Actualité
Ni Jens Stoltenberg, Secrétaire général
de l’OTAN.
Ni Emmanuel Macron Président de l’Etat
français.
Pierre Galand
Jeudi 5 décembre 2019
Aujourd’hui, l’OTAN entend s’emparer de
l’espace comme domaine « réservé
d’intervention militaire » et désigne la
Chine comme ennemi potentiel.
L’OTAN, créé en avril 1949 à Washington,
avait pour objectif de sceller une
alliance militaire transatlantique pour
assurer la défense du « monde libre »,
l’Occident, face à la montée en force du
système de défense et d’offensive de
l’Union Soviétique, à la tête du Pacte
militaire de Varsovie (créé le 14 mai
1955).
En 1991, M.
Gorbatchev, alors Président de l’URSS,
décide de mettre fin au Pacte de
Varsovie , ordonne le retrait des
troupes russes de l’Allemagne de l’Est
et annonce qu’il n’interviendra plus
dans les autres pays de l’Est européen.
De son côté,
l’OTAN, malgré la disparition du risque
résultant de la confrontation Est-Ouest,
prend la décision de rester en place
car, déclare son secrétaire-général
Manfred Wörner, il existe d’autres
risques auxquels l’Alliance occidentale
est confrontée.
Dans les faits,
l’OTAN va se substituer aux Nations
Unies et son Conseil de sécurité, non
seulement dans l’évaluation des risques
pour la paix mondiale mais également
dans la prise de décision militaire
relative aux interventions en cas de
crise pour la sécurité dans le monde.
C’est aussi l’OTAN qui définit la
cohérence des équipements militaires de
ses membres. Entretemps, avant même leur
adhésion à l’Union européenne,
l’ensemble des anciens pays européens
satellites de la Russie est invité à
rejoindre l’Alliance atlantique.
Ces politiques
voulues par les Etats-Unis ont une
double conséquence. La première,
d’empêcher l’ONU de trouver une nouvelle
légitimité post-guerre froide, de
saborder toute perspective de relance
des négociations de désarmement comme
vecteur d’une paix fondée sur les
accords bi et multilatéraux. La seconde
: d’humilier les Russes car les USA vont
déconsidérer les propositions faites par
Mikaël Gorbatchev et ses conseillers,
entre autres l’offre de construire une «
Europe maison commune » pour tous les
Européens, car les Américains, eux,
considéraient avoir gagné la guerre
Est-Ouest dès la chute du Mur de Berlin.
Il faut aujourd’hui
interpréter l’attitude de M. Vladimir
Poutine comme une réaction à cette
humiliation, au pillage des actifs
économiques de la Russie et au
déploiement orchestré par les USA de
quelques 80 bases militaires américano-otaniennes
non loin des frontières occidentales de
la Russie. A croire que nous n’avons
rien retenu de l’histoire du Traité de
Versailles imposé aux Allemands au
lendemain de la Première guerre mondiale
en juin 1919 et qui furent considérés
comme le pire camouflet à la nation
allemande constituant
pour nombre d’historien les prémisses de
l’arrivée du nationalisme allemand et
d’Hitler au pouvoir.
Aujourd’hui,
l’Europe devrait avoir conscience de ce
que l’OTAN est avant tout un reliquat
encombrant de la guerre froide car
l’OTAN conçoit la paix selon « si vis
pacem para bellum » (si tu veux la paix,
prépare la guerre).
Cette conception
entraîne d’ailleurs chez nous certains
hommes politiques à plaider pour une
Europe forte disposant de ses propres
moyens intégrés de défense en mesure
d’évaluer elle-même les risques pour sa
sécurité. Cette vision otanienne versus
la vision défense européenne ne règle
absolument pas l’impérieuse nécessité de
concevoir que notre sécurité commune,
comme celle des autres peuples, repose
avant tout sur l’obligation de réduire
le risque de l’usage des armes de
destruction massive, de plus en plus
performantes et de plus en plus
miniaturisées. Pour y arriver, mettons
en avant la tout aussi impérieuse
urgence de réhabiliter les instruments
d’arbitrage internationaux reposant sur
le droit international et la Déclaration
universelle des droits humains afin
d’anticiper les conflits et de les
désamorcer dans les plus brefs délais.
Les différents
comités de désarmement et de contrôle
des armes, siégeant à Genève, sont
aujourd’hui en état de mort cérébrale.
Pire, les rapports des Occidentaux avec
les Russes et les Chinois relèvent plus
de l’invective et de l’insulte. Nous
sommes donc loin de ce que Russes et
Américains étaient en mesure de négocier
dans les années 80 pour réduire les
risques de l’usage des armes de
destruction massive. Même en Europe, il
fut un temps où des personnalités comme
les Belges Henri Rollin et Pierre Harmel
ou… le Soviétique Vadim Zagladine
avaient largement contribués à finaliser
les Accords paneuropéens d’Helsinki,
accords de sécurité et de coopération
européenne fondés sur les progrès
auxquels s’engageaient les différentes
parties.
Rappelons que ces accords
réunissant 35 pays portaient sur 10
principes régissant les relations entre
les Etats et reposant sur la
reconnaissance des droits humains comme
facteur essentiel de la paix, de la
justice et du bien-être pour assurer le
développement de relations amicales et
de coopération entre tous les Etats. Ces
accords ont été répartis dans trois
corbeilles différentes et vont fonder
les bases de l’OSCE (Organisation pour
la sécurité et la coopération en
Europe). Première corbeille : les
mesures de confiance, de la sécurité et
du désarmement. Deuxième corbeille : la
coopération dans les domaines de
l’économie, de la science, de la
technique et de l’environnement ;
troisième corbeille : coopération dans
les domaines humanitaires, c’est-à-dire
liberté de la presse, échanges culturels
et en matière d’éducation. Ces Accords
signés en août 1975 en pleine guerre
froide marquèrent un tournant historique
donnant une dimension universelle à la
défense des droits humains et des
libertés fondamentales comme facteurs
essentiels de la paix.
Aujourd’hui, M.
Emmanuel Macron suscite des inquiétudes
du côté de l’OTAN en avançant la
nécessité d’un pilier européen de la
défense plus indépendant des Etats-Unis.
Cela ne résout en rien la question du
surarmement ni de la conception même de
la sécurité européenne encore moins de
celle du reste du monde. Il faut de
toute urgence réhabiliter et renforcer
tous les lieux et institutions capables
de recréer les mécanismes de sécurité
fondés non sur la défiance mais sur la
coopération.
Les grandes et
moyennes puissances sont généralement
peu enclines à ce genre d’exercice et il
appartient donc aux petits pays de
prendre les initiatives qui permettront
de freiner et d’inverser la tendance
actuelle qui réserve de plus en plus de
moyens budgétaires à l’armement et à la
recherche développement en armements de
pointe. Ces initiatives doivent
permettre de reconstruire le difficile
chemin d’un monde capable de limiter la
course et le commerce des armements qui
permettront de dégager les ressources
nécessaires pour relancer les mécanismes
multilatéraux de sauvegarde de la paix
et de la coopération pour développer le
bien-être commun dont sont privés encore
aujourd’hui la majorité des êtres
humains peuplant notre planète.
C’est, à mon sens,
le rôle auquel la Belgique doit
s’employer en tant que membre non
permanent du Conseil de sécurité des
Nations Unies durant l’année 2020.
Pierre Galand
Ancien sénateur et membre du Comité pour
la Sécurité et la Coopération
européenne.
Novembre 2019
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