Opinion
Maroc-Les trois Frères Bourequat:
40 ans après, le retour des fantômes
vivants
René Naba
Dimanche 20 juillet 2014
«Un peuple peut vivre sans roi, mais un
roi ne peut vivre sans peuple». Jamal
Eddine Al Afghani.
Nom
du fichier :
Courrier-officiel-americain-a-propos-de-lAffaire-Bourekat.pdf
(322 kB)
Du bannissement
comme méthode de gouvernement
Paris – L’ombrage,
non l’ombre, insupporte le Roi du Maroc
qui gouverne par le vide.
«Le bannissement est un élément
consubstantiel à la monarchie marocaine.
Le châtiment inéluctable des
récalcitrants à l’ordre de la dynastie
alaouite. Une pratique courante de
l’institution monarchique, renforcée
d’ailleurs par la France par la
consolidation du pouvoir royal à
l’époque du protectorat en lui conférant
de larges prérogatives.
Le constat provient de connaisseurs: les
Frères Bourequat, carbonisés pour avoir
été à trop grande proximité de l’astre
marocain. Midhat-René, Ali-Auguste et
Jacques-Bayazid Bourequat, de
nationalité française, nés et grandi au
Maroc, trois célèbres bagnards des
décennies 1970-1980.
«Le toboggan est un sport politique
exercé à haut niveau par les monarques
alaouites», déclarent-ils à l’auteur de
ses lignes au cours d’une de leurs
nombreuses rencontres dans les rues de
Paris. Jacques Bayazid, gravement malade
et hospitalisé, n’a pas pris part à ces
entretiens.
Apparenté à la famille royale par leur
maman, ils ont amassé une fortune et
connu la vie de Pacha. Mais tout s’est
arrêté brutalement le jour où ils sont
enlevés et jetés en prison. Après les
fastes du Palais, l’enfer de la torture
et de l’oubli.
Voici les principaux extraits de cet
entretien:
1 – Le prince rouge:
«Le prince Moulay
Hicham Ben Abdallah Ben Alaoui n’est pas
un perdreau de l’année. Il s’est livré à
un exercice de catharsis en rédigeant
son livre «Le Prince banni». Son père,
déjà, le prince Abdallah, avait connu un
sort quasi identique. Beau et élégant,
svelte, il avait été sinon banni, à tout
le moins circonscrit, placé dans un sas
de sécurité pour éviter tout débordement
charismatique sur la personne de
l’auguste souverain. Il pouvait faire de
l’ombre même involontairement à son
frère aîné.
«Fils du prince Moulay Abdallah, frère
du roi Hassan II, ce charmant prince a
eu une jeunesse dorée dès sa prime
enfance, entouré de ses deux cousins
germains, le prince Sidi Mohammed et son
frère Moulay Rachid. Élevés ensemble au
milieu d’une ribambelle de personnes, de
gouvernantes, de gardes du corps, de
chauffeurs, de cuisiniers, serviteurs,
maîtres d’hôtel, professeurs, et pour
faire peuple, de quelques enfants issus
de couches populaires de différentes
régions pour les accompagner tout au
long de leurs études afin que plus tard
ils soient les futurs collaborateurs des
princes, une fois terminées leurs
études. Ils feront trois années au
collège royal ensemble.
«Le prince Abdallah retira son fils de
ce collège royal et le fit admettre à
l’école américaine en le séparant de ses
cousins et petits copains qui, eux,
continueront leurs études primaires
collège royal, puis dans les
établissements universitaires marocains.
«Cette décision de
séparer le petit prince Hicham du groupe
a profondément contrarié le roi Hassan
II. Très en colère, il a mal réagi à
cette cette décision prise
unilatéralement par son frère le prince
Abdallah qui n’avait pas respecté les
règles du Makhzen. Dès lors, le roi va
secouer son petit monde, il va tout
simplement mettre la pression sur le
couple Abdallah-Lamia Solh, en activant
une surveillance étroite de son frère
cadet. Ses relations avec le couple
Abdallah-Lamia en sont profondément
affectées. Lamia, la fille de l’ancien
premier ministre libanais Riyad Al Solh,
étouffe et fera tout pour améliorer ses
relations avec le palais. Mais
l’ambiance au palais lui était
défavorable. Elle ne l’ignorait pas,
avec tous ses commérages et persiflages,
de toutes les concubines et leurs dames
de compagnie. Ce monde irréel l’a plongé
dans une déprime. Elle décide alors de
prendre l‘air et de se ressourcer dans
son pays natal, le Liban. Cela durera
trois années.
«Finalement des gens de bien et
influents intercèderont auprès du Roi
pour permettre un retour au bercail sans
casse. Elle s’accommode mal toutefois de
cette ambiance du sérail, égayée
quotidiennement des injonctions du Roi,
de sa mère, en fait la reine-mère (mère
de Hassan II), des sœurs du Roi et même
les membres du harem à l’intérieur du
palais.
«Moulay Hicham, son fils, sera tenu en
observation même si son oncle le prend
sous son aile, lui laissant miroiter au
fil du temps des responsabilités
importantes au regard de ses capacités.
Avec habileté, Hassan II fera croire
qu’un avenir certain est promis pour ce
petit prince, au point que se pose la
question de son accession au trône.
Mais, machiavélique, Hassan II mettra
brutalement un terme à cette lévitation.
Le retour vers la réalité sera
douloureux.
«Banni lui-même par son oncle, Hassan
II, puis par son cousin germain, Mohamad
VI, et partant par l’ensemble du
Makhzen, Moulay Hicham aurait dû se
rendre compte depuis longtemps que le
bannissement est un principe inaliénable
des Alaouites. Il semble avoir découvert
la poudre alors qu’il a baigné depuis sa
naissance dans cette ambiance et qu’il
devait connaitre mieux que quiconque les
arcanes du pouvoir royal marocain et ses
ressorts».
2 – Le bannissement, une
marque de fabrique de la dynastie des
Alaouites.
«Le bannissement
est une marque de fabrique de la
dynastie des Alaouites. Un principe
imprescriptible qui donne au souverain
la possibilité d’en user et d’en abuser
à sa guise. Il ne s’applique pas
seulement aux récalcitrants à la
dynastie, mais à tous ceux que le
souverain dédaigne, jalouse, rejette
tout simplement en fonction de son
humeur à l’égard de tout son entourage,
de sa famille, de ses amis, le Harem
compris.
«Avec Hassan II le
système était sophistiqué, à deux
niveaux: le limogeage pour les ministres
et hauts fonctionnaires, le renvoi pur
et simple pour les membres de la famille
royale. Un renvoi en public pour mieux
discréditer le personnage comme cela a
été le cas de Moulay Mustapha Ben
Zidane, le mari de sa tante Lalla Zineb.
Hassan II avait beau être diplômé des
universités françaises, il se comportait
en grand féodal. Il exerçait une
véritable tutelle sur la vie privée de
sa famille.
«Un exemple célèbre est celui de Moulay
Mustapha Ben Zidane, le mari de sa
propre tante, Lalla Zineb, la propre
sœur de Mohammed V, que Hassan II
renvoya du palais, dès sa prise de
fonction, parce qu’il avait osé demande
de gérer les biens de son épouse alors
que c’était le Sultan qui était le
tuteur de sa sœur Lalla Zineb.
«En 1972 il avait retiré les passeports
de ses sœurs avec interdiction de
quitter le territoire à la suite d’une
liaison amoureuse de l’une d’elles avec
un tennisman français.
«Pour les ministres, plusieurs ont subi
les foudres d’Hassan II en apprenant
leur limogeage soit à la télé, soit par
voie de presse.
«Ainsi Ahmad Reda Guedira, qui cumulait
cinq portefeuilles ministériels dont
l’intérieur et l’agriculture. L’homme se
croyait homme de confiance du Roi. Il
s’est vu signifier sa démission au terme
d’un conseil des ministres où il s’était
opposé à l’institution de tribunaux
d’exception pour traquer la corruption.
La scène demeure dans la mémoire des
anciens. En 1964, alors que le Roi
projetait de créer une Cour Spéciale de
Justice pour juger les fonctionnaires
corrompus, Guedira exprime son
opposition. Il considérait ce projet
néfaste faisant valoir qu’il y avait un
arsenal de lois suffisant pour réprimer
ce genre de crimes et que le Maroc
allait apparaître de l’extérieur comme
le pays de la corruption.
«A la fin de son intervention, devant un
conseil ministériel restreint, le Roi se
tourne vers son secrétaire particulier
et lui dicte, à la consternation
générale de l’assistance, les termes de
licenciement de l’intervenant: «Vous
avez noté la démission de M. Guedira».
Cet épisode marquera la rupture avec le
Roi.
«M. Laski, ministre des travaux publics,
sera, lui, banni avec élégance: Le roi
l’appelle sur le green du golf et lui
remet un porte-clefs lui disant: «la
Jaguar là-bas est à toi tu vas à
Casablanca et je t’appellerais au
besoin».
«Le dernier en date
est la sanction qui frappa le General
Moulay Hafid, ministre de la Maison
royale et du Protocole. Chaperon du
prince héritier Moulay Hassan du temps
du protectorat, il le recevait chez lui
à Casablanca en week-end pour des agapes
et autres festivités. A l’indépendance,
il devint le directeur de cabinet du
Prince héritier, à l’époque où ce
dernier exerçait les fonctions chef
d’état-major des forces armées royales,
mais brusquement, sans crier gare, sa
maison a été investie par les sbires du
nouveau Roi qui la vidèrent de tous les
documents qui pouvaient être
compromettants pour la monarchie.
Véritable maitre de la répression au
début du règne d’Hassan II, Moulay Hafid
s’est vu dépossédé de tout, en un
claquement de doigt royal. Hassan II en
fera de même pour Mohamad Oufkir et
Ahmed Dlimi, mais pour d’autres raisons,
des charges liées à la trahison de ses
deux sbires, qui le paieront de leur
vie.
Le bannissement, un
legs colonial
«Les exemples
historiques de bannissement abondent y
compris sous le protectorat français:
A – «Le Sultan Moulay
Abdelaziz a été banni par son frère
Moulay Hafid, lequel appuyé par la
France s’empare du trône, en évinçant
son frère. Avec l’aide de la puissance
coloniale, il nationalisera ses biens et
ceux de plusieurs hauts dignitaires dont
le plus important a été Ba Hmad, le
chambellan dont la maison a été
transformée en musée: Le palais de la
Bahia à Marrakech. Le fils ainé de Ba
Hamad sollicitera mon père deux ans
avant l’exil de Mohammed V afin
d’intenter une action contre la France
en vue de récupérer ses biens. Il
deviendra en 1953 le chambellan du
Sultan Mohammed Ben Arafa, qui avait
remplacé Mohammed V. Ce n’est qu’à
l’Indépendance que la famille de Moulay
Abdelaziz, ses héritiers, la princesse
Lalla Fatima Zohra et son frère Moulay
Hassan, seront indemnisés par la France
à la suite d’un procès contre l’ancienne
puissance mandataire.
B- Moulay Hafid, lui,
sera écarté à son tour par la France au
profit de son frère Moulay Youssef, qui
à l’instar de tous les bannis, sera
dépossédé de ses biens et exilé en
France. Comme tous les bannis, les
membres de sa famille seront logés dans
des petites maisons dans le Méchouar des
Touargas, enceinte entourant le palais
royal de Rabat.
C -Ababou,
chambellan du Sultan Moulay Hafid, puis
de Moulay Youssef, sera banni à son
tour, à l’instant même de
l’intronisation du Sultan Sidi Mohammad
V, succédant à son père le 18 novembre
1927, alors qu’il n’était pas prince
héritier. L’ironie du sort voudra que
notre père en fonction à Fès loue le
palais Ababou et y habitera 3 ans.
«Mohammed VI continue la tradition en y
ajoutant en perpétuant cette noble
pratique royale, en bannissant le
ministre de l’intérieur Driss Basri,
puis son cousin germain, Moulay Hicham.
Il bloquera les affaires du prince dit
“rouge”, le plaçant sous filature
policière, l’obligeant à quitter le
pays.
«Le règne de Mohammed VI ne diffère de
celui d’Hassan II que par une
extraordinaire boulimie de prédation et
une forme de répression plus discrète
mais toujours présente. Ce n’est qu’un
simple passage de témoin.
Dlimi et la disgrâce
de la fratrie Bourequat: Les Bourequat,
fusibles de Dlimi.
Le trio
Bourequat à sa sortie de prison
«Nous n’avions
aucune relation ni contact avec Mohamad
Oufkir et Ahmad Dlimi. Le premier avait
été mis par la France directement auprès
du sultan de retour d’exil pour assurer
une liaison permanente entre le palais
et l’ex-puissance colonisatrice. De ce
sinistre personnage, nous n’avions aucun
égard pour lui, le connaissant
parfaitement bien du temps de son
service sous les ordres du général Boyer
de Latour, le résident général avec
lequel était organisée la répression et
la guerre anti-résistance qui a
finalement abouti à l’indépendance du
pays.
«Quant à Dlimi, lieutenant fraîchement
sorti de l’école, le roi le désigne avec
un groupe d’autres jeunes officiers
destinés à prendre la tête des diverses
commandements à la fin de sa formation.
Le roi chargea notre père, formé en
Turquie, et reconnu du temps du
protectorat en tant que spécialiste en
contre-espionnage et surveillance du
territoire, de prendre en main ce groupe
pour le préparer à assumer des
responsabilités à des postes sensibles.
«Dlimi,
l’ambitieux, devient proche du prince
héritier. Il cherchera à subtiliser les
plans et organigrammes élaborés par
notre père afin de les remettre au
prince héritier Moulay Hassan. Ces
archives importantes, Dlimi ambitionnait
d’en faire la base constitutive du futur
service de la DGED (Direction Générale
des Études et Documentation), alors que
le roi Mohammed V avait bien spécifié à
notre père que ces documents ne devaient
en aucun cas aboutir entre les mains du
prince héritier.
«Fils d’un standardiste des affaires
indigènes de Sidi Kacem, jeune officier
arabe, promu aide de camp de Moulay
Hassan, à l’instar d’Oufkir auprès de
Mohamad V, sa carrière le mena,
d’assassinats en coup d’états, aux
portes du pouvoir suprême. Mais, fait
d’une pâte de policier de basse
extraction, son plaisir de la force
brutale l’empêchera d’acquérir l’étoffe
et la dimension nécessaires pour prendre
le pouvoir.
«Déjà au lycée Ahmad Ben Lahcène, Ahmad
Dlimi, présumé né en 1930, étalait ses
goûts en dévorant des romans policiers à
longueur de récréation. Ce goût
rejaillissait dans ses dissertations,
traitées à la manière d’aventures
policières.
«Pauvre boursier de campagne, vêtu été
comme hiver de djellabas et d’une paire
de sandales aux pieds, il nourrissait un
fort ressentiment à l’égard des riches,
surtout à l’encontre des Fassis
(habitants de Fès). Plus tard, devenu
puissant, et pouvant sévir impunément,
il a assouvi cette animosité en prenant
les femmes de ceux qui tenait le haut du
pavé. A la fin de notre scolarité, les
relations devinrent épisodique, chacun
vivant sa vie dans sa sphère. Nous
n’avions quasiment plus aucun contact
avec les familles d’Oufkir et Dlimi et
cela même avant notre royale invitation
à séjourner à Tazmamart.
«En fait, Dlimi s’est servi de nous
comme de fusibles. L’homme de confiance
du Roi, comme auparavant son
prédécesseur Oufkir, complotait contre
le Roi. Voulant écarter les soupçons, il
s’est défaussé sur nous. Rien ne peut
expliquer l’action du roi à notre égard
du fait que nous avons seulement
dénoncé, preuves à l’appui, le complot
de Dlimi visant à l’assassiner et à
balayer la monarchie. Jusqu’à ce jour
nous n’arrivons pas à comprendre
pourquoi: Compte tenu notre relation
privilégiée et de la confiance mutuelle
qui nous liait à la famille royale. Un
comportement inexplicable alors que le
trône nous était de surcroît redevable
de beaucoup.
«Nous n’étions pas de prisonniers
politiques à l’instar d’Abraham Sarfati
ou de Sion Assidon. Il n’y a donc pas eu
de battage médiatique autour de notre
cas en ce que nous étions de banales
victimes de l’arbitraire royal, comme il
y en des centaines. Beaucoup étaient
soulagés qu’ils aient échappé à la
trappe et se tenaient coït.
«Curieux comportement que celui d’Oufkir
et de Dlimi, deux personnages chargés en
principe d’assurer la protection du Roi,
qui auront comploté contre le Roi et la
monarchie. C’est dire le degré de
confiance qui règne entre les divers
personnages de l’état et ses rouages.
Tout le monde complote contre tout le
monde, par réflexe de survie.
Le comportement de
la France: des Ponce-Pilate. George Bush
est notre libérateur
«La classe
dirigeante française a eu un
comportement ignoble, voire sordide, à
notre égard. D’une bassesse abjecte
alors que nous étions citoyens français
depuis toujours et avions joué des rôles
importants pour la sauvegarde des
relations franco-magrébines tant dans le
domaine religieux que politique et
économique. Le fait de nous avoir
totalement ignoré durant notre calvaire,
la France est devenue complice du roi du
Maroc. Vous ne pouvez imaginer le nombre
de Ponce-Pilate que compte la classe
politico médiatique française. Au-delà
de toute imagination.
«Pendant les dix-huit ans et demi de
notre séquestration, alors que
l’Ambassade de France avait été
sollicitée par les membres de notre
famille exigeant des autorités
diplomatiques et consulaires
d’intervenir pour des ressortissants
citoyens français enlevés, ni
l’Ambassade ni le Consulat général de
France ne levèrent le petit doigt.
Pourtant, nous étions des capitaines
d’industries, nous étions des promoteurs
de grandes marques françaises telles que
Peugeot, France Auto, Michelin
pneumatiques, des marques d’électro-ménager.
«Nous faisions la promotion de toutes
les marques françaises, nous avions
initié le dossier de montage automobile
à Tanger dans la zone franche
industrielle, nous avions appris lors de
notre libération que ce dossier avait
été repris par des concurrents en
complicité avec l’Ambassade de France à
Rabat.
«Lors de notre libération, le consul
général de Casablanca en personne nous a
conseillé de ne pas faire de vagues
pouvant contrarier la bonne entente
entre la France et le Maroc. Les
relations avaient connu un certain froid
et il valait mieux ne pas faire de
déclarations aux médias qui seront à
notre arrivée à Paris !!!
«Nous avions déclaré à notre arrivée que
notre libération du bagne de Tazmamart
était due aux pressions exercées par les
États-Unis d’Amérique, Amnesty
International. En France, seule Madame
Danielle Mitterrand s’était engagée à
travers sa fondation sans succès.
«Sous Valéry Giscard D’Estaing
(1984-1981) aucune démarche n’a été
entreprise par la France pour notre
libération. Sous François Mitterrand
(1981-1995), Claude Cheysson, ministre
des relations extérieures, sur
instruction du président socialiste, a
engagé des démarches auprès du palais
royal, alors que Midhat René se trouvait
à l’hôpital militaire de Rabat pour des
soins urgents. En vain. Finalement après
des démarches de Mme Mitterrand, les
modalités de notre indemnisation seront
négociées par son successeur Roland
Dumas. Cette indemnisation était
assortie toutefois d’une clause de
mutisme, une des principales conditions
à notre remise en liberté. Ce qui a
expliqué notre silence.
«Mais notre véritable libérateur est le
Président George Bush sr, qui a adressé
un message comminatoire aux autorités
marocaines, non une demande, mais un
message comminatoire pour la libération
des survivants du fameux camp de la mort
de Tazmamart. Auguste Ali l’a
personnellement remercié au nom des
trois frères, lors d’un diner. Bien que
de nationalité française, nous ne sommes
redevables en rien de la France de cette
libération. Il faut que cela soit dit
pour que cela soit bien clair pour tous.
«Hassan II a voulu détruire notre
famille. Il est mort et quinze ans après
sa disparition, en 1999, nous sommes
encore là, vivants, portant, certes, les
séquelles physiques de notre longue
incarcération. Mais vivants, et notre
cas est sorti de l’oubli.
«L’injustice à notre égard est
inqualifiable, tant cette monarchie nous
est redevable de son maintien,
particulièrement Hassan II, qui semble
avoir oublié le temps, où, prince
héritier, il avait sollicité notre mère
pour ramener au palais sa propre mère
lorsque Mohammed V l’avait répudiée.
«En 1953, ce sont mes parents et notre
oncle maternel, Manoubi Meknassi, qui
avaient mandaté l’avocat international
Maître Hachemi Cherif, bâtonnier de
Tanger, pour défendre le sultan Mohammed
V, alors en route pour l’exil vers
Madagascar.
La
nouvelle résidence de Ali Auguste
Palestine (Texas)
«Et c’est l’avocat
mandaté par notre famille qui le ramena
d’exil en 1955, grâce à son intervention
auprès du président du Conseil Edgar
Faure qui avait été son condisciple à la
Faculté de Droit, alors que le sultan
avait obtenu la permission de venir
terminer son exil en France et avait
loué une résidence à Beauvallon, sur la
Côte d’Azur. Ce n’est qu’en atterrissant
à Nice qu’il apprit qu’il était attendu
à Paris, et fut ré-intronisé. Maître
Cherif devint après cet épisode le
conseiller juridique du roi et du
royaume.
«Hassan II a
appauvri le Maroc en éliminant des
personnalités d’envergure, tels Mehdi
Ben Barka, le propre professeur de
mathématiques du Roi, une figure de
proue de la «tricontinentale» et le
syndicaliste Omar Benjelloun. Le martyr
de Ben Barka est à jamais associé à la
mémoire de Hassan II et à son passif,
tache indélébile. Que reste-t-il
d’Hassan II au terme de 38 ans de règne
? Un pays porté au pinacle par de
panégyriques intéressés, mais fragile.
Mohamad VI ferait mieux de servir son
peuple plutôt que de s’enrichir
prodigieusement. Plus riche que le
crésus du Qatar. Sans gaz ni pétrole, il
faut le faire quand même.
«Le peuple courbe l’échine mais ne rompt
pas. Que le Sahara occidental tombe et
le trône tombera à son tour.
Les trois frères
Bourequat ont séjourné 18 ans au bagne
de Tazmamart (Maroc). Midhat -René est
rivé à la France pour d’impératives
raisons médicales et familiales. Ali
Auguste, lui, a pris du champ, exilé
politique aux Etats Unis, dans une
bourgade qui retentit comme une
revendication permanente: Palestine, la
seule revendication qui vaille, que le
Roi du Maroc, en sa qualité de
«Commandeur des croyants et président du
comité Al Qods», ferait bien de s’en
occuper avant d’en répondre devant
l’Histoire.
Références
- Qui a peur des
frères Bourequat?
http://www.maroc-hebdo.press.ma/Site-Maroc-hebdo/archive/Archives_511/pdf_511/page06et07.pdf
- Mort vivant,
témoignage (Rabat 1973 Paris 1992.
Par Midhat René Bourequat (Editions
Pygmalion. Gérard Watelet).
-
In the morrocan-king’s secret
garden- by Ali Bourequat-Translated
from French to English by: Harold
George – New York – U.S.A.
1996-1997.
- Le Roi prédateur
: main basse sur le Maroc par
Catherine Graciet et Eric Laurent
(Seuil)
La recension du livre
de Moulay Hicham par le journaliste Ali
Lmrabet
-
http://www.demainonline.com/2014/04/23/moulay-hicham-tel-que-je-lai-connu-episode-1/
-
http://www.demainonline.com/2014/04/30/moulay-hicham-tel-que-je-lai-connu-le-genereux-bienfaiteur-de-la-presse-episode-2/
A propos de Mehdi Ben
Barka
-
http://www.bibliomonde.com/auteur/mehdi-ben-barka-133.html
A propos d’Omar
Benjelloun
-
http://www.telquel-online.com/En-couverture/Enquete-la-verite-sur-l-assassinat-de-Omar-Benjelloun/531
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