Le Code du Travail
Concernant le Code du Travail, il y a effectivement un large consensus pour l’adapter aux situations économiques contemporaines. Cependant, au vu des documents préparatoires disponibles, le gouvernement se situe en dehors de ce consensus. Il envisage d’abandonner le système juridique latin pour celui en vigueur aux États-Unis. Un employé et son patron pourraient ainsi négocier entre eux un contrat contraire à la loi. Et pour qu’il n’y ait pas de doute sur l’ampleur et l’importance de cette réforme, le système éducatif devra produire des enfants bilingues français-anglais à la fin de l’école primaire.
Jamais ce changement de paradigme n’a été débattu en France. Tout au plus a-t-il été évoqué lors des débats parlementaires sur la loi El-Khomri-Macron de 2016. Certains observateurs avaient relevé que la prééminence des négociations d’entreprise sur les accords de branche ouvrait un possible basculement vers le droit états-unien.
Ce choix est d’autant plus surprenant que si les États-Unis forment la première puissance financière au monde, ils sont largement dépassés au plan économique par des pays aussi divers que la Chine ou l’Allemagne. En outre, si le Royaume-Uni respecte le vote de ses citoyens et poursuit sa sortie de l’Union européenne, celle-ci ne sera plus dominée par le modèle financier anglo-saxon, mais par celui économique de l’Allemagne.
Les institutions
Concernant la réforme des institutions, il est frappant de constater que, si les réformes envisagées par le président Macron peuvent s’avérer excellentes, aucune n’est attendue par les Français. Personne n’avait jusqu’ici dénoncé une pléthore de parlementaires ou de conseillers municipaux. Au contraire, quantité de rapports ont dénoncé l’accumulation de strates administratives (communes, communautés de communes, départements, régions, État) et la prolifération de « Comités Théodule ».
En réalité, le président Macron avance masqué. Son objectif à moyen terme, largement annoncé dès 2008, est la suppression des communes et des départements. Il s’agit d’homogénéiser les collectivités locales françaises avec le modèle déjà imposé partout ailleurs dans l’Union européenne. L’Élysée, rejetant l’expérience historique des Français, considère qu’ils peuvent être administrés comme tous les autres Européens.
La réforme du Conseil économique et social reste floue. Tout au plus sait-on qu’il s’agirait à la fois de dissoudre les innombrables « Comités Théodule » et de lui confier le dialogue social. L’échec de Charles De Gaulle sur ce sujet, en 1969, laisse à penser que si cette réforme était réalisée, ce ne serait pas pour résoudre un problème, mais pour l’enterrer définitivement. En effet, bien que le dialogue social s’effectue à présent au niveau des branches, la réforme du Code du Travail privera ce dialogue d’objet concret.
En 1969, le président De Gaulle s’était résigné à abandonner une nouvelle fois son vieux projet de « participation », c’est-à-dire de redistribution de l’accroissement du capital des entreprises entre leurs propriétaires et leurs employés. Il avait par contre proposé de faire participer le monde du Travail au processus législatif. Pour ce faire, il avait imaginé de faire fusionner le Conseil économique et social avec le Sénat, de sorte que la Chambre haute rassemble à la fois des représentants des régions et du monde professionnel. Surtout, il avait proposé que cette chambre ne puisse plus rédiger elle-même de lois, mais qu’elle émette un avis sur tout texte avant qu’il ne soit débattu par l’Assemblée nationale. Il s’agissait donc de donner un pouvoir d’avis législatif aux organisations paysannes et libérales, aux syndicats ouvriers et patronaux, aux universités et aux associations familiales, sociales et culturelles.
Les deux priorités que le
président Macron entend conduire
avant que ses électeurs ne se
réveillent peuvent donc se résumer
ainsi :
régir
le marché du Travail selon les
principes du droit états-unien ;
adapter
les collectivités locales aux normes
européennes et enkyster les
organisations représentatives du
monde du Travail dans une assemblée
purement honorifique.
Outre effacer au profit des seuls capitalistes toute trace de plusieurs siècles de luttes sociales, Emmanuel Macron devrait donc éloigner les élus de leurs électeurs et décourager ceux-ci de s’investir dans la chose publique.
Sur le même sujet :
« De la Fondation Saint-Simon à Emmanuel Macron », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 16 avril 2017.
« Kadima ! En Marche ! », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 9 mai 2017.
« Macron-Libye : la Rothschild Connection », par Manlio Dinucci, Traduction Marie-Ange Patrizio, Il Manifesto (Italie), Réseau Voltaire, 1er août 2017.