Vidéo
« Cessez-le feu ou reddition ? »
Norman Finkelstein
Samedi 2 août 2014
Israël revendique le droit d'annexer
la Palestine
Vidéo originale :
https://www.youtube.com/watch?v=NIg2XeSrx18
(27 juillet 2014)
Voir également :
Norman Finkelstein sur Gaza : le droit
est du côté du Hamas
Retranscription :
Traduction :
http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Certaines personnes
ont suggéré qu'au lieu d'écrire mes
analyses dans des articles, je le fasse
dans des vidéos pour faire savoir ce qui
se passe avec le massacre israélien
actuel à Gaza. Chaque fois que je
m'exprimerai sur Internet, j'essaierai
de me concentrer sur une question
particulière. Ce sera donc ma première
tentative, et on verra si cela a du
succès.
Aujourd'hui, je
vais me consacrer à la proposition faite
par le Secrétaire d'Etat [John] Kerry
pour mettre fin au cycle actuel de
violences – ce ne sont pas vraiment des
violences, c'est un massacre israélien.
Il y a plusieurs versions de cette
proposition de Kerry qui circulent sur
Internet. Il est impossible pour un
observateur extérieur de déterminer
quelle est la véritable version proposée
par Kerry au cabinet israélien. Mais ce
n'est pas vraiment important, car la
substance de toutes les versions de la
proposition est la même, à savoir le
qui pro quo : afin qu'Israël lève le
blocus de Gaza, on demande aux
Palestiniens de « répondre à toutes les
préoccupations sécuritaires
israéliennes », ce qui n'est qu'un
euphémisme pour dire que les
Palestiniens doivent procéder à un
désarmement. Je vais donc d'abord
évoquer la question du blocus, et voir
ensuite si les Palestiniens doivent
effectivement procéder à un désarmement.
La question du
blocus est assez claire : au regard du
droit international, le blocus de Gaza
constitue une forme de punition
collective, et il est donc illégal
d'après le droit international. C'est là
le consensus légal – à l'exception
d'Israël et de ses apologistes –, à
savoir que le blocus est illégal. Il ne
peut donc y avoir aucun qualificatif,
aucun caveat (arguties), aucun
« si », « et » ou « mais » : le blocus
étant une forme de punition collective,
il doit être levé.
Il est important de
garder à l'esprit que dans les accords
précédents – l'accord de cessez-le-feu
de juin 2008, l'accord de cessez-le-feu
de novembre 2012 –, dans les deux
accords de cessez-le-feu précedents, il
n'avait jamais été stipulé ni demandé
aux Palestiniens de procéder à un
désarmement en échange de la levée du
blocus. Chacun des deux accords
stipulait clairement que le blocus de
Gaza devait prendre fin progressivement,
et ce qui s'est produit dans les deux
cas, c'est qu'Israël a renié ses
engagements sur cette question, mais
aucun de ces accords de cessez-le-feu,
que ce soit en juin 2008 ou en novembre
2012, aucun n'appelait les Palestiniens
au désarmement en tant que condition
pour mettre fin au blocus. Donc cette
nouvelle clause a été ajoutée,
« répondre à toutes les préoccupations
sécuritaires israéliennes », ce qui est
distinct d'un cessez-le-feu : « répondre
à toutes les préoccupations sécuritaires
israéliennes » – ce qui en réalité
signifie que les Palestiniens doivent
procéder à un désarmement –, c'est sans
précédent et, bien évidemment, cela n'a
aucun fondement dans le droit
international car le blocus est illégal
et doit être levé sans considération
pour les préoccupations sécuritaires
d'Israël.
Considérons
maintenant cette question des
préoccupations sécuritaires
israéliennes. Est-ce qu'Israël a le
droit d'exiger des Palestiniens du Hamas
et des (autres) groupes militants
palestiniens qu'ils procèdent à un
désarmement ? Le droit international est
parfaitement clair sur ce point :
d'après le droit international, un
peuple engagé dans une lutte pour
l'auto-détermination n'a pas
l'obligation légale de ne pas recourir à
la force. Au sujet des peuples luttant
pour leur auto-détermination, le droit
international dit ou bien que la loi est
neutre sur ce point, ou bien que ces
peuples doivent recourir à la force. Ce
qui est clair, c'est que d'après le
droit international, le recours à la
force n'est PAS illégal pour ceux qui
luttent pour leur auto-détermination.
D'un autre côté, d'après le droit
international, un Etat qui essaye
d'écraser un mouvement pour
l'auto-détermination – Israël dans ce
cas – n'a pas le droit de recourir à la
force. Par conséquent, ce que nous avons
ici est exactement et précisément une
inversion du droit international : ceux
qui combattent pour leur
auto-détermination se voient ainsi dire
que la condition de la levée du blocus
est qu'ils renoncent à l'usage de la
force, mais une telle exigence n'est
nullement imposée à la puissance qui
écrase la lutte pour
l'auto-détermination.
En réalité,
l'euphémisme « répondre à toutes les
préoccupations sécuritaires israéliennes
» dit en substance qu'Israël a le droit
de sécuriser l'occupation. Et c'est une
contradiction dans les termes,
littéralement : car d'après le droit
international, la caractéristique, la
spécificité la plus fondamentale d'une
occupation – si vous consultez n'importe
quel texte de loi de droit international
– la première chose qui est stipulée est
qu'une occupation est censée être
temporaire. En un mot, une occupation
est censée prendre fin. Si une
occupation ne prend pas fin, ce n'est
pas une occupation, c'est une annexion.
Dans le droit international, une
annexion est illégale.
Donc lorsque Israël
parle de son droit de voir toutes ses
préoccupations sécuritaires assurées, il
ne parle pas de son droit à protéger son
pays, mais il invoque le droit de
sécuriser (perpétuer impunément) son
occupation.
Concrètement,
qu'est-ce que cela signifie ?
Considérons le stade auquel étaient
parvenues les négociations
(israélo-palestiniennes) avant le
déclenchement des hostilités actuelles,
avant qu'Israël ne lance son dernier
massacre. Jetons un œil sur les
négociations. Les événements ne sont pas
absolument transparents, mais ils sont
assez clairs. Le côté palestinien,
l'Autorité palestinienne, était d'accord
pour concéder à Israël toutes ses
exigences principales : ils étaient
d'accord pour concéder les blocs de
colonies israéliennes, ils étaient
d'accord pour concéder à Israël le droit
de retour des Palestiniens (=
l'annuler). Donc en fait, les
Palestiniens offraient à Israël non pas
une résolution (du conflit) sur la base
du droit international, les Palestiniens
offraient à Israël une reddition. Et les
Israéliens ont refusé une reddition
palestinienne, déterminés à maintenir
l'occupation éternellement. C'était
évident même dans la déclaration du
Secrétaire d'Etat (John) Kerry,
lorsqu'il s'est exprimé devant le Comité
du Congrès, il a dit : « Pfff... Ce sont
les Israéliens qui, de fait, ont mis fin
aux négociations et ont rendu une
résolution du conflit impossible. »
Donc une chose peut
être établie avec ce qu'on pourrait
appeler une « certitude scientifique » :
quelles que soient les circonstances,
Israël ne mettra jamais fin à
l'occupation. Ainsi, lorsque Israël
exige que toutes ses préoccupations
sécuritaires soient assurées, cela
signifie qu'Israël exige le droit de
maintenir éternellement son occupation,
ET il exige simultanément que les
Palestiniens se désarment, que les
Palestiniens cessent de résister à
l'occupation et qu'ils mettent fin à
leur combat pour l'auto-détermination.
Voilà ce que signifie véritablement
l'exigence d'Israël de voir ses
préoccupations sécuritaires assurées,
car Israël conçoit toute expression du
combat des Palestiniens pour
l'auto-détermination, Israël conçoit
toute expression d'un combat pour
l'auto-détermination comme menaçant sa
sécurité, ou ses « préoccupations
sécuritaires ». Ainsi, ce qui est
véritablement dit à présent, c'est
qu'Israël lèvera le blocus à Gaza si et
lorsque les Palestiniens cesseront de
lutter pour leur auto-détermination,
cessent de lutter pour leur
indépendance, cessent de lutter pour
avoir un Etat, et que les Palestiniens
acceptent que l'occupation se perpétue
éternellement.
Sans même parler du
point de vue moral, tout cela n'a aucun
sens du point de vue légal. Si Israël
exige que toutes ses préoccupations
sécuritaires soient assurées, si
« toutes ses préoccupations
sécuritaires » incluent toute
manifestation palestinienne de leur
lutte pour l'auto-détermination, et si
cela signifie que l'occupation va se
perpétuer éternellement, alors ce n'est
pas une occupation : c'est une annexion.
Et une annexion est – de manière
flagrante, évidente, sans controverse
possible – illégale d'après le droit
international. C'est le principe le plus
élémentaire de la Charte des Nations
Unies, et il a été exprimé dans la
résolution 242 de l'ONU [adoptée
unanimement en 1967, après la guerre des
six-jours, déclarant l'occupation des
territoires palestiniens, égyptiens et
syriens par Israël illégale] : « il est
inadmissible pour un pays de faire
l'acquisition de territoires par la
guerre. » Israël a acquis la
Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est par
la guerre, et n'a donc aucun droit à ces
territoires. S'ils exigent – et c'est
bien le cas – un droit à annexer ces
territoires, alors c'est clairement,
manifestement et de manière flagrante
une violation du droit international.
Les dernières mises à jour
|