MADANIYA
Maroc-Israël : Le Safari Club,
la chambre noire du renseignement
atlantiste
et de leurs alliés monarchiques arabes
René Naba
Samedi 24 novembre 2018
Le Safari club,
dont le Maroc en constituait le pivot
central pour l’Afrique, tire son nom du
lieu de la tenue de la première réunion
des directeurs des services de
renseignements du pacte atlantiste et de
leurs alliés régionaux du Moyen Orient :
«Mount Kenya Safari Club» (Safari Club
du Mont Kenya), à Nanyuki au Kenya.
Dans l’esprit de
ses concepteurs le safari Club devait
assumer sur le plan opérationnel et
sécuritaire une fonction équivalente à
celle menée sur le plan idéologique par
la trilatérale et le groupe de
Bilderberg, le groupement des
cosmocrates de la planète de sensibilité
ultra libérale.
Face à l’Algérie,
plateforme opérationnelle des mouvements
de libération d’Afrique (Frelimo
Mozambique, MPLA (Mouvement pour la
Libération de l’Angola pour l’Angola,
PAIGC d’Amilcar Cabral pour la Guinée
Equatoriale, le Front Polisario (Sahara
Occidental), African National Congress
(ANC) d’Afrique du Sud, le Maroc a
engagé une coopération triangulaire avec
l’Arabie saoudite et la France en
Afrique pour contenir le flux
indépendantiste. La France se réservait
la conception et l’encadrement du
projet, le Maroc son exécution et
l’Arabie saoudite, son financement.
À l’apogée de la
guerre froide soviéto-américaine
(1945-1990), sous l’égide de la Central
Intelligence Agency, une alliance
informelle entre services de
renseignement d’Europe et du Moyen
Orient s’est ainsi nouée mais dont les
liens avec les États-Unis devaient être
officiellement «contestables de manière
plausible», selon le langage typique de
la CIA.
C’est ainsi qu’en
1976, à l’arrière plan des négociations
de paix israélo-égyptiennes, qui
devaient aboutir à la neutralisation de
l’Egypte du champ de bataille arabe, les
dirigeants des agences de renseignement
pro-occidentaux se rencontrent
secrètement au«Mt. Kenya Safari Club»
(Safari Club du Mont Kenya), à Nanyuki
au Kenya, pour élaborer un pacte
informel visant à limiter l’influence
soviétique en Afrique et au
Moyen-Orient.
Le groupe
fondateur
Adnan Khashoggi,
Kamal Adham, Jomo Kenyatta, Alexandre de
Marenches, Henry Kissinger, Ahmad Dlimi,
l’acteur William Holden.
Le groupe s’était
réuni sous les auspices du marchand
d’armes saoudien Adnan Khashoggi, du
président kenyan Jomo Kenyatta et du
secrétaire d’État américain Henry
Kissinger.
Parmi les autres
signataires de la charte originale
figuraient le comte Alexandre de
Marenches, directeur du Service de
Documentation Extérieure et de
Contre-Espionnage (SDECE, prédécesseur
de la DGSE) (1); Kamal Adham, le chef
d’Al Mukhabarat Al A’amah du royaume
saoudien ; Ahmed Dlimi, chef du service
de renseignement marocain ; enfin, le
général Nematollah Nassiri, chef de
l’agence de renseignement iranienne
SAVAK. Le chef du Mossad d’Israël,
Yitzhak Hofi, aurait informellement
participé à cette première réunion du
Safari Club.
Le «Mt. Kenya
Safari Club», fondé en 1959, était la
copropriété du magnat du pétrole de
l’Indiana, Ray Ryan, qui avait des liens
avec la CIA et la mafia, et de Carl W.
Hirschmann Sr., fondateur suisse de Jet
Aviation, une société internationale
d’aviation d’affaires ayant des liens
étroits avec la CIA et qui a été vendue
à General Dynamics en 2008 ; enfin de
l’acteur William Holden.
Le rôle du
Safari Club dans la normalisation
israélo-arabe
Le 18 octobre 1977,
le Safari Club installait son quartier
général opérationnel au Caire, jouant
depuis la capigale égyptienne un rôle
majeur dans la normalisation
égypto-israélienne.
Kamal Adham, beau
frère du Roi Faysal, était présent au
Caire lors du discours du président
Anouar Al Sadate annonçant son voyage à
Jérusalem, dont la cheville ouvrière
clandestin du projet aura été le Safari
club. Sadate se rendra à Jérusalem le 19
novembre 1977, entraînant une
reconnaissance de facto d’Israël par le
plus grand pays arabe et son dégagement
du champ du bataille.
Certes l’Egypte a
récupéré le Sinai, mais sa
neutralisation a libéré Israël du front
égyptien, qui se déchaïnera contre le
front nord : annexion de Jerusalem 1980,
destruction du réacteur nucléaire
irakien de Tammouz (1981), invasion
israélienne du Liban (1982).
Pour aller plus
loin sur ce lien
http://www.renenaba.com/la-malediction-de-camp-david/
Depuis cette date,
plus aucune guerre conventionnelle n’a
opposé Israël et les pays arabes. La
permanence de la revendication arabe sur
la Palestine s’est maintenue par les
guerres assymétriques menées par des
formations para militaires, le Hamas
Palestinien depuis Gaza et surtout le
Hezbollah Libanais depuis le sud Liban,
obtenant le dégagement militaire
israélien du territoire libanais, sans
négociations ni traité de paix, fait
sans précédent dans la polémologie
contemporaire.
Le transfert des
Falashas d’Ethiopie vers Israël via le
Soudan et le recrutement des arabes
afghans pour la guerre anti soviétique
d’Afghanistan
La couverture du
«Mt. Kenya Safari Club» jouera un rôle
utile dans les réunions clandestines du
Safari Club, y compris celle du 13 mai
1982 entre le ministre israélien de la
Défense, Ariel Sharon, le président du
Soudan, Jaafar al-Nimeiri, visant à
mettre en route l’opération «tapis
volant», le transfert massif des
«Falashas», juifs éthiopiens d’Ethiopie
vers Israël via le Soudan.
Un mois avant
l’invasion du Liban, le 5 juin 1982, la
réunion s’est déroulée en présence du
milliardaire américano-israélien Adolph
Schwimmer, fondateur d’Israel Aerospace
Industries, de Yaacov Nimrodi, ancien
officier de liaison du Mossad à Téhéran
du temps de la SAVAK du Shah et le
directeur adjoint du Mossad, David
Kimche.
Par l’entremise du
Safari Club toutes les concessions ont
été faites du côté arabe, aucune de la
part des Israéliens. Le soudanais
Nimeiry a été renversé par un coup
d’état et l’égyptien Sadate assassiné le
6 octobre 1981, au jour anniversaire de
la célébration de la destruction de la
Ligne Bar Lev.
Avec le transfert
clandestin de son siège au Caire, le
Safari Club devint un élément-clef dans
le recrutement de combattants
irréguliers arabes pour lutter contre
l’Union soviétique en Afghanistan.
Khashoggi a joué un rôle clé dans le
financement de la «Légion arabe» en
Afghanistan en s’appuyant sur le soutien
de la famille royale saoudienne et du
sultan Hassanal Bolkiah du Brunei.
Sur la créance
du Monde musulman à l’égard de
l’Occident, cf ce lien
https://www.madaniya.info/2015/11/05/l-occident-face-a-l-extremisme-religieux-conte-d-une-folie-ordinaire/
L’élimination
des témoins encombrants
Deux des
protagonistes du club périrent dans des
conditions mystérieuses :
- Ray Rayan a
été tué dans une voiture piégée à
Evansville, Indiana.
- William Holden
est mort dans son appartement de
Santa Monica, en Californie, le 12
novembre 1981.
Selon la version
officielle de son décès, l’acteur
hollywoodien aurait trébuché sur la
table de chevet et blessé au crâne. Il
serait décédé par hémorragie. Holden
était seul et il aurait agonisé pendant
plusieurs heures, son corps n’a été
découvert que trois jours plus tard. Le
meurtre de Ryan a été une affaire
classée mais non résolue, tandis que la
mort solitaire de William Holden
continue de susciter des interrogations.
https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Holden
Un troisième
larron, Adnan Khashoggi, avait profité
en 1977 des problèmes fiscaux de Ryan
avec le gouvernement américain pour
acquérir le contrôle total du«Mt. Kenya
Safari Club» qui devint simplement le
«Safari Club». Le milliardaire saoudien
servira toutefois de fusible saoudien
dans le scandale de l’Irangate, la
fourniture d’armes américaines à l’Iran
Khomeiniste en pleine guerre irako
iranienne (1979-1989), sous l‘ère Reagan
et qui aboutit à la démission du colonel
Olivier North du Conseil de sécurité
américain.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Adnan_Khashoggi
Le Safari Club
II : la version rivale
http://www.dedefensa.org/article/du-safari-club-au-safari-club-ii
Le Safari Club était responsable de la
plupart des opérations clandestines de
l’Occident contre l’Union soviétique
dans les zones de conflit s’étendant de
l’Afghanistan à la Somalie et de
l’Angola au Nicaragua. Par une ironie de
l’histoire le procédé du Safari Club est
désormais utilisé par le camp anti
occidental pour soutenir les Houthis au
Yémen pour combattre les États-Unis,
l’Arabie saoudite, Israël et leurs
mandataires au Yémen, la Corne de
l’Afrique, et le grand Moyen-Orient.
S’inspirant de la
formule du Safari Club, les services de
renseignement houthis ont conclu des
accords informels avec le Corps des
gardiens de la révolution islamique
(IRGC) ou Pasdaran ; le Service de
sécurité préventive (PSS) de Palestine ;
les trois branches du renseignement du
Hezbollah libanais, y compris l’Unité
1800, la branche du renseignement des
opérations spéciales du Hezbollah ;
enfin, avec le service de renseignement
du Hamas, basé à Gaza mais dont les
agents sont répartis dans tout le
Moyen-Orient.
Cette alliance de
forces antisionistes et anti-wahhabites,
que l’on pourrait surnommer «Safari
Club-II» est en mesure de lancer des
opérations de pénétration de la
frontière saoudienne du Yémen et mener
des opérations militaires contre des
cibles militaires et gouvernementales
saoudiennes dans la province d’Asir en
Arabie saoudite.
Le renseignement
houthi effectue également une
surveillance et des reconnaissances des
bases navales israéliennes en mer Rouge
dans l’archipel des Dahlak, en Érythrée
et dans le port de Massawa. Les Houthis
ont également surveillé les opérations
militaires saoudiennes et émiraties dans
la ville portuaire d’Assab en Érythrée.
Le Safari Club-II
se bat contre de nombreux membres du
Safari Club original. À l’exception de
l’Iran, membre du Safari Club-II mais
sous un régime complètement différent,
il s’agit de l’Arabie saoudite,
d’Israël, de la France, de l’Égypte, du
Maroc et d’autres satellites des
États-Unis, et du Soudan. Henry
Kissinger, un des parrains du Safari
Club originel, conseille maintenant le
gendre de Donald Trump, Jared Kushner,
relais du Mossad à la Maison Blanche,
sur ses contacts fréquents avec les
dirigeants saoudiens et d’autres acteurs
régionaux, y compris les Israéliens.
Le Safari Club-II
dispose de ce dont manquait le Safari
Club originel : un soutien populaire qui
s’explique par la conjugaison des
intérêts des populations opprimées du
Yémen, du Liban et de la Palestine
(Cisjordanie et Gaza), ainsi que les
préoccupations géopolitiques de sécurité
de l’Iran.
Note
- À propos
d’Alexandre de Marenches, Directeur
de la DGSE, faux gaulliste mais
néanmoins propulsé à ce poste par
Georges Pompidou dans la foulée du
scandale Marcovitch, concocté par
des gaullistes historiques pour lui
barrer la voie à l‘élection
présidentielle, cf à ce propos une
version non autorisée de la
biographie de ce comte barbouze, «Le
Maître du secret, Alexandre de
Marenches, légende des services
secrets français» par Jean
Christophe Nottin, fondé sur les
archives personnelles de ce cabotin
inimitable. Editions taillandier
2018- 555 pages, 20,90 euros.
Ci joint le cri de
douleur de l’écrivain Tahar Ben Jelloun
devant la trahison de l’Arabie Saoudite
http://fr.le360.ma/blog/le-coup-de-gueule/non-larabie-saoudite-nest-pas-un-pays-ami-ni-frere-168171
Reçu de René Naba pour publication
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