Vu du Droit
PNF + Pôle Financier : une juridiction
d’exception
au service de Macron ?
Régis de Castelnau
Mercredi 12 juin 2019
Bienvenue au club, Gérard Collomb !
Gérard Collomb a dû
comprendre ce qui l’attendait pour avoir
manqué au monarque en démissionnant de
son poste de ministre de l’intérieur et
en voulant poursuivre sa tâche de maire
à la tête de la deuxième ville de
France. Vous cochiez ces deux cases
Monsieur Collomb, et on va vous
apprendre les règles du macronisme en
marche.
D’abord, Gilles Boyer vous a prévenu,
les maires qui ne soutiennent pas
Emmanuel Macron sont des ennemis,
position confirmée par Marlène Schiappa
exposant
ses rêves de parti unique. Et
ensuite il faut faire de la place pour
les amis, et en caser le plus possible à
la tête des grandes villes aux
prochaines municipales. Utilisant la
méthode désormais classique de
l’instrumentalisation de la justice à
des fins politiques, on vous a infligé
un joli rodéo judiciaire et le lynchage
médiatique qui l’accompagne. Avant
l’arrivée future des juges d’instruction
militants du Pôle d’instruction qui
prendront la suite avec diligence. Nul
doute qu’assez rapidement des pièces
tronquées arriveront sur le bureau de
journalistes amis qui ne se feront pas
prier pour en faire bon usage. La liste
de ceux qui, objets de ce genre
d’assiduités, pourraient vous dire «
bienvenue au club » constitue
désormais une litanie, qui s’allonge
tous les jours. C’est Marine Le Pen,
patronne du premier parti de France déjà
cible
d’un acharnement judiciaire déterminé,
convoquée pour être mise en examen pour
s’être défendue
en rendant public le fac-similé
d’une incroyable
convocation judiciaire chez le
psychiatre ! C’est Jordan Bardella
faisant la course en tête dans la
campagne pour les européennes, à qui on
jette dans les jambes
une accusation « d’emplois fictif ».
C’est Rachida Dati postulante à la
mairie de Paris et susceptible de faire
de l’ombre à Benjamin Griveaux,
qui assiste à l’ouverture d’une enquête
opportune pour des honoraires
professionnels versés par Renault il y a
10 ans (!). Ce club comporte déjà des
membres prestigieux qui ont pour nom
Nicolas Sarkozy, François Fillon,
Jean-Luc Mélenchon et quelques
autres. Cependant, il semble qu’on ne se
bouscule pas pour l’intégrer comme le
démontre la tribune des 72 maires de
droite qui viennent de rejoindre Macron
à grand bruit, nouvelle démonstration
que prudence est mère de sûreté. Ils ont
reçu cinq sur cinq le message de Gilles
Boyer et savent que partout où il faudra
faire place nette pour caser des membres
LREM aux municipales, ceux qui n’auront
pas obtempéré vont goûter au pilori
médiatico-judiciaire.
La liste de ces preux, motivant leur
ralliement fébrile par le souci des
intérêts de la Nation, m’a fait sourire.
Ils ont raison d’être prudents, le Code
pénal offrant de multiples possibilités,
et il ne manque pas de magistrats
acceptant de faire de la politique.
Vers un État
policier ?
Dans un article
publié dans sa lettre confidentielle,
Éric Verhaeghe a fort justement pointé
la dérive liberticide du système de
gouvernement d’Emmanuel Macron emmenant
la France vers une forme d’État policier
particulièrement inquiétant. Il ne
s’agit pas seulement de l’inadmissible
violence des répressions policières et
judiciaires contre le mouvement social
des gilets jaunes, mais également de la
mise en place méthodique de textes
portant atteinte aux
libertés d’expression et
de manifestation, l’utilisation
d’intimidations policières contre la
presse pas assez docile, et enfin d’une
instrumentalisation politique de la
justice à un niveau rarement égalé. Pour
ce faire, le président a bénéficié de
l’étonnante complaisance d’une bonne
partie du corps des magistrats qui ont
accepté au moment de la crise des gilets
jaunes
d’oublier leur mission de justice au
profit d’une vision policière de
rétablissement de l’ordre. Mais il
dispose également d’un dispositif
particulier, celui qui s’est justement
signalé à l’occasion des affaires
évoquées ci-dessus. Il s’agit du Pôle
d’Instruction Financier, composé de
juges d’instruction qu’on dit
spécialisés, en général vedettes
médiatiques, et qui bénéficient de la
complaisance de la presse et de la
mansuétude des juridictions supérieures
qui leur passent beaucoup de choses.
Normalement chargés des affaires
financières complexes, il se sont fait
une spécialité de la chasse au sein du
monde politique. Après l’affaire Cahuzac,
et à l’initiative de François Hollande,
ce pôle d’instruction fut flanqué d’un
Parquet National Financier ce qui a
abouti à la création par ce couple
anormal d’une sorte de juridiction
d’exception. Celles-ci devraient
pourtant être proscrites en application
de deux principes essentiels : tout
d’abord tout le monde doit bénéficier
des mêmes conditions de jugement, celles
du droit commun et ensuite on ne choisit
pas son juge. Or le PNF autorité de
poursuite soumise au pouvoir exécutif
dispose d’une compétence nationale et
peut ainsi s’emparer de n’importe quel
dossier sur l’ensemble du territoire
français, le conduire à sa guise, et le
confier au Pôle d’instruction avec
lequel elle entretient des rapports très
étroits. C’est ce qui s’est passé au
début du mandat de François Hollande
avec l’affaire Arif, ce secrétaire
d’État du premier gouvernement Ayrault
prestement exfiltré. Ce dossier qui
semblait
jeter une lumière un peu étrange sur
le financement de la campagne électorale
de François Hollande, avait fait l’objet
de premières investigations de la part
du parquet de Toulouse territorialement
compétent. Récupéré par le PNF, confié
au pôle d’instruction, c’était en 2014
(!) Il a dû disparaître dans une faille
spatio-temporelle, on n’en a plus jamais
entendu parler. Comme celui de Bruno Le
Roux ex-ministre de l’intérieur,
pourtant mis en cause en même temps que
François Fillon et pour les mêmes
raisons, médiatiquement disparu depuis
plus de deux ans…
PNF/Pôle
financier, effets pervers
S’est immédiatement
installée entre ces deux institutions
une connivence évidente, voire une
coopération, qui fait que les médias
quand ils rapportent les événements de
la procédure ont du mal à faire la
distinction entre les deux. C’est-à-dire
entre l’autorité de poursuite (PNF) qui
n’est qu’une partie à la procédure et le
juge d’instruction, juge du siège en
théorie impartial, devant instruire à
charge et à décharge. C’est une
situation malsaine et si on ne reviendra
pas en détail sur tous les épisodes
assez ahurissants qui émaillent la
conduite des dossiers politiques, on
rappellera d’abord que la première cible
qui a fait l’objet d’un traitement hors
norme est bien Nicolas Sarkozy dont le
pouvoir socialiste souhaitait se
débarrasser. L’ancien président est
confronté à une vindicte personnelle
indiscutable que même certains
magistrats pourtant peu suspects de
sympathie particulière à son égard, ont
fini par refuser. C’est ainsi que dans
l’affaire Bygmalion les deux juges
d’instruction pourtant co-saisis n’ont
pas signé l’ordonnance de renvoi devant
le tribunal correctionnel qui porte le
paraphe du seul Serge Tournaire. Le même
qui depuis tant d’années s’acharne en
vain et malgré des moyens considérables
à établir un financement libyen de la
campagne Sarkozy de 2007. Qui n’a pas
hésité non plus, toujours pour la même
cible, à considérer dans la fameuse
affaire des « sondages de l’Élysée », et
contre l’évidence juridique que la
présidence de la république était,
soumise au code des marchés publics. Ce
qui a permis de poursuivre certains
prestataires de l’Élysée pour recel de «
délit de favoritisme ». On ne surprendra
personne en précisant que le coiffeur de
François Hollande n’est pas dans la
charette. Le même également qui de
concert avec le PNF a mené tambour
battant le début de l’instruction de
l’affaire Fillon pour ensuite se calmer
une fois acquise l’élimination de
celui-ci au premier tour de la
présidentielle.
Signalons quelques
caractéristiques particulières dans la
conduite de ces dossiers, qui relève du
simple constat sans qu’il soit besoin
d’instruire un quelconque procès
d’intention : d’abord il semble bien que
l’alinéa premier de l’article 81 du code
de procédure pénale relatif à
l’instruction à charge et à décharge
ne soit pas applicable dans ces
affaires… Ensuite autre règle
particulière, la presse est toujours
informée du contenu des dossiers avant
les avocats de la défense. Et enfin le
déroulement des péripéties procédurales
est bien articulé à l’agenda politique.
Sans surprise, les mêmes méthodes,
parfois moins voyantes sont utilisées
aujourd’hui contre les opposants au
système Macron.
Le dispositif formé
par ce couple PNF/Pôle Financier avait
été voulu comme tel sous la présidence
de François Hollande pour éviter par les
voies judiciaires l’éventuel retour de
Nicolas Sarkozy, puis ensuite utilisé
contre François Fillon. On rappellera,
horrible observation complotiste, que la
magistrate, directrice des affaires
juridiques de l’Élysée au printemps 2017
était arrivée directement du PNF
quelques semaines auparavant…
L’outil a désormais
été récupéré par Emmanuel Macron avec
une double fonction, d’abord
éviter aux dirigeants et amis de la
macronie les problèmes judiciaires
que pourraient justifier leurs
agissements et ensuite frapper les
opposants politiques considérés comme
des ennemis en déployant contre eux une
violence judiciaire à grand spectacle
comme l’ont montré, entre autres, les 17
perquisitions parallèles contre Jean-Luc
Mélenchon, et la séquence dont a été
victime Gérard Collomb il y a quelques
jours.
Cette dérive est à
la fois malsaine et dangereuse. Et il
est quand même surprenant de constater
que le monde politique et les
antifascistes de pacotille continuent à
regarder ailleurs ou à s’aveugler sur ce
qui est en train de s’installer chez
nous.
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