Assad, mais
aussi celui de la Fédération de Russie,
Vladimir Poutine [1] ;
des propos repris en demi-teinte par le
secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon.
Ces déclarations interviennent alors
que le Canada, les États-Unis, la
France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni
soutiennent les jihadistes d’Alep-Est
contre le Hezbollah, l’Iran, la Russie
et le Syrie [2].
La volonté de condamner M. Poutine
n’est pas nouvelle (successivement pour
la Seconde Guerre de Tchétchénie, pour
l’Ukraine et désormais pour la Syrie).
C’est une idée récurrente des
néo-conservateurs états-uniens et
israéliens. Durant la campagne
électorale présidentielle russe de 2012,
les États-Unis avaient même proposé au
président Medvedev de l’aider à se
présenter contre Vladimir Poutine, de
financer sa campagne électorale et de
lui donner un plein accès aux cercles
des dirigeants de la planète s’il
prenait l’engagement de leur livrer
Vladimir Poutine. Ce qu’il ne fit
évidemment pas.
Le 29 juillet 2015, les
néo-conservateurs poussèrent au Conseil
de sécurité un texte de Victoria Nuland
(l’épouse du leader républicain Robert
Kagan, devenue porte-parole de la
secrétaire d’État démocrate Hillary
Clinton, et aujourd’hui assistante du
secrétaire d’État pour l’Europe et
l’Eurasie) [3].
Il proposait de créer un Tribunal
international spécial pour juger les
auteurs de la catastrophe du vol MH17
qui fut abattu en Ukraine, faisant 298
morts. Le texte renvoyait à une
Commission d’enquête internationale,
dont la Russie était officiellement
membre, mais dont les autres membres
l’avaient exclu. Il était donc possible
de rendre la Russie responsable, de
juger et de condamner Vladimir Poutine.
La Russie fit non seulement valoir
l’absurdité de créer un Tribunal
international pour un fait divers, mais
aussi le caractère spécieux de la
procédure, et opposa son veto. La presse
occidentale minimisa l’événement.
Washington tient, à juste titre,
Vladimir Poutine pour être l’architecte
de la reconstruction de la Russie après
la dissolution de l’URSS et le pillage
de Boris Eltsine (dont la cabinet avait
été formé par la NED). Il imagine, à
tort cette fois, qu’éliminé du jeu, il
serait possible de rabaisser la Russie
au rang qu’elle occupait il y a 20 ans.
Le président Hollande a informé son
homologue russe qu’il ne
l’accompagnerait pas lors de
l’inauguration de la nouvelle cathédrale
orthodoxe de Paris, prévue le 19
octobre, mais se contenterait de le
recevoir à l’Élysée. L’entretien ne
pourrait alors porter que sur la
situation en Syrie.
Le président Poutine a reporté son
déplacement en France à une date
indéterminée. Son porte-parole a déclaré
qu’il serait prêt à se rendre à Paris
lorsque son homologue français se
sentirait à l’aise. Une réaction qui
évoque celle que l’on a avec un enfant
capricieux.
L’actuel contentieux entre
M. Hollande et la Fédération de Russie
porte à la fois sur la question
ukrainienne (refus du coup d’État nazi
de Kiev, rattachement de la Crimée, et
soutien à la République du Donbass) et
sur la question syrienne (refus de la
tentative de coup d’État des jihadistes
et soutien à la République arabe
syrienne). Il est peu probable qu’il
trouve une issue d’ici la fin du
quinquennat de M. Hollande ou avec son
successeur s’il s’agit de M. Juppé comme
le suggèrent les sondages. Ces deux
hommes en effet ont scellé, dans le sang
des Syriens, leur avenir personnel avec
Washington.
Officiellement favorable à la
démarche française, le ministre
britannique des Affaires étrangères,
Boris Johnson, a appelé ses concitoyens
à manifester devant l’ambassade russe à
Londres ; une sorte de soutien qui
semble préfigurer un retrait du
Royaume-Uni.
[1]
« François
Hollande à propos de Vladimir
Poutine », par François
Hollande, Réseau Voltaire, 10
octobre 2016.
[2]
« Qui
vit et se bat à Alep-Est ? »,
Réseau Voltaire, 12 octobre
2016.
[3]
« Débat
du Conseil de sécurité sur le vol
MH17 (véto russe) », Réseau
Voltaire, 29 juillet 2015.
Thierry Meyssan
Consultant
politique, président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007). Compte
Twitter officiel.
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