Politique
Que s’avancent les progressistes
Patrick Le Hyaric
Mercredi 26 décembre 2018
Pour tenter d’étouffer le mouvement
populaire des gilets jaunes, réduire son
ampleur, dévoyer son contenu, élimer sa
détermination et affaiblir le soutien
dont il bénéficie, il a été décidé en
haut lieu d’instrumentaliser des
violences, et les hideux visages de
l’antisémitisme et des racismes qui
parcourent certains cercles minoritaires
du mouvement.
A cette fin, des images ont abondamment
tourné en boucle sur les écrans de
télévision, cachant du même coup
l’ampleur de manifestations pacifiques
dans plusieurs villes, les demandes
sociales et démocratiques alors que, par
ailleurs, le pouvoir prétend organiser
un grand débat public. Nous n’excuserons
jamais des violences gratuites contre
des policiers, des commerçants, ou ces
insultes proférées dans le métro
parisien envers une dame déportée à
Auschwitz. Mais elles sont infiniment
minoritaires comme le sont les violences
policières contre des manifestants.
Ce ne sont ni le
mouvement, ni les forces de l’ordre qui
produisent ces tensions. Pourquoi les
met-on alors ainsi en scène ? Tout
simplement pour faire retourner les gens
de peu, les invisibles à leur
invisibilité. La nature originelle du
mouvement doit être recherchée dans la
soif d’égalité face à l’injustice
fiscale et sociale, face à l’inégale
répartition des richesses et contre le
mépris et la dépossession des citoyens
et des classes laborieuses des affaires
qui les concernent. Aucune complaisance
ne doit donc exister vis-à-vis des
tentatives de récupération de l’extrême
droite antisémite, raciste, xénophobe,
parce que cela reviendrait
fondamentalement à détruire les
exigences démocratiques, sociales que
porte ce mouvement.
Le poison
identitaire n’est que la grande béquille
pour perpétuer l’ordre des inégalités
sociales et économiques. Il n’est que
l’antichambre des pouvoirs autoritaires
à rebours des exigences démocratiques
qui s’expriment notamment avec le
référendum d’initiative citoyen. Le
racisme a toujours été une arme utilisée
par les dominants décadents pour tuer
les demandes sociales et les aspirations
démocratiques. Mais, tout est fait dans
les allées du pouvoir et dans quelques
salles de rédaction pour grossir tel ou
tel incident ou acte inadmissible afin
de discréditer le mouvement, à la façon
des bourgeoisies du 19ème siècle
assimilant les « classes laborieuses à
des classes dangereuses ». Tout est
ainsi fait pour que l’extrême droite
sorte gagnante de cette profonde crise
venant de loin, afin de la retrouver,
demain encore, dans des seconds tours de
scrutins pour sauver la mise aux tenants
du système. Tel est le jeu dangereux que
jouent le pouvoir et les institutions
européennes qui ne tirent aucune leçon
de ce qui se passent dans de nombreux
pays en Europe depuis des mois. A moins
que pour empêcher l’alternative
progressiste ils n’aient, comme en
d’autres temps, choisi le pire. Il
convient donc de mesurer la gravité du
moment et de se hisser au niveau des
exigences historiques. Dans ces
conditions, tout militant de gauche et
écologiste a la responsabilité de se
porter au-devant du débat, de conforter
son esprit unitaire, de mettre sur la
table des propositions de transformation
progressistes et écologistes. Au fond,
n’est-ce pas le système capitaliste
financiarisé et mondialisé qui est
aujourd’hui puissamment contesté ? Ce
mouvement était bel et bien
imprévisible, mais ses causes aisées à
cerner. Il n’est qu’à parcourir
« L’Humanité » depuis le référendum sur
le traité de Maastricht pour s’en
convaincre. Il peut déboucher sur des
avancées significatives. Il ne restera
pas, quoi qu’il advienne dans les jours
et semaines qui viennent, sans
conséquence. Tout en respectant son
autonomie, les forces de gauche et
d’émancipation devraient avoir pour
seule ambition d’unir et de se mettre à
son service.
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