Grèce
25 vérités de l’économiste Thomas
Piketty
sur la dette grecque
Salim Lamrani
Thomas
Piketty. D.R.
Samedi 1er août 2015
Source:
Investir en or
L’auteur de l’ouvrage Le
capital au XXIe siècle
dénonce
l’hypocrisie de la troïka et du Fonds
monétaire international au sujet de la
question de la dette[1].
1.
Par le passé, les
dettes publiques ont été bien plus
importantes que la dette actuelle de la
Grèce. Celle-ci s’élève à 312 milliards
d’euros et représente 170% de la
production annuelle du pays. La dette de
la Grèce est en réalité dérisoire car
l’économie du pays ne représente que 2%
du PIB de la zone Euro. La dette de la
Grèce ne représente donc qu’à peine 3%
du PIB de la zone Euro et ne constitue
pas un danger pour l’équilibre
économique de l’Europe.
2.
Les grandes
puissances européennes telles que la
France, l’Allemagne et le Royaume-Uni
ont déjà eu par le passé, notamment au
XIXe et au XXe siècle, une dette
supérieure à 200% de leur PIB. A chaque
fois, une solution a été trouvée.
3.
« Au XXe siècle,
la France et l’Allemagne sont les deux
pays par excellence qui n’ont jamais
remboursé leur dette publique ».
4.
« Il y a quelque
chose d’ironique » à exiger de la Grèce
un remboursement impératif de sa dette
en oubliant que « l’Europe s’est
construite après la Seconde Guerre
mondiale sur un certain nombre de
principes, et notamment sur l’oubli des
dettes du passé pour investir dans
l’avenir ».
5.
Ainsi, en 1953,
l’Europe a décidé collectivement
d’annuler toute la dette extérieure de
l’Allemagne parce qu’elle avait « fait
le choix de l’avenir ».
6.
Il existe
plusieurs méthodes face au problème de
la dette. La méthode lente et
inefficace, qui est actuellement
appliquée à la Grèce, consiste à
demander à la nation d’accumuler des
excédents budgétaires (recettes
tributaires supérieures aux dépenses
publiques) et de les allouer au
remboursement des créances. Elle a le
défaut de s’étaler sur la durée, plus
d’un siècle, d’inhiber la croissance
économique et d’avoir un coût social
très élevé.
7.
« Quand on dépasse
une certaine ampleur de dette publique,
il faut utiliser des méthodes plus
rapides ». Il en existe trois qui ont
été utilisées par le passé : l’inflation
modérée, les impôts exceptionnels sur
les patrimoines privés et surtout les
annulations de dettes.
8.
« Il y a eu des
annulations de dettes dans le passé et
il y en aura dans l’avenir ».
9.
« Les
gouvernements n’ont pas le courage de
mettre [le sujet de l’annulation de la
dette] sur la table », qui est pourtant
une chose inévitable si l’on veut sortir
de la crise et « le plus tôt serait le
mieux ».
10.
On présente le
peuple grec comme vivant au-dessus de
ses moyens. Pourtant, actuellement, sous
le gouvernement d’Alexis Tsipras, le
budget de la Grèce est à l’équilibre,
sans le service de la dette. Il y a même
« un léger excédent primaire »
équivalant à 1% du PIB en 2015, ce qui
représente 1,83 milliards d’euros. Le
remboursement de la dette devient
insoutenable, surtout si l’on prend en
compte le fait que les banques privées
ont octroyé des prêts à la Grèce à des
taux usuraires pouvant atteindre les
18%, rendant ainsi la créance
mathématiquement impayable.
11.
Les institutions
financières internationales exigent de
la Grèce, en vertu des accords imposés
en 2012, qu’elle alloue 4% de son PIB au
remboursement de la dette pendant les 30
prochaines années. « Le budget total de
tout le système de l’enseignement
supérieur grec représente moins de 1% du
PIB. Cela revient donc à demander au
contribuable grec d’allouer, pendant les
30 années qui viennent, quatre fois plus
d’argent pour rembourser la dette du
passé que tout ce qui est investi dans
l’appareil de formation supérieure du
pays. Est-ce la bonne façon de préparer
l’avenir. Evidemment, non ! Donc, c’est
absurde ».
12.
« On n’a jamais
demandé, et fort heureusement, à
l’Allemagne, à la France et aux pays
européens au lendemain de la Seconde
guerre mondiale de faire cela. On a
procédé à des annulations de dettes et
c’est cela qui a permis la
reconstruction de l’Europe dans les
années 1950. On a pu se libérer du
fardeau de la dette et investir les
ressources publiques dans les
infrastructures, l’éducation et la
croissance ».
13.
« L’Europe, par le
traité budgétaire de 2012, fait le choix
britannique du XIXe siècle, de la
pénitence pendant des décennies et des
décennies, plutôt que le choix européen
de l’après-guerre qui a consisté à se
projeter dans l’avenir ».
14.
« Il y a une
amnésie historique qui est extrêmement
grave. L’ignorance historique de la part
de nos dirigeants est absolument
consternante ».
15.
« Le gouvernement
français a une très grosse
responsabilité » dans cette situation en
refusant de s’opposer à l’intransigeance
de l’Allemagne. « Hollande doit prendre
ses responsabilités et dire que la
restructuration de la dette, c’est
maintenant ».
16.
Sans geste fort,
il y a un risque de « prolonger la
période d’incertitude », qui a un gros
impact sur la croissance, et de
« replonger la Grèce dans la récession,
ce qui est extrêmement grave ».
17.
« Il n’y a pas
plus de problème de la dette en Europe,
qu’au Japon ou qu’aux Etats-Unis ».
18.
« Il y a beaucoup
d’hypocrisie dans tout cela car les
banques françaises et allemandes sont
très contentes de retrouver les actifs
financiers des riches Grecs qui sont
transférés dans ces mêmes banques, et
évidemment on ne transmet pas
l’information au fisc grec », privant
ainsi l’Etat hellénique de sources de
revenus fondamentales, et se faisant
complice de la fraude fiscale à grande
échelle.
19.
Depuis 2010, les
institutions financières internationales
ont commis « d’énormes erreurs en
Grèce ». « Même le FMI a reconnu avoir
sous-estimé les conséquences des mesures
d’austérité en termes de récession ».
20.
Ces mesures
d’austérité « ont conduit au gonflement
démesuré de la dette » grecque car le
PIB a chuté de 25% entre 2010 et 2015.
« C’est cela qui a fait monter la dette
à 170% du PIB alors qu’elle n’était que
de 110% ».
21.
« Je me place du
point de vue des jeunes générations
grecques. Sont-ils responsables des
actes d[u Premier Ministre] Papandreou
en 2000 et 2002 ? Elles ne sont pas plus
responsables de ces erreurs que les
jeunes Allemands des années 1950 ou 1960
n’étaient responsables des erreurs
précédentes. Dieu sait pourtant que les
gouvernements allemands avaient fait des
bêtises bien plus graves que celles des
gouvernements grecs ».
22.
« L’ensemble des
dettes de la zone euro doit être
restructuré. Il faut en effacer une
partie comme cela s’est toujours passé
dans l’histoire ».
23.
« Cela fait six
mois que le gouvernement grec demande
une restructuration de la dette », se
heurtant à chaque fois à un refus
obstiné de la part de l’Euro-groupe.
24.
Pourtant, en 2012,
l’Europe avait « promis aux Grecs que
lorsque le pays serait en situation
d’excédent léger, on renégocierait le
montant de la totalité de la dette ».
Aujourd’hui, l’Europe refuse de tenir sa
promesse.
25.
« Les
apprentis-sorciers qui prétendent que
l’on va expulser un membre de l’Union
européenne pour discipliner les autres
sont extrêmement dangereux. L’idéal
européen est en passe d’être détruit par
ces décisions d’apprentis-sorciers ».
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au
défi de l’impartialité, Paris,
Editions Estrella, 2013 et comporte une
préface d’Eduardo Galeano.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
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