Opinion
La révolte de Hama de 1982, une
répétition générale du soulèvement
syrien de 2011
René Naba
Lundi 15 septembre 2014
Publié en
partenariat avec le site
madaniya.info
Paris – Un travail
de déconstruction n’implique aucunement
la caution d’un régime encore moins son
absolution. La clarification historique
d’un événement majeur s’impose d’autant
plus impérativement qu’elle doit
contribuer à la démystification des
principaux protagonistes de l’événement
et à la falsification des faits
historiques.
La révolte de Hama,
en 1982, acte majeur de la
stigmatisation du pouvoir baasiste, ne
devrait pas échapper à la règle,
d’autant plus que le travail de
déconstruction ne relève pas d’une
tentative de réécriture de l’histoire,
mais se fonde sur l’analyse d’un
organisme américain nullement suspecté
de la moindre sympathie à l’égard du
régime du président Hafez Al Assad : La
« Defense Intelligence Agency » – DIA.
La révolte de Hama
a constitué rétrospectivement une
répétition générale du soulèvement
syrien du printemps arabe, en 2011, tant
par sa motivation identique, son mode
opératoire que ses leviers d’influence,
à en juger par le rapport de cette
agence américaine, en date du 22 avril
1982 et intitulé « Syrie : La pression
des Frères Musulmans s’intensifie » –
DDB-2630-34-82- 22 Avril 1982.
Une motivation
identique
Le combat a été
engagé non sur des motifs politiques,
mais sectaires : Un régime alaouite que
les Frères Musulmans ne considèrent pas
comme des Musulmans. Le rapport ne
mentionne aucune revendication populaire
ou sociale à l’appui du combat de la
confrérie en Syrie.
Une même
articulation du régional sur le local
avec la terreur comme levier de
mobilisation populaire
« Le massacre de 50
élèves officiers alaouites le 16 juin
1979, à l’école d’artillerie d’Alep,
était apparemment conçu pour signaler le
début de l’offensive des Frères pour
créer un soulèvement populaire similaire
à celui d’Iran ».
Les Frères
Musulmans de Syrie souhaitaient tirer
profit de la chute du Chah d’Iran et de
l’avènement de la République Islamique
Iranienne.
Une démarche
identique au soulèvement de 2011 où les
Frères Musulmans de Syrie ont voulu
mettre à profit le printemps arabe en
Tunisie, Egypte, Libye. Avec une
innovation particulière cette fois, le
parrainage du lobby pro israélien de
France, le trio Bernard Henry Lévy,
Bernard Kouchner et Laurent Fabius, en
couplage avec des supplétifs
bureaucratiques binationaux de
l’administration française, symptôme
d’un opportunisme pathologique qui leur
aliéna bon nombre d’adhésions
d’opposants authentiques.
Un même mode
opératoire
Un acte de terreur
générateur d’un soulèvement populaire
sur une base incitative à la
stigmatisation religieuse : En 1982, le
massacre de 50 aspirants-officiers
alaouites de la caserne d’Alep, en 2011,
l’attaque de la base aérienne d’Alep. Au
cours de leur combat contre le pouvoir
baasiste, les FM de Syrie n’ont jamais
lancé à une action civile de masse, tel
un appel à la désobéissance civile ou à
la grève générale illimitée, pour
obtenir la chute du régime.
Un même levier
d’influence : Le recours à la périphérie
pour subvertir le centre
« La campagne de
propagande mondiale sophistiquée serait
lancée pour soutenir la rébellion et
mettre en exergue ses victoires ainsi
que la désertion des unités de l’armée
vers le côté rebelle. Des communiqués de
presse seraient préparés et publiés en
Europe et aux Etats-Unis. Des
enregistrements radio de propagande
anti-syrienne seraient émis par la Voix
du Liban (contrôlée par les Phalanges),
et la Voix de la Syrie Arabe
(d’Irak)….».
« L’Irak commença
ses efforts préliminaires au début de
1981 à travers sa publication, Al
Minbar, qui publierait des violations
des droits de l’homme commis par le
régime Assad en Syrie et en conséquent
relaterait les atrocités commises contre
les prisonniers des Frères Musulmans et
la brutale répression de Hama de 1980.
La radio basée à Bagdad, la Voix de la
Syrie Arabe, émettrait les articles d’Al
Minbar et se concentrerait sur les
thèmes de la répression d’Assad et de
son isolation à l’intérieur de la Syrie
ainsi que dans le reste du monde
arabe…», indique le rapport des services
américains.
Ainsi donc, les
Frères Musulmans qui combattent le
régime alaouite car anti musulman
n’hésitent pas à s’allier avec les
phalangistes libanais (milices
chrétiennes), les fossoyeurs des
Palestiniens au Liban, c’est à dire les
coreligionnaires des Frères Musulmans de
Syrie. Ce comportement manque de
cohérence en apparence.
En apparence
seulement, car la révolte de Hama a
éclaté, en Février 1982, deux mois après
l’annexion de Jérusalem par Israël, à
quatre mois de l’invasion israélienne du
Liban, en juin 1982, qui devait
déboucher sur le démantèlement du
sanctuaire palestinien de Beyrouth et
l’élection du chef phalangiste Bachir
Gemayel à la présidence de la République
libanaise. Une confirmation du rôle
relais de la confrérie des Frères
Musulmans dans la stratégie de
déstabilisation de l’axe de la
résistance à l’hégémonie américano
israélienne au Moyen-Orient……. dont les
Frères Musulmans, principaux alliés de
l’Arabie saoudite pendant quarante ans,
avant leur criminalisation récente, en
auront été un instrument majeur. Le
soulèvement de Hama avait pour effet
secondaire de soulager l’Irak, alors en
difficulté militaire contre l’Iran sur
le front de Khorramshahr. Un scénario à
l’identique sauf que la Turquie s’est
substitué à l’Irak de Saddam Hussein,
avec les mêmes bailleurs de fonds les
pétromonarchies du Golfe.
Le Bilan
La surprise de ce
rapport provient du bilan des victimes :
Deux mille morts, bien 2.000 morts et
non 20.000 voire 120.000, comme des
zélateurs empressés se sont appliqués à
amplifier.
Trois des
principaux protagonistes de la
répression de Hama du côté du pouvoir
baasiste, ont depuis lors rallié le camp
saoudien américain. L’ancien
vice-président de la République
syrienne, Abdel Halim Khaddam, l’ancien
ministre de la défense, Moustapha Tlass,
et le Général Rifa’t al ‘Assad, propre
frère du chef de l’état syrien,
vice-président de la République et
surtout maitre d’œuvre de la répression
de Hama.
Ces trois
transfuges vivent dans l’opulence en
Europe et bénéficient des égards dus à
leur statut de renégats de leurs idéaux
baasistes, particulièrement Abdel Halim
Khadam qui ira jusqu’à nouer alliance
avec eux en 2006, après avoir participé
à un gouvernement qui les a sérieusement
réprimé. Mais Hama est désormais
indissociablement lié à Hafez al Assad,
et à son fils Bachar, collégien à
l’époque, jamais à l’ordonnateur de la
répression Rifa’at, son oncle, grand
trafiquant devant l’éternel, sans doute
en raison de son alliance para familiale
avec le Roi d’Arabie saoudite. Ah les
mystères des liaisons incestueuses entre
Média et Démocratie entre Média et
Vérité téléguidée commanditée.
« Le bilan total de
l’incident de Hama se trouve
probablement autour de 2,000 morts. Ceci
inclut une estimation de 300-400 membres
de l’appareil secret des Frères
Musulmans, peut-être un tiers de la
force contenu dans l’appareil secret en
Syrie. Militairement, le gouvernement
syrien a tenu en échec les
fondamentalistes et cela prendra
probablement plusieurs années avant que
les Frères puissent être capables de
contester les alaouites-baathistes de
nouveau », conclut le rapport.
Ce constat demeure
d’actualité. Il peut être dressé, sans
risque d’erreur, 30 ans plus tard.
Pour la vérité
historique ci joint le rapport de la DIA
en version française dans son
intégralité.
Préface1.Discussion
- A. Background1.Discussion - B- Un
nouveau leadership, un nouveau
défi1.Discussion - C- Tactiques pour
renverser le régime Assad1.Discussion -
D- Une découverte prématurée1.Conclusion
Table des
Matières
- Résumé
- 1. Discussion
- a- Background
- b- Un nouveau
leadership, un nouveau défi
- c- Tactiques
pour renverser le régime Assad
- d- Découverte
prématurée
- 2. Conclusion
- Illustration
: Carte – Infiltration des routes
vers Hama par les Frères Musulmans
Résumé
La confrérie
syrienne des Frères Musulmans, une
organisation fondamentaliste musulmane
sunnite, commença à se développer en
parti d’opposition après l’accès du
pouvoir du parti laïc Baath en 1963.
L’opposition des Frères s’est
intensifiée après la prise du pouvoir,
le 23 février 1966, par les éléments
alaouites du parti Baath, un groupe que
les Frères ne considèrent pas musulman.
Leurs craintes concernant le chemin
séculariste que les Baathistes ont suivi
se sont confirmées lorsque le
gouvernement Assad adopta une nouvelle
constitution en mars 1973, dans laquelle
toute mention à l’Islam comme religion
d’Etat fut effacée.
Au début de 1979,
encouragés par la révolution islamique
en Iran, les Frères Musulmans en Syrie
ont développé un plan pour enclencher
une révolte populaire similaire dans
leur pays pour évincer Assad. Le
massacre de 50 élèves militaires, le 16
juin 1979 à l’école d’artillerie d’Alep,
signale le début de l’offensive des
Frères. En revanche, à l’été 1980, suite
à plusieurs mois de batailles sanglantes
entre les forces gouvernementales et les
militants des Frères Musulmans, le
Président Assad a réussi à défaire le
défi que représentaient les Frères
Musulmans.
Le plus grand
revers dont a souffert l’organisation en
1980 fut la démission de son chef, Issam
Al-Attar, qui avait conduit les Frères
depuis 1961. Au début de 1981, la
nouvelle direction des Frères, se
trouvant en exil, développe une
stratégie complexe pour évincer le
gouvernement Assad, qui se fonde sur une
rébellion menée par les Frères dans
toutes les régions du pays, et qui
serait reliée en apparence à un coup
alaouite anti-Assad.
En revanche, au
début de 1982, les forces de sécurité
syriennes découvrent ce complot et
commencent à intensifier leurs
opérations contre les opposants se
trouvant dans le pays. En conséquent,
les Frères Musulmans sentent la pression
pour lancer une rébellion a Hama, qui
débute le 2 février 1982. Alors que le
Président Assad ait réussi à écraser le
soulèvement de Hama, il se trouve
clairement sur la défensive et trouve
son régime de plus en plus isolé en
Syrie et dans le monde arabe. Toujours
est-il que les Syriens sont des
pragmatiques qui ne veulent pas d’un
gouvernement de Frères Musulmans, bien
qu’ils préfèrent sans aucun doute être
dominés par un Président musulman
sunnite.
Reçu de René Naba pour publication
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