Actualité
Mon grand père Nelson Mandela
a combattu l’apartheid.
Je vois un parallèle avec Israël
Nkosi Zwelivelile
La famille de
Faris Hafez al-Sarasawi, âgé de 12 ans,
à son enterrement.
Il a été tué dans une
intervention de soldats israéliens lors
des manifestations de
la « Grande Marche
du Retour » à Gaza. Octobre 2018.
Photo:
Anadolu
Agency/Getty Images
Mercredi 24 octobre 2018
Par Nkosi Zwelivelile, 11 octobre 2018
Il a fallu des
efforts internationaux pour mettre fin
au racisme institutionnalisé dans mon
pays – maintenant c’est ce qu’il faut
faire de nouveau pour le peuple
palestinien.
Mon grand père,
Nelson Rolihlahla Mandela, aurait eu 100
ans cette année. Le monde marque le
centenaire de sa naissance et célèbre sa
conduite de la lutte pour la fin de
l’apartheid en Afrique du Sud. Mais,
tandis que mon pays est depuis longtemps
libéré du régime d’une minorité raciste,
le monde n’est pas encore libéré du
crime d’apartheid.
Comme Madiba et
Desmond Tutu avant moi, je vois une
inquiétante ressemblance entre les lois
racistes d’Israël et la politique envers
les Palestiniens, et l’architecture de
l’apartheid en Afrique du Sud. Nous,
Sud-Africains, savons ce qu’est
l’apartheid quand nous le voyons. En
fait, beaucoup de gens reconnaissent
que, à certains égards, le régime
israélien est même pire.
L’apartheid est
défini en droit international comme
« régime institutionnalisé d’oppression
systématique et de domination d’un
groupe racial sur tout autre ». Il
s’agit de relations de pouvoir marquées
par l’inégalité raciale, maintenues par
des lois injustes faites pour dénier
leurs doits aux groupes opprimés.
Même avant le vote
par Israël de sa « loi de
l’État-nation » (qui stipule que seuls
les Juifs ont droit à
l’autodétermination dans le pays), on
voyait facilement, pour qui voulait bien
regarder, que le gouvernement du pays
commettait le crime d’apartheid. Son mur
de ségrégation, ses comités d’admission
discriminatoires, son système de cartes
d’identité, son réseau de routes
réservées aux colons et la fragmentation
de type bantoustan de la Cisjordanie,
ont vendu la mèche.
La loi de
l’État-nation a rendu cette réalité
indéniable. L’apartheid est le contexte
d’une litanie de crimes d’État. Prenez
par exemple, plus récemment, la décision
d’Israël de démolir le village
palestinien bédouin de Khan al-Ahmar et
d’en chasser les habitants. Le but de ce
nettoyage ethnique est de faire place à
des colonies illégales sur la terre
palestinienne occupée.
Pourtant, en dépit
de décennies d’apartheid, de poursuite
du vol des terres palestiniennes,
d’occupation militaire et de massacre de
manifestants non armés à Gaza – appelé à
juste titre le « Sharpeville
palestinien », d’après le meurtre de
masse dans le Transvaal en 1960 – chaque
nouvelle génération de Palestiniens
continue la lutte de libération.
La jeune Ahed
Tamimi a eu 17 ans en prison cette
année, incarcérée pour s’être confrontée
à des soldats de l’occupation dans sa
cour. Mais, tout comme mon grand père a
passé 27 ans en prison juste pour
devenir une icône mondiale de la
liberté, Ahed est devenue un puissant
symbole de la détermination résolue des
Palestiniens à résister. Elle et sa
famille représentent l’esprit de courage
des Palestiniens qui défient partout une
énorme brutalité. Je salue leur
bravoure.
Bien qu’Ahed soit
libre désormais, des milliers de
Palestiniens – dont des centaines
d’enfants – croupissent encore dans les
geôles israéliennes. En cette année de
célébration du centenaire de Nelson
Mandela, nous devrions rappeler qu’il a
affirmé que « notre liberté est
incomplète sans la liberté du peuple
palestinien » et œuvrer sans relâche
pour réclamer que tous les Palestiniens
– qu’ils vivent en exil, en tant que
citoyens d’Israël ou dans les
territoires occupés – se voient accorder
leurs droits humains inaliénables.
Parce que nous, Sud
Africains, savons aussi que la
résistance effective à l’apartheid a
besoin de la solidarité internationale.
Comme les alliés dans le monde entier
ont été vitaux dans notre lutte pour la
liberté, l’esprit de l’internationalisme
vit dans le mouvement non violent de
boycott, désinvestissement et sanctions
(BDS) qui soutient la lutte de
libération palestinienne.
Un soldat
israélien avec un paysan palestinien qui
attend de pouvoir se rendre
dans le
domaine où il récolte des olives, à
Yetma, Cisjordanie.
Photo:
Alaa
Badarneh/EPA
Voir le parti
travailliste appeler à cesser les ventes
d’armes du Royaume Uni à Israël il y a
deux semaines m’a donné de l’espoir.
Nous espérons que l’Afrique du Sud
utilisera sa position au sein des BRICS
pour appeler aussi à un embargo sur les
armes. Cette sanction importante est une
exigence minimale pour mettre fin à la
complicité dans le maintien de
l’apartheid israélien. Mettre fin à la
complicité avec un crime n’est pas de la
charité mais une profonde obligation
morale.
Ces avancées
positives et concrètes prennent la suite
de la lutte qui fut l’oeuvre de la vie
de Mandela. Elles sont en contraste
flagrant avec les tentatives honteuses
d’effacer l’histoire palestinienne (y
compris la Nakba) – une histoire dont le
Royaume Uni comme l’Afrique du Sud de
l’apartheid ont été profondément
complices. Ce sont aussi des ripostes
puissantes aux efforts de diabolisation,
voire de criminalisation, du mouvement
BDS.
Tous les gens de
conscience ont non seulement le droit
mais aussi la responsabilité d’exprimer
leur désaccord avec tout État qui viole
les droits humains et le droit
international. Ils ont droit à la
liberté de parole, droit de dire la
vérité au pouvoir et d’être solidaire
des opprimés.
L’Histoire jugera
les gouvernements qui font défaut au
respect des droits humains et du droit
international ou, pire, qui sont
complices de l’ancrage du déni de ces
droits. Lors de son récent voyage en
Afrique du Sud, Theresa May a tenté
d’effacer l’histoire du soutien du
Royaume Uni à l’apartheid. Elle loue mon
grand père maintenant qu’il est mort,
mais elle n’a pas rendu compte du fait
que les membres de son propre parti
politique ont appelé à sa pendaison et
l’ont appelé terroriste de son vivant.
La pression
internationale a été une composante
vitale de la lutte pour mettre fin à
l’apartheid en Afrique du Sud. Nous
savons que c’est efficace dans le cas
d’Israël aussi, ne fût-ce que pour les
sommes importantes que son gouvernement
dépense pour mener une campagne de sape
de BDS.
Les tactiques de
résistance non violente comme le boycott
et le désinvestissement éthique, la
pression sur les grosses entreprises et
les gouvernements, dont les autorités
locales, pour qu’ils cessent d’être
impliqués dans les graves violations des
droits humains, sont des méthodes
honorées de tout temps pour soutenir les
mouvements qui défendent la justice.
Madiba a qualifié
un jour la question de la Palestine de
« question morale la plus importante de
notre époque » et pourtant le monde
reste silencieux. Il nous incombe à tous
de faire tout ce que nous pouvons pour
contribuer à la liberté, à la justice et
à l’égalité pour les Palestiniens, et de
combattre l’apartheid partout.
• Nkosi
Zwelivelile Mandela est un député de
l’ANC et le petit fils de
Nelson Mandela
Source :
The Guardian
Traduction : SF pour l’Agence Media
Palestine
Le
dossier BDS
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