LE CRI DES PEUPLES
La première victoire historique des
Gilets Jaunes
Ramin Mazaheri
Mardi 5 novembre 2019 Source :
http://thesaker.is/first-in-a-decade-yellow-vests-end-french-austerity-finally
Traduction :
lecridespeuples.fr
Les Gilets jaunes
ont contraint le gouvernement français à
ne pas présenter de budget annuel
chargé d’austérité pour la première fois
en dix ans.
Vous devriez dire :
« Waouh, c’est une victoire historique !
»
Soyons clairs :
c’est une bonne nouvelle, qui redonne le
moral, une victoire pour la démocratie,
le genre d’exploit qui arrive une fois
par décennie ! La fin de l’austérité est
la raison pour laquelle la France a élu
François Hollande en 2012, dont le
slogan était : «Le changement, c’est
maintenant » – le « changement » attendu
consistait à s’éloignait de l’austérité
néolibérale droitisante.
Toute l’histoire de
l’austérité est assez pathétique, et
j’en parle en permanence depuis le
début.
L’austérité fut
d’abord une réaction épidermique des
capitalistes conservateurs face à
l’immense chute de la croissance
économique mondiale. Lorsque l’hystérie
s’est dissipée et qu’une explication
verbale logique a été rendue nécessaire,
ils ont décidé qu’il était nécessaire
d’apaiser la «
fée de la confiance» des
investisseurs. Lorsque les gens en ont
eu assez de se serrer la ceinture pour
ne pas donner un peu d’indigestion aux
spéculateurs financiers, l’austérité est
devenue nécessaire afin d’apaiser la
règle totalement arbitraire du « déficit
budgétaire de 3% » de Bruxelles. Et
puis… les gens ont tout simplement
cessé d’en parler, comme je l’ai
écrit. L’austérité a duré si longtemps
qu’elle a été considérée comme imparable
et vitale – l’idée d’un programme de
dépenses au lieu d’une réduction des
dépenses a cessé d’être discutée après
la défaite de Marine Le Pen à l’élection
présidentielle. Le premier budget
d’Emmanuel Macron fut le deuxième plus
sévère de l’histoire française
d’après-guerre.
Compte tenu de ces
rappels, nous devrions demander en 2019
: combien de millions et de millions de
personnes ont manifesté en France au
cours des neuf dernières années pour
mettre fin à l’austérité, de manière
ouverte ou indirecte ?
Ils ont tous échoué
– sauf les Gilets jaunes.
En outre, il a été
prouvé que tous ceux qui pensaient que
les Gilets jaunes étaient inutiles se
sont trompés sur toute la ligne. Les
Gilets jaunes se sont révélés plus
puissants que n’importe quel autre
groupe – syndicats, ONG, partis
politiques, et même Bruxelles, les
banquiers centraux, la classe des
investisseurs, les médias dominants –
parce que le gouvernement français s’est
finalement plié aux exigences des Gilets
jaunes et pas à celle de ces autres
groupes.
Le gouvernement
français a ouvertement déclaré qu’une
décennie complète d’austérité budgétaire
n’était pas possible dans un contexte de
protestation sociale massive. S’il n’y
avait pas eu de Gilets jaunes ? On
serait à la dixième année d’austérité,
aucun doute là-dessus. Le journal très à
droite Le Figaro,
le déclare en titre : « Un budget
2020 pour ne pas réveiller les Gilets
jaunes. » Ne vous y trompez pas : le
gouvernement n’a pas renoncé à
l’austérité budgétaire car il a
finalement accepté les revendications
des Gilets jaunes, mais parce qu’il les
craint.
Alors … voilà ! Les
Gilets jaunes SONT bons, SONT efficaces,
SONT anticapitalistes (du moins contre
le capitalisme néolibéral), et les 10
mois et plus de répression précédents
n’ont PAS été sans effet, plus de 10
mois de sacrifices et de risques n’ont
PAS été vains, 10 mois et plus
d’implication démocratique à
contre-courant ne sont PAS passés
inaperçus et n’ont PAS été ignorés.
L’austérité :
comme toujours, elle n’est bonne qu’à
accroître les inégalités
Pour rappeler ce
qu’est l’austérité budgétaire à ceux qui
pourraient avoir besoin d’un bref
rappel…
L’austérité
budgétaire a trois composantes
principales : une augmentation de la
fiscalité des particuliers et des
ménages, une réduction des services
publics et une réduction de la fiscalité
des riches et des sociétés. Les
objectifs sont, respectivement :
d’alourdir tellement la dette des
individus qu’ils en deviendront des
travailleurs et des citoyens craintifs
et dociles ; d’atteindre l’objectif
néolibéral & libertaire de réduire le
gouvernement autant que possible, car
seul le gouvernement peut imposer des
contraintes socio-économiques aux 1% des
plus riches ; créer des bénéfices pour
ces 1%, qui sont censés « se répercuter
» favorablement à un moment inconnu (ce
battage publicitaire – qui n’est pas une
attente sérieuse – se poursuit depuis
Ronald Reagan).
Quel est le
problème de l’austérité ?
Eh bien,
moralement, pour adopter une approche
économique inconcevable en Occident et
dans des économies d’inspiration non
socialiste, taxer les pauvres pour
nourrir les riches est tout simplement
immoral.
Toutefois,
abstraction faite de la moralité,
l’austérité économique est une recette
garantie pour une faible croissance,
en particulier dans le contexte d’un
ralentissement mondial de l’économie.
Ainsi, elle est inefficace, inutile et
accroît les inégalités socio-économiques
durables.
Depuis Lehman
Brothers en 2007, il y a eu un
ralentissement économique mondial, mais
pour une raison inconnue, il semble que
je sois le seul journaliste à avoir
parlé de
l’indéniable et factuelle « décennie
perdue » dans la zone euro (2008-17). La
croissance économique annuelle moyenne a
été de 0,6% au cours de cette période,
un taux pire que celui des deux
dernières décennies perdues au Japon ;
c’est aussi 3,5 fois inférieur à la
moyenne mondiale de 2,1% sur cette
période. Ainsi, l’idée que l’austérité a
été un échec total ne peut être niée,
quelles que soient vos idées sur le plan
économique.
Nous nous attendons
maintenant largement, non seulement à un
ralentissement économique mondial, mais
également à une récession économique
mondiale. Le blâme est absurdement
rejeté sur la Chine – pour avoir osé
croître à 7% au lieu de 8% – alors que
le coupable évident est l’énorme marigot
stagnant de l’Europe. L’Europe reste le
maillon le plus faible de la
macro-économie mondiale.
Vous êtes fous si
vous pensez que les Gilets jaunes –
chaque homme et chaque femme – ne
reconnaissent pas ces réalités
économiques : ils les vivent au
quotidien. Ils les expriment même mieux
que moi la moitié du temps.
Avant cet article
concernant le budget, j’ai
décrit comment les Gilets jaunes
avaient déjà mis fin à un autre objectif
très droitisant : la privatisation des
trois aéroports de Paris. C’est un
accord de 10 milliards d’euros.
Les réductions
d’impôts totales ne représentent
également que 10 milliards d’euros. Un
milliard d’euros est le résultat de la
réduction du taux d’imposition des
sociétés de 2%. Quoi qu’il en soit, les
réductions d’impôts pour les riches &
les sociétés ont lieu avec ou sans
austérité.
La réalité est que
l’austérité se poursuit, et
j’expliquerai pourquoi :
fondamentalement, Macron ne voulait pas
gaspiller son mince capital politique en
se battant pour les coupes budgétaires
d’austérité, qui ne sont pas
l’essentiel. Un lot beaucoup plus gros
et lucratif – pour les patrons et les
actionnaires – est de parvenir à faire
passer en catimini le relèvement de
l’âge de la retraite à 64 ans, ainsi que
le passage à un système de retraite
universel, identique pour tous, que même
les médias grand public appellent «
radical ». Et ensuite, une autre réforme
radicale du système de l’assurance
chômage.
Ces réformes vont
effectivement redistribuer vers le haut
des centaines et des centaines de
milliards de dollars à moyen terme, et
elles vont éviscérer ce que j’appelle le
« mauvais exemple français » – le filet
de sécurité sociale de la France
ressemble beaucoup à celui des pays
scandinaves, bien que la France soit un
pays impérialiste occidental.
Macron a maintenant
reculé sur la privatisation de davantage
d’actifs de l’État (ce qui a été le plus
massivement fait par Jacques Chirac,
récemment disparu) et sur un budget
d’austérité : les Gilets jaunes
peuvent-ils arrêter ses « déformations »
(et non réformes) les plus radicales à
venir ? Les combats, les grèves et les
manifestations ont commencé le mois
dernier.
Une chose est sûre
: les Gilets jaunes ont démontré que la
persévérance et la bravoure comptaient
beaucoup dans tous les combats.
Parce que les
médias dominants sont anti-Gilets jaunes
et pro-austérité, très peu semblent
avoir enregistré ce que les Gilets
jaunes ont obtenu comme victoire – ils
sont tellement occupés à observer les
manifestations outre-mer, que ce soit à
Hong Kong, au Liban ou au Chili, que Le
Parisien en vient à
oublier la France dans sa liste des
pays connaissant des mouvements
populaires ! C’est tout de même
surprenant, car le mot de la décennie en
France et en Europe est sans aucun doute
« austérité » !
Ce qui est certain,
c’est que les Gilets jaunes ont de
nombreux objectifs qui vont au-delà d’un
an et de 10 milliards d’euros :
reprendre la souveraineté confisquée par
Bruxelles, quitter la zone euro pour
retrouver une autonomie économique et,
pour beaucoup, virer Macron de son
poste. Ce sont les prochaines étapes,
certes énormes, mais les Gilets Jaunes
ont sans aucun doute un rayon laser
braqué sur elles depuis novembre
dernier.
Faites-vous partie
des dizaines de millions de Français
dont la vie a été aggravée par
l’austérité ? Remerciez un Gilet jaune
d’avoir enfin réussi ce que
d’innombrables manifestations et
élections en France n’ont pas obtenu.
Ramin Mazaheri
est le correspondant principal de la
chaîne iranienne anglophone Press TV à
Paris. Ayant la double nationalité
américaine et iranienne, il vit en
France depuis 2009. Il a été journaliste
quotidien aux Etats-Unis et a exercé en
Egypte, en Tunisie, en Corée du Sud et
ailleurs. Ses articles ont été publiés
dans divers journaux, revues et sites
internet, et il apparaît à la radio et à
la télévision.
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