MADANIYA
Requiem pour Mohamad Morsi
René Naba
Mercredi 26 juin 2019 Les fautes
stratégiques de Mohamad Morsi à
l’origine de son éviction
Le «djihad en
Syrie»
La clause de la nouvelle constitution
post Moubarak conférant une «immunité au
président pour toutes ses décisions
passées et futures».
La 1re faute: Le
djihad en Syrie
La faute
stratégique de Mohamad Morsi, à
l’origine de l’abrogation de son mandat,
aura été d’avoir «décrété le djihad en
Syrie». Une décision prise par 500
oulémas réunis au Caire. Convoqué par
Mohamad Morsi, ce congrès s’était tenu
le 15 juillet 2013 avec la participation
des représentants de 70 associations
islamistes des pétromonarchies du Golfe
(Qatar, Arabie Saoudite, Koweït,
Bahreïn) ainsi que des courants
islamistes d’Égypte, du Yémen et de la
Tunisie.
Cette décision a
été très mal perçue par la hiérarchie
militaire égyptienne en raison de la
fraternité d’armes qui liait les armées
égyptiennes et syriennes dans les quatre
batailles qu’ils ont livré contre
Israël, en 1948, en 1956 (expédition de
Suez), 1967 et 1973, (destruction de
ligne Bar Lev sur le Canal de Suez et
récupération d’une portion du Golan par
la Syrie).
La 2 ème faute:
L’immunité
L’octroi au
président d’une «IMMUNITE POUR TOUTES
LES DECISIONS PASSEES ET FUTURES»; une
disposition sans pareille dans le monde,
qui fera de Mohamad Morsi, un PHARAON
plus puissant que le plus puissant des
Pharaons.
3eme: Les
«fautes stratégiques» des Frères
Musulmans, de leur propre point de vue.
De leur propre
aveu, les Frères Musulmans ont commis
les «fautes stratégiques» suivantes :
- Avoir
bénéficié du soutien des Etats Unis
et d’Israël, les meilleurs alliés
d’Hosni Moubarak avant sa chute.
- Négliger
complètement la force de la
revendication populaire.
- Négliger la
pesanteur des partisans de l’ancien
président Hosni Moubarak encore aux
postes de commande dans la haute
administration et les gouvernorats.
Le noyautage des Frères Musulmans de
l’appareil d’état se fera à
l’accession de Mohamad Morsi à la
présidence de la république, mais
l’armée ne lui laissera pas le temps
de s’en accaparer, ni de
s’incruster.
-Négliger les
SALAFISTES, dont les Services de
Renseignements sous Hosni Moubarak s’en
servaient comme contre pouvoir au FM. Le
conflit FM-Salafiste était en effet plus
violent que le conflit qui opposait la
confrérie à Moubarak.
A cela s’est greffé
l’autoritarisme de Mohmad Morsi.
Moubarak a gouverné sous le régime de
l’Etat d’urgence dès son accession au
pouvoir, pendant trente ans (1981-2011).
L’autoritarisme
de Mohamad Morsi
Erreur fatale,
Mohamad Morsi a commencé sa présidence
par une fanfaronnade qui a abrégé son
mandat. A peine élu, le premier
président néo islamiste de l’Egypte a
fait une déclaration d’une arrogance
démesurée: «Nous sommes au pouvoir et
nous le demeurerons pendant cinq
siècles.
Joignant le geste à
la parole, il a, d’un trait de plume,
relevé de leurs fonctions la totalité
des directeurs des publications
égyptiennes pour leur substituer des
hommes à sa dévotion. De même, il a
ordonné la suppression de tous les
programmers scolaires en vigueur sous
Moubarak et leur substitution de
nouveaux programmes, plus conformes à
l’idéologie des FM.
Pis, lors de la
proclamation de la nouvelle constitution
Morsi prévoyait une «IMMUNITE POUR
TOUTES LES DECISIONS PASSEES ET FUTURES»
du président; une disposition sans
pareille dans le monde, qui fera de
Mohamad Morsi, un PHARAON plus puissant
que le plus puissant des Pharaons.
Mal perçu par le
peuple égyptien frustré de sa
révolution, le triomphalisme et
l’autoritarisme de Mohamad Morsi vont
alimenter un mécontentement et relancer
une nouvelle mobilisation populaire.
L’Egypte, épicentre
du Monde arabe, est diverse. Le premier
président néo islamiste démocratiquement
élu aurait dû se pénétrer de cette
réalité plutôt que de mener une
politique sur une base sectaire.
Les Frères
Musulmans n’ont pas su mettre à profit
leur holdup up sur le pouvoir en
proposant un projet de dépassement des
clivages antérieurs en ce que Morsi
n’aurait jamais dû oublier le conflit de
légitimité historique qui oppose l’armée
aux Frères Musulmans depuis Nasser
(1952). Morsi paie aujourd’hui le prix
de sa tardive adaptation au principe de
réalité et des rapports de force.
Le déclic populaire
contestataire a été le fait des franges
de la société informelle arabe. les
Frères Musulmans l’ont subverti du fait
de leur discipline et de leurs
considérables moyens financiers. Ils
devaient tenir compte de la diversité de
la population égyptienne et non
d’imposer à une population frondeuse une
conception rigoriste de la religion.
L’Egypte est
diverse: Il y a deux siècles sous les
Fatimides, elle était chiite. Les
Coptes, des arabes chrétiens,
constituent une part consubstantielle à
l’Histoire du pays. L’Histoire tout
comme la population s’est constituée par
sédimentation. Si de nos jours, la très
grande majorité de la population est
musulmane sunnite, cela ne suffit pas à
faire une politique. Une politique
sunnite n’existe pas en elle-même. Elle
se fait en fonction du legs national. Il
serait insultant au génie de ce peuple
de le réduire à une expression basique
d‘un islam rigoriste.
L’Egypte, c’est le
pays de Gamal Abdel Nasser, d’Oum
Kalsoum, mais aussi de Cheikh Imam et de
Ahmad Fouad Najm, d’Ala’a Al Aswani, des
personnalités contestataires. Il n’était
pas pourtant sorcier de comprendre que
seule une politique de rassemblement et
non de division avait une chance de
réussir. Plus judicieux de promouvoir
une politique de concorde nationale.
Un an de pouvoir a
fracassé le rêve longtemps caressé d’un
4eme Califat, qui aurait eu pour siège
l’Egypte, le berceau des «Frères
Musulmans», devenue de par l’éviction
brutale du premier président membre de
la confrérie, la tombe de l’islamisme
politique.
Mohamad Morsi a
pratiqué une politique revancharde. Il a
été un homme du dissensus et non du
consensus. N’est pas Mandela qui veut.
Illustration
Mohamed Morsi
pendant son procès, le 8 mai 2014 au
Caire. PHOTO / REUTERS / Stringer Egypt
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