Chronique de
Palestine
Le vrai danger dans la décision
américaine d’avaliser
les colonies
juives en Palestine occupée
Ramzy Baroud
Horreur
architecturale et véritable chancre dans
le paysage palestinien,
la colonie
israélienne de
Har Homa est installée et
s'étend aux limites de Jérusalem
Photo
: Anne Paq/Activestills.org
Vendredi 6 décembre 2019 Ramzy Baroud
– Il n’est guère surprenant que le
gouvernement des États-Unis ait
finalement décrété que les colonies
juives illégales construites au mépris
du droit international étaient en
quelque sorte « compatibles » avec le
droit international.
La politique
étrangère américaine se rapproche de
cette conclusion depuis un certain
temps. Depuis son arrivée à la Maison
Blanche en janvier 2017, le président
Donald Trump a provoqué un renversement
total et complet de la politique
étrangère de son pays à l’égard de la
Palestine et d’Israël.
Ne nous faisons pas
d’illusion quant à l’approche américaine
du ainsi nommé « conflit
israélo-palestinien » avant la
présidence de Trump. Depuis la création
de l’État d’Israël sur les ruines de la
Palestine historique en 1948, les
États-Unis ne se sont jamais dressés,
pas même une seule fois, pour défendre
les Palestiniens et les Arabes. En
outre, Washington a financé de toutes
les manières possibles l’occupation
israélienne de la Palestine, y compris
par le subventionnement des colonies
juives. illégales.
Néanmoins, la
déclaration faite lors d’une conférence
de presse tenue le 18 novembre par le
secrétaire d’État Mike Pompeo :
« L’établissement de colonies de
peuplement civiles israéliennes n’est
pas en soi incompatible avec le droit
international » – reste très dangereuse.
En fait, cela constitue une rupture
politique par rapport aux politiques
américaines antérieures.
Comment ?
Historiquement, Washington a toujours eu
des problèmes avec le droit
international, non pas à cause de son
manque de bon sens juridique, mais parce
que, très souvent, les intérêts des
États-Unis se sont heurtés à la volonté
de la communauté internationale.
L’occupation israélienne de la Palestine
est un cas récurrent. Les États-Unis ont
opposé leur veto ou voté contre de
nombreuses résolutions du Conseil de
sécurité et de l’Assemblée générale des
Nations Unies critiquant Israël ou
soutenant les droits des Palestiniens.
En 1978 par
exemple, une administration américaine a
osé qualifier les colonies israéliennes
d’ « incompatibles avec le droit
international ». C’est ce qui s’est
passé sous la présidence de Jimmy
Carter, lorsque Washington a commencé à
jouer avec le modèle politique du
« processus de paix » qui a finalement
conduit à la signature du Traité de paix
entre l’Égypte et Israël à Camp David en
1979.
« Depuis lors, » a
écrit Joseph Hincks dans le Time
Magazine Online, « les présidents
républicains et démocrates ont qualifié
les colonies d’ ‘illégitimes’ tout en
refusant de les qualifier d’illégales –
une désignation qui les exposerait à des
sanctions internationales. »
Cela étant dit,
c’est le président Ronald Reagan qui –
tout en s’opposant au principe de
l’illégalité des colonies de peuplement
– a estimé qu’elles constituaient un
« obstacle à la paix », exigeant un gel
de la construction de toutes les
colonies.
La déclaration de
Pompeo est en fait compatible avec les
contradictions de Washington concernant
la construction de colonies de
peuplement illégales par Israël en
Palestine occupée. En décembre 2016,
l’administration de Barack Obama a
refusé d’opposer son veto à une
résolution du Conseil de sécurité des
Nations unies qui qualifiait les
colonies de peuplement de « violation
flagrante » du droit international,
ajoutant qu’elles n’avaient « aucune
validité juridique ».
Bien qu’Obama ait
choisi de s’abstenir, cette décision
était en elle-même considérée comme une
rupture historique par rapport à la
politique étrangère traditionnelle des
États-Unis, mettant davantage en
évidence le soutien inconditionnel et
souvent aveugle des États-Unis à Israël.
Si, d’une certaine
manière, le soutien de l’administration
Trump à Israël est le prolongement du
sombre parcours du parti pris américain,
il est aussi particulièrement unique et
troublant. Les administrations
américaines précédentes ont tenté de
maintenir un certain équilibre entre
leurs propres intérêts et ceux d’Israël.
Trump, en revanche, semble avoir
complètement aligné la politique
étrangère de son pays à l’égard de la
Palestine et d’Israël, sur celle du
Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu et de son camp
d’extrême-droite.
En effet, depuis
plus de deux ans, le Département d’État
a donné carte blanche à Israël en
souscrivant à toutes ses demandes et à
toutes ses attentes, et sans rien
demander en retour. En conséquence,
Washington a accepté la désignation
israélienne de Jérusalem, y compris
Jérusalem-Est occupée, comme « capitale
éternelle et indivisible »; accepté la
souveraineté d’Israël sur les hauteurs
du Golan syrien occupé; et a activement
comploté pour écarter complètement la
question des réfugiés palestiniens. La
dernière annonce de Pompeo n’était que
l’une des nombreuses étapes de ce type.
Selon une théorie
concernant la reddition en cours de la
politique étrangère des États-Unis au
profit ces intérêts d’Israël, Washington
se retirerait lentement mais
définitivement du Moyen-Orient. Ce
processus a débuté dans les dernières
années de la présidence de George W Bush
et s’est poursuivi sans relâche tout au
long des deux mandats d’Obama. Céder aux
désirs d’Israël serait comme le cadeau
de départ de l’Amérique à son plus
fidèle allié du Moyen-Orient.
Une autre
explication concerne le « deal du
siècle » apparemment caduc, une doctrine
politique très vaguement définie qui
vise à normaliser les relations avec
Israël aux niveaux régional et
international, tout en préservant le
statu quo de son occupation et du
régime d’apartheid.
Pour que cet accord
soit ressuscité après des mois
d’inertie, Washington souhaite prolonger
le mandat de M. Netanyahu, d’autant plus
que le Premier ministre israélien,
longtemps au pouvoir, fait face à son
plus grand défi politique et même à une
possible peine d’emprisonnement à la
suite de diverses accusations de
corruption.
Actuellement,
Israël traverse une crise politique
après deux élections générales dans les
six derniers mois – et avec la
possibilité d’une troisième élection –
dans un contexte de polarisation
historique socio-économique et politique
au sein de l’électorat. Pour maintenir
Netanyahu en vie politiquement, ses
alliés à Washington lui ont jeté le
maximum de bouées de sauvetage, le tout
dans l’espoir de lui gagner davantage de
soutien dans le camp politique
d’extrême-droite, lequel est dominant en
Israël.
En rendant les
colonies illégales « conformes » au
droit international, Washington ouvre la
voie à l’annexion par Israël de tous les
principaux blocs de colonies de
peuplement de la Cisjordanie occupée, ce
dont Netanyahu s’attribuera sans doute
le crédit.
Israël n’a jamais
vraiment été préoccupé par le droit
international, mais il avait besoin du
feu vert des États-Unis pour annexer au
moins 60% de la Cisjordanie occupée. En
effet, avec l’hémorragie des concessions
américaines à Israël, Netanyahu en veut
toujours plus.
Désireux de
renforcer son emprise largement
contestée sur le pouvoir, le dirigeant
israélien a accepté le 20 novembre de
faire avancer un projet de loi appelant
à l’annexion de la vallée du Jourdain.
Le projet de loi a été rédigé par
Sharren Haskel, membre du Likoud
israélien – le parti de Netanyahu – qui
a tweeté, à la suite de la décision du
Premier ministre, que l’annonce des
États-Unis était « une occasion de
promouvoir ma loi de souveraineté dans
la [vallée du Jordain] ».
La décision des
États-Unis de défier le droit
international sur la question des
colonies de peuplement n’est pas
dangereuse parce-qu’elle viole le droit
international, car ce dernier n’a
pratiquement jamais préoccupé
Washington. Le danger réside en réalité
dans le fait que la politique étrangère
des États-Unis à l’égard de l’occupation
israélienne est devenue un simple tampon
qui permet au gouvernement d’extrême
droite d’Israël de déterminer à lui seul
le sort du peuple palestinien et de
semer les germes de l’instabilité et de
la guerre dans le pays et le reste du
Moyen-Orient pour de nombreuses années.
* Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
27 novembre 2019 –
RamzyBaroud.net – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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