MADANIYA
Le destin tragique des communistes arabes 2/2
René Naba
Lundi 14 septembre2020 Les grossières
erreurs du PC Irakien: Le malentendu
avec Abdel Karim Kassem.
Fondé en 1934. Le
PC irakien a joué un rôle fondamental
dans l’histoire politique de l’Irak, de
sa fondation à la décennie 1970.,
notamment en coalisant les principales
forces politiques hostiles à la
monarchie.
Impliqué dans les
plus importantes manifestations et
insurrections des décennies 1940 et
1950, il a tenu un rôle dans le
renversement en 1958 du Royaume d’Irak,
qui a porté au gouvernement le général
Abdel Karim Kassem. Il a beaucoup
souffert, à partir de 1978, de la
répression sous la dictature de Saddam
Hussein.
Restant un élément
important de l’opposition irakienne, il
s’est opposé aux sanctions des Nations
Unies la guerre du Koweït en 1991, puis
s’est opposé à l’invasion américaine de
l’Irak en 2003.
En mars 2018, il
s’allie au mouvement de Moqtada al-Sadr,
au sein de la coalition électorale
Sa’iroun («En marche») pour les
élections législatives et provinciales
de mai 2018. Les deux forces politiques
s’étaient rapprochées à partir de 2015
dans le cadre d’un mouvement de
protestation réclamant des réformes, la
lutte contre la corruption et
l’amélioration des services publics. La
coalition obtient 54 députés, sur un
total de 329 sièges.
Ci- joint les principaux passages des
mémoires de Karim Mroueh, dirigeant du
Parti Communiste Libanais,
Le malentendu
avec le général Abdel Karim Kassem
Le malentendu entre
les communistes irakiens et le général
Abdel Karim Kassem s’est noué autour de
deux questions: la participation des
communistes au gouvernement et le
Kurdistan.
Premier chef du
gouvernement de l’Irak post monarchique,
le général Abdel Karim Kassem, artisan
du coup d’état, était un nationaliste
proche des communistes. Ds sa
nomination, le parti communiste a
organisé de manifestations monstres
réunissant plusieurs centaines de
milliers de million de personnes pour
exiger une pleine participation des
communistes au pouvoir.
Les alliés du
général Kassem au sein de la coalition
gouvernementale y vont une marque de
duplicité du premier ministre en vue de
les forcer à faire une place plus
importante aux communistes au sein du
gouvernement.
Circonstance
aggravante, le mot d’ordre du PC irakien
«Paix au Kurdistan» lancé sans la
moindre campagne d’explication
pédagogique, plaçait leur allié en porte
à faux tant vis à vis des autres
composantes du pouvoir que vis à vis de
l’opinion publique irakienne. Celle-ci
était majoritairement hostile à un
arrangement avec le Mollah Moustapha
Barzani, en ce qu’elle considérait le
chef kurde comme un instrument de
déstabilisation manipulé par le Chah
d’Iran et que ses menées «séparatistes»
visaient à terme à amputer l’Irak de ses
riches provinces pétrolières du Nord du
pays.
Un autre point noir
dans le registre du PC irakien, le fait
d’avoir trainé ses opposants, morts ou
vivants, dans les rues de Bagdad, en vue
de livrer ses adversaires à la vindicte
publique.
L’antagonisme avait
atteint un point tel que le Général
Kassem entreprit de s’opposer par la
force à ses anciens compagnons.
Le Parti
Communiste Libanais et le Kominterm
Fondé en 1924 par
l’historien libanais Youssef Ibrahim
Yazbeck et Fouad Chemaly, le PC Libanais
est le plus ancien parti politique
libanais. Dissous en 1948, il sera
interdit jusqu’en 1971. Nonbstant cet
interdit, le PC Libanais comptait, en
1967, 75000 d’adhérents, soit 3 % de la
population, ce qui faisait de lui le
plus grand parti libanais de l’époque.
Durant la guerre
civile libanaise (1975-1990), il sera
une des composantes essentielles de la
coalition palestino progressiste. Dans
la foulée du retrait de l’OLP de
Beyrouth, en 1982, le PC libanais sera
l’initiateur de la guérilla anti
israélienne dans la capitale libanaise.
Allié du Hezbollah
Libanais, il participera au sein de la
«résistance nationale libanaise» à la
guérilla anti israélienne au sud Liban,
jusqu’au dégagement final des Israéliens
de la région frontalière, sans
négociations, ni traité de paix.
Fouad Chémali,
co-fondateur du Parti, avait baptisé sa
formation, à son lancement en 1924, de
«Parti du Peuple», considérant que le
terme «communiste» était inapproprié et
posait problème dans les sociétés
traditionalistes arabes. Intransigeant,
le Kominterm avait posé comme condition
à l’admission de la formation libanaise
au sein de l’Internationale Communiste,
qu’elle porte le nom de «Parti
Communiste Libanais», dans un souci
d’uniformisation. Ce qui fut fait. Ah
les ravages de l’européo-centrisme.
Le Parti
communiste libanais et l’intervention
militaire syrienne au Liban.
En 1976, Le PC
Libanais était hostile à l’intervention
militaire syrienne au LIban, d’autant
plus vivement que la demande provenait
de trois dirigeants maronites, tous
trois à la tête de milices, le président
Soleymane Frangieh, qui disposait des
forces gouvernementales (armée,
gendarmerie, police, services de
sécurité), en sus de sa milice privée Al
Marada, l’ancien président Camille
Chamoun, chef de la milice des «Tigres»,
enfin Pierre Gemayel, chef du parti
phalangiste et chef des milices portant
le nom de son parti.
En difficulté sur
le plan militaire, au terme de 18 mois
de combat, les trois chefs de guerre
maronites, réclamaient en fait au
président syrien Hafez Al Assad de
brider et de réprimer le Mouvement
National Libanais et ses alliés de la
résistance palestinienne, alliés au sein
de la coalition palestino-progressiste.
Hafez Al Assad
avait obtenu le feu vert de tous les
protagonistes du conflit libanais, y
compris d’Israël, tous soucieux de
mettre en échec la coalition formée par
la gauche libanaise et la guérilla
palestinienne.
Lors de la brève
phase de la Pérestroika syrienne, la
séquence dite du «Printemps de Damas»
(2001-2002), un dirigeant communiste,
Yassine Al Hafez, fondateur du parti
marxiste-léniniste arabe «Arab
Revolutionary Workers Party» avait
sérieusement mis en garde contre toute
tentative d’instrumentaliser le facteur
confessionnel dans le combat politique.
Une attitude conforme à celle adoptée
par l’écrivain Saadallah Wannous et
l’éditeur Hussein Aloudat.
De même sur le plan
palestinien, en osmose avec
l’organisation marxiste Le «Front
Populaire pour la Libération de la
Palestine» dirigée à l’époque par le
mythique chef palestinien Georges
Habbache, les communistes libanais se
sont distingués, particulièrement lors
de la phase de l’invasion israélienne du
Liban et du siège de Beyrouth, en juin
1982.
Une communiste
libanaise Jacqueline Esber, alias
camarade Rima, s’est ainsi livrée à des
assassinats extra judiciaires en Europe
contre l’attaché militaire américain en
France, Charles E. Ray et l’attaché
militaire israélien à Paris, Yaacov
Barsimentov ; Deux agents de services de
renseignements de leurs pays respectifs,
l’américain pour la CIA, l’israélien
pour le Mossad, opérant en France sous
couverture diplomatique.
Et un autre
communiste libanais Georges Abdallah,
doyen des prisonniers politiques en
Europe, de par sa résistance opiniâtre à
l’arbitraire répressif du pouvoir
français, a glané le titre de figure
mythique du combat palestinien au même
titre que Marwane Barghouti, le chef du
mouvement palestinien Fatah qui croupit
arbitrairement dans les geôles
israéliennes.
Pour aller plus
loin sur l’affaire Georges Abdallah, cf
ce lien:
La Russie et
l’intervention militaire syrienne au
Liban
Par une curieuse
coïncidence, Alexei Kossyguine, premier
ministre soviétique, se trouvait en
visite à Damas, à la veille de l’entrée
des troupes syriennes au Liban, en juin
1976. Hafez Al Assad, prudent ou
méfiant, surtout soucieux de prévenir un
véto soviétique, n’a pas pris soin
d’informer son hôte de sa décision
d’intervenir militairement au Liban.
Mais en dépit de
cette mauvaise manière faite à un
partenaire stratégique de la Syrie,
l’Union soviétique ne prendra pas
ombrage de l’attitude cavalière de Damas
à son égard. Le Kremlin donnera
finalement son accord à l’entrée des
troupes syriennes au Liban.
Le PC Libanais,
membre de plein droit de la coalition
palestino-progressiste, s’était prononcé
en faveur de la lutte armée.
Alerté, le chargé
d’affaires soviétique à Beyrouth pris
alors contact avec Karim Mroueh pour
s’enquérir de la situation et surtout
faire part de son étonnement que les
«communistes libanais combattent l’armée
syrienne».
Il s’en suit le
dialogue suivant :
Karim Mroueh:
Vous avez combattu le nazisme.
Diplomate soviétique: Je ne vous permets
pas de faire des comparaisons pareilles.
Karim Mroueh: En tant que Libanais, et
non en tant que communiste, je n’accepte
pas que des troupes étrangères soient
présentes sur le territoire national de
mon pays.
D’autant plus que
cette présence militaire étrangère est
dirigée contre la coalition
palestino-progressiste, supposée être
les alliés de la Syrie. L’entretien,
tendu, fut bref.
Sur ces
entrefaites, Karim Morueh se rend alors
à Paris pour solliciter l’aide du
Vietnam. Là aussi, l’entretien fut bref
et tendu. L’ambassadeur refusa de
recevoir personnellement le dirigeant
communiste libanais, encore moins de lui
organiser une visite à Hô Chi Minh
Ville, et le 3eme conseiller de
l’ambassade vietnamienne à Paris fut
expéditif. Sa réponse d’une grande
brutalité: «Vous combattez l’armée
syrienne» ?
Le discours de
Saint Petersbourg de Vladimir Poutine de
Juin 2019 et la «déconsolidation
démocratique» de l’Occident.
L’invasion
américaine de l’Irak, en 2003, a conduit
le Parti Communiste Irakien, exsangue,
persécuté tant sous le gouvernement
d’Abdel Karim Kassem, en 1961, que sous
Saddam Hussein, 1970-2003, à assurer un
service minimum faute d’être balayé. Un
service minimum sans la moindre caution
à l’ocupation américaine de son pays.
Pour sa survie, il s’alliera, lui, le
parti qui professait une idéologie
laique, avec Moqtada Sadr, un farouche
opposant à la présence américaine en
Irak, certes, mais néanmoins un grand
dignitaire religieux chiite.
La séquence dite du
printemps arabe (2011-2019) a propulsé
des figures éminentes du Parti
Communiste Syrien, telles Ryad Trurk,
abusivement qualifié de «Mandela syrien»
et Michel Kilo, voire même Bourhane
Ghalioune, le supplétif de
l’administration française contre son
pays d’origine, dans le giron de
l’opposition off shore pétromonarchique,
dans une démarche qui a signé à la fois
et leur reddition et leur trahison.
A l’inverse des
pontes du régime baasiste, tel Abdel
Halim Khaddam, vice président de la
république syrienne, ou du libanais
Walid Joumblatt, chef de l’unique parti
arabe se réclamant du socialisme, ou
encore la cohorte des mercenaires
syriens de l’opposition off shore, le
Parti Communiste Libanais, fidèle à son
histoire, s’est retrouvé, lui, dans la
même tranchée que le Hezbollah libanais
dans la guérilla anti israélienne qui a
abouti, en 2000, à un retrait sans
condition, ni négociations, ni traité de
paix avec Israël; Un fait sans précédent
dans les annales du conflit
israélo-arabe.
Toutefois, vers la
fin de sa vie, Karim Mroueh tout comme
Elias Attalah le 4eme mousquetaire de la
«gauche démocratique», rejoindront la
cohorte constituée par la «gauche
mutante» renonçant à leur idéologie
communiste pour rallier l’idéologie du
pétrodollar.
L’implosion de
l’Union soviétique a entraîné dans sa
chute l’éclipse des partis communistes
arabes. En propulsant un monde
unipolaire sur le plan international,
elle a placé l’ordre domestique arabe
sous l’hégémonie saoudienne, le
supplétif émérite des Américains,
déblayant la voie à l’invasion
américaine de l’Irak.
La guerre de Syrie
marquera, elle, le retour de la Russie
par la grande porte au Moyen Orient,
douze ans après en 2015. Nullement le
fait du hasard, le déploiement russe en
Syrie, matérialisé par l’aménagement
d’une base aérienne, la première en Mer
Méditerranée depuis la fin de la guerre
froide soviéto-américaine (1990), se
voulait un message à double destination:
Aux partenaires et aux adversaires de la
Russie pour leur démontrer que la
loyauté est payante en politique.
L’empressement de
Moscou à voler au secours du président
Bachar Al Assad s’explique par la
fidélité de la Syrie à son alliance avec
Moscou, (l’URSS, puis la Russie), en
dépit des déboires de la Russie. La
Syrie est en effet le seul pays arabe
avec l’Algérie à avoir maintenu un
partenariat stratégique avec le Kremlin,
contre vents et marées, contrairement à
l’Egypte d’Anouar El Sadate, à
l’Erythrée de Isyass Oufourky, de
l’Ethiopie de Mengistu Hailé Mariam de
la Somalie de Mohamad Ziad Barré, ou
encore du libyen Mouammar Kadhafi, qui a
révélé aux Occidentaux tout un pan de la
coopération nucléaire arabe pour sa
survie politique. Un suris de 7 ans de
2003 à 2011.
Depuis la tribune
principale du Forum Économique
International de Saint-Pétersbourg,
Vladimir Poutine a annoncé, le vendredi
7 juin 2019, la doctrine de la
confrontation globale avec les
États-Unis.
Dans un discours
qui présentait de par sa tonalité
prophétique des analogies avec le
Discours de Fulton de Winston Chrchill,
sur «le Rideau de fer», Vladimir Poutine
a annoncé pour la première fois au monde
que la Russie ne reconnaît plus le
système établi de domination mondiale
des États-Unis.
En lançant un défi
total à ce système, la Russie a annoncé
son alliance avec la Chine et les pays
déterminés à échapper au joug américain
dans cette confrontation, dont
l’objectif ultime est l’aménagement d’un
monde multipolaire et la fin corrélative
de six siècles de domination absolue de
l’Occident sur le reste de la planète.
Curieux que ce
discours n’ait pas retenu l’attention
des éditocrates occidentaux, pourtant
annonciateur d’un basculement
géostratégique planétaire, alors que la
forteresse Occident apparaît comme un
îlot de richesse assiégé par une immense
ceinture de misère.
Selon le dernier
rapport de l’ONU sur la faim, publié en
Juillet 2019, huit cent vingt millions
(820) de personnes souffrent de la faim
dans le Monde.
La faim a augmenté
de près de 20% en Afrique, un continent
qui connaît également la prévalence la
plus élevée de sous-alimentation. Et en
Asie, la sous-alimentation touche 11% de
la population. De surcroît la surcharge
pondérale augmente dans toutes les
régions, en particulier chez les enfants
d’âge scolaire et les adultes.
En toile de fonds
de la déconfiture de l’alliance
atlantique dans la gestion de la
pandémie du Coronavirus, l’Occident
parait être en en phase de «dé-consolidation
démocratique» avec la montée en
puissance aux États Unis, la plus
ancienne démocratie du Monde, d’un
président ouvertement xénophobe et
machiste, artisan du «Muslim Ban».
Le Royaume Uni,
plate-forme de la reconquête de l’Europe
occidentale face au nazisme durant la II
me Guerre mondiale, paraît être saisi
d’une fièvre de repli et de rejet des
étrangers, illustrée par le Brexit.,
alors qu’au sein même de l’Union
Européenne, d’autocrates populistes
voire même fascisants (Italie, Autriche,
Hongrie etc..), préfigurent la fin d’une
exception historique: l’alliance du
capital et de la démocratie : la
dé-consolidation démocratique, tant il
est vrai qu’un capitalisme sans limites
anémie et érode la démocratie en
engendrant la pulsion populiste.
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