Opinion
Marcelo Bielsa et l’épopée
marseillaise :
un bilan factuel
Salim Lamrani
© Salim
Lamrani
Mercredi 15 juin 2016
Salim Lamrani
Université de La Réunion
Entraîneur de l’Olympique de
Marseille durant la saison 2014-2015,
Marcelo Bielsa a offert au championnat
de France le plus beau football des
vingt dernières années.
Marcelo Bielsa n’est resté qu’un an à la
tête de l’Olympique de Marseille mais il
a marqué à jamais l’histoire du club. La
prouesse est d’autant plus remarquable
qu’il n’a remporté aucun titre, se
contentant de qualifier l’équipe pour la
Ligue Europa en obtenant une quatrième
place au terme du championnat.
Néanmoins, le natif de Rosario a fait
l’unanimité auprès des supporters du
club le plus populaire de France, qui se
sont identifiés au style de jeu proposé
et à la personnalité du charismatique
entraîneur argentin.
Arrivée à Marseille
L’arrivée de Marcelo Bielsa à la tête de
l’Olympique de Marseille a mis du temps
à se concrétiser. Erudit du football,
fin analyste, perfectionniste jusqu’à
l’obsession, minutieux dans les moindres
détails, intransigeant sur les
principes, bourreau de travail,
l’entraîneur argentin souhaitait prendre
en compte tous les paramètres du club
ainsi que le potentiel des joueurs avant
de donner sa réponse. Ainsi, il a
d’abord visionné à plusieurs reprises
tous les matchs de Marseille sur les
deux saisons précédentes, faisant des
fiches techniques sur chaque joueur. Il
a également assisté à plusieurs matchs
de compétition avant de donner son
accord définitif.
Marcelo Bielsa a été séduit par la ville
de Marseille. Il a particulièrement
apprécié le stade Vélodrome : « L'un
des motifs pour lesquels je suis venu
travailler ici, c'était pour voir au
moins une fois le stade Vélodrome plein.
C'est l'un des plus beaux spectacles que
peut offrir le sport[1].
[…] C’est un stade unique, très
joli. Vide, il est majestueux. Plein, il
est émouvant[2] ».
De leur côté, les habitants de la ville
la plus populaire et la plus exubérante
de France ne pouvaient qu’apprécier un
personnage au caractère fort, surnommé
El Loco.
L’officialisation de sa signature a
suscité la joie des supporters qui lui
ont réservé un accueil chaleureux, digne
des plus grands joueurs. Dans l’histoire
de l’Olympique de Marseille, aucun
entraîneur n’a déclenché une telle
passion auprès des fans. Samir Nasri,
milieu offensif de Manchester City qui a
été formé à Marseille, se souvient de
l’engouement extraordinaire généré par
l’arrivée de l’Argentin : « Quand Bielsa
est arrivé, on avait l’impression
d’avoir fait signer Cristiano Ronaldo[3] ».
Daniel Bravo, ancien joueur de
Marseille, avait également exprimé son
enthousiasme : « Un coach comme lui,
c’est la meilleure chose qui puisse
arriver à l’OM[4] ».
Carlos Valderrama, légende du football
colombien qui a joué plusieurs années
dans le championnat de France, s’était
réjoui de l’arrivée du technicien de
Rosario, « l’un des meilleurs
entraîneurs du monde[5] ».
De son côté, Jean-Michel Larqué, ancien
international français, a salué
« l’arrivée d’un top coach[6] ».
Etat des lieux
et effectif
Marcelo Bielsa a pris la tête d’un
groupe qui venait de terminer la saison
2013-2014 à une laborieuse 6ème
place, pour un total de 60 points. Avec
un bilan de 16 victoires, 12 matchs nuls
et 10 défaites, l’équipe avait marqué 53
buts et en avait encaissé 40, obtenant
une modeste différence de but de +13.
Sans fond de jeu, le stade était boudé
par les supporters qui aspiraient à un
spectacle plus attrayant.
Le technicien argentin a donc repris un
groupe à la confiance écornée qui
sortait d’une saison difficile. Mais
Marcelo Bielsa a dû également surmonter
un autre obstacle d’envergure. Alors
qu’il avait dressé une liste de douze
joueurs à recruter, la présidence du
club n’en a recruté… aucun. « J’ai
proposé douze options et aucune ne s’est
concrétisée. J’ai demandé Manquillo,
Isla, Montoya, Coke, Ocampos, Rekik,
Tello, Medel, Alerweireld et Stambouli.
Et aucun n’est venu[7] »,
a noté le coach argentin. Pis encore, la
direction du club a procédé à la vente
de joueurs importants de l’effectif tels
que Mathieu Valbuena et Lucas Mendes, a
résilié les contrats de Benoît Cheyrou
et Morgan Amalfitano et a prêté Jordan
Ayew, sans même daigner consulter
l’entraîneur. Le constat de Bielsa a été
sans appel : « J’ai appris la vente de
Lucas Mendes au dernier moment car il
partait au Qatar. […] La direction du
club m’a menti[8] ».
Valbuena se souvient de cet épisode et
de son ultime entretien avec Marcelo
Bielsa, la veille de son départ vers le
championnat russe : « Bielsa me dit :
‘Je voulais vraiment que tu saches que
tous ceux qui disent que tu n’étais pas
dans mes plans sont des menteurs. Tu as
été le meilleur joueur de l’équipe de
France à la Coupe du monde. J’aurais été
vraiment fou de ne pas te vouloir dans
mon équipe’. Il a eu des mots gentils et
m’a souhaité bonne chance pour la suite[9]’ ».
L’international français, contraint au
départ en raison d’une logique
financière adoptée par le club au
détriment de l’impératif sportif, a fait
part de ses regrets de ne pas avoir pu
évoluer sous les ordres du technicien
argentin : « J’aurais aimé travailler
avec lui. C’est un grand entraîneur avec
des méthodes qui peuvent paraître dures,
mais on voit bien ce qu’il apporte aux
joueurs[10] ».
Par ailleurs,
le club a procédé au recrutement de
quatre joueurs (Michy Batshuayi, Romain
Alessandrini, Abdelaziz Barrada et
Matheus Doria) sans daigner solliciter
l’avis du natif de Rosario.
« Aucun joueur n’est arrivé sur ma
décision », rappelle Bielsa. Le cas de
Doria est emblématique. En effet, la
présidence a décidé de le recruter dans
les ultimes instants du mercato… contre
l’avis de l’entraîneur. Bielsa s’était
exprimé à ce sujet : « Je me suis opposé
à l’arrivée de Doria. […] Pour moi,
l’analyse d’un joueur, c’est 20 matchs,
pas dans l’urgence. […] Le fait qu’il
remplace Lucas Mendes ne fait pas
progresser l’équipe. Lucas Mendes est là
depuis deux ans et il part, alors qu’il
a su s’adapter à l’équipe. […] Un joueur
installé dans le foot français contre
une grande promesse de 19 ans, avec tout
le travail que cela implique, alors que
je n’ai même pas pu me prononcer […]. Le
président m’avait promis qu’on n’allait
pas engager de joueurs étrangers, car
l’OM n’a pas la structure suffisante
pour évaluer les qualités d’un
footballeur qui ne joue pas en France ».
Le temps a donné raison à Marcelo Bielsa.
En effet, Doria n’a pas disputé la
moindre minute de jeu à l’Olympique de
Marseille et son prêt au club espagnol
de Grenade a été un échec complet[11].
Attaché aux
principes et à la parole donnée, Marcelo
Bielsa avait exprimé son mécontentement
lors d’une conférence de presse
mémorable, fustigeant le comportement de
Vincent Labrune, Président du Club, et
regrettant les promesses non tenues.
Lors de la signature du contrat,
l’Olympique de Marseille avait promis un
effectif total de 22 joueurs, avec tous
les postes doublés et un investissement
minimum de 35 millions d’euros pour
étoffer le groupe[12].
L’Argentin n’a pu que constater le
décalage entre les promesses effectuées
et la réalité : « [Je devais]
avoir un groupe de 22 joueurs d’un
niveau similaire pour avoir de
l’émulation. […]. Le chiffre a ensuite
été ramené de 22 à 20. Puis j’ai compris
qu’on n’arriverait même pas à 18. Et
aujourd’hui nous sommes 16 à peine[13] ».
Sa conclusion a été sans appel : « Le
bilan de ce marché des transferts est
négatif. Je crois que le président m’a
fait des promesses qu’il s’avait qu’il
n’allait pas tenir. Si tout cela m’avait
été dit avec sincérité, je l’aurais
accepté, mais dans le cas contraire je
ressens un sentiment de rébellion[14] ».
Critiqué par
une partie de la presse pour avoir
exprimé publiquement son mécontentement,
Marcelo Bielsa a vu une légende du
football prendre sa défense. En effet,
Zinedine Zidane a apporté son soutien à
son collègue argentin : « Si j’aurais
réagi comme Bielsa ? Oui. Si vous avez
défini des axes de travail et des
grandes lignes avec votre président et
qu’au final, ça ne se passe pas comme
prévu, forcément, vous êtes en droit
d’avoir des explications[15] ».
Ainsi, Marcelo Bielsa a débuté la saison
avec effectif limité et des joueurs
qu’il n’avait pas choisis. Le handicap
était donc de taille et les observateurs
n’ont pas manqué de faire part de leur
scepticisme quant aux chances de
réussite de l’entraîneur argentin avec
un groupe aussi restreint. Eric Di Meco,
ancien joueur du club avec lequel il a
remporté la Ligue des Champions en 1993,
avait signalé le peu de moyens mis à la
disposition du technicien : « S’il
réussit avec cet effectif-là, ce sera un
magicien ! ». Cette opinion était
exprimée avant le départ de Valbuena,
Mendes, Amalfitano, Cheyrou et Jordan
Ayew, lesquels ont considérablement
affaibli le groupe[16].
Jean-Michel Larqué, aujourd’hui
journaliste sportif, avait également
pointé du doigt le niveau des joueurs
mis à la disposition de Bielsa : « S’il
réussit avec Mendy, Lemina, Imbula, je
dis bravo ! Mais aujourd’hui, avec ces
joueurs, il a plus de chance de se
planter que de réussir[17] ».
Daniel Riolo, le commentateur radio le
plus populaire de France, avait aussi
fait part de ses réserves : « Que
peut-il faire avec Dja Djédjé, Mendy ?
Une moitié d’équipe semble quand même
faible et ce peu importe qui la dirige[18] ».
C’est donc dans ces conditions adverses
que le technicien argentin devait
remplir sa mission.
Jeu offensif et football
total
Malgré ce handicap certain, Marcelo
Bielsa s’est réfugié dans le travail et,
fidèle à sa philosophie de jeu et à ses
principes footballistiques, a mis en
place une équipe généreuse et courageuse
portée vers l’offensive, exerçant un
pressing haut et constant, avec des
lignes resserrées et des transitions
défense/attaque rapides. Les amoureux du
football ont été rapidement séduits par
le beau jeu proposé par l’Olympique de
Marseille. Le premier match officiel de
la saison 2014-2014 contre Bastia a
débouché sur un spectaculaire résultat
final de 3-3. Claude Makelele, ancien
international français qui a remporté à
deux reprises la Ligue des Champions et
qui a joué la finale de la Coupe du
monde 2006, alors entraîneur de l’équipe
corse, a fait part de son admiration :
« On est tombé sur un très bon
entraîneur qui a su mettre en place un
système qui nous a beaucoup gênés ».
Makelele avait alors lancé un
avertissement : « Marseille va poser des
problèmes à beaucoup d’équipes[19] ».
L’entraîneur bastiais avait vu juste.
Après une contre-performance face à
Montpellier, l’équipe de Marcelo Bielsa
a enchaîné une série de huit victoires
consécutives et, grâce à son football
« héroïque », a pris la tête du
championnat jusqu’à la trêve hivernale,
dominant même le puissant
Paris-Saint-Germain qatari et ses
innombrables stars. L’Olympique de
Marseille a occupé la première place
durant quatorze journées. Aucune autre
équipe n’est restée aussi longtemps à la
tête du classement, ni Lyon, ni le
Paris-Saint-Germain. Au-delà de ces
résultats spectaculaires, le monde du
football a été impressionné par les
performances collectives de l’équipe de
Marcelo Bielsa et séduit par la beauté
du jeu, comme le montrent de nombreux
témoignages.
Christophe Dugarry, ancien joueur de
l’Olympique de Marseille, vainqueur de
la Coupe du monde et de l’Euro, a salué
la performance extraordinaire du
technicien argentin, malgré un effectif
limité : « Ce que fait Bielsa est
tellement marquant à l’échelle de la
Ligue 1 que ça peut faire des émules,
car, si on regarde bien, il a certes de
bons joueurs mais combien de niveau
international ? Trois, peut être quatre.
Ce que je retiens des matches aller ?
L’OM de Bielsa. Pas seulement pour les
résultats. […] Je n’ai jamais vu un
entraîneur imprimer aussi vite sa marque
à l’équipe. C’est passionnant parce que
c’est presque un cas d’école : comment,
avec une équipe quasiment inchangée, on
peut à ce point la faire jouer aussi
différemment et avec un rendu largement
supérieur[20] ».
Zinedine Zidane, impressionné par le
travail de Marcelo Bielsa, a décidé de
réaliser un stage d’observation à
Marseille. Son témoignage est
instructif : « Bielsa, c’est un
passionné. C’est quelqu’un qui arrive à
8h du matin, il part à 8h du soir et il
passe quasiment toute sa journée en
survêtement. C’est un mec qui adore ça,
qui est méticuleux. Ça, on l’a senti[21] ».
Laurent Blanc, ancien international
français vainqueur de la Coupe du Monde
et de l’Euro et entraîneur du
Paris-Saint-Germain avec lequel il a
réalisé deux quadruplés consécutifs
(championnat, Coupe de France, Coupe de
la Ligue et Trophée des champions), a
été séduit par le style de jeu proposé
par Marcelo Bielsa. Il s’est exprimé à
ce sujet et a fait part de son
admiration pour son collègue : « C’est
un entraîneur qui propose du jeu donc ça
ne peut que me plaire[22].
[…] Ce que j’aime chez lui, c’est
qu’il a des idées et qu’il ne les renie
pas. […] Je pense que sa méthode peut
s’adapter à la Ligue 1 et moi j’aimerais
bien qu’il reste[23]
[…]. C'est un très bon
entraîneur, c'est un caractère fort. Il
a eu des résultats avec Bilbao, il en a
avec Marseille. Bravo à lui[24] ».
Willy Sagnol, entraîneur de Bordeaux qui
a réalisé une brillante carrière de
footballeur, est tombé sous le charme du
technicien argentin, dont il loue les
qualités : « On ne peut être
qu’admiratif de ce qu'il amène en France
car aucun autre entraîneur ne l’avait
fait avant lui. En tant qu’acteur et
amoureux du football, je lui dis merci[25] ».
Hubert Fournier, entraîneur de Lyon, a
également salué le travail de Bielsa à
la tête de l’Olympique de Marseille :
« Il a transformé l'équipe. Il a une
partie importante dans le redressement
sportif. Et il y a eu aussi une remise
en cause individuelle des joueurs cadres
de cet effectif à l'image de Gignac, Il
a apporté de la rigueur et la volonté de
faire travailler tout le monde[26] ».
Daniel Casanova, entraîneur de Toulouse,
a également rendu hommage au natif de
Rosario saluant sa proposition
footballistique généreuse et la
transformation du groupe : « Cette
équipe ne ressemble plus du tout à ce
qu’était l’OM sur les deux dernières
années. C’est une équipe qui a des
principes et gère très bien tactiquement
tous ses matchs. Cette équipe est
préparée pour aller loin avec tous les
ingrédients nécessaires. La rigueur et
la discipline exigées par l’entraîneur
est admise et comprise par tous les
joueurs[27] ».
Il a aussi fait part de son respect pour
son homologue sud-américain : « Je
le suis depuis très longtemps. C'est
quelqu'un qui a su imposer un style
plaisant et efficace partout où il est
passé, avec une méthodologie très
différente de ce qui peut se faire. Moi,
je l'ai toujours apprécié sans le
connaître personnellement. C'est un
entraîneur qui a des idées et qui
connaît très bien le football. Il est
capable de tirer le meilleur de son
équipe, de lui donner un style et
d'avoir des résultats ». Casanova le
considère comme un modèle : « J'essaie
de m'inspirer des bons et il en fait
partie. Dans ses idées, dans le jeu
qu'il veut faire pratiquer à son équipe,
je me retrouve dans beaucoup de ces
principes. La possession, la réaction à
la perte de la balle, la pression haute
: cela fait partie de ma philosophie
d'entraîneur et du jeu que je veux
pratiquer[28].
Je pense que c’est un grand
entraîneur qui a beaucoup d’influence
sur de jeunes entraîneurs comme nous. Il
y a beaucoup à apprendre du
fonctionnement de ses équipes[29] ».
Robert Herbin, légende de l’AS
Saint-Etienne qui a remporté quatre
titres de champion de France en tant
qu’entraîneur, a encensé son collègue
argentin et a loué le travail réalisé :
« Marcelo Bielsa est en train de
transformer en profondeur Marseille, une
équipe irrégulière qui ronronnait. C’est
un entraîneur exigeant et rigoureux.
L’OM est très engagé dans tous les
matchs. Avec les mêmes joueurs alignés,
le changement est assez extraordinaire.
Bielsa place le collectif avant tout. Il
a transformé onze joueurs en une équipe[30] ».
René Girard, entraîneur de Lille et
membre du staff de l’Equipe de France
qui a remporté l’Euro 2000, a livré son
sentiment sur l’Argentin : « Bielsa est
un grand monsieur du football. Quelqu'un
qui connaît bien le foot et qui tire un
maximum de son équipe. Une vision
différente. C'est l'OM qui mène le
peloton de tête, qui fait un championnat
remarquable[31] ».
Raymond Domenech, sélectionneur de
l’Equipe de France finaliste de la Coupe
du monde 2006, a loué l’œuvre de son
collègue sud-américain : « Le
travail qu’il est en train de faire, et
surtout à Marseille, est bon, de par ses
résultats. Sa méthode est très claire,
il exige beaucoup de ses joueurs. Moi,
j’ai eu la chance d’assister à ses
entraînements avec ma formation
d’entraîneur. C’est quelqu’un qui passe
du temps avec ses joueurs, il fait
beaucoup de travail individualisé, je
pense que c’est une bonne méthode […] Si
on regarde ce qu'il fait avec le même
effectif que l'année dernière, c'est
très fort. C’est admirable[32] ».
Didier Deschamps, ancien joueur et coach
de l’Olympique de Marseille et actuel
sélectionneur de l’équipe de France, a
salué l’action du technicien argentin :
« Si l’OM est là où il est actuellement,
c’est qu’il le mérite […]. Aujourd’hui,
l’OM a un entraîneur de qualité, ça a
forcément une influence sur le
comportement de l’équipe et les
résultats. […] Aujourd’hui, les
résultats donnent entièrement raison à
Bielsa[33] ».
De son côté,
Eric Gerets, ancien entraîneur de
Marseille très populaire auprès des
supporters, a exprimé son admiration
pour son homologue argentin : « Bielsa a
un nom fantastique dans le football.
J’ai lu et entendu quelques commentaires
sur lui, de Guardiola par exemple ou de
quelques autres. Tous disent que c’est
quelqu’un d’extraordinaire[34] ».
Guy Roux, mythique entraîneur français
qui détient le record de nombre de match
dirigés dans le championnat de France, a
exprimé son admiration pour Marcelo
Bielsa : « Cette équipe développe
pour l’instant un jeu exceptionnellement
bon. Et unique, car aucune autre ne joue
comme elle et pas seulement au niveau du
rythme, mais surtout lors de la mise en
route de la récupération. Les
Marseillais apparaissent presque comme
irrésistibles. […] [Bielsa] démontre de
grandes qualités professionnelles[35] ».
Bernard Lacombe, ancien entraîneur de
Lyon et actuel conseiller de son
président Jean-Michel Aulas, a salué
l’ouvrage du technicien argentin à la
tête de l’Olympique de Marseille :
« Je l'ai
connu lorsqu'il entraînait Bilbao.
Bielsa, c'est un Monsieur. Il a été
beaucoup critiqué au début, mais il a
ses idées et il n'en déroge pas. Il a
fait un travail énorme dans tous les
clubs où il est passé. […] La personne
la plus influente dans le club, c'est
lui[36] ».
Rudy Garcia, entraîneur de l’AS Rome,
s’est réjoui de l’arrivée de Marcelo
Bielsa dans le championnat de France :
« Je suis très
heureux de voir ce qu’il fait à
Marseille, grâce à toutes ses idées, ses
convictions, ses principes[37] ».
Albert Cartier, coach du FC Metz, a
salué la vision du football de Marcelo
Bielsa et le souffle nouveau qu’il a
apporté au championnat de France : « Les
vrais compétiteurs se reconnaissent en
Bielsa. On a critiqué Monsieur Ancelotti,
et je dis bien "Monsieur" pour marquer
mon respect. Pour Monsieur Bielsa, c'est
la même chose. Ce sont pourtant des gens
qui aident le football ! Bielsa va
marquer les joueurs de l'OM comme
Ancelotti l'a fait avec ceux du PSG. Ce
sont deux entraîneurs qui aiment
passionnément leur métier. Ils donnent
du bonheur aux gens, aux spectateurs[38] ».
Frédéric Antonetti, ancien entraîneur de
Rennes, est un grand admirateur de
Marcelo Bielsa. Il a fait part de son
sentiment : « J’adore
l’entraîneur de l’OM, sa communication
et ses principes. Il est atypique et
apporte énormément au foot français. On
l’a vu contre Paris, il accepte que son
équipe soit déséquilibrée. Et ce
déséquilibre engendre des beaux matches.
Qu’il ait des résultats avec cette
vision du foot, c’est très bien pour
notre L 1[39] ».
Jean-Pierre Papin, élu joueur du siècle
de l’Olympique de Marseille et vainqueur
du Ballon d’or, a salué l’apport du
technicien argentin et a milité en
faveur de son maintien à la tête de
l’équipe première : « Il a amené quelque
chose de particulier. Avoir un tel
entraîneur dans notre championnat, c'est
rare. […] Il faut le garder[40] ».
Carlos Mozer, défenseur emblématique du
club dans les années 1990, s’est réjoui
de l’arrivée du technicien de Rosario
dans la cité phocéenne : « J'espère que
Marcelo Bielsa restera la saison
prochaine, ces progrès lui sont dus ; il
a un bon esprit, veut une équipe
concentrée, agressive et qui attaque.
J'aimerais qu'il permette à l'OM d'aller
encore plus haut[41] ».
Eric di Meco, autre figure légendaire du
club, n’a pu contenir son admiration
face au « jeu vertical, rapide dans la
transition et prompt à aller vers le but
adverse ». Il s’est même laissé aller à
la confidence suivante : « Moi-même, en
voyant les montées des deux latéraux, je
me disais parfois ‘Qu’est-ce
que j’aurais aimé jouer sous ses ordres[42] !’ ».
Enzo
Francescoli, légende uruguayenne qui a
fait les beaux jours de Marseille dans
les années 1990, s’est montré élogieux
avec l’Argentin : « Bielsa est un très
grand entraîneur, très aimé en
Argentine. On en parle souvent avec
l'entraîneur de River, Marcelo Gallardo.
Il a joué en équipe d'Argentine et il a
été sous les ordres de Bielsa. Il en
garde de bons souvenirs. C'est un
entraîneur qui aime le jeu, qui va de
l'avant. Il a fait de grandes choses en
Argentine. Très franchement, c'est une
bonne opération pour l'OM[43] ».
David Trezeguet, ancien international
français d’origine argentine, champion
du monde et champion d’Europe, a exprimé
son engouement pour son compatriote dont
il a salué « le travail extraordinaire
[…] avec une équipe et des moyens
incomparables à ceux du PSG, de Monaco
ou de Lyon », louant le mérite du natif
de Rosario. « Son jeu suscite
l’enthousiasme [et] le public l’adore
car c’est un passionné. », a-t-il noté[44].
Opinion des
joueurs du Paris-Saint-Germain
Les joueurs du principal club rival, le
Paris-Saint-Germain, ont porté un
intérêt tout particulier au travail de
Marcelo Bielsa, notamment Silva,
Maxwell, Pastore, Matuidi et Aurier.
Thiago Silva, capitaine du PSG, a été
impressionné par la transformation de
l’équipe : « Marseille a les mêmes
joueurs que l’an dernier. Il y a surtout
le coach qui a bâti une équipe très
solide. Je pense qu’il a donné beaucoup
de confiance aux joueurs[45] ».
Maxwell
a également salué l’apport du natif de
Rosario : « Je savais qu'il était
l'homme juste pour changer l'intensité
du jeu de Marseille. Il le démontre
chaque semaine. Physiquement, l'OM est
très fort maintenant, différent de la
saison passée. Bielsa travaille beaucoup
et développe une tactique particulière.
C'est toujours difficile de jouer contre
ses équipes. Quand on regarde les
matches des Marseillais, que ce soit
dans l'intensité, dans l'agressivité, ce
ne sont plus les mêmes[46] ».
L’Argentin Javier Pastore partage ce
point de vue : « C'est un grand
entraîneur, il a fait de bonnes choses
dans toutes les équipes où il est passé.
À chaque fois, elles se sont améliorées.
C'est encore le cas avec Marseille. Ça
va être très dur de battre l'OM cette
année ». Il reconnaît son influence sur
le championnat de France : « La Ligue 1
n’est pas prête de l’oublier ». Pastore
a également exprimé sa considération
vis-à-vis de son compatriote : « C’est
quelqu’un de très célèbre et de très
respecté. Il a de vraies valeurs et a
fait un excellent travail dans tous les
clubs et sélections par lesquels il est
passé. Malheureusement, il ne m’a jamais
entraîné. […] Je sais que c’est
quelqu’un qui travaille beaucoup, avec
un réel souci du détail. C’est un vrai
spécialiste. Personnellement, Marcelo
Bielsa, je l’admire[47] ».
Le
milieu de terrain Blaise Matuidi salue
également l’œuvre de Bielsa : « II fait
du bon boulot. Il a réussi, avec sa
méthode, à changer les joueurs ! Je vois
aujourd'hui des Marseillais qui ont
retrouvé la plénitude de leur talent[48] ».
Le
latéral Serge Aurier s’est également
montré impressionné par l’OM de Bielsa :
« J’ai toujours dit que, cette année,
c’était l’équipe qu’il fallait suivre.
C’est vraiment une équipe qui joue, qui
joue, qui joue, avec des joueurs qui
multiplient les efforts et qui
pratiquent un beau football. On l’a vu
ici contre nous. On gagne le match
(2-0), mais ils n’ont pas démérité quand
même avec les occasions qu’ils ont eues.
Ça reste une équipe solide et il faut la
prendre au sérieux[49] ».
Unanimité autour
du football de Marcelo Bielsa
Même Frédéric Thiriez, Président de la
Ligue professionnelle de football, n’a
pu s’empêcher d’exprimer son admiration
pour l’Argentin, oubliant le
traditionnel devoir de réserve exigé par
sa fonction : « Bielsa, c’est le talent
et le génie à l’état pur ! C’est génial
que l’OM se place au premier rang[50] ».
Gérard Gili, ancien joueur et célèbre
entraîneur de l’Olympique de Marseille
sous l’ère de Bernard Tapie, résume bien
l’impact de Bielsa dans la cité
phocéenne : « Lui, en trois mois, il
fait déjà partie de l’histoire du club[51] ».
La beauté du jeu proposé par Marcelo
Bielsa, ses résultats et sa personnalité
ont même séduit le monde politique.
Patrick Mennuci, député des
Bouches-du-Rhône, a apporté son
témoignage sur l’aura de l’entraîneur
argentin : « J’étais récemment
à Tindouf, en Algérie, au fin fond du
désert, pour une visite officielle. Les
gens m’ont parlé de Bielsa, de l’OM. On
m’en parle aussi à l’Assemblée nationale[52] ».
L’ancien président Nicolas Sarkozy,
grand amateur de football et supporter
déclaré du Paris-Saint-Germain, a été
séduit par le jeu proposé par Marseille.
Il a salué la performance de Marcelo
Bielsa : « J'aime beaucoup l’OM. J'ai vu
le magnifique match contre Lyon. Il y a
eu 1-0 grâce à un but superbe de
Gourcuff mais il aurait aussi pu y avoir
2-0 pour l’OM. Bielsa, en tant
qu'entraîneur, amène une touche
d'originalité[53] ».
L’Italie a même récompensé par un prix
spécial Marcelo Bielsa pour son
« football innovant » lors de la
cérémonie des « Bancs d’or » chargée de
couronner le meilleur entraîneur du
championnat italien[54].
De la même manière, l’UEFA a désigné
l’Argentin meilleur technicien du
championnat de France pour l’année
2014-2015 et en a expliqué les raisons :
« Bielsa, on aime ou on n'aime pas.
Nous, on aime, et on aime tout. La
glacière, le respect des arbitres, le
survêt, le café, le café sur le survêt,
l’exigence vis-à-vis des joueurs, la
personnalité, l’insouciance de son
équipe championne d’automne, tout […].
Bref, ‘Bielsa no se va’[55] ! ».
Bilan sportif
Durant les six premiers mois de la
saison, l’Olympique de Marseille de
Marcelo Bielsa a pratiqué le plus beau
football d’Europe et a fait honneur au
sport le plus populaire au monde.
L’Argentin a réussi à démontrer qu’il
était possible de rivaliser avec les
plus grands, malgré un effectif limité
en quantité et en qualité, en adoptant
un style de jeu offensif basé sur la
générosité, la solidarité et l’esprit de
sacrifice. Grâce à sa personnalité et sa
capacité de conviction, le natif de
Rosario a réussi à insuffler une
confiance extraordinaire à des joueurs
qui sortaient d’une saison médiocre,
comblant de joie et de fierté les
supporters du club.
Au niveau des résultats, l’OM de Bielsa
a remporté 21 victoires pour 6 matchs
nuls et 11 défaites, avec un total de 69
points et un classement à la quatrième
place. L’équipe a marqué un total de 76
buts et en a encaissé 42, soit une
différence de but de +34. L’Olympique de
Marseille n’avait pas marqué autant de
buts sur une saison depuis l’année
1971-1972, soit plus de quarante ans.
Même durant la glorieuse époque de
Bernard Tapie, dans les années 1990, où
le club disposait d’un des meilleurs
effectifs d’Europe et écrasait le
championnat de France, l’équipe n’avait
pas atteint un tel nombre de buts. Dans
l’histoire de l’Olympique de Marseille,
seules les saisons 1947-1949 et
1970-1972 ont été plus prolifiques[56].
Au niveau individuel, l’attaquant
André-Pierre Gignac a terminé la saison
avec un total de 21 buts, avec seulement
deux penaltys, se classant ainsi que
deuxième rang derrière le Lyonnais
Alexandre Lacazette qui lui a marqué 27
buts, mais avec huit penaltys à la clé.
De son côté, le milieu offensif Dimitri
Payet a réalisé un total de 16 passes
décisives, terminant la saison comme
meilleur passeur du championnat. Tous
deux ont souligné l’apport décisif de
Marcelo Bielsa dans leurs performances[57].
Néanmoins, le classement final ne
reflète pas les performances de
l’Olympique de Marseille de Marcelo
Bielsa. Deux facteurs ont faussé le
championnat : l’arbitrage et le Coupe
d’Afrique des nations.
Arbitrage
Marcelo Bielsa a toujours adopté une
attitude respectueuse vis-à-vis du corps
arbitral, se refusant à commenter les
décisions et les éventuelles erreurs de
jugement de ce dernier. Pascal Garibian,
directeur technique national de
l’arbitrage français, a salué ce
comportement et l’a cité en exemple : « C'est
important qu'un coach comme lui fasse
passer le message. Cela permet aux
joueurs et aux arbitres d'être beaucoup
plus sereins et aux joueurs de prendre
conscience qu'il est inutile de
s'arrêter à des décisions arbitrales
même erronées[58] ».
Néanmoins, cette attitude noble à
l’égard du corps arbitral n’a pas
prémuni l’Olympique de Marseille contre
les décisions litigieuses. En effet,
l’équipe de Marcelo Bielsa a été victime
d’au moins neuf erreurs d’arbitrage
flagrantes – dont sept contre Lyon et le
PSG qui ont fini le championnat
respectivement à la deuxième et à la
première place – qui ont sans doute
coûté le titre de Champion de France à
Marcelo Bielsa[59].
Les premières décisions discutables
remontent au 26 octobre 2014 et au match
Lyon-Marseille. A la 27ème
minute, le défenseur lyonnais Henri
Bedimo ceinture Florian Thauvin dans la
surface. Le penalty est indiscutable.
Mais l’arbitre en décide autrement et
laisse le jeu se poursuivre. A la 78ème
minute, Thauvin est une nouvelle fois
victime d’une faute dans la zone de
vérité de la part de Samuel Umtiti. Le
penalty est une nouvelle fois évident.
Mais l’arbitre refuse de rendre justice.
Le match se solde par une victoire de
Lyon 1-0 et Marseille perd injustement
trois points cruciaux.
Le 9 novembre 2014 survient le premier
choc entre le Paris-Saint-Germain et
l’OM. Alors que le PSG menait 1-0,
Giannelli Imbula, au duel avec un joueur
parisien, est exclu par l’arbitre pour
une faute inexistante, laissant ses
partenaires à 10 contre 11. A l’issue de
la rencontre, Clément Turpin reconnaît
son erreur et le carton rouge est annulé
la semaine suivante par la commission de
discipline. Néanmoins, cette décision a
privé l’OM de la possibilité de revenir
au score alors que son rival ne menait
que par la plus petite des marges. Le
match s’est finalement soldé par une
victoire 2-0 pour le PSG.
Le 22 février 2015, l’OM affronte l’AS
Saint-Etienne au stade
Geoffroy-Guichard. L’équipe de Marcelo
Bielsa mène 2-1. Alors que la victoire
semblait se profile, dans les derniers
instants du match, le joueur marseillais
Romain Alessandrini est violemment
bousculé dans sa propre surface par
Théofile Catherine lors d’une phase
défensive. Au lieu de signaler la faute,
l’arbitre laisse le jeu se poursuivre et
l’adversaire en profite pour égaliser,
privant l’OM de deux points précieux.
Le 15 mars 2015, l’arbitrage a une
nouvelle fois été défavorable à
Marseille lors du match retour contre
Lyon. A la 80ème minute,
Lucas Ocampos marque un but évident.
Mais l’arbitre estime que le ballon n’a
pas franchi la ligne et refuse
d’accorder le but, alors que la vidéo
démontre le contraire. Dans la minute
suivante, Benoît Bastien décide
d’expulser le défenseur marseillais
Jérémy Morel pour une faute…
inexistante, comme l’illustreront une
nouvelle fois les images. Au final,
Marseille se contente d’un match nul et
se voit privé de l’un de ses meilleurs
défenseurs pour le match suivant. Ses
deux erreurs cumulées coûtent une
nouvelle fois deux points à l’OM.
Le 5 avril 2015, lors du match retour
contre le PSG, alors que le score est de
3-2 en faveur du club de la capitale, la
frappe d’André-Pierre Gignac est stoppée
par la main du défenseur parisien
Marquinhos. La faute est une nouvelle
fois flagrante mais l’arbitre refuse
d’accorder le penalty. A la fin du
match, André Ayew exprime son
exaspération à l’arbitre de la rencontre
au sujet des erreurs multiples qui
portent préjudice à l’équipe : « Il y en
a marre ». Ruddy Buquet décidé de
l’expulser privant Marcelo Bielsa d’un
joueur majeur pour la prochaine
rencontre cruciale contre Bordeaux. L’OM
est injustement privée d’un point.
Le match suivant contre Bordeaux, le 12
avril 2015, sans la présence d’André
Ayew, n’a pas été épargné par les
erreurs d’arbitrage. Au contraire, elles
se sont multipliées. A la 45ème
minute, Alessandrini est victime d’une
faute dans la surface de réparation mais
l’arbitre refuse d’accorder le penalty.
En seconde période, un défenseur
bordelais détourne du bras une tête de
Gignac. Une nouvelle fois, l’arbitre
refuse de sanctionner la faute d’un
pénalty évident. Le match se solde par
une victoire 1-0 pour Bordeaux et prive
Marseille de trois points mérités.
Selon les observateurs, aucun autre club
du peloton de tête n’a souffert à ce
point de décisions arbitrales erronées
lors de la saison 2014-2015. Eric
Carrière, ancien international français
et aujourd’hui consultant, a pointé du
doigt les multiples erreurs du corps
arbitral tout en saluant l’attitude de
l’entraîneur marseillais : « Il
faut être classe dans la victoire et
dans la défaite, comme Marcelo Bielsa
après Lyon par exemple[60] ».
Même le journaliste Pierre Ménès, l’un
des plus grands détracteurs de Marcelo
Bielsa en France, s’est offusqué de
l’arbitrage défavorable à l’Olympique de
Marseille. « Chaque match ou presque est
frappé d’une erreur d’arbitrage […].
Chapeau à Marcelo Bielsa pour sa
réaction après le match [OM-Lyon]. La
classe et l’intelligence[61] ».
Ainsi, l’équipe de Marcelo Bielsa a été
privée d’un total de 11 points en raison
des décisions erronées du corps
arbitral. Ainsi, au lieu de terminer la
saison à la quatrième place avec 69
points, Marseille aurait dû terminer
avec un total de 80 points, au deuxième
rang, à seulement deux points du PSG,
sacré champion de France. Et cela, sans
prendre en compte l’impact négatif de la
Coupe d’Afrique des Nations.
Coupe d’Afrique des
nations
Un autre facteur a été préjudiciable à
l’Olympique de Marseille dans la course
au titre. Disposant d’un effectif limité
en raison des promesses non tenues par
la présidence du club, l’équipe a été
fortement diminuée par la Coupe
d’Afrique des nations qui a privé
Marcelo Bielsa de deux titulaires
indiscutables : le milieu offensif André
Ayew et le défenseur Nicolas Nkoulou.
Durant leur absence, l’OM a enchaîné les
contre-performances avec une défaite à
Montpellier 2-1, une défaite à Nice 2-1
et un match nul à Rennes 1-1. A cela
s’est ajoutée la longue absence de
Nicolas Nkoulou suite à une opération au
genou gauche en février 2015, à son
retour de la CAN. Durant sa
convalescence, Marseille a perdu des
points contre Reims (2-2), Saint-Etienne
(2-2), Caen (2-3), Paris (2-3) et
Bordeaux (1-0). Marcelo Bielsa avait
rappelé l’importance de Nkoulou dans le
dispositif olympien : « C’est un
joueur indispensable par sa présence et
pour le rendement qu’il a eu lors des
matchs qu’il a disputés. C’est l’un des
deux ou trois meilleurs rendements
individuels de toute l’équipe. Quand il
est avec nous, c’est un avantage[62] ».
Nul doute que
le rendement défensif aurait été
meilleur si Lucas Mendes n’avait pas été
transféré ou si l’un des défenseurs
souhaités par Marcelo Bielsa (Medel,
Rekik, Isla, Jara, Alderweireld…) avait
intégré l’effectif. De la même manière,
la conservation de Mathieu Valbuena, ou
le recrutement d’un joueur offensif
réclamé par le technicien argentin,
aurait pu permettre de compenser
l’absence d’André Ayew.
Impact de Marcelo
Bielsa sur les finances du club
Marcelo Bielsa, par sa philosophie de
jeu et sa personnalité, a contribué au
rayonnement de l’Olympique de Marseille
en France, en Europe et à travers le
monde. Le technicien argentin a été la
figure sportive la plus médiatisée de
France. Selon une étude réalisée par le
cabinet Kantarsport, le natif de Rosario
a bénéficié d’une présence médiatique
supérieure à celle de Zlatan Ibrahimovic,
la star du Paris-Saint-Germain[63].
Bernard Lama, ancien gardien du PSG et
international français ayant remporté la
Coupe du Monde 1998, a évoqué l’aura de
Marcelo Bielsa, qui a grandement
contribué à étendre la renommée du
club : « A l’OM, il n’y a qu’une seule
vedette, c’est l’entraîneur. […] Sa
personnalité écrase le reste[64] ».
Ainsi, Marcelo Bielsa, grâce au jeu
proposé, a attiré les diffuseurs Canal+
et Be in Sport qui se sont arraché les
matchs. Cela a permis au club
d’engranger des droits audiovisuels à
hauteur de 43 millions d’euros,
établissant un record historique, alors
que l’Argentin dirigeait une équipe
composée de bons joueurs, mais sans
aucune star. Seul le PSG, avec ses
innombrables vedettes, a fait mieux
obtenant 45,5 millions d’euros, soit à
peine 2 millions de plus que l’OM[65].
De plus, la beauté du jeu a fait le
bonheur des supporters, lesquels se sont
massivement rendus au stade Vélodrome.
Durant toute l’année, presque tous les
matchs se sont joués à guichets fermés,
permettant à l’Olympique de Marseille
d’obtenir revenus liés à la billetterie
supérieurs à 30 millions d’euros, une
somme deux fois plus importante que la
saison précédente[66].
Au niveau du merchandising, la bonne
saison réalisée par Marcelo Bielsa a
permis au club de prolonger son
partenariat avec Intersport pour l’année
2015-2016 avec un contrat revu à la
hausse. Jacky Rihouet, PDG du groupe, a
accepté d’apporter « une contribution
plus forte », en raison du nouveau
rayonnement du club[67].
Par ailleurs, le travail de Marcelo
Bielsa a permis de valoriser de nombreux
éléments du groupe, lesquels ont été
cédés à des tarifs importants permettant
au club de réaliser de belles
plus-values. Ainsi, Giannelli Imbula a
vu sa valeur multipliée par trois en
l’espace d’un an. Dimitri Payet a été
vendu presque le double de son prix
d’acquisition. Tous deux ont été vendus
pour une somme globale avoisinant les 40
millions d’euros, renflouant les caisses
de l’Olympique de Marseille. De la même
manière, de nombreux autres joueurs tels
que Gignac, Ayew, Morel et Fanni ont
réalisé la meilleure saison de leur
carrière sous les ordres de l’Argentin,
ce qui leur a permis de signer
d’importants contrats avec des clubs
séduits par leurs prestations. D’autres,
tel que Mario Lemina, ont intégré de
prestigieuses institutions telle que la
Juventus de Turin. Tous, club et
joueurs, ont une dette de gratitude à
l’égard du natif de Rosario.
Témoignages des
joueurs
Nombreux sont les joueurs ayant
travaillé sous les ordres du technicien
argentin à lui rendre un vibrant
hommage. Tous déclarent que Marcelo
Bielsa a changé leur vision du football
et leur a permis de réaliser des progrès
fulgurants. Plusieurs d’entre eux ont
d’ailleurs pu rejoindre de grands
championnats et intégrer des clubs
prestigieux.
Florian Thauvin, jeune milieu offensif
transféré en Angleterre, a exprimé sa
reconnaissance à Marcelo Bielsa :
« C'est une personne qui m'a beaucoup
apporté dans le football. (...) Il […]
m'a accordé sa confiance en me
titularisant à chaque fois. Il m'a
appris une culture différente. On
travaillait énormément avec lui et c'est
une chose qu'on ne fait pas beaucoup en
France. Maintenant que je suis à
l'étranger, je m'en rends davantage
compte. Je veux le remercier pour tout
ce qu'il a fait[68] ».
Mario Lemina, jeune milieu de terrain, a
réalisé une grande saison sous les
ordres du natif de Rosario, au point de
susciter l’intérêt de la Juventus de
Turin, club le plus titré d’Italie, qui
en a fait l’acquisition. Lemina
reconnaît que sans son mentor argentin,
il n’aurait jamais pu aspirer à une
telle carrière : « Bielsa m’a beaucoup
fait progresser, surtout sur le plan
mental. Il m’a poussé dans mes derniers
retranchements et ça m’aide beaucoup
aujourd’hui[69] ».
Il n’a pas manqué de lui exprimer sa
gratitude : « Être entraîné par Marcelo
Bielsa m’a permis de progresser. Un
coach qui vit pour le football comme
lui, on n’en trouve pas partout. Je
tiens à le remercier mille fois[70] ».
André-Pierre Gignac, qui a retrouvé
l’équipe de France grâce à Marcelo
Bielsa, est conscient de son influence :
« Ce que j’ai vécu en un an avec Marcelo
Bielsa, je ne l’ai jamais connu ça dans
ma carrière. Ses méthodes, sa façon de
nous parler, ses vidéos, c’était très
enrichissant. Il m’a beaucoup fait
progresser, et même pour moi qui suis
attaquant, j’ai beaucoup appris en
termes de pressing, de replacement
défensif. J’ai aussi beaucoup progressé
dans le jeu de tête. C’était presque une
transformation[71] ».
Les jeunes joueurs, à l’image de Bill
Tuiloma, ont été les grands
bénéficiaires de l’arrivée de Marcelo
Bielsa à Marseille. En effet, le
technicien argentin, formateur dans
l’âme, dispose de cette capacité à tirer
le meilleur de chaque élément.
L’international néo-zélandais, qui a
réalisé ses premiers pas dans l’équipe
première sous les ordres de Bielsa, a
exprimé sa gratitude à l’égard de son
entraîneur : « Marcelo
Bielsa organisait de très bonnes séances
d’entraînement avec lesquelles j’ai pu
progresser dans mon jeu. C’est un coach
incroyable qui connaît le football
depuis très longtemps. J’ai fait deux
apparitions en Ligue 1 avec lui, et j’en
suis très fier. C’est un entraîneur
unique au monde. Il n’en existe pas deux
comme lui[72] ».
Gaël
Adonian, qui a également réalisé ses
premiers pas avec Bielsa, garde de bons
souvenirs de son coach : « Il a fait de
très bonnes choses à l’OM. Les
supporters ne l’ont pas oublié. Je le
vois de loin avec des banderoles à son
effigie. Il a forcément laissé une bonne
image pour le club au niveau du jeu. Il
n’a pas hésité à envoyer des jeunes au
feu et c’est toujours positif[73] ».
Michy Batshuayi, jeune attaquant
international belge sélectionné pour
l’Euro 2016, s’est également exprimé sur
Marcelo Bielsa. Il reconnaît avoir
réalisé des progrès fulgurants grâce à
lui : « L’année passée avec Bielsa,
c’est la période où j’ai le plus appris
dans ma vie […]. J’ai appris à mieux
maîtriser mes appels. Avec Bielsa, j’ai
appris dans l’agressivité, la
concentration, à être plus professionnel[74] ».
Jérémy Morel, défenseur latéral en poste
à Lyon, se rappelle de l’épopée
marseillaise et tisse des éloges à son
ancien entraîneur : « Bielsa, c’est lui
qui a osé me faire jouer au poste de
défenseur central. […] On produisait du
jeu et c’était kiffant sur le terrain[75] ».
Giannelli Imbula, milieu relayeur en
poste en Angleterre, a exprimé sa
gratitude vis-à-vis du coach argentin :
« Bielsa ? C’est le meilleur entraîneur
que j’ai eu. C’est un entraîneur qui
peut faire du bien à beaucoup de clubs[76] ».
Le témoignage de Dimitri Payet, dont la
progression sous Marcelo Bielsa lui a
permis de devenir un joueur clé de
l’équipe de France, est édifiant : « La
saison avec Marcelo Bielsa m’a fait
grandir, en tant qu’homme et surtout sur
le terrain, dans le jeu. Il m’a donné
des bases importantes qui me servent
encore aujourd’hui. C’est un entraîneur
qui a enclenché un déclic chez moi[77] ».
Le joueur est conscient d’avoir franchi
un cap : « En une saison il m’a
énormément apporté. Il m’a repositionné
à ce poste de meneur de jeu, et m’a
apporté la régularité qui me faisait
défaut. Après tout ça, je ne peux que le
remercier […]. Grâce à lui, je pense
avoir réalisé la meilleure saison de ma
carrière. C’est la première fois qu’on
me demande autant et que je suis autant
décisif[78] ».
L’influence de l’entraîneur argentin a
été si importante que Payet avait lié
son avenir à celui de son coach : « Je
fais partie des joueurs qui ont beaucoup
appris avec Marcelo Bielsa. Ce qu'il m'a
donné en une saison, je sais que cela va
me servir jusqu'à la fin de ma carrière
mais aussi toute ma vie. Il m'a donné
une leçon de football mais aussi une
leçon d'homme. Humainement, c'est un
sacré personnage. Quand tu as travaillé
avec lui, tu ressors différent, c'est
certain[79] ».
Après une saison 2015-2016 chaotique, le
défenseur central Nicolas Nkoulou n’a
pas manqué d’exprimer sa nostalgie de
Bielsa. Il se rappelle de l’époque où
Marseille offrait du spectacle à
l’Europe entière : « On s’éclatait, on
prenait du plaisir. On avait pas mal de
repères et on avait pris l’habitude de
travailler ensemble[80] ».
Steve Mandanda, emblématique capitaine
de l’OM, partage la nostalgie de son
coéquipier et se souvient avec fierté de
la saison passée sous les ordres de
Marcelo Bielsa : « Le match qui m’a
marqué, peut-être parce que c’est l’un
des premiers matches dans le Vélodrome,
avec une super ambiance, c’est celui
face à Saint-Étienne. On gagne 2-1 mais
en première mi-temps, on joue un
football magnifique. Le premier but, on
fait une action incroyable[81] ».
Le milieu défensif Alexis Romao se
souvient de la confiance qu’avait
insufflée le coach argentin chez les
joueurs, ce qui leur permettait
d’aborder tous les matchs avec beaucoup
d’ambition. Il se rappelle avec
nostalgie de cette époque : « « Avec
Bielsa, quand on entrait sur le terrain,
on savait qu’on allait gagner[82] ».
Conclusion
Malgré un effectif limité et non
choisi dont des éléments majeurs ont été
vendus au mercato sans l’aval de
l’entraîneur (Valbuena, Lucas Mendes),
malgré les tensions inhérentes au manque
de loyauté de la direction du club
vis-à-vis du coach avec notamment les
promesses de recrutement non tenues,
malgré les absences dues à la Coupe
d’Afrique des nations non compensées,
malgré un arbitrage singulièrement
défavorable à l’Olympique de Marseille,
malgré les blessures de joueurs-clé,
Marcelo Bielsa a réussi à placer le club
au centre du débat footballistique grâce
à l’extraordinaire jeu offensif proposé
à tous les amoureux du ballon rond.
Quelques questions méritent d’être
posées afin d’évaluer à sa juste valeur
l’œuvre du natif de Rosario à la tête de
l’OM. Quel classement aurait obtenu
l’équipe si Vincent Labrune avait tenu
ses promesses et avait investi 35
millions d’euros pour composer un
effectif de 22 joueurs professionnels ?
Quelles performances aurait pu réaliser
le groupe si le club avait recruté ne
serait-ce que trois joueurs de la liste
de Bielsa ? Quel niveau aurait atteint
l’effectif en termes de résultats et de
classement s’il avait bénéficié d’un
arbitrage normal ? Indéniablement,
Marcelo Bielsa aurait pu lutter
jusqu’aux ultimes instants pour le titre
de champion de France.
Aucun autre acteur du football n’a
touché à ce point le cœur des
Marseillais, ni Basile Boli qui a marqué
le but victorieux de la finale de la
Ligue des Champions en 1993, ni
Jean-Pierre Papin, élu Olympien du
siècle, ni Didier Drogba et sa fabuleuse
épopée en coupe UEFA en 2004. Pour
comprendre la ferveur suscitée par
Marcelo Bielsa, il est important de
considérer son comportement basé sur un
engagement total pour sa passion du
football, une rectitude morale et une
éthique à toute épreuve dans un monde
perverti par l’argent et l’hypocrisie.
Ainsi au-delà de ses compétences
professionnelles indéniables, saluées
par l’ensemble des acteurs du monde du
football, c’est sa fidélité à ses
principes, son anticonformisme et ses
qualités humaines qui inspirent le
respect et l’affection des supporters.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba,
parole à la défense !, Paris,
Editions Estrella, 2015 avec une préface
d’André Chassaigne.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[11]
Daily
Motion,
« Bielsa règle ses comptes avec
Labrune : l’intégralité de la
conférence de presse »,
op. cit.
[14]
Daily
Motion,
« Bielsa règle ses comptes avec
Labrune : l’intégralité de la
conférence de presse »,
op. cit.
[29]
20 minutes,
« OM-Toulouse : ‘Les Marseillais
sautent sur vous’, analyse Alain
Casanova »,
op. cit.
Le sommaire de Salim Lamrani
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