Alahed
Normalisation avec Damas:
les Etats européens profondément divisés
Samer Zoughaib
Photo:
D.R.
Vendredi 20 février 2015
Plusieurs pays européens ont
exprimé le souhait de reprendre les
contacts avec les autorités syriennes
dans le cadre de la lutte contre la
menace terroriste et certains ont
dépêché des émissaires à Damas. Mais
pour la Syrie, toute collaboration
sécuritaire doit s’accompagner d’une
normalisation politique.
De sérieuses divergences commencent à
apparaitre au sein de l’Union européenne
entre les pays souhaitant rétablir les
contacts au plus haut niveau avec les
autorités syriennes et ceux qui, motivés
par des considérations politiques et
idéologiques, veulent continuer à
ostraciser le président Bachar al-Assad.
Cependant, la position de ces derniers
est de plus en plus fragilisée depuis
les attentats terroristes en France et
au Danemark, les attaques déjouées en
Belgique et dans d’autres pays, et la
menace représentée par les milliers de
ressortissants européens qui ont rejoint
les rangs des groupes extrémistes.
De nombreux experts affirment que le
nombre de ressortissants occidentaux
combattants dans les rangs de
l’organisation terroriste de «l’Etat
islamique» (EI ou Daech) est devenu
tellement élevé que les Etats concernés
ne disposent plus des moyens nécessaires
et suffisants pour la gestion de la
menace qu’ils représentent.
5000 extrémistes occidentaux
Les derniers chiffrent fournis par les
agences de renseignements américaines
évaluent à 20000 le nombre de
combattants étrangers en Syrie, dont
3000 Occidentaux. Mais ces chiffres sont
bien en-deca de la réalité. Il y a
quelques jours, le chef d’Europol, Rob
Wainwright, cité par UEobserver, a
estimé devant la Chambre britannique des
Communes que 3500 à 5000 citoyens
européens combattent dans les rangs de
groupes extrémistes en Syrie, Irak et
d’autres régions de crise. Les experts
pensent que des dizaines d’Européens ont
rejoint la branche de «Daech» en Libye
et assurent que la plupart des bourreaux
qui ont décapité les 21 Coptes à Syrte,
le 15 février, seraient d’origine
européenne, en raison de leur grande
taille et du fait que le réalisateur de
la vidéo s’est adressé à eux en anglais.
Les autorités françaises, qui ont tenté
de minimiser pendant des mois la gravité
du phénomène de la migration des
terroristes, ne cessent de revoir à la
hausse le nombre de Français combattant
dans les rangs des groupes extrémistes.
De quelques centaines, fin 2014, ce
chiffre est passé, le 9 février, à 1400,
selon le Premier ministre Manuel Valls.
80 d'entre eux ont été tués en Syrie.
Le phénomène de la migration concerne
désormais l’ensemble des pays du Vieux
Continent. Début février, la police de
Bosnie-Herzégovine a arrêté six hommes
soupçonnés de complicité avec «Daech»,
selon l'agence Associated Press. Deux
des suspects ont été interpellés à
l'aéroport de Sarajevo avant de se
rendre en Syrie. Les autres ont été
arrêtés pour soutien financier aux
terroristes et recrutement de nouveaux
candidats au départ.
Infiltration par le Kosovo?
Les polices européennes s’inquiètent de
l’infiltration de dizaines de
terroristes dans le flot d’immigrants
clandestins, qui quittent en masse le
Kosovo pour d’autres pays européens via
à la Hongrie. 50000 Kosovars ont ainsi
quitté cette province depuis le début de
cette année. Il est à souligner que
plusieurs dizaines d’habitants du Kosovo
se battent dans les rangs de «Daech» et
du «Front al-Nosra», la branche syrienne
d’Al-Qaïda.
Un diplomate européen en poste à
Beyrouth assure que le nombre réel
d’Occidentaux combattants dans les rangs
des groupes terroristes est au moins
deux fois et demie supérieur au chiffre
officiel.
Pour gérer un nombre aussi important de
suspects, il faudrait des moyens que les
polices et les services de sécurité
européens ne possèdent pas. La tâche des
agences de renseignements européennes
est d’autant plus difficile qu’elles ne
disposent pas d’yeux ou d’oreilles dans
les zones contrôlées par les
terroristes. «Nous ne savons pas ce qui
se passe dans les régions de Daech, nous
sommes complètement aveugles, précise ce
diplomate. Dès que les suspects entrent
en Syrie, nous ne savons plus rien
d’eux. Nous apprenons la mort de
certains d’entre eux dans les faire-part
de décès postés sur les réseaux sociaux
par les terroristes. Nous ne sommes
mêmes pas sûrs qu’ils sont réellement
morts».
Seul le gouvernement syrien possède des
yeux, des oreilles et un long bras dans
toutes les régions du pays, même celles
qui sont sous le contrôle de «Daech».
Les Européens le savent. Dans ce cadre,
l’Agence de presse britannique Reuters a
écrit, le 12 février, que plusieurs pays
européens se prononcent en faveur d'une
reprise du dialogue avec les autorités
syriennes et du retour de leurs missions
diplomatiques à Damas.
Paris et Londres contre leurs
propres intérêts
Selon l'agence, parmi les pays ayant
émis de tels appels ou étant prêts à les
soutenir figurent l'Autriche, la
Bulgarie, le Danemark, l'Espagne, la
Roumanie, la Suède et la République
tchèque, qui n'a pas rappelé ses
diplomates de Syrie. La Norvège et la
Suisse, qui ne font pas partie de
l'Union européenne, partagent également
cette position.
Cependant, le Royaume-Uni et la France
restent hostiles à l'idée de renouer le
dialogue avec le gouvernement de Damas,
bien que leurs services de
renseignements sont favorables à cette
option. «L’attitude de Londres et de
Paris est motivée par des considérations
idéologiques, qui ne répondent pas aux
intérêts supérieurs des deux pays»,
indique le diplomate européen.
Mais en dépit de sa position politique,
la France a fait des appels du pied aux
autorités syriennes pour qu’elles
reçoivent des délégations sécuritaires
françaises. La réponse du gouvernement
syrien a été ferme: pas de coopération
sécuritaire sans normalisation
politique. Damas réclame notamment la
réouverture des ambassades syriennes
dans les pays européens et la reprise
par les diplomates syriens de leurs
activités normales.
En revanche, les délégations des pays
qui sont favorables à une reprise des
contacts avec le gouvernement sont les
bienvenues à Damas.
Source: french.alahednews
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