Participation de
l'Otan et de l'Union européenne au
terrorisme
Comment la Bulgarie a fourni des drogues
et des armes à Al-Qaïda et à Daesh
Thierry Meyssan
Chef de
l’un des deux cartels mafieux bulgares,
la SIC, Boïko Borissov est devenu
Premier ministre. Alors que son pays est
membre de l’Otan et de l’Union
européenne, il a fourni des drogues et
des armes à Al-Qaïda et à Daesh en Libye
et en Syrie.
Lundi 4 janvier 2016
Les meilleurs secrets ont une
fin. Le cartel mafieux qui gouverne la
Bulgarie s’est fait prendre alors qu’il
a fourni, à la demande de la CIA, des
drogues et des armes à Al-Qaïda et à
Daesh, à la fois en Libye et en Syrie.
L’affaire est d’autant plus grave que la
Bulgarie est membre de l’Otan et de
l’Union européenne.
Il semble que tout
ait commencé par hasard. Depuis une
trentaine d’années, la fénétylline était
utilisée comme dopant dans les milieux
sportifs ouest-allemands. Selon
l’entraîneur Peter Neururer, plus de la
moitié des joueurs en prenaient
régulièrement [1].
Des trafiquants bulgares y virent une
occasion. De la dissolution de l’Union
soviétique à l’entrée dans l’Union
européenne, ils commencèrent à la
produire et à l’exporter illégalement en
Allemagne sous le nom de Captagon.
Deux groupes mafieux se livrèrent une
solide concurrence, Vasil Iliev Security
(VIS) et Security Insurance Company
(SIC), dont dépendait le karateka Boïko
Borissov. Ce sportif de haut niveau,
professeur à l’Académie de police, créa
une société de protection de hautes
personnalités et devint le garde du
corps aussi bien de l’ancien président
pro-soviétique Todor Jivkov que du
pro-US, Siméon II de Saxe-Cobourg-Gotha.
Dès que ce dernier devint Premier
ministre, Borissov fut nommé directeur
central du ministère de l’Intérieur,
puis élu maire de Sofia.
En 2006, l’ambassadeur des États-Unis
en Bulgarie (et futur ambassadeur en
Russie), John Beyrle, dresse un portrait
de lui dans un câble confidentiel révélé
par Wikileaks. Il le présente comme lié
à deux grands chefs mafieux, Mladen
Mihalev (dit « Madzho ») et Roumen
Nikolov (dit « Le Pacha ») [2],
les fondateurs de la SIC.
En 2007, sur la foi d’un rapport
réalisé par une grande société suisse,
U.S. Congressional Quarterly
assure qu’il avait étouffé de nombreuses
enquêtes au ministère de l’Intérieur et
se trouvait lui-même impliqué dans 28
assassinats mafieux. Il serait devenu un
partenaire de John E. McLaughlin, le
directeur adjoint de la CIA. Il aurait
installé en Bulgarie une prison secrète
de l’Agence et aurait aidé à fournir une
base militaire dans le cadre du projet
d’attaque de l’Iran, poursuivait le
journal [3].
En 2008, le spécialiste allemand du
crime organisé, Jürgen Roth, qualifie
Boïko Borisov d’« Al Capone bulgare » [4].
Devenu lui-même Premier ministre et
alors que son pays était déjà membre de
l’Otan et de l’UE, il fut sollicité par
l’Agence pour aider à la guerre secrète
contre Mouamar el-Kadhafi. Boïko
Borissov fournit du Captagon, fabriqué
par la SIC, aux jihadistes d’al-Qaïda en
Libye. La CIA rendit cette drogue de
synthèse plus attractive et plus
performante en la mêlant avec une drogue
naturelle, le haschich, ce qui permit de
plus facilement manipuler les
combattants et de les rendre plus
effrayants, dans la ligne des travaux de
Bernard Lewis [5].
Par la suite, Borissov étendit son
marché à la Syrie.
Mais le plus important vint lorsque
la CIA, utilisant les particularités
d’un ex-État membre du Pacte de Varsovie
ayant rejoint l’Otan, lui acheta pour
500 millions de dollars d’armements de
type soviétique et le transporta en
Syrie. Il s’agissait principalement de
18 800 lance-grenades antichars
portables et 700 systèmes de missiles
antichars Konkurs.
Lorsque le Hezbollah envoya une
équipe en Bulgarie pour s’informer sur
ce trafic, un autobus de vacanciers
israéliens fit l’objet d’un attentat à
Burgas, faisant 32 blessés.
Immédiatement, Benjamin Netanyahu et
Boïko Borissov accusèrent la Résistance
libanaise, tandis que la presse
atlantiste diffusa de nombreuses
imputations sur le supposé kamikaze du
Hezbollah. En définitive, le médecin
légiste, le Dr. Galina Mileva, observa
que sa dépouille ne correspondait pas
aux descriptions des témoins ; un
responsable du contre-espionnage, le
colonel Lubomir Dimitrov, nota qu’il ne
s’agissait pas d’un kamikaze, mais d’un
simple porteur, et que la bombe avait
été déclenchée à distance, probablement
à son insu ; alors que la presse
accusait deux arabes de nationalité
canadienne et australienne, la Sofia
News Agency cita un complice
états-unien connu sous le pseudonyme de
David Jefferson. De sorte que lorsque
l’Union européenne s’empara de l’affaire
pour classer le Hezbollah « organisation
terroriste », le ministre des Affaires
étrangères de la courte période où
Borissov fut exclu du pouvoir exécutif,
Kristian Vigenine, souligna qu’en
réalité, rien ne permet de lier
l’attentat à la Résistance libanaise [6].
À partir de la fin 2014, la CIA cessa
ses commandes et fut remplacée par
l’Arabie saoudite qui put ainsi acheter
non plus des armes de type soviétique,
mais du matériel de l’Otan, comme des
missiles antichar filoguidés BGM-71 TOW.
Bientôt, Riyad fut appuyé par les
Émirats arabes unis [7].
Les deux États du Golfe assurèrent
eux-même la livraison à Al-Qaïda et à
Daesh, via Saudi Arabian Cargo et Etihad
Cargo, soit à Tabuk à la frontière
saoudo-jordanienne, soit à la base
émirati-franco-US d’Al-Dhafra.
En juin 2014, la CIA en rajoute une
couche. Il s’agit cette fois d’interdire
à la Bulgarie de laisser passer sur son
territoire le gazoduc russe South Stream
qui aurait pu approvisionner l’Europe
occidentale [8].
Cette décision, qui prive la Bulgarie de
revenus très importants, permet d’une
part de ralentir la croissance de
l’Union européenne, conformément au plan
Wolfowitz [9] ;
d’autre part, d’appliquer les sanctions
européennes contre la Russie prises sous
le prétexte de la crise ukrainienne ;
ensuite de développer le gaz de schiste
en Europe orientale [10],
enfin de maintenir l’intérêt à renverser
la République arabe syrienne, possible
grand exportateur de gaz [11].
Aux dernières nouvelles, la Bulgarie
—État-membre de l’Otan et de l’Union
européenne— persiste à fournir
illégalement des drogues et des armes à
Al-Qaïda et à Daesh, malgré la récente
résolution 2253 adoptée à l’unanimité
par le Conseil de sécurité de l’Onu.
[1]
„Doping
war im Fußball gang und gäbe“,
Frankfürter Allgemeine Zeitung, 13
juin 2007.
[2]
“Bulgaria’s most popular politician :
great hopes, murky ties”, John Beyrle,
May 5, 2006.
[3]
“Bush’s Bulgarian Partner in the Terror
War Has Mob History, Investigators Say”,
Jeff Stein, U.S. Congressional
Quarterly, May 2007.
[4]
Die neuen Dämonen, Jürgen Roth,
2008.
[5]
The Assassins : A Radical Sect in
Islam, Bernard Lewis, Weidenfeld &
Nicolson, 1967.
[6]
« La
Bulgarie ne tient pas le Hezbollah
responsable de l’attentat de Burgas »,
Réseau Voltaire, 7 juin 2013.
[7]
« Mise
à jour d’une nouvelle filière de trafic
d’armes pour les jihadistes », par
Valentin Vasilescu, Traduction Avic,
Réseau Voltaire, 24 décembre 2015.
[8]
« Le
sabotage du gazoduc South Stream »,
par Manlio Dinucci, Tommaso di
Francesco, Traduction Marie-Ange
Patrizio, Il Manifesto (Italie),
Réseau Voltaire, 10 juin 2014.
[9]
« US Strategy Plan Calls For Insuring No
Rivals Develop » and « Excerpts from
Pentagon’s Plan : "Prevent the
Re-Emergence of a New Rival" » Patrick
E. Tyler, New York Times, March
8, 1992. « Keeping the US First,
Pentagon Would preclude a Rival
Superpower » Barton Gellman, The
Washington Post, March 11, 1992.
[10]
« South
Stream bloqué, la "claque" des
États-Unis à l’Union européenne »,
par Manlio Dinucci, Traduction
Marie-Ange Patrizio, Il Manifesto
(Italie), Réseau Voltaire, 5
décembre 2014.
[11]
« La
Syrie, centre de la guerre du gaz au
Proche-Orient », par Imad Fawzi
Shueibi, Réseau Voltaire, 8 mai
2012.
Thierry Meyssan
Consultant politique,
président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007). Compte
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