Opinion
Pour une refonte du système linguistique
lié à l'islamisme
Nicolas Keraudren
Jeudi 19 juin 2014
L'islamisme est,
selon Bamar Gueye, directeur de
l'Organisation Non Gouvernementale
sénégalaise JAMRA, l'action du «musulman
qui tend à œuvrer pour le rayonnement de
l'islam dans sa globalité». JAMRA est
une ONG traitant des problèmes de
drogue, du Sida et de la Tuberculose.
Cette définition
émise par l'un des acteurs de la scène
islamiste sénégalaise est extrêmement
large. Elle tend, en effet, à réunir
dans un courant idéologique diversifié
la quasi-totalité des musulmans
pratiquants. En ce sens, l'islamisme
modéré mais aussi radical seraient
évoqués avec le même qualificatif.
En dépit d'un
caractère quelque peu simpliste, la
définition précédemment citée ne réduit
pas l'islamisme au terrorisme. Ce point
varie complètement avec la conception
occidentale de l'islamisme. Le
sensationnalisme, parfois visé par une
fraction de la presse occidentale, est
quant à lui réducteur d'un courant
idéologique par nature complexe.
Effectivement, l'islamisme souffre dans
le discours occidental d'une connotation
péjorative.
Ainsi, le débat lié à
l'islamisme est systématiquement motivé
par une radicalité
linguistique qui tend à
discréditer l'une et l'autre partie.
Ceux-ci exploitent un terme identique de
manière extrêmement divergente. Par
ailleurs, ce dogmatisme éprouvé par les
deux parties aggrave significativement
les relations entre deux courants
idéologiques diamétralement opposés,
"l'occidentalisme" et l'islamisme.
En définitive,
l'islamisme n'est donc aujourd'hui qu'un
concept brouillon visant aux intérêts
respectifs de divers camps. Une refonte
du système linguistique lié à
l'islamisme est donc impérative tant le
monde intellectuel semble souffrir
-volontairement? - de connaissances
théoriques quant à ce sujet.
Ce terme a été forgé
par divers analystes occidentaux dans le
contexte de la guerre en Afghanistan
afin de qualifier les moudjahidine,
alors alliés de l'Occident dans le
combat contre l'Union des Républiques
Socialistes Soviétiques (URSS). Malgré
l'action de type terroriste de ces
combattants, ceux-ci ne pouvaient être
naturellement caractérisés d'une telle
façon en raison des valeurs universelles
prônées par le Monde occidental et
défendues –à leur manière - par les
moudjahidine. Encore aujourd'hui, les
opérations terroristes menées par les
formations para militaire sunnites de
l’opposition syrienne, agissant en
contre le pouvoir alaouite (minorité
chiite), ne sont pas qualifiées comme
telles par les gouvernements
occidentaux, en raison des similitudes
d'objectifs poursuivies par ces deux
parties.
Le terrorisme semble
être dans le discours occidental la
gangrène de l'humanité qu'il serait
nécessaire d'éradiquer. Néanmoins, dans
le cas où le terrorisme servirait les
intérêts de l'occident, celui-ci
deviendrait légitime. C'est pourquoi,
les dirigeants occidentaux qualifient
les organisations terroristes qui leur
sont alliées du dénominatif
"d'islamiste" en raison du caractère
religieux adopté par certaines d'entre
elles. C'est précisément sur ce point
que l'ambivalence règne.
En effet, le
terrorisme est un concept à différencier
de la religion. En ce sens, la religion
n'est qu'une étiquette utilisée par le
terrorisme dans le but de camoufler leur
action illicite. Les mouvances
terroristes opérant notamment dans l'arc
Sahélo-Saharien, en dépit de leur
qualification d'"islamiste", n'ont rien
à voir avec la religion. Il ne s'agit
que de bandits utilisant l'Islam à des
fins pécuniaires.
A cet
égard, le cas du MUJAO illustre
parfaitement cette affirmation. Yoro
Abdou Salam, dirigeant de la cellule
terroriste malienne, n'est autre que
l'un des plus grands narcotrafiquants de
la région. Il est ainsi du devoir des
instances Etatiques occidentales de
remédier à cette ambiguïté.
Nicolas KERAUDREN,
Master 1 à l'Institut Français de
Géopolitique – Paris VIII.
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