LE CRI DES PEUPLES
Détruit pour avoir voulu apaiser ses
ennemis :
la tragédie shakespearienne de
Jeremy Corbyn
Neil Clark
Mercredi 18 décembre 2019 Par Neil Clark,
le 14 décembre 2019
Source :
https://www.rt.com/op-ed/475891-corbyn-general-election-destroyed/
Traduction :
lecridespeuples.fr
Le projet de Jeremy
Corbyn s’est terminé dans les larmes
avec une défaite aux élections générales
totalement démoralisante pour le Parti
Travailliste, mais cela aurait pu – et
aurait dû – être très différent si
seulement Corbyn avait fait confiance à
son instinct.
Il y a un air
nettement shakespearien à l’arrêt de
mort politique du leader Travailliste
britannique, qui a eu lieu, comme il se
doit, un vendredi 13 (on pourrait dire
que le 15 mars, date de l’assassinat de
Jules César, aurait été encore plus
approprié).
« Il y a une
marée dans les affaires des hommes qui,
lorsqu’on sait en profiter pour prendre
le large, mène à la fortune. Si on la
rate, tout le voyage de notre vie est
voué aux bas-fonds et aux misères »,
a écrit Shakespeare dans Jules César.
Jeremy Corbyn n’a
jamais été dans une meilleure position
qu’au lendemain des élections générales
de juin 2017. Contre toute attente et
toutes les prédictions des pseudo-édiles
de l’opinion, il avait mené le Parti
Travailliste au bord d’une victoire
éclatante. Les 40 % de voix obtenues par
les Travaillistes lors de cette élection
ont représenté la plus forte
augmentation de la part du vote
populaire obtenue par le parti en plus
de 70 ans. Mais fatalement, Corbyn n’a
pas su saisir l’opportunité. Il aurait
dû utiliser le moment pour agir
rapidement et de manière décisive contre
ses ennemis « centristes » au sein du
Parti qui avaient tant fait pour le
miner. Au lieu de cela, il leur tendit
continuellement un rameau d’olivier et
s’évertua à les pacifier. Ils ont
remboursé sa magnanimité en tramant sa
chute, qui s’est réalisée de manière si
spectaculaire cette semaine.
52% des votants,
soit 17.4 millions de personnes, ont
voté pour le Brexit en 2016, y compris
une grande partie d’électeurs du Parti
Travailliste. Ils n’ont rien compris à
la demande du Parti Travailliste de
voter à nouveau. Et ils avaient raison.
L’idée d’organiser un second référendum
était une mesure du pouvoir pour annuler
un résultat qui ne lui convenait pas.
La première phase
du plan consista à amener les
Travaillistes à opérer un revirement
électoral suicidaire sur le Brexit. Si
le Parti Travailliste a si bien réussi
en 2017, c’est en grande partie parce
qu’il s’est clairement engagé dans son
manifeste à respecter le résultat du
référendum de 2016. Mais une grande
pression a été exercée sur Corbyn pour
qu’il accepte un changement de politique
et promette aux Travaillistes de
soutenir la tenue d’un second
référendum. Des années plus tôt, Corbyn
avait, à juste titre, attaqué l’UE pour
avoir contraint les Irlandais à voter à
nouveau après qu’ils aient rejeté le
Traité de Lisbonne. Mais demander aux
partisans Travaillistes du Brexit de
voter à nouveau sur l’opportunité de
quitter l’UE est précisément ce que
faisait Corbyn lors des élections
générales de 2019. Il est vrai que son
cercueil politique a été fabriqué par
d’autres que lui, mais il est aussi vrai
que Corbyn leur a lui-même fourni les
clous.
L’ironie que
n’ont pas perçue de nombreux analystes à
droite de l’échiquier politique, qui
identifient le Parti Travailliste comme
étant à l’extrême gauche, est que c’est
la tendance droitière du Parti qui
soutenait le maintien en UE. Si le Parti
Travailliste était vraiment à l’extrême
gauche, il aurait soutenu le Brexit.
La deuxième phase
du plan « abattre Corbyn » consista à
promouvoir un récit selon lequel sous sa
direction, le Parti Travailliste était
absolument submergé d’antisémitisme. Les
ennemis de Corbyn voulaient nous faire
croire que le Parti Travailliste, un
parti qui s’est toujours enorgueilli de
ses références antiracistes et qui avait
un représentant juif aussi récemment
qu’en 2015, était en fait un parti
raciste. Incroyablement, cette campagne
audacieuse a réussi parce que Corbyn n’a
pas osé y faire face et la dénoncer
comme telle. Le niveau d’antisémitisme
réel dans le Parti Travailliste était
minime, mais le leader travailliste a
accepté le récit selon lequel il
constituait un gros problème à résoudre.
Le résultat de sa posture défensive
constante est que lui et son Parti ont
été dénoncés comme « antisémites »
presque constamment. Chris Williamson,
un fidèle allié de Corbyn, a été exclu
de son poste suite à de fausses
accusations. Mais cet apaisement n’a
fait qu’amplifier la campagne.
Corbyn a payé très
cher les erreurs qu’il a commises au
cours de la période 2017-19. Le
revirement du Parti sur le Brexit lui a
infligé des hémorragies sévères dans
leur cœur traditionnel au nord favorable
au Brexit, et lui a fait perdre des
sièges de la classe ouvrière aux
élections qu’ils avaient remportées
pendant des générations. Les
Travaillistes ont perdu Blyth Valley
pour la toute première fois de
l’histoire. Wrexham, dans le nord du
Pays de Galles, est devenu conservateur
pour la première fois de l’histoire.
Great Grimsby a été perdu par les
Travaillistes pour la première fois en
74 ans. 71% des électeurs y avaient voté
pour le Brexit en 2016. Pourtant, le
Parti Travailliste leur a demandé de
voter à nouveau, l’année prochaine.
Quelle absurdité !
Je vois que la
phase 2 du coup d’état contre Corbyn est
déjà pleinement en vigueur, avec l’aide
des médias complices. La droite du Parti
Travailliste vocifère l’idée que le
Brexit n’est pas la principale cause de
la défaite, et promeut une orientation «
centriste » des politiques et du
dirigeant du Parti. LOL.
Etant donné
l’ampleur de l’espoir d’un changement
réel et significatif que Corbyn avait
inspiré au cours des premières années de
sa direction du Parti Travailliste, il
est bouleversant de voir comment tout
cela a horriblement mal tourné.
Il est vraiment
shakespearien que Corbyn, un
eurosceptique de toujours, ait été
détruit politiquement en acceptant un
pivot vers le maintien en Europe, ce qui
était insensé – et il devait bien le
savoir. Il est vraiment shakespearien
que Corbyn, un vétéran de la défense des
droits des Palestiniens, ait été si
soumis face à ce que le grand
journaliste israélien
Gideon Levy a décrit comme une « traque
» lancée par lui par la « machine
de propagande israélienne ».
L’incapacité de
Corbyn à riposter avec force – ou même à
riposter tout court – contre les
campagnes de diffamation de ses ennemis
a été saluée par certains comme des
signes de son calme olympien, mais pour
des millions d’autres personnes, cela
ressemblait à s’y méprendre à de la
faiblesse. Lors du débat des dirigeants
de la semaine dernière, Boris Johnson a
qualifié Corbyn de partisan de l’IRA.
Corbyn n’a rien répondu pour se
défendre.
Malgré sa décence
indéniable, il est tout aussi indéniable
que Corbyn – quand il est arrivé au
seuil du pouvoir – a traité ses ennemis
beaucoup mieux que ses amis. Ce sera,
malheureusement, son épitaphe. Une
occasion en or pour la gauche en
Grande-Bretagne a été gâchée.
« Les hommes
sont parfois maîtres de leur destin. La
faute, cher Brutus, n’est pas dans nos
étoiles, mais en nous-mêmes, car nous
sommes des sous-fifres. » (Jules
César)
Neil CLARK
Voir
le dossier sur Jeremy Corbyn.
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