Alahed
La victoire d’Assad:
l’Occident partage sa vision du conflit
syrien
Samer R. Zoughaib
Mardi 26 août 2014
Même si la
guerre continue de déchirer son pays, le
président Bachar al-Assad peut déjà
savourer une victoire, celle d’avoir vu
les Occidentaux, qui menaçaient, il y a
un an, de bombarder son pays et son
armée, partager aujourd’hui sa vision du
conflit: le terrorisme est la véritable
source du danger et combattre ce
phénomène est un devoir prioritaire.
Dès le début de la crise en Syrie, les
Occidentaux ont parlé de «révolution
pacifique», alors que le régime
dénonçait une insurrection armée, animée
par des groupes terroristes
ultra-extrémistes. Washington, Paris,
Londres et leurs alliés turcs et arabes
ne voulaient rien entendre. Ils ont
fourni un soutien politique, médiatique,
financier, matériel et militaire aux
rebelles, dans le but avoué de renverser
le président Bachar al-Assad et son
régime. Ils ont imposé des sanctions
impitoyables à la Syrie et ont mis sur
pied une gigantesque coalition
internationale pour exécuter leurs
plans. Ils ont fait la sourde oreille
aux mises en garde de la Russie, de la
Chine, des pays des Brics et de nombreux
experts occidentaux sur le rôle
essentiel joué par les extrémistes au
sein de la rébellion. Bref, ils ont vécu
dans le déni pendant plus de trois ans.
Mais malgré tous leurs efforts, l’Etat
syrien, dirigé par le président Assad, a
fait preuve d’une remarquable
résilience. Au lieu de revoir ses
calculs, l’Occident a choisi la fuite en
avant, en envisageant, il y a un an, de
lancer une vaste campagne de
bombardements aériens contre l’armée
syrienne… avant de se rétracter.
Assad avait raison
Aujourd’hui, les faits sur le terrain,
en Syrie et en Irak, prouvent que c’est
Bachar al-Assad qui avait raison et non
pas ses ennemis et ses détracteurs.
Prenant comme couverture une
contestation populaire légitime dans
certaines de ses revendications, les
groupes terroristes se sont infiltrés
partout en Syrie, dès les premiers jours
de la crise.
Et grâce au soutien des Occidentaux, des
pétromonarchies du Golfe et de la
Turquie, ils sont devenus l’acteur
principal sur le terrain.
Le retour du bâton ne s’est pas fait
attendre. Les Occidentaux, avec à leur
tête les Etats-Unis, reconnaissent
désormais le danger que représente pour
leurs sociétés l’«Etat islamique» (EI,
ou daech), qui entraine des légions de
ressortissants européens, américains et
australiens, dans ses camps des déserts
syrien et irakien. Autant de terroristes
prêts à frapper au cœur même des
capitales occidentales. Barack Obama a
utilisé le mot «cancer» pour décrire «daech»,
appelant à son éradication avant qu’il
ne se propage dans toute la région. Sans
doute que la vidéo de la décapitation du
journaliste James Foley a fini par le
convaincre.
Mais seule une action concertée sur les
terrains syrien et irakien est
susceptible de défaire cette
organisation obscurantiste. La Syrie,
qui en est parfaitement consciente,
appelle depuis le début à une
coordination régionale et internationale
pour combattre ce fléau des temps
moderne.
La feuille de route de Moallem
Le ministre des Affaires étrangères,
Walid Moallem, a déclaré, lundi, que «la
Syrie est prête à une coopération et à
une coordination sur le plan régional,
international et bilatéral pour lutter
contre le terrorisme dans le cadre de la
résolution 2170 du Conseil de sécurité
de l'Onu». S’exprimant lors d'une
conférence de presse à Damas, le chef de
la diplomatie syrienne a dit «ils sont
les bienvenus», en réponse à un
journaliste qui lui demandait si cette
coopération englobait «les États-Unis et
la Grande-Bretagne». «Il est naturel sur
le plan géographique et pratique que la
Syrie soit au centre d'une coalition
internationale. S'ils sont sérieux, il
faut qu'ils viennent vers la Syrie pour
coordonner avec elle la lutte contre
l'EI et al-Nosra.»
M. Moallem a toutefois précisé que si
des avions américains menaient des raids
en Syrie contre «daech» sans
coordination préalable avec Damas, cela
serait «une agression». Il
n’a pas exclu, dans ce cas, que la
défense antiaérienne syrienne tire sur
ces appareils.
Le ministre a proposé une feuille de
route pour cette coopération, basée sur
les points suivants :
-L'assèchement des sources du
terrorisme, notamment le financement et
l'armement.
-Le contrôle des frontières par les pays
limitrophes.
-Un échange de renseignements.
Le changement de ton des Occidentaux a
été évoqué lors d’un long entretien
téléphonique, lundi, entre M. Moallem et
son homologue russe, Serguei Lavrov. Le
chef de la diplomatie du Kremlin a
appelé les Occidentaux et les pays
arabes à surmonter leur mépris pour le
président Assad et à s'allier à lui
contre les jihadistes. «Je pense que les
Occidentaux ont déjà pris la mesure de
la rapide propagation de la menace
grandissante», a-t-il déclaré. «Ils vont
bientôt devoir déterminer ce qui est le
plus important: un changement du régime
syrien pour satisfaire des inimitiés
personnelles et prendre le risque d'une
détérioration de la situation au-delà de
tout contrôle, ou trouver des moyens
pragmatiques pour unir les efforts
contre la menace commune», a commenté M.
Lavrov.
Mais la première réaction de Washington
montre que les Américains n’ont pas
encore imaginé un moyen de sauver la
face. Les porte-paroles du département
d’Etat et du Pentagone ont tenu les
mêmes propos: «Nous n’avons aucune
intention de coordonner avec le régime
syrien. Il n’y a aucun plan pour des
discussions en profondeur avec le régime
Assad sur ce que nous pourrions faire ou
ne pas faire en Syrie».
Toutefois, des rapports de centres de
réflexion proches de l’administration
américaine ont révélé que des échanges
de renseignements avaient lieu en ce
moment entre Washington et Damas.
Coopération inévitable
Par ailleurs, de nombreux experts
occidentaux parlent déjà de la victoire
du président Assad. «Il est clair qu'Assad
est dans une dynamique de victoire et
qu'il va finir par l'emporter», a
souligné Fabrice Balanche, spécialiste
de la Syrie et directeur du Groupe
de recherches et d'études sur la
Méditerranée et le Moyen-Orient, dans
une interview accordée à l’Agence
britannique Reuters. «Bachar el-Assad
n'est plus considéré aujourd'hui de la
même manière qu'en août 2013», a de son
côté déclaré Didier Billion, spécialiste
Moyen-Orient et directeur adjoint de
l'Institut des relations internationales
et stratégiques (Iris). «On est revenu à
un début de jeu diplomatique, il y a eu
un changement substantiel puisque
jusqu'alors personne ne voulait parler
avec Bachar sauf ses soutiens», analyse
le chercheur.
Le rétablissement du chef de l'État
syrien «par rapport à une fin annoncée
qui ne s'est pas produite est
spectaculaire», déclare Bertrand Badie,
expert en relations internationales,
toujours à Reuters. «Par rapport à ce
qu'on nous annonçait, la potence ou la
Cour pénale internationale,
effectivement, on en est loin»,
ajoute-t-il.
«Bachar el-Assad est aux premières loges
pour combattre l'EI dont une partie des
bases se trouvent en Syrie, explique
Didier Billion. Ça va être compliqué de
discuter avec Assad, c'est très
déplaisant mais on n'y coupera pas.»
Plus le temps passe, plus «daech»
renforce ses positions et son emprise
sur les régions qu’il a occupé. La
coopération avec Damas est inévitable
pour combattre cette organisation. Les
Occidentaux le savent pertinemment mais
sont-ils prêts à l’admettre
publiquement?
Source: french.alahednews
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