Chronique de
Palestine
La
haine des Arabes est le ciment
de la
politique israélienne
Ramzy Baroud
Un parent du jeune
Ezzaddin Tamimi pleure sur sa dépouille
lors de ses funérailles dans le village
de Nabi Saleh, en Cisjordanie, le 6 juin
2018.
Ezzaddin
Tamimi, 21 ans, a reçu
dans la poitrine et
le cou deux balles
pour tuer, lors d'affrontements avec les
soldats israéliens qui ont fait un raid
sur
le village pour procéder à des
kidnappings. Il est le troisième
habitant de Nabi Saleh à avoir été
assassiné par l'armée israélienne depuis
que ses habitants ont commencé à
manifester il y a dix ans.
Photo : Anne
Paq/Activestills
Jeudi 14 mai 2020 Peu après
l’accord de constitution d’un «
gouvernement national d’urgence » en
Israël, le dirigeant du parti Bleu-Blanc
(Kahol Lavan), Benny
Gantz, a
twitté triomphalement que la
« démocratie » en Israël avait été
« sauvegardée ».
Mais comment un
accord qui octroierait au premier
ministre de droite israélien, Benjamin
Netanyahu, un droit de veto sur
le système judiciaire qui décidera de
son sort, peut-il être une forme de
démocratie?
En janvier,
Netanyahu a été
mis en examen pour plusieurs
affaires de corruption, malversation et
abus de confiance. Son procès doit se
tenir le 24 mai.
En faisant une
telle affirmation,
Gantz se berce d’illusions, après
l’un des actes les plus honteux de
trahison politique de l’histoire moderne
du pays. En acceptant de faire alliance
avec le Likoud de Netanyahu,
Gantz a
démoli son propre groupe
parlementaire qui rassemblait plusieurs
partis importants en un seul bloc, dans
le but d’écarter du pouvoir le dirigeant
qui a occupé le poste le plus longtemps
en Israël.
Bleu-Blanc, qui
jusqu’à récemment était formé de trois
partis (Hosen Li-Israel, Yesh Atid et
Telem), s’est présenté aux électeurs
israéliens comme force politique qui
restaurerait enfin une certaine
crédibilité aux institutions politiques
israéliennes en difficulté.
De toute évidence,
Israël n’était pas prêt pour une telle
mission.
Il est commode de
faire porter à Gantz la responsabilité
de l’effondrement de l’opposition
israélienne autrefois en plein essor,
mais le problème des élites politiques
israéliennes est bien plus complexe que
celui d’un seul individu.
Les dirigeants
israéliens affirment que la démocratie,
la transparence, et l’inclusion sont
réalisables, même lorsque des millions
de citoyens arabes du pays sont
marginalisés et continuent d’être
victimes du racisme institutionnel qui
remonte à la fondation même d’Israël.
En réalité, Gantz
aurait pu former un gouvernement avec la
Liste Unifiée,
coalition de partis arabes et
progressistes, qui est le seul bloc
politique israélien qui représente
l’espoir d’un avenir meilleur, et plus
inclusif.
Le prétendu
« centriste » israélien a, toutefois,
choisi de faire alliance avec Netanyahu,
et, par conséquent, de s’aliéner ses
propres alliés, Yesh Atid et Telem,
plutôt que d’accepter les conditions
raisonnables de la Liste Unifiée.
La
Liste Unifiée, qui avait finalement
soutenu Gantz pour former un
gouvernement, avait juste demandé le
retrait de la Loi de l’État nation (qui
définit Israël comme État juif), et de
la
Loi Kaminitz (qui restreint les
constructions dans les communautés
arabes en Israël) et la fin de
l’occupation israélienne de la
Palestine, en conformité avec le droit
international.
Les exigences des
partis arabes dépassaient ce que Gantz
pouvaient accepter, et ce pour plusieurs
raisons.
Un, Gantz est avant
tout un homme politique de droite et un
faucon militaire, qui privilégie
l’annexion des territoires palestiniens
occupés et
prôné des guerre encore plus dures
contre Gaza.
Deux, Bleu-Blanc
n’aurait jamais pu former une coalition
plus large s’il avait adhéré à l’une
quelconque de ces exigences. C’est ce
qu’a
exprimé clairement le dirigeant de
Yisrael Beiteinu, Avigdor Lieberman.
Trois, l’élu à la
Knesset (parlement) Zvi Hauser, l’une
des figures les plus influentes de
Bleu-Blanc, est l’une des forces
principales qui ont fait adopter la Loi
de l’État Nation raciste en juillet
2018. S’attendre à ce que Hauser
abandonne la perle de ses réalisations
politiques serait tout à fait irréaliste
et aurait encore plus déstabilisé un
parti qui a perdu près de la moitié de
ses partisans en quelques jours.
Hauser est un
personnage intéressant, un homme
politique ambitieux et une personne à
surveiller, étant donné qu’il est amené
à jouer un rôle important dans le
gouvernement de coalition d’Israël.
Hauser va
maintenant devenir le « légendaire bras
long du Judicial Appointments Committee
(Comité des Nominations Judiciaires) »
selon Yossi Verter dans un
article de Haaretz. Ce comité a,
notamment, été la principale pierre
d’achoppement dans les négociations
difficiles, qui ont précédé l’annonce
d’un accord de coalition gouvernementale
entre Gantz et Netanyahu.
Selon les termes de
l’accord, Netanyahu peut accepter ou
rejeter toute prochaine nomination de
Hauser. Il n’est guère probable que
Hauser trouve l’ingérence de Netanyahu
inacceptable, tout simplement parce
qu’il s’est fait à l’idée d’être le
contact de Netanyahu.
Oui, en effet,
Hauser est
entré dans la vie publique en 1994
en qualité de porte-parole du Likoud
sous Netanyahu qui était à l’époque le
dirigeant de l’opposition du pays. En
fait, la carrière politique de Hauser
semble depuis le début être
intrinsèquement liée à celle de
Netanyahu.
Et, voici un autre
point commun entre le Likoud et
Bleu-Blanc, qui pourrait rendre
l’annexion projetée de parties de la
Cisjordanie et de la Vallée du Jourdain
palestiniennes occupées tout à fait
possible.
Le texte de
l’accord de coalition gouvernementale
mentionne l’annexion potentielle de
parties des territoires occupés dès
l’été, conformément à la « Vision pour
la Paix » du président états-unien
Donald Trump.
Cette entente
n’était en rien une concession de la
part de Gantz, qui, lui aussi, est
partisan d’une forme d’annexion.
C’est ici que le
rôle de Hauser devient une fois de plus
crucial, car c’est Hauser lui-même qui
dirigeait la « Coalition pour le
Golan israélien », qui a prôné et promu
la souveraineté d’Israël sur le Plateau
du Golan syrien.
Le souhait de
Hauser a reçu un énorme
coup de pouce en mars 2019, lorsque
Trump a signé le décret reconnaissant le
Plateau du Golan comme étant israélien.
Malgré son
accouchement difficile et le revers de
Bleu-Blanc, la coalition Netanyahu-Gantz
a bien plus en commun qu’il n’y paraît :
D’abord, Gantz
semble avoir renoncé à sa stratégie
consistant à se débarrasser de Netanyahu
par la voie judiciaire. Avec Hauser
comme intermédiaire, Netanyahu, n’a pas,
pour le moment du moins, de souci à se
faire.
Deuxièmement,
l’annexion de territoires palestiniens
(malgré le fort rejet
palestinien et
international d’une telle mesure)
n’est pas un point litigieux entre les
partenaires de la coalition mais
également un point d’accord.
Troisièmement, en
raison du rejet de Gantz d’une coalition
avec la Liste Unifiée, et le total
mépris de Neatnyahu pour les dirigeants
palestiniens de Cisjordanie et de Gaza,
les Palestiniens sont totalement gommés
de la carte politique des élites
gouvernantes israéliennes.
Cela ne risque pas non plus de changer à
l’avenir.
Il y a un aspect
positif à la coalition gouvernementale
peu prometteuse d’Israël, à savoir la
clarté. Connaissant l’impressionnante
feuille de route anti palestinienne,
anti-paix, et anti-droit international
de Netanyahu, nous devrions avoir toute
la clarté nécessaire pour comprendre
qu’une paix juste n’est pas possible
tant que Netanyahou reste aux commandes.
On peut dire la
même chose de Gantz, qui a préféré
serrer volontairement la main du diable
plutôt que de trouver un terrain
d’entente avec les dirigeants de la
communauté palestinienne arabe d’Israël.
Même lorsque le
mandat de dix-huit mois de Netanyahu en
tant que premier ministre arrivera à son
terme, un gouvernement israélien dirigé
par Gantz n’est guère susceptible de
faire mieux.
* Ramzy Baroud
est journaliste, auteur et rédacteur en
chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
* Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
29 avril 2020 –
ramzybaroud.net – Traduction:
Chronique de Palestine – MJB
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