Opinion
Au Liban,
le complot continue...
Soraya Hélou
Lundi 30 décembre 2013
Depuis ce sinistre 14 février 2005 qui a
vu le terrible attentat contre l’ancien
Premier ministre Rafic Hariri, le
complot se poursuit au Liban et contre
ce pays, dans un seul but: y semer la
discorde et détruire la force
grandissante du Hezbollah qui en a
modifié les équilibres internes, tout en
ayant un impact déterminant sur les
rapports de force régionaux, en
redonnant du poids au courant de la
résistance face à «Israël».
La lecture peut paraître simpliste, mais
elle reste la plus logique, loin des
réactions instinctives et affectives. Si
on reprend la triste série d’événements
sanglants qui ont secoué le Liban depuis
cette date fatidique, la même question
se pose chaque fois: à qui profite le
crime?
Et à chaque fois, la réponse est la
même. Elle permet au camp hostile au
Hezbollah de le pointer du doigt et de
tenter d’obtenir des acquis politiques
en guise de compensation à la perte
humaine qu’il a subie. C’est ainsi que
le camp du 14 Mars a pu faire passer la
création du «Tribunal Spécial pour le
Liban», ainsi que toutes les étapes qui
ont suivie cette décision du Conseil de
sécurité et qui ont permis de
concrétiser la résolution.
Aujourd’hui, l’assassinat de l’ancien
ministre Mohammed Chatah, figure modérée
du Courant du Futur et conseiller proche
de cheikh Saad Hariri mais aussi proche
des chancelleries occidentales et homme
de dialogue, pousse son camp politique à
réclamer rapidement la formation d’un
gouvernement dans lequel il espère
obtenir les portefeuilles de sécurité
(ministère de l’Intérieur et ministère
de la Défense) pour pouvoir assurer sa
protection.
Etrange équation que celle qui place le
sang des victimes dans le plateau face à
des acquis politiques! Mais au-delà du
jugement moral, ce qui apparaît, c’est
que le schéma est toujours le même. Le
sang de la victime de l’attentat n’a pas
encore séché que les accusations
«politiques» commencent à pleuvoir et
pointent du doigt le Hezbollah et le
régime syrien.
Aussitôt après, des revendications
politiques en guise de compensation
commencent à être formulées, le 14 Mars
«victime de la violence des assassins»
exigeant des garanties
pour être rassuré, ces garanties étant
essentiellement des points politiques.
Dans le cas de l’assassinat de Mohammed
Chatah, tout le monde feint d’oublier
les menaces réelles formulées contre le
Hezbollah par des parties régionales qui
se promettent de lui faire payer le prix
lourd pour sa participation au conflit
syrien.
Le 14 Mars oublie aussi que le fait
d’assassiner une figure modérée au sein
du Courant du Futur ne sert absolument
pas les intérêts du Hezbollah qui subit
depuis les attentats exécutés ou manqués
dans la banlieue sud la haine des
courants extrémistes en Syrie et au
Liban.
Enfin, comment peut-on penser qu’une
résistance suffisamment intelligente et
efficace pour avoir mis en échec les
plans américano-israéliens de «Nouveau
Moyen Orient» pourrait brusquement être
assez stupide pour assassiner une figue
modérée qui ne représente aucune menace,
sachant qu’elle sera aussitôt pointée du
doigt?
Mais à ce stade de la colère, nul dans
le camp du 14 Mars ne veut entendre la
voix de la raison. Pour ce camp,
affaibli par ses divisions, par son
appui à l’opposition syrienne qui s’est
montrée incapable de renverser le régime
syrien après trois ans de combats
féroces, par les divisions et le
discrédit du «TSL», par le nouveau
contexte régional et international, et,
surtout, par le nouveau positionnement
du chef du PSP Walid Joumblatt,
l’assassinat de Mohammed Chatah est
malheureusement une chance de rétablir
un équilibre dans le rapport de forces
interne et de tenter de récupérer ce
pouvoir tant désiré.
C’est malheureusement ce qui se passe
aujourd’hui sous les yeux rougis de
pleurs des Libanais. La mort d’un homme
de la pensée, doublé d’un diplomate et
d’un économiste, est exploité
politiquement et humainement pour
reprendre le pouvoir et l’initiative au
Liban et tenter de retrouver la
crédibilité et l’appui populaire qui
font défaut depuis la multiplication des
erreurs et les alliances avec les
extrémistes qui ont ébranlé les
partisans du 14 Mars. La manœuvre est
évidente et le complot continue. Il est
à chaque fois déjoué par la sagesse du
camp adverse. Mais à quel prix pour le
Liban?
Source: French.alahednews
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