Opinion
Conflit israélo-palestinien :
François Hollande hésite
et... ne prend aucune décision
Pascal Boniface
© Pascal
Boniface
Jeudi 24 juillet 2014
La décision de la
France de s'abstenir sur le vote du
Conseil des droits de l'homme de l'ONU
demandant une commission d'enquête
internationale indépendante sur la
violation du droit international
humanitaire dans la bande de Gaza
suscite de nombreuses interrogations.
Le refus de mettre en place une
commission d'enquête internationale est
curieux. Pourquoi refuser la recherche
de la vérité ? Accepter l’enquête ne
signifie pas en accepter les
conclusions.
29 ont voté pour, 17 pays se sont
abstenus, seuls les États-Unis ont voté
contre. Officiellement, c'est pour avoir
une position commune européenne que la
France s’est abstenue. En l'occurrence,
une position européenne commune, si elle
doit aboutir à une peu glorieuse
abstention, n’était pas un objectif à
rechercher. La France a toujours
considéré l'Europe comme un
multiplicateur de puissance. Elle
devient ici un frein et un anesthésiant.
Le vote de la France ne peut être que
perçu comme une banalisation de sa
diplomatie et une volonté de ne pas
déranger Israël.
Il faut se rappeler qu’en novembre 2012,
lors du vote de l'admission de la
Palestine comme État non-membre de
l'ONU, après avoir hésité, la France
s'est quand même décidée à voter
favorablement. L'Europe se partageant en
trois positions (pour, contre,
abstention).
À l'époque, le Crif et ses amis
s'étaient mobilisés pour tenter
d'empêcher un vote positif de la France.
Ils n'y étaient pas parvenus. Il aurait
été incompréhensible que la France
s'abstienne au moment où une très vaste
majorité d'États votaient en faveur de
la Palestine.
La France qui a été très longtemps à la
pointe de cette politique de
reconnaissance des droits du peuple
palestinien ne pouvait se dérober au
moment où le monde entier lui faisait
droit. Mais François Hollande avait
hésité à l’époque et Laurent Fabius,
conscient du discrédit international
qu’aurait suscité une abstention, avait
jeté tout son poids dans la bataille
pour obtenir un vote positif.
On voit donc bien que l'argument
européen est en fait un prétexte.
Comment expliquer que François Hollande
qui, au cours de la campagne électorale
de 2012, avait pris comme engagement la
reconnaissance internationale de l'État
palestinien marquant ainsi une
différence avec Nicolas Sarkozy, se
montre très en retrait aujourd'hui ?
Il avait déjà surpris en août 2012
devant la Conférence des ambassadeurs
lors de son premier grand discours de
politique étrangère où il n'avait parlé
que du droit à l'autodétermination des
Palestiniens sans parler d'un État. Il
avait corrigé de sa propre main la
version initiale du discours qui parlait
d'un État.
À l'ONU, le 25 septembre de la même
année, il avait évité également de se
prononcer sur la reconnaissance à l'ONU
de la Palestine. En novembre 2012, lors
de la visite pour une cérémonie
d'hommage aux victimes des attentats de
Toulouse de Benyamin Netanyahou, il
avait exprimé ses divergences sur la
poursuite de la colonisation des
territoires palestiniens sans n’en tirer
aucune conséquence concrète. Il évoquait
la "tentation" de l'Autorité
palestinienne d'aller chercher à
l'Assemblée générale des Nations unies
ce qu'elle n'obtenait pas dans la
négociation.
Reprenant la position israélienne, il
indiquait "seule la négociation pourrait
déboucher sur une solution définitive à
la situation de la Palestine". Nul à
l'époque déjà, ne pouvait se faire
d'illusion sur l'issue de négociations
bilatérales entre Palestinien et
Israéliens dont Netanyahou dirigeait le
gouvernement.
Plus troublant encore, lors d'une visite
en Israël en novembre 2013, une vidéo le
surprenait en train de célébrer son
amitié, non pas avec l’État d’Israël
mais avec Netanyahou, qui pourtant est
loin d'appartenir à sa famille politique
et dont il faut se rappeler la campagne
de dénigrement qu'il avait lancée à
l'égard d'Yitzhak Rabin, coupable à ses
yeux de rechercher la paix avec les
Palestiniens par le processus d'Oslo.
Dans les premiers jours des
bombardements israéliens sur Gaza, le
président de la République avait surpris
et choqué en évoquant le droit d'Israël
à la légitime défense sans dire un mot
sur les victimes civiles palestiniennes
de ces bombardements.
J’avoue que je me perds moi-même en
conjectures pour comprendre ce
changement de position de François
Hollande. Lorsqu'il était Premier
secrétaire du Parti socialiste, il s'en
est toujours tenu sur ce sujet à une
posture gaullo-mitterrandiste.
Lorsqu'une campagne a été lancée contre
moi au sein du Parti socialiste, après
la fameuse note dans laquelle j'écrivais
qu'on ne pouvait pas mettre sur le même
plan l'occupant et l’occupé et qu'il
fallait faire valoir également sur le
conflit du Proche-Orient, les principes
universels et non le poids des
communautés, il m'avait toujours
soutenu.
Il est resté membre du Conseil
d'administration de l’IRIS de 1998 à
2007, malgré les multiples demandes des
présidents successifs du Crif d'en
démissionner. En 2006, il avait dit en
riant : "C’est surprenant, je viens de
voir l'ambassadeur d'Israël et il ne m'a
pas parlé de toi."
Qu’est-ce qui a changé entre le candidat
et le président ? La crainte de voir
lancer de nouveau une campagne en Israël
et aux États-Unis contre l'antisémitisme
sévissant en France ? Ou des
considérations de politique intérieure
l'ont conduit à modifier son approche
diplomatique du Proche-Orient.
La volonté d'avoir de bonnes relations
avec le Crif parce qu'il est persuadé
que c'est l'opposition de ce dernier qui
a contribué à l'échec de Lionel Jospin
en 2002? Pourtant le CRIF s'était engagé
massivement en faveur de Nicolas Sarkozy
sans pour autant empêcher l'élection de
François Hollande en 2012.
Même si le gouvernement français nie
qu’il y ait un changement de cap de la
politique française à l’égard du conflit
israélo-palestinien, cela est largement
perçu, mais demeure incompréhensible à
bien des égards.
Pascal Boniface est l'auteur de Auteur
de "La France malade du conflit
israélo-palestinien", aux éditions
Salvator, 2014.
Tous les droits
des auteurs des Œuvres protégées
reproduites et communiquées sur ce site,
sont réservés.
Publié le 25 juillet 2014 avec
l'aimable autorisation de l'IRIS.
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