MADANIYA
Irak: L’indépendance du Kurdistan,
un 2ème Israël sur le flanc oriental du
Monde arabe
René Naba
Mercredi 4 octobre 2017
1 – L’Indépendance du Kurdistan à
l’arrière plan d’une lutte d’influence
entre l’Iran et l’Arabie saoudite par
chiites interposés en Irak et du retour
de Blackwater en Mésopotamie.
La proclamation de l’indépendance du
Kurdistan, en dépit de l’opposition
réelle des puissances régionales, fait
planer un nouveau risque de partition de
l’Irak, alors que ce pays recrue
d’épreuves menait à bon terme son combat
contre l’éradication de son territoire
du califat islamique de Daech.
En phase de reflux au Moyen Orient, les
États Unis ont encouragé la sécession du
Kurdistan irakien dans un triple
objectif:
-Maintenir l’Irak sous son contrôle .
-Créer un abcès de fixation tant envers
l’Iran, dans la perspective d’une
possible épreuve de force entre
l’administration Trump et Téhéran sur le
nucléaire iranien, que vis à vis de la
Turquie, pour brider son rapprochement
avec la Russie et l’Iran.
-Doter Israël d’un point d’appui
complémentaire dans la zone afin de lui
permettre de prendre en tenaille le
Monde arabe par une alliance de revers
avec ses deux plate-formes territoriales
pro-israéliennes, le Kurdistan, au
Levant, et, le sud Soudan au Ponant du
Monde arabe
Ce bouleversement paraît devoir plonger
l’Irak dans une nouvelle zone de
turbulence d’autant plus vive qu’il
intervient sur fond d’une lutte
d’influence entre l’Iran et l’Arabie
saoudite en Irak, par dirigeant chiite
interposés, à l’arrière plan du retour
en Mésopotamie de Blackwater, la
compagnie militaire privée américaine de
sinistre mémoire.
Aubaine pour l’Arabie saoudite et pour
Israël, l’allié souterrain des Kurdes
depuis un demi siècle, l’indépendance du
Kurdistan constitue une violation du
principe de l’intangibilité des
frontières issues du colonialisme.
Ce principe a souffert deux exceptions,
la première au Soudan, avec la
proclamation de la République du Sud
Soudan, et la seconde, dans le Kurdistan
irakien, deux zones qui furent la cible
de l’activisme de deux philo sionistes
atlantistes avérés, les deux Bernard,
Bernard Kouchner et Bernard Henry Lévy.
Délégué du Monde arabe auprès des États
Unis après la guerre d’octobre 1973 et
l’usage de l’arme du pétrole le
Président algérien Houari Boumedienne
avait qualifié le Kurdistan de «2me
Israel sur le flanc du Monde arabe»,
lors de son entretien avec le président
Richard Nixon et son secrétaire d’état
Henry Kissinger.
Le compte rendu de cet entretien
Boumedienne Nixon, sur ce lien pour le
lectorat arabophone
http://www.raialyoum.com/?p=746070
Il n’est pas indifférent de noter dans
ce contexte le soutien de la France aux
combattants kurdes de Syrie. En perte
d’influence tant en Irak, qu’en Syrie
qu’au Liban, le soutien français est
destiné prioritairement à lui concéder
un droit d’entrée à la table des
négociations pour en cueillir les
miettes, dans le droit fil de sa
politique partitionniste inaugurée avec
le Grand Liban, poursuivie à
Alexandrette, visant à maintenir la zone
en état de la balkanisation et à
entraver la constitution d’un seuil
critique du Monde arabe à l’effet de
peser sur la scène internationale.
Pour aller plus loin sur ce sujet, sur
ce lien
http://www.renenaba.com/genocide-armenien-le-jeu-trouble-de-la-france/
L’émergence d’une entité kurde
indépendante pourrait par effet de
domino favoriser la convergence des deux
grands pays musulmans non arabes de la
zone, la Turquie sunnite et l’Iran
chiite, autour de l’Irak et la Syrie
pour constituer un glacis stratégique
cimenté par la Russie.
Au risque de démembrement de l’Irak
pourrait se superposer ainsi un risque
d’embrasement régional, dont les Kurdes
pourraient servir de combustible.
D’antagonistes irréductibles dans la
guerre de Syrie, Damas et Ankara
pourraient se retrouver protagonistes
d’un blocus du Kurdistan irakien.
Dans la foulée, la sécession du
Kurdistan irakien pourrait initier au
sein de l’importante communauté chiite
des pétromonarchies du Golfe, -à
Bahreïn, mais aussi dans les zones
pétrolifères chiites en Arabie saoudite
et au Koweït-, un effet centrifuge
symétrique.
Retour sur cette rivalité entre Moqtada
Sadr et Al Hached Al Chaabi, pour le
leadership chiite irakien post Daech.
L’un est incontestablement le plus
emblématique opposant à l’occupation
américaine de l’Irak, en 2003, l’autre,
face à Daech, le pupille des Américains
et des Saoudiens, l’artisan de la
jonction stratégique des frontières de
Syrie et d’Irak, dans son offensive
contre l’État Islamique en Irak, en
2017. L’un et l’autre sont chiites et
bénéficient d’un prestige certain dans
leur pays. Tout le reste les sépare à
l’arrière fond d’une vive rivalité entre
ces deux pôles du leadership chiite
irakien post Daech.
2- Moqtada Sadr, le plus emblématique
opposant à l’occupation américaine de
l’Irak.
Le plus intransigeant opposant à la
présence américaine en Irak, Moqtada
Sadr, a opéré un retour au premier plan
de la scène politique irakienne, au
terme d’un retraite politique de près de
dix ans, par une visite remarquée en
Arabie saoudite, le fer de lance du
combat anti chiite et fossoyeur de
l’Irak moderne, en sa qualité de co-parrain
de l’invasion américaine de l’Irak, en
2003.
Préludant son virage pro saoudien,
l’homme avait déblayé le terrain à son
engagement par une incursion, fin avril
2016, dans une zone hautement
symbolique, la «Zone Verte», le
périmètre de sécurité de l’ambassade
américaine à Bagdad et du pouvoir
irakien qui en est issu
Celui qui était perçu comme la «bête
noire» de la puissance occupante et son
plus farouche adversaire se présente
désormais sous l’aspect d’un grand
réformateur, champion de la lutte contre
la gabegie et la corruption. Un
«Monsieur propre», décidé à balayer les
marchands du temple pourris.
Homme de conviction, Moqtada Sadr est un
homme animé de détermination comme en
témoignent ses engagements contre les
forces d’invasion américaines, tant à
Najaf qu’à Bassorah (1). Au point que sa
démarche et son comportement l’ont
longtemps désigné comme un émule de
l’autre grand dirigeant chiite arabe,
Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah
libanais.
Né en 1973 à Coufa, ville sainte proche
du sanctuaire de Najaf et réputée pour
sa sophistication calligraphique,
disposant du titre de Sayyid qui signe
son appartenance à la descendance du
prophète, Moqtada Sadr occupe une place
singulière dans l’échiquier irakien.
Frappé d’un triple sceau de légitimité
-spirituelle, nationaliste et
populaire-, ce fils d’un dignitaire
religieux assassiné par Saddam Hussein
est le seul dirigeant irakien
d’envergure nationale à n’avoir jamais
transigé sur ces principes, encore moins
pactisé avec ce qu’il considère être ses
«ennemis», contrairement aux autres
factions irakiennes.
Si les Kurdes passent pour être les
supplétifs des Américains et des
Israéliens et les Chiites inféodés à
l’Iran, notamment les partisans de M.
Abdel Aziz Hakim, chef de l’Armée
Islamique du Salut, les Sunnites se sont
longtemps partagés entre partisans des
groupements djihadistes Daech et
Al-Qaida et sympathisants de la guérilla
baasiste épaulée par d’anciens agents
des services irakiens.
Pour aller plus loin sur la connivence
israélo-kurde dans le Kurdistan irakien,
ce lien:
http://www.madaniya.info/2014/10/07/connivence-israelo-kurde-secret-polichinelle/
Moqtada Sadr a émergé, lui, du lot en
tant que dirigeant religieux
nationaliste, disposant d’une large
autonomie qui le place à l’abri d’une
allégeance contraignante, à la remorque
d’aucune puissance.
De par son profil et son parcours, il
faisait figure de scalp idéal irakien
d’un président américain en fin de
mandat, une «prise de guerre» à l’effet
de magnifier le bilan de sa «guerre
mondiale contre le terrorisme», de
magnifier le bilan présidentiel de
George Bush jr tout court. Le premier
ministre Noury al-Malki avait menacé de
bannir Moqtada Sadr de la vie politique
irakienne si le dignitaire religieux
n’ordonnait pas la dissolution de sa
milice, forte à l’époque de 60.000
combattants et regroupés au sein de
«l’Armée du Mahdi».
Sa mission accomplie, l’«Ennemi public
N° 1» des Américains a quitté l’Irak
après la bataille de Bassorah pour Qom,
la ville sainte iranienne où pendant
quatre ans il va approfondir sa
connaissance de l’Islam. Toujours coiffé
du turban noir des descendants du
Prophète, le visage rond et la barbe
grisonnante, il rebondit, en 2016, en
champion des réformes en Irak.
3- Al Hached Al Chaabi (La Mobilisation
Populaire), une fonction identique à la
célèbre «Jerusalem Brigade» d’Iran.
Al Hached Al Chaabi (la Mobilisation
populaire) est l’artisan de la jonction
stratégique des frontières syriennes et
irakiennes lors de l’offensive anti
Daech, de l’été 2017. Un exploit qui a
mis en échec le projet américain de
constitution d’un «État sunnite» sur les
portions des territoires de la Syrie et
de l’Irak, s’étendant de Homs (Syrie) à
Falloujah (Irak), via Palmyre et le
désert syrien.
Un des artisans majeurs de la reconquête
de Mossoul et de Tall Affar, Al Hached
se pose en interlocuteur incontournable
de l’échiquier politique irakien tant au
niveau chiite qu’au niveau national, un
rival indiscutable tant de Moqtada Sadr
que des Peshmergas kurdes.
Fort de cet exploit, Al Hached Al Chaabi
se veut et se vit, tant au niveau formel
que symbolique, l’équivalent de la «Jerusalem
Brigade (Faylaq al Qods) des «Gardiens
de la Révolution» iranienne, dont il est
organiquement et idéologiquement très
proche.
A l’intention du lectorat arabophone,
pour aller plus loin sur ce thème, ce
lien
http://www.al-akhbar.com/node/278940
Beau palmarès en 3 ans d’existence. La
naissance du Hached est intervenue, le
13 juin 2014, à l’appel de l’Ayatollah
Ali Al Sistani, trois jours après la
chute de Mossoul (Nord pétrolifère de
l’Irak) aux mains de l’État Islamique,
dont il en fera la capitale de son
califat.
Depuis la ville sainte de Najaf, haut
lieu de la résistance chiite à
l’invasion américaine de l’Irak
(2003-2010), le dignitaire chiite a
sonné la mobilisation générale face aux
impies éradicateurs: le djihad contre
l’État islamique.
Depuis lors cette milice a fait office,
dans un premier temps, de force de
soutien à l’armée irakienne dans ses
offensives pour la reconquête des
territoires irakiens perdus, avant de
gagner en autonomie face aux
interventions incessantes des Américains
sur le terrain militaire et dans dans le
jeu politique irakien, notamment leur
soutien aux Peshmergas, la milice rivale
kurde.
Le 26 novembre 2016, le Parlement
irakien a conféré à la «mobilisation
populaire»(Al-Hached Al-Chaa‘bi) le
statut de «formation militaire
indépendante faisant partie des forces
armées irakiennes». La loi place en
outre le Hached sous l’autorité formelle
du Premier ministre et lui attribue les
mêmes droits et devoirs qu’à l’armée
irakienne.
Cette mesure a eu pour effet de
consacrer le Hached en tant que élément
organique des forces de défense
irakiennes et partant d’ancrer la
présence des milices chiites dans les
structures du pouvoir irakien,
consacrant leur légitimité dans la
guerre contre l’État Islamique (EI).
En 2017, le Hached a été doté d’un
budget d’1,5 milliards de dollars dans
le budget de l’état irakien.
En 2016, Al Hached Al Chaabi regroupait
une soixantaine de milices, revendiquant
près de 140.000 combattants. Si
certaines milices sont chrétiennes ou
sunnites, la grande majorité sont des
brigades chiites armées et financées par
l’Iran, épaulées par des conseillers
militaires iraniens.
4- Le Hached à la conquête de Tall Affar
Insigne honneur, la reconquête de Tall
Affar a constitué une mission
prestigieuse, mais périlleuse.
De par sa composition démographique et
sa configuration géographique, le fief
historique du noyau turkmène fondateur
de Daech est en effet situé à
l’épicentre de la rivalité entre la
Turquie et l’Iran, les deux grandes
puissances régionales voisines de
l’Irak, abritant d’importantes minorités
turques, dont l’hostilité commune à
l’égard de la création d’un Kurdistan
indépendant en Irak pourraient les
conduire à engager une opération
conjointe pour brider l’irrédentisme
kurde en Syrie, en Irak, en Turquie et
en Iran en vue de faire capoter ce
projet.
Si la majorité turkmène de sa population
de 200.000 habitants témoigne d’une
sympathie non dissimulée pour la
Turquie, la minorité chiite
particulièrement persécutée par Daech
durant l’exercice du califat, voit dans
l’Iran un protecteur fiable. Les
djihadistes chargés de la gestion de la
ville bénéficient d’une très mauvaise
réputation en raison des exactions
qu’ils ont commises.
A 380 km au Nord Ouest de Bagdad et à 60
km de Mossoul, Tall Affar constitue le
maillon intermédiaire reliant la zone
kurdophone pétrolifère d’Irak à la
frontière syrienne. Sa reconquête
viserait à couper la voie au
ravitaillement de Daech depuis la zone
frontalière syrienne.
Pour aller plus loin sur Tall Affar, sur
ce lien:
http://www.madaniya.info/2017/06/22/l-elimination-d-abou-bakr-al-baghdadi-signe-l-eradication-complete-du-cercle-de-tall-affar-le-noyau-turkmene-fondateur-de-daech/
Le positionnement du Hached sur le front
de Tall Affar a eu pour premier effet de
le dégager des zones d’engagement des
Américains dans la zone frontalière syro
irakienne et d’éviter les crispations
répétitives des parrains occidentaux,
alliés du premier ministre irakien
Haidar Abadi. Le Hached accuse les
Américains de parasiter leur combat
contre l’État islamique afin de
s’attribuer le mérité de la victoire
dans cette ville, fief du noyau turkmène
fondateur de Daech et de peser sur le
règlement final du conflit irakien.
5 – Le plan Ryan Crocker et la nouvelle
configuration régionale.
Maîtres des cieux, des terres et des
mers depuis un demi siècle, le tandem
israélo-américain paraît devoir concéder
la parité stratégique avec les
contestataires de son hégémonie au Moyen
Orient: la Russie, l’Iran, la Syrie et
les formations chiites du Liban (Le
Hezbollah) et d’Irak (Al Hached Al
Chaabi – la Mobilisation Populaire), les
grands vainqueurs de la séquence dite du
«printemps arabe».
A moins d’une guerre éclair israélienne
aux résultats aléatoires, en vue de
procéder à une nouvelle redistribution
des cartes, ce bouleversement
stratégique intervient à l’arrière plan
d’une réactivation d’une vieille
connivence islamo orthodoxe matérialisée
par la fourniture par la Russie des
missiles SS 400 à la Turquie, le dernier
cri de la défense balistique russe, qui
pourrait conduire à terme à la sortie de
l’Otan de l’unique pays musulman membre
de l’alliance atlantique dont il fut un
état fondateur.
La nouvelle convergence entre Moscou et
Ankara devrait, dans l’esprit des
stratèges russes, prendre la relève de
l’ancienne alliance entre l’URSS et
l’Égypte nassérienne du temps de la
guerre froide soviéto américaine, dans
la décennie 1960-1970. Dans l’ordre
symbolique, Moscou abrite le siège du
patriarcat orthodoxe et la Turquie
abrite à Istanbul Constantinople, le
siège du patriarcat orthodoxe d’Orient,
en même temps qu’elle constitue la voie
d’accès aux mers chaudes de la flotte
Russe via le Détroit des Dardanelles.
Dans le domaine aérien, la guerre de
Syrie a brisé le monopole des airs
détenus depuis la fin de la IIe Guerre
mondiale (1939-1945), il y a 70 ans par
l’Otan et son allié israélien, de même
que la fin du leadership atlantiste en
Méditerranée, désormais sillonnée en
permanence par les flottes russes et
chinoises avec des facilités à Tartous
(Syrie) et Mers El Kébir (Algérie),
bouleversant la stratégie régionale au
bénéfice du groupe moteur du BRICS.
Du fait de cette percée russo chinoise
en Syrie, la Mer Méditerranée tend aussi
à devenir, dans le domaine maritime, une
Mer Internationale ouverte, faisant
place à de nouveaux venus sur la scène
maritime internationale: La Russie et la
Chine, préfigurant la nouvelle
cartographie de la Méditerranée à
l’horizon de l’an 2050.
Le «chaos constructeur» que les anciens
colonisateurs ont voulu imposer à leurs
anciens colonisés leur revient en pleine
figure, tel un boomerang, sous forme
d’un «K O destructeur», sept ans le
déclenchement de la contre-révolution
arabe menée par les pétromonarchies du
Golfe en concertation avec l’OTAN et
Israël. Un désordre amplifié par le
camouflet représenté par l’annulation du
premier sommet entre Israël et les pays
de l’Afrique noire francophone, qui
devait se tenir fin septembre au Togo;
indice indiscutable de la défiance que
suscite à nouveau l’interventionnisme
américano-israélien dans la sphère arabo
africaine.
Dans un tel contexte défavorable, les
États Unis ont aménagé une base en
Israël même. De concert avec le Royaume
Uni, ils ont entrepris l’installation de
Miradors le long de la frontière
syro-libanaise, officiellement pour
lutter contre les infiltrations
djihadistes et la contrebande de
stupéfiants en fait pour couper le
ravitaillement stratégique du Hezbollah
via la Syrie. Ils envisagent enfin de
raccorder l’Irak au réseau atlantiste de
la zone faisant pression sur Bagdad pour
que la Jordanie pro occidentale serve de
terminal pétrolier et de débouché
maritime à l’Irak, via Akaba, et non la
Syrie.
L’objectif sous-jacent est de
neutraliser les effets de la jonction
territoriale opérée par le Hached Al
Chaab, l’été 2017 et d’établir une
claire démarcation entre la Syrie et
l’Irak.
Parrainé par Jared Kushner, gendre du
président Donald Trump, ce plan prévoit
l’aménagement et l’agrandissement des
zones de déploiement américain de
l’armée irakienne en Irak et la
sécurisation de la route internationale
Bagdad-Amman (400 km), qui devrait être
confiée à Black Water, la compagnie
militaire privée de sinistre mémoire qui
s’est distinguée tant en Afghanistan
qu’en Irak.
Ce plan a été financé par le «Centre
Rafic Hariri relevant du Conseil
atlantique pour le Moyen orient» financé
par le fils aîné de l’ancien premier
ministre libanais, Baha Hariri, par
ailleurs grand promoteur immobilier en
Jordanie, qu’une sourde rivalité oppose
à son frère cadet Saad, premier ministre
du Liban et milliardaire en cessation de
paiement. L’intérêt de Baha Hariri pour
l’Irak s’expliquerait par le fait que sa
mère, épouse divorcée de Rafic Hariri,
est d’origine irakienne.
Ce projet a été mis au point sous
l’autorité de Ryan Crocker, ancien
ambassadeur des États Unis en
Afghanistan et en Irak, deux points
noirs de la stratégie américaine, en
concertation avec d’anciens
collaborateurs d’Ahmad Chalabi, le
lièvre qui a servi de prétexte à
l’invasion américaine de l’Irak, en
2003, en sa qualité de chef nominal de
l’opposition anti Saddam Hussein.
Parmi les contributeurs figurent
notamment Abdel Falah Al Jabbar, un
intellectuel chiite, ancien homme de
gauche mais proche d’Ahmad Chalabi ainsi
que Nebras Al Kazimi. Ce projet prévoit
en outre la privatisation de larges
secteurs de l’économie irakienne et sa
gestion par des proches de
l’administration américaine.
Pour le lecteur arabophone, les détails
de ce projet sur ce lien
http://www.al-akhbar.com/node/282853
Deux mois après la chute de Mossoul,
l’offensive contre Tall Affar a été
lancée le 21 Août 2017, au lendemain de
l’offensive conjointe menée contre le
fief militaire de Daech dans la région
frontalière syro libanaise, par l’armée
libanaise, d’une part, l’armée syrienne
et le Hezbollah libanais d’autre part.
Une simultanéité qui n’est nullement le
fait du hasard, tant la synchronisation
parait parfaite entre Bagdad et Damas
dans leur guerre contre leur ennemi
commun, matérialisée par la jonction des
armées des deux pays dans la zone
frontalière.
Une simultanéité concrétisée par
l’annonce de la chute de Tall Affar, le
31 août 2017, à la date fixée par le
Hezbollah libanais pour la célébration
de sa victoire contre Daech, dans le
secteur de Baalbeck. Un exploit qui fera
date dans les annales militaires arabes.
Du fait chiite.
Le courant sadriste se situe à l’autre
extrémité du spectre milicien chiite et
prône un rapport plus distancié à
l’Iran, suscitant une nouvelle scission
de sa formation.
Par phénomène de scissiparité, les
dissidents ont constitué, en 2008, le
Liwa’ al-Yawm al-Maw‘ud, (la division du
Jour du Rendez vous), une organisation
rivale pro-iranienne, alors que Moqtada
Sadr créait, en 2014, une nouvelle
milice, Sarāya as-Salam (Les Brigades de
la Paix).
6- Moqtada Sadr en Arabie saoudite: Un
voyage à Canossa?
De par ses états de service, Moqtada
Sadr se situe aux antipodes des nouveaux
dirigeants irakiens venus au pouvoir
dans les fourgons de l’armée américaine.
Mais, paradoxalement, dans sa stratégie
de recentrage, l’intention lui est
prêtée de s’allier à l’ancien premier
ministre Iyad Allaoui, factotum des
Américains, ancien militant bassiste,
opportunément reconverti dans la
collaboration avec les services
occidentaux, dont il a été un agent
attitré, à l’instar de M. Ahmad Chalabi.
Contre toute attente, ce farouche
résistant à la présence militaire
occidentale en Irak et héritier d’une
lignée de grands dignitaires chiites
s’est rendu en Arabie saoudite, le fer
de lance du combat anti-chiite dans le
Monde musulman, et co artisan de la
destruction de l’Irak
Sauf à considérer le rapprochement avec
la dynastie wahhabite comme une manœuvre
destinée à lui procurer une plus grande
liberté d’action, cette opération de
contournement de ses rivaux, par
application de la théorie du proche
ennemi, l’articulation de l’ennemi
proche sur l’ennemi lointain, a plongé
bon nombre d’observateurs dans la
perplexité.
Que n’a-t-il consulté son alter ego
libanais Hassan Nasrallah, allié non
servile de l’Iran, de surcroît un des
grands décideurs sur le plan de la
stratégie régionale, malgré les
sanctions des États Unis; malgré sa
criminalisation par la Ligue Arabe et la
sournoise tentative de la France de
l’enserrer dans les rets de la justice
internationale en lui accolant la
«responsabilité implicite» de
l’assassinat de l’ancien premier
ministre libanais Rafic Hariri,
pensionnaire posthume de son ami Jacques
Chirac;
Malgré sa qualification de «terroriste»
par Lionel Jospin et le caillassage que
l’ancien premier ministre en a récolté
de la part des étudiants palestiniens de
Bir Zeït, furieux que le symbole de la
résistance arabe soit traité de la
sorte.
Dans une conjoncture particulièrement
défavorable, la visite de Moqtada Sadr
en Arabie saoudite a constitué une
aubaine pour un royaume déstabilisé par
sa guerre contre le Qatar, par le
rapprochement du petit wahhabite avec
l’Iran, par l’enlisement des
pétromonarchies au Yémen et les revers
en Syrie, sur fond d’une rivalité vive
quoique feutrée au sein de la famille
royale saoudienne et d’un chantage
permanent de l’administration
républicaine de Donald Trump, extorquant
380 milliards de dollars de contrats
militaires au royaume surarmé, mais
inefficient militairement.
Les Saoudiens se sont félicités du
«retour de l’Irak dans le giron arabe».
Mais, en l’absence du moindre geste de
repentance, de la moindre démarche
concrète de compensation envers l’Irak,
-exception faite de la promesse de la
réouverture de la frontière irako
saoudienne pour le pèlerinage annuel de
la Mecque et de l’ouverture d’un
consulat à Najaf pour la délivrance des
visas pour les pèlerins chiites-, quel
crédit Moqtada Sadr peut-il accorder aux
fossoyeurs de son propre pays?
Aux éradicateurs de ces coreligionnaires
chiites, les tortionnaires de son émule
Cheikh Nimr Baqr Al Nimr, chef de la
communauté chiite d’Arabie saoudite,
décapité en janvier 2016, par sectarisme
religieux, sans raison autre que son
chiisme? Aux maîtres d’œuvre de la
répression de la population chiite de
Bahreïn et de la population saoudienne
de confession chiite de la ville d’Awamiya,
dans la région d’Al Qatif?. A l’Allié
d’Israël dans le démembrement de l’Irak
en soutenant la sécession kurde, en vue
de d’affaiblir l’Iran, la Turquie et la
Syrie, qui abritent d’importantes
minorités kurdes?
Pour lectorat arabophone, ce lien sur la
signification du voyage de Moqtada Sadr
en Arabie saoudite
http://www.al-akhbar.com/node/281800
7- La fascination morbide du leadership
irakien pour leurs bourreaux wahhabites.
Se pose de manière sous-jacente la
question du bien fondé de la fascination
pathologique du leadership irakien pour
leurs bourreaux wahhabites.
Saddam Hussein a ruiné son pays en se
commettant mercenaire des
pétromonarchies du Golfe dans une guerre
de substitution contre l’Iran,
(1979-1989) sacrifiant les bénéfices de
l’hospitalité qu’il avait offerte à
l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny pendant 14
ans.
Son successeur à la tête de la guérilla
clandestine anti américaine, Izzat
Ibrahim Ad Doury, a ruiné l’âme de son
parti et l’idéologie baasiste en se
dévoyant dans une alliance avec le
prince Bandar Ben Sultan, à l’époque
chef du djihadisme planétaire,
auparavant «Bandar Bush» témoin de
premier plan de l’invasion américaine de
l’Irak en sa qualité d’ambassadeur
saoudien à Washington auprès de son
complice américain George Bush jr. Une
alliance contre nature dégénérative en
Daech. Une insulte aux milliers de
militants arabes tués pour la promotion
de la laïcité et la démocratie dans le
Monde arabe.
Cf à ce propos: le curieux cheminement
du parti Baas
http://www.madaniya.info/2016/12/26/le-curieux-cheminement-du-parti-baas-irakien-du-parangon-de-la-laicite-a-lossature-militaire-de-daech/
Enfin, dernier et non le moindre,
Moqtada Sadr:
Certes, le besoin d’indépendance est
légitime comme le souci de consolider la
souveraineté de son pays sous occupation
étrangère depuis 15 ans, mais cette
double exigence doit-elle nécessairement
passer par les fourches caudines de son
ennemi, en un vieux remake des
«Bourgeois de Calais».
Pourquoi un tel cadeau à ces ennemis
jurés, les États Unis, qui cherchent à
remettre l’Irak sous leur coupe? A
l’Arabie saoudite, co-artisan de
l’invasion américaine de l’Irak et
parrains de Daech? Un groupement qui a
si meurtri son pays dont la progression
a d’ailleurs été brisée par l’Iran, en
toute discrétion, par le déploiement
d’un filet de sécurité autour de Bagdad,
particulièrement sa grande banlieue
chiite Sadr City, à la hauteur de la
ville de Samarra, à la suite de la
destruction de l’unique lieu de culte
religieux chiite de cette ville sunnite,
«La Mosquée des deux Minarets», l’été
2014, entravant le déferlement Daech
vers la capitale irakienne?
L’amnésie a-telle gagné précocement ce
fougueux combattant? Pourquoi sinon
dilapider un tel capital moral pour une
nomenklatura monarchique dont la
fonction essentielle est de servir de
marche pied aux menées néo-colonialistes
occidentales contre le Monde arabe?
Lâcher la proie pour l’ombre revient à
accréditer l’idée d’un dirigeant
impétueux, justifiant la défiance de
nombre des ses anciens sympathisants en
ce que ce déplacement apparaît d’autant
plus humiliant qu’il intervient alors
que la triptyque chiite -Faylaq Al Qods
(Jerusalem Brigade) du général Qassem
Soleimany (Iran), le Hezbollah (Liban)
et Al Hached Al Chaabi (Irak)-
vainqueurs à Alep-est et à Palmyre
(Syrie), à Mossoul et Tall Affar (Irak),
à Ersal et Ras Baalbeck (Liban), émerge
en grand vainqueur du «printemps arabe»,
sept ans après le déclenchement de la
contre-révolution arabe menée par les
pétromonarchies du Golfe en concertation
avec l’OTAN et Israël.
Sauf à la considérer comme relevant d’un
coup de génie dont la portée est
difficilement perceptible dans
l’immédiat, le déplacement de l’héritier
d’une lignée de dignitaires chiites
persécutés auprès de ses anciens
bourreaux prend l’allure d’un voyage à
Canossa.
Moqtada versus Al Hached
La galaxie milicienne chiite d’Irak
Outre le Hached, fer de lance du combat
contre Daech, la galaxie milicienne
chiite s’articule autour des principales
formations suivantes:
-Les Brigades Badr:
L’ancien bras armé de l’Iran en Irak
sous Saddam Hussein a été crée dans la
décennie 1980, au plus fort de la guerre
irako iranienne. Badr est la milice la
plus ancienne et la plus importante, en
nombre et en moyens et en influence
politique.
Sous le régime baasiste de Saddam
Hussein, elle a fonctionné comme un
service de renseignement relevant du
Conseil suprême pour la Révolution
islamique en Irak (SCIRI, un parti
irakien d’opposition en exil).
L’organisation Badr est présidée depuis
2009 par Ammar Al-Hakim, qui a voulu
marquer ses distances avec son parrain
historique iranien en créant les Sarāya
Achoura (brigades d’Achoura).
L’ancien premier ministre Noury Al-Māliki
dispose d’une une milice propre, ‘Açā’ib
Ahl al-Haqqq (La ligue des vertueux),
dirigés par Quays al-Khaz‘ali, qui
combat en Syrie officiellement pour la
protection des sanctuaires chiites du
pays voisin, aux côtés d’autres milices
chiites telles Harakat Hizbullah al-Nujaba’
d’Akram Al-Qua’bi, des «Kata’ib al-Tayyar
al-Risali» (Adnan al-Shahmani), des «Quwwāt
Abu Fadhl al-‘Abbas» d’Aws al-Khafaj,
dont la mission secondaire est de
neutraliser l’influence de Moqtada Sadr
sur la scène chiite irakienne.
Notes
1- La bataille de Najaf en 2004
En Août 2004, à Najaf, ville sainte
chiite, l’administration
néo-conservatrice avait caressé le
projet de défaire le chef religieux dans
son propre sanctuaire, en pleine
campagne présidentielle américaine
visant à la reconduction du mandat du
Président George Bush.
Dans la foulée de la destruction du fief
sunnite de Falloujah (avril 2004), la
bataille de Najaf, marquée par
l’intervention massive des mercenaires
de la firme américaine «Blackwater»,
avait constitué la première épreuve de
force entre Américains et les
adversaires chiites de l’occupation
américaine de l’Irak, regroupés autour
de Moqtada Sadr.
Par son ampleur, la combativité des
miliciens sadristes, et son dénouement,
Najaf est apparue rétrospectivement
comme fondatrice d’une nouvelle
légitimité de Moqtada Sadr, le
propulsant au centre du jeu politique
irakien, surclassant de loin les autres
protagonistes.
B – La bataille de Bassorah en 2008
Quatre ans plus tard, la bataille de
Bassorah, en Mars-Avril 2008, est
intervenue alors que le 2me mandat de
George Bush touchait à sa fin et que
l’administration américaine visait
précisément à briser l’emprise du
dignitaire chiite et son prosélytisme
religieux sur cette métropole située à
la jonction stratégique du Koweït et du
Chatt el Arab, la voie d’eau séparant
l’Irak de l’Iran; de sécuriser les
gisements pétroliers du sud de l’Irak,
de même que l’axe routier Bagdad-Koweït
long d’un millier de km par où transite
le ravitaillement des troupes
américaines via cette ville portuaire
qui constitue avec le terminal de FAO,
l’un des deux débouchés maritimes de
l’Irak.
Reçu de René Naba pour publication
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