Religion
La paix du cœur
Tariq Ramadan
© Tariq
Ramadan
Vendredi 12 février 2016
Quel être humain pourrait affirmer, au
cœur de son intimité, ne pas connaître
la violence : parfois l’agressivité,
parfois la haine, parfois l’excitation
d’un instinct destructeur, parfois la
colère. La maîtrise de soi, la sérénité,
le respect de l’autre, la douceur ne
sont pas naturels, mais s’acquièrent au
prix d’un effort personnel permanent.
Tel est le lot des hommes : ils abordent
les rivages de leur humanité par un long
travail sur soi, pensé et mesuré. Chacun
le sait, chaque cœur le sent.
Toutes les littératures sont pleines,
depuis l’aube des temps, de la
traduction de cette tension qui tantôt
s’apaise, tantôt agite, tantôt déchire
l’intimité des hommes. De la Bhagavad
Gita à la Thora et aux Évangiles, de
Dostoievski à Baudelaire, l’horizon
humain reste le même. Le Coran confirme
la plus quotidienne des expériences :
« Par une (l’)âme et ce qui l’a
équilibrée et lui a inspiré son
libertinage ou sa piété. Il sera certes
heureux celui qui la purifie, il sera
certainement perdu celui qui la
corrompt. »
Les deux voies sont explicites et
elles s’appréhendent de façon à la fois
plus vive et plus morale avec le
souvenir de la vie de l’au-delà. La vie
est cette épreuve de l’équilibre pour
les hommes capables du meilleur comme du
pire. La force spirituelle est signifiée
par le choix du bien, de la bonne action
pour soi et pour autrui :
« C’est Lui (Dieu) qui a créé la
mort et la vie pour vous éprouver et
connaître celui d’entre vous qui agit le
mieux. »
Réformer l’espace de son intériorité,
apaiser son cœur au chevet de la
reconnaissance du Créateur et dans la
densité d’une action humaine et
généreuse, aimer dans la transparence et
vivre dans la lumière, tel est le sens
de la spiritualité islamique. Elle
rejoint l’horizon de toutes les
spiritualités qui exigent de l’homme de
se doter d’une force d’être plutôt que
de subir l’acharnement despotique d’une
vie réduite aux seuls instincts. Cette
tension vers la maîtrise de soi se
traduit en arabe par le mot jihâd.
Dieu a voulu la tension et a fait de sa
gestion l’une des conditions d’accès à
la foi et à l’humanité.
Le Prophète(PBSL) demanda un jour : «
Qui est donc le plus fort parmi vous
? » – Les compagnons répondirent :
«Celui qui terrasse son ennemi.» Et le
Prophète de répondre : «Non, le plus
fort est celui qui maîtrise sa colère.»
|