Vu du Droit
Macron : les autres c’est l’enfer !
Mathieu Morel
Vendredi 1er février 2019
Ce type est
décidément merveilleux ! Deux comptes
rendus, sur Paris-Match et Le Point, de
l’audience que Son Auguste Jupitude a
daigné concéder à une poignée de
journalistes révèlent un paranoïaque
complètement en roue libre, un
complotiste sans filtre voyant des
Russes cachés à peu près partout,
incapable de s’interroger réellement sur
quoi que ce soit, de relier causes et
effets autrement que selon des postulats
éculés, incapable de l’ombre d’une
analyse de la situation, juste mû par sa
seule obsession de mouler la réalité
dans ses présupposés faillis et puérils.
« C’est de la faute
des autres ».
Voilà peut-être l’élément essentiel, le
fil conducteur, la colonne vertébrale.
Les ennemis sont partout : intérieurs et
extérieurs. La russosphère, la
gauchosphère, la fachosphère, la
complosphère, toutes les chososphères
imaginables, emplies de gens aux
passions tristes, aux pulsions
factieuses et aux relents nauséabonds,
complotent contre lui et
instrumentalisent les esprits faibles de
ces braves bons Français à qui il veut
pourtant tant de bien. Et lorsque ça
n’est pas « la faute de » l’une ou
l’autre sphère, c’est alors la faute de
la presse, veule, suiviste,
démissionnaire, qui ne remplit plus sa
mission d’éducation des masses trop
rustiques pour distinguer par
elles-mêmes le Bien (lui) du Mal (les
autres). Une presse à la roue des
réseaux sociaux – dont on ne dira jamais
assez combien ils sont manipulés par les
Russes et autres sphères – voire
carrément des medias de propagande
russes eux-mêmes. Bref, une presse
devenue incapable de montrer aux gueux
la voie juste, la bonne : la jovienne.
Peut-être
repense-t-il avec nostalgie à ce temps
béni où la presse, alors intègre et
incorruptible, se répandait en
couvertures et enquêtes dithyrambiques
sur le nouveau petit prodige qu’il
était, sur ses prouesses, sur son génie,
sur ses amours rocambolesques et
l’intimité sucrée de son couple féérique
?
Deux longs
articles, donc, pour dérouler la pensée
du Maître parsemée de quelques poncifs
ronflants (on y apprend que « ce
mouvement est polymorphe » : allons bon,
mais où va-t-il chercher tout ça ?),
d’aphorismes managériaux ou
philosophico-cuculs (de la très
impressionnante « dévitalisation
quasi-physiologique de la démocratie » à
la très approximative « dissolution des
esprits comme dirait Blum », petite
référence historique afin de cocher
l’indispensable case « historien
penseur », fût-ce au prix d’arrangements
pour le moins audacieux avec le contexte
historique), d’affirmations gratuites et
de statistiques aussi magiques que
branquignoles.
Ah mais, nous
dit-on, il reconnaît aussi ses erreurs !
Ouf ! Un instant, on avait craint. Alors
oui, il « regrette ». Il en est même,
avoue-t-il, « scarifié ». Rien de
moins ! Il regrette ces petites phrases
qui ont fait du mal, à son insu. Il
regrette et fera désormais « très
attention ». Il regrette de n’avoir pas
mesuré combien sa fonction le rendait
vulnérable. Parce que si elles ont fait
du mal, ces petites phrases, c’est
qu’elles sont « mal interprétées ». Nous
y revoilà : mal interprétées… par « les
autres », bien entendu. Les « autres »,
ces indécrottables salauds ! Il regrette
également sa spontanéité, cette
sincérité excessive – c’est un classique
: « quel est votre plus grand défaut
? La bonté, l’honnêteté et le courage »
– qui lui fait prononcer ingénument des
« vérités » qu’ensuite, des sphères
malintentionnées sortent de leur
contexte et mettent en exergue dans le
seul but de lui nuire et, partant, nuire
à la France entière. Allez, vous vous en
doutez certainement : « célézautres ! ».
Il regrette, il est
sincèrement contrit de la malveillance
des « autres ».
Ces mêmes « autres » qui, n’en doutons
pas, ne manqueront pas de le brocarder
pour s’être, au cours de ce même
entretien (où il promet, donc, de faire
désormais très attention), sincèrement
payé la tête de « Jojo avec son gilet
jaune » ou encore de ce « boxeur
gitan », forcément manipulé (par
l’extrême gauche ou par les Russes, je
ne sais plus, de toute façon ce sont les
mêmes) puisqu’il « n’a pas les mots d’un
Gitan ». Jupiter voudra-t-il nous
éclaire : c’est censé parler quel sabir,
au juste, un Gitan ? Et boxeur, de
surcroît ?
Salauds d’« autres », vous dis-je !
Convenons tout de
même que dans des conditions pareilles,
ce doit être bien difficile, en effet,
de présider un pays peuplé de hordes
d’« autres » qui ne comprennent rien à
nous.
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