Opinion
Les extrémistes
veulent détruire l'Armée libanaise
Samer R. Zoughaib
Samedi 21 décembre 2013
Le
secrétaire général du Hezbollah, sayyed
Hassan Nasrallah, a exprimé, pour la
première fois vendredi, de sérieuses
craintes d'un embrasement de la
situation au Liban. De hauts
responsables politiques et sécuritaires
ont lancé les mêmes mises en garde ces
derniers jours. Pourquoi cette
inquiétude?
Dans un discours prononcé vendredi lors
d'une cérémonie organisée à la mémoire
du haut responsable du Hezbollah, Hassan
al-Lakkis, assassiné dans la nuit du 3
au 4 décembre, le secrétaire général du
parti, sayyed Hassan Nasrallah, n'a pas
caché son inquiétude pour le Liban.
Selon lui, si par le passé il existait
une volonté de garder le pays à l'écart
des crises régionales, la situation a
changé aujourd'hui. «Certains Etats
régionaux, confrontés à un échec en
Syrie, ont décidé de précipiter le Liban
vers l'explosion», a-t-il prévenu.
La mise en garde du leader de la
Résistance se base sur une série
d'indices de nature politique et
sécuritaire, le plus important étant la
multiplication des agressions contre
l'Armée libanaise.
Sayyed Nasrallah a d'ailleurs longuement
insisté, lors de son discours, sur
l'importance de préserver l'institution
militaire, qu'il a qualifié de «dernier
pilier de l'Etat encore debout». «Si ce
pilier s'effondre, c'est tout le Liban
qui disparaitra», a-t-il dit.
Dans un entretien paru dans la presse
libanaise le même jour, le ministre de
la Défense, Fayez Ghosn, a tenu des
propos similaires. Il a fait état d'un
plan exécuté par des «groupes
extrémistes et terroristes visant à
détruire l'Armée libanaise avant de
l'achever».
Ces mises en garde doivent être placées
dans le cadre d'une analyse, corroborée
par des faits et des renseignements, sur
les développements de la situation ces
dernières semaines en Syrie, notamment
autour de Damas et dans le Qalamoun.
Dans la région de la capitale, les
rebelles extrémistes, réorganisés au
sein du «Front islamique» à l'initiative
de l'Arabie saoudite, n'ont pas réussi à
modifier les rapports de force sur le
terrain, malgré la vaste offensive
qu'ils ont lancée, le 22 novembre, en
coordination avec les troupes d'Al-Qaïda
(L'Etat islamique en Irak et au Levant
et le
Front al-Nosra) pour tenter de briser
l'encerclement de la Ghouta orientale.
L'étau se
resserre sur Yabroud
Dans la région du Qalamoun, frontalière
du Liban, ils ont perdu trois des six
principales villes, Qara, Deir Attiya et
Nabak. Là aussi, les extrémistes ont
ouvert un nouveau front, à Maaloula,
pour tenter de freiner l'offensive de
l'armée régulière. Ils ont aussi
kidnappé douze moniales libanaises et
syriennes pour les utiliser comme
monnaie d'échange, voire comme boucliers
humains. Malgré tout cela, l'étau se
resserre inexorablement sur Yabroud,
dernier point de passage stratégique
entre le Liban et la Syrie, utilisé pour
faire passer hommes, armes et munitions.
C'est dans cette ville que les voitures
sont piégées avant d'être envoyées au
Liban.
En prévision de la perte du Qalamoun,
les extrémistes et leurs opérateurs
régionaux commencent à mettre à
exécution le plan de contingence, qui
consiste à transformer le Liban de base
de repli en sanctuaire. Les services de
sécurité pensent qu'entre 6000 et 10000
extrémistes pourraient trouver refuge
dans la région d’Ersal si le Qalamoun
est entièrement repris par l'armée
syrienne.
D'ailleurs, les infiltrations d'hommes
armés de Syrie vers le Liban ont
considérablement augmenté ces dernières
semaines. En dix jours, l'Armée
libanaise a arrêté une trentaine
d'hommes armés qui tentaient d'entrer au
Liban.
Les récents développements laissent
croire que la décision a été prise de
compenser au Liban les pertes subies en
Syrie. En d'autres termes, le terrain et
l'influence perdus en Syrie doivent être
récupérés au Liban. Or, l'Armée
libanaise constitue le principal
obstacle empêchant d'atteindre cet
objectif. En effet, la présence de
l'armée et son déploiement sur de larges
portions du territoire empêchent les
groupes extrémistes d'établir la
jonction entre leurs sanctuaires d’Ersal,
d’Akkar, de Tripoli et de la Békaa-Ouest.
La surveillance des foyers extrémistes à
Beyrouth et à Saïda constituent aussi un
frein à une plus grande liberté de
mouvement.
Il est donc nécessaire de mettre l'armée
hors-jeu, et la guerre d'usure menée
contre l'institution militaire depuis
des mois à Tripoli, ne suffit plus. Il
est donc nécessaire d'intensifier la
pression contre elle pour la contraindre
à se replier afin de laisser le champ
libre aux groupes extrémistes.
C'est dans ce contexte qu'il faut placer
les attaques suicides menées contre des
barrages de l'armée à Saïda, dans la
nuit du 15 décembre.
Ce même procédé avait déjà été mis en
œuvre en 2012 et au début de cette année
à Ersal, pour empêcher l'armée
d'intervenir à l'intérieur de cette
localité. On se souvient tous de
l'assassinat barbare du commandant
Pierre Bachaalany et du caporal Mohammad
Zahraman, en février dernier. Après cet
incident, l'armée s'est retirée de
l'intérieur d’Ersal, se contentant de se
déployer aux alentours. De même que les
services de sécurité ont cessé
d'intervenir dans la bourgade, qui s'est
transformée en sanctuaire pour les
groupes armés syriens les plus
extrémistes, ainsi qu'en point de
passage pour les voitures piégées en
provenance de Syrie.
Ce processus n'aurait pas pu réussir si
les extrémistes n'avaient pas reçu une
précieuse couverture politique fournie
par le 14-Mars, toujours volontaire pour
exécuter les basses tâches.
On se souvient des déclarations des
responsables de cette coalition contre
l'Armée libanaise et les visites de
«solidarité» de délégations du 14-Mars à
Ersal. On n'a pas oublié non plus le
tollé soulevé après les révélations du
ministre Fayez Ghosn sur la présence
d'Al-Qaïda dans cette localité, il y a
un an et demi, bien avant la
participation du Hezbollah à la guerre
en Syrie.
Si le 14-Mars avait fait preuve d'un
sens de la responsabilité nationale, à
l'époque, le Liban ne serait pas
aujourd'hui confronté à tous ces dangers
existentiels.
La menace est aujourd'hui bien plus
grave qu'il y a un an. Mais la
détermination de l'Armée libanaise à
faire face aux terroristes est également
plus grande. Le seul facteur inchangé
est l'irresponsabilité du 14-Mars.
Source: French.alahednews
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