Opinion
Après la France et l'Amérique,
l'ONU à genoux devant les coupeurs de
têtes
Philippe Alain
Samedi 11 juin 2016
C'est un fait sans
précédent qui en dit long sur l'état de
déliquescence d'un monde dont les pays
et les organisations internationales
sont contrôlés par des dirigeants lâches
et corrompus. Alors qu'il venait de
publier un rapport mettant en cause la
coalition menée par l'Arabie Saoudite
pour sa responsabilité dans la mort de
centaines d'enfants au Yémen, le
secrétaire général de l'ONU fait
soudainement volte-face et retire
l'Arabie Saoudite de la liste.
Des faits établis et
recoupés
Le Yémen est un
pays de 24 millions d'habitants qui,
pour son plus grand malheur, est en
proie à une guerre civile depuis 2014.
Un malheur n'arrivant jamais seul, ce
pays est situé à la frontière sud de
l'Arabie Saoudite qui est bien décidée à
ne surtout pas laisser arriver au
pouvoir des chiites soutenus par l'Iran.
Le 25 mars 2015, en bon élève de
l'Amérique, l'Arabie Saoudite déclenche
l'opération "tempête décisive". A la
tête d'une coalition d'une dizaine de
pays arabes, l'armée saoudienne bombarde
plusieurs aéroports ainsi que la
capitale Sanaa. Depuis cette date, le
conflit s'étend et les combats touchent
la totalité du pays. Fidèle à son maître
américain, l'Arabie Saoudite multiplie
les frappes aériennes, quitte à utiliser
des bombes à munitions, pourtant
interdites par le droit international.
Des hôpitaux, mais aussi des écoles sont
touchés par les bombardements. Cette
guerre a fait plus de 3 000 victimes
civiles parmi lesquelles plus de 700
enfants, soit plus que les victimes de
Gaza en 2014.
Dans son rapport
annuel sur le sort des enfants dans les
conflits armés (1), le secrétaire
général des Nations-Unies, Monsieur Ban
Ki-Moon écrit: "L’ONU a établi que le
nombre d’enfants tués et blessés avait
sextuplé par rapport à 2014, avec un
total de 1 953 victimes (785 enfants
tués et 1 168 blessés). Plus de 70 %
étaient des garçons."
L'ONU et son secrétaire général
mettent précisément en cause les
responsables: " Soixante pour cent
des victimes (510 morts et 667 blessés)
ont été imputées à la coalition dirigée
par l’Arabie saoudite et 20 % (142 morts
et 247 blessés) aux houthistes. Dans 324
cas, il n’a pas été possible
d’identifier la partie responsable."
On peut difficilement être plus
précis. D'ailleurs, dans l'introduction
du rapport, il est écrit:
"L’Organisation des Nations Unies a
vérifié l’exactitude de toutes les
informations consignées dans le présent
rapport et ses annexes... Le présent
rapport et ses annexes sont le fruit de
vastes consultations menées au sein du
système des Nations Unies, au Siège et
sur le terrain, et avec les États
Membres concernés."
En résumé, l'ONU a
enquêté, vérifié, recoupé et établi que
la coalition dirigée par l'Arabie
Saoudite, ce grand défenseur des droits
de l'homme qui coupe les têtes et lapide
les femmes, est directement responsable
de la mort de 510 enfants au Yémen.
Dans l'annexe I du
rapport, figure donc une liste:
" Liste des parties recrutant,
utilisant, tuant, mutilant ou enlevant
des enfants, les violant ou commettant
d’autres formes de violences sexuelles à
leur encontre, ou attaquant des écoles
ou des hôpitaux dans des situations de
conflit armé dont le Conseil de sécurité
est saisi."
Et dans cette liste, à la rubrique
"Yémen" figurent: le mouvement houthiste,
les forces gouvernementales, Al-Quaïda
et... "La coalition dirigée par
l'Arabie Saoudite"
Une volte-face
inédite et surréaliste:
A peine le rapport
de l'ONU sorti, les dirigeants
Saoudiens, grands défenseurs des droits
de l'homme devant l'Eternel, font
chauffer leurs téléphones. Quoi ?
Comment ? Nous on ne tue pas les
enfants, on les aime, on les adore. Il
n'y a qu'à venir voir comment on les
traite chez nous. Surtout ceux qui
volent et dont on coupe les mains. Alors
vous allez enlever immédiatement notre
nom de cette liste ou vous allez voir de
quel bois on se chauffe.
C'est Ban Ki-Moon
lui même qui avoue en pleurnichant avoir
agit sous la pression des monarques
enturbannés: « La décision de retirer
la coalition de la liste noire a été
l’une des plus douloureuses et
difficiles que je n’aie jamais prises »,
s’est-il justifié au cours d’une
conférence de presse.
Ah bon, mais pourquoi avoir retiré
l'Arabie Saoudite de la liste alors ? Et
bien tout simplement parce qu'on lui a
fait un chantage:
« J’ai aussi dû tenir compte de la
perspective très réelle de voir des
millions d'autres enfants souffrir
gravement si, comme cela m'a été
suggéré, certains pays supprimaient des
financements à plusieurs programmes de
l'ONU. Il y a des enfants déjà
vulnérables en Palestine, au Soudan du
Sud, en Syrie, au Yémen. Il est
inacceptable pour des Etats membres
d'exercer des pressions injustifiées »
En d'autres termes,
les Saoudiens lui ont dit, soit tu
retires notre nom, soit on te coupe la
tête. Non, on déconne, soit on te coupe
les vivres.
On arrive donc à
une situation surréaliste où le
secrétaire générale de l'ONU vient nous
expliquer que pour le bien de certains
enfants, il décide de ne pas mentionner
le nom du bourreau d'autres enfants,
tout simplement parce que ce bourreau
est un gros enculé, pardon, un gros
financeur. Exactement comme si un état
renonçait à juger un terroriste sous
prétexte qu'il a placé beaucoup d'argent
chez lui.
Quoi ? Comment ?
C'est déjà le cas ?
Un chantage à 750
milliards de dollars
Au Etats-Unis, un
projet de loi est en préparation qui
permettrait aux familles des victimes du
11 septembre de traîner devant les
tribunaux les dirigeants de l'Arabie
Saoudite afin de d'obtenir des dommages
et intérêts. (2)
Pour ceux qui
l'ignorent encore, 15 des 19 terroristes
impliqués dans les attentats du 11
septembre étaient ressortissants
d'Arabie Saoudite. Pour ceux qui
l'ignorent encore, l'Arabie Saoudite a
largement contribué au financement d'Al-Quaïda.
Enfin, pour ceux qui ne savent ni lire,
ni écrire et qui n'ont jamais entendu
parler du 11 septembre, 28 pages du
rapport rédigé par les autorités
américaines suite aux attentats sont
classées et n'ont jamais été publiées
car elle mettent en cause l'Arabie
Saoudite dans le financement et
l'organisation des attentats.
Dans l'émission "60 minutes" de CBS (3),
Bob Graham, un ex-sénateur ayant pu lire
les pages confidentielles confirme
toutes ces informations.
A peine ce projet
de loi connu, les dirigeants saoudiens
ont immédiatement sorti l'artillerie
lourde et ils ont dit en substance aux
américains: attention, si vous sortez
cette loi permettant à votre justice de
demander des comptes à nos dirigeants,
nous retirons tous nos avoir chez vous,
soit environ 750 milliards de dollars...
Immédiatement, Barak Obama s'est déclaré
opposé à ce projet de loi.
Finalement le
terrorisme arrange tout le monde
Au nom de la lutte
anti-terroriste, les Américains sont
donc capables d'envahir des pays, de
massacrer des centaines de milliers de
personnes. Ils sont aussi capables de
créer des zones de non-droit pour y
enfermer sans jugement des personnes qui
n'ont jamais commis un seul attentat. Au
nom de la lutte anti-terroriste, la
France met sur écoute toute sa
population, elle institutionnalise
l'état d'urgence, mais elle est aussi
capable de bombarder des pays souverains
en y tuant, elle aussi des enfants (4).
Au nom de la protection des enfants,
l'ONU, sous la signature de son
secrétaire général publie un rapport
accablant pour ceux qui tuent ou
mutilent des enfants.
Mais au nom du
réalisme politique, les Américains
renoncent à publier un rapport qui met
en cause l'Arabie Saoudite dans les
attentats du 11 septembre. Mais au nom
du réalisme politique, la France offre
la légion d'honneur aux dirigeants
Saoudiens (5). Mais au nom du réalisme
politique, l'ONU enlève de sa liste
noire des pays tueurs d'enfants l'Arabie
Saoudite. C'est du vraiment du réalisme
? Ne serait-ce pas plutôt de la lâcheté
ou de la corruption ?
Qui finance
l'Arabie Saoudite ? Les pays occidentaux
qui lui achètent du pétrole.
Qui arme l'Arabie Saoudite ? Les pays
occidentaux au premiers rangs desquels
l'Amérique et la France qui lui vendent
des armes.
Il est clair
aujourd'hui que la menace terroriste est
entretenue pour maintenir les peuples
dans la peur et leur imposer une
restriction de leurs libertés sans
précédent. Il est clair également que la
menace terroriste permet aux puissances
coloniales d'envahir des pays
souverains, d'y semer la terreur et le
chaos afin de s'approprier leurs
ressources.
Les pilotes
Saoudiens du 11 septembre, les
prisonniers de Guanatanamo, les Merah,
Coulibaly ou Salah, tous ces terroristes
en herbe ne sont que la face visible
d'une organisation beaucoup plus
importante et beaucoup plus puissante
qui gère le terrorisme à l'échelle
mondiale mais que personne, pas même
l'ONU n'ose mettre en cause.
Alors de deux
choses l'une. Soit c'est l'Arabie
Saoudite et son régime qui compte parmi
les plus sanguinaires de la planète qui
gouverne le monde avec ses pétrodollars.
Soit la vague terroriste sans précédent
que nous connaissons depuis 15 ans
arrange bien nos dirigeants et en aucun
cas, ils ne veulent punir le vrai
coupable qu'ils connaissent
parfaitement.
A bien y réfléchir,
les deux ne sont pas vraiment
incompatibles.
(1)
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=s/2016/360&referer=/english/&Lang=F
(2)
https://www.congress.gov/bill/114th-congress/senate-bill/2040/text
(3)
http://www.cbsnews.com/news/60-minutes-911-classified-report-steve-kroft/
(4)
http://philippealain.blogspot.fr/2015/10/syrie-la-france-bombarde-des-enfants.html
(5)
http://philippealain.blogspot.fr/2016/03/la-france-decore-le-terrorisme-la.html
Le
dossier Arabie saoudite
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Yémen
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