Opinion
Comment le Parti socialiste a perdu
le vote musulman
Nicolas Bourgoin
© Nicolas
Bourgoin
Jeudi 29 mai 2014
Le PS a-t-il perdu
le vote des musulmans après celui des
classes populaires ? A en croire
certaines déclarations politiques,
la réponse est oui. S’il ne pèse que 5 %
du corps électoral, il est
traditionnellement marqué à gauche (entre
70 % et 90 % suivant les élections )
et a joué un rôle décisif dans la
victoire de François Hollande qui en a
recueilli
la quasi-totalité. Le rejet
anti-Sarkozy avait joué à plein : le
candidat socialiste promettait de rompre
avec la politique atlantiste de son
prédécesseur et d’en finir avec les
débats truqués sur l’identité nationale
"qui ne servent qu’à monter les français
les uns contre les autres". La suite
nous a montré ce qu’il fallait en
penser… De fait, une bonne partie de ces
voix
ont fait défaut au PS lors des
municipales et des européennes et ont
contribué à expliquer sa déroute
électorale. Dimanche dernier, moins d’un
électeur sur dix s’est déplacé pour
voter pour le parti aux commandes,
situation inédite. La
campagne anti-Dieudonné, celles sur
la « laïcité »,
les attaques contre les principes
religieux avec
l’enseignement de la théorie du genre, le
mariage gay et la légalisation de la
PMA et de la GPA prévue initialement
dans la loi Famille, les diatribes
islamophobes de
Manuel Valls, les
lois anti-voiles votées par le
gouvernement, la ligne pro-sioniste
suivie par celui-ci sur les dossiers
Syriens et
Ukrainiens, son
soutien inconditionnel à Israël, et
enfin l’abandon de promesses pourtant
bien timides sur le
droit de vote des étrangers ou
les récépissés lors des contrôles de
police ont achevé de dissiper ce
qu’il restait d’illusions à propos d’un
PS antiraciste et bienveillant à l’égard
des musulmans. L’opération séduction un
mois avant les mucipales,
l’hommage de circonstance rendu par
François Hollande aux soldats
musulmans morts pour la France n’ont pas
trompé grand monde.
Mais si la
politique du PS a aujourd’hui le mérite
de la clarté, son sionisme outrancier
n’est en réalité qu’une radicalisation
d’un processus ancien : la conversion
néoconservatrice du PS est contemporaine
de son tournant libéral de 1983, au
moment où le gouvernement de Pierre
Mauroy fait le choix d’une politique de
« rigueur économique ». Cette
option entraînera dans son sillage la
création de SOS-Racisme, réponse dévoyée
et politicienne aux revendications
d’égalité des droits formulées par la
jeunesse issue de l’immigration lors de
la marche de l’automne 1983. Le PS ne
sortira plus de la ligne ainsi tracée :
gauche des valeurs, droite du travail.
Le sociétal en lieu et place de la
défense des travailleurs, la
stigmatisation et le « diviser pour
mieux régner » en lieu et place de la
lutte contre l’intolérance et les
inégalités sociales.
Selon les mots d’Eric Zemmour,
l’antiracisme institutionnel "fut le
rideau de fumée qui occulta la
soumission socialiste aux forces
libérales"… et SOS-Racisme le principal
instrument de cette manipulation.
Après 1981, la
politique de réformes ambitieuses
définie dans le programme commun de
gouvernement PS-PCF-MRG de 1972 a fait
long feu. La crise économique
internationale, le refus opposé par
Ronald Reagan et Margaret Thatcher de
soutenir une politique de relance
coordonnée, les faiblesses persistantes
des entreprises françaises et le souhait
de Mitterrand de maintenir la France
dans le SME conduisent le gouvernement
Mauroy a opter pour la rigueur. Exit le
programme des nationalisations et place
au modèle entrepreneurial et à
l’idéologie de la réussite individuelle
– l’émission de télé pédagogique
Vive la crise est un modèle du
genre… Privatisations, abandon de la
promesse des 35 heures, fin de
l’autorisation administrative de
licenciement sous la cohabitation,
restructurations industrielles
douloureuses sur le plan national,
rapprochement avec les USA de Reagan
sur le plan international. Le PS a
largement contribué à créer les
« contraintes extérieures » qu’il
invoque aujourd’hui pour justifier son
impuissance en matière économique et
sociale : il a massivement soutenu le
traité de Lisbonne, après ceux
d’Amsterdam et de Maastricht – sans
parler du Traité Constitutionnel
Européen pour lequel ses adhérents
avaient voté à 58 % –, qui brident
l’action des gouvernements nationaux en
les soumettant aux diktats financiers
des bureaucraties supranationales.
Trente ans plus tard, la « parenthèse
libérale » selon les mots de Lionel
Jospin n’est toujours pas refermée. Elle
sera marquée par une ligne atlantiste à
l’extérieur avec notamment l’engagement
français dans la première guerre du
Golfe en 1990 – avant la participation
aux opérations de l’OTAN en
ex-Yougoslavie en 1999 – et islamophobe
à l’intérieur – la première campagne
anti-foulard a été menée en 1989, sous
le pouvoir socialiste.
De la marche pour
l’égalité …
Les idéologues
aiment généralement les « belles
histoires » … qui se révèlent
généralement pure affabulation.
Le mythe fondateur de SOS-Racisme ne
fait pas exception : il met en scène
Diego, un noir de l’association, dans
une rame de métro. Une dame blanche
cherche son porte monnaie en jetant des
regards accusateurs sur Diego. La scène
est suivie par les autres voyageurs qui
le soupçonnent également et des relents
de lynchages se font déjà sentir.
Heureusement, la vieille dame retrouve
son porte monnaie ; cette mésaventure
traumatisa le malheureux qui annonça à
ses copains son intention de rentrer au
Sénégal. Ceux-ci, pour maintenir Diego
en France, décident de créer une
association baptisée « Touche pas à mon
pote Diego ». Loin, très loin de ce
storytelling confondant de niaiserie,
l’association a en réalité été fabriquée
de toutes pièces par des communicants
issus du trotskisme dont le publicitaire
Jacques Pilhan qui fut conseiller en
communication de François Mitterrand et
de Jacques Chirac. Son but : capitaliser
les effets politiques de la « marche
pour l’égalité et le racisme » de
l’automne 1983 lancée par le pouvoir
socialiste à grands renforts de
médiatisation, tout en en désamorçant
les aspects réellement subversifs (la
plupart des marcheurs portaient un
keffieh…). Comme aujourd’hui avec le
"mariage pour tous", il s’agissait pour
le PS de créer un rideau de fumée pour
faire diversion à la réalité sociale et
économique, faire passer la pilule amère
de la rigueur et de l’austérité et
tenter de retrouver une légitimité "de
gauche" perdue dans sa conversion au
libéralisme. Noyauté par les sionistes
de l’UEJF, SOS-Racisme est entièrement
entre les mains du pouvoir
socialiste. Des liens organiques avec
les satellites du PS – la MNEF, la FEN
et la CFDT – le soutien apporté par
de grands industriels proche du PS comme
Christophe Riboud ou
Pierre Bergé (qui fournira à
l’organisation un énorme apport
financier) ou de publicitaires comme
Jacques Séguéla, l’engagement de
nombreux ténors socialistes – Jean-Louis
Bianco, Jacques Attali, Jack Lang et
d’autres – ou de personnalités
mitterrandiennes « parrains » de
l’organisation – Guy Bedos, Yves
Simon, Simone Signoret, Coluche, Bernard
Henri-Lévy, Marek Halter – achèvent de
faire de SOS-Racisme un simple relais
associatif et idéologique du PS. A la
différence de «la marche pour l’égalité
et contre le racisme», qui avait le
mérite de dénoncer les violences
policières à l’égard des jeunes issus de
l’immigration ou d’aborder la question
palestinienne, SOS-Racisme, édulcoré,
sert encore mieux l’oligarchie car il
permet à ses représentants politiques de
poursuivre en sous-main leur politique
sioniste tout en faisant mine de
défendre les musulmans. La
bien-pensance de "gauche" dissout
habilement la radicalité anticoloniale
ou antisioniste. C’est ainsi que, les
promoteurs de SOS-Racisme retenant
exclusivement l’aspect « folklorique »
de la marche pour l’égalité, celle-ci
deviendra la « marche des beurs ».
… à
Convergence 1984
Sur ce fond de
manipulation et de récupération
politiciennes, la personnalité de
Farida Belghoul se distingue par
l’intégrité et la constance de son
engagement. Ex-militante communiste à
l’UEC, enseignante, réalisatrice de
plusieurs films dont un sur la "deuxième
génération", elle est l’initiatrice de
Convergence 84, la deuxième
marche de l’égalité – cette fois en
mobylette – organisée un an après la
première. Sans la présence des partis
politiques, des syndicats ou des
associations et sans subvention
étatique, Convergence 84 veut
interpeller la société civile contre les
discriminations, en toute indépendance
partisane. Harlem Désir et Didier
François, peu de temps avant le
lancement de SOS-Racisme, proposent à
Farida Belghoul de les rejoindre – cette
femme d’origine algérienne, diplômée et
engagée serait une icône parfaite. Mais
elle refuse cette récupération : pour
elle, le mouvement doit rester
politiquement indépendant, se défaire du
paternalisme des associations de gauche
institutionnelle et tourner le dos au
communautarisme ou au repli identitaire
pour centrer son combat sur l’égalité
des droits. Le discours de Farida
Belghoul à l’arrivée de Convergence
84 à Paris marque la rupture durable
entre l’antiracisme institutionnel et la
réalité vécue des quartiers populaires.
A cette occasion, elle découvre que des
milliers de badges «Touche pas à mon
pote» conçus par Christian
Michel (qui réalisera ensuite
plusieurs campagnes pour
l’association), sont vendus aux
manifestants. C’est aussi par cette
opération de communication réussie que
SOS-Racisme va prendre pied parmi les
représentants de la seconde génération
et monopoliser durablement l’espace
politique ouvert par la marche pour
l’égalité. L’initiative lancée par
Convergence 84 aura été
complètement phagocytée
par le PS.
Comment SOS-Racisme
a-t-il dépolitisé le mouvement ? D’une
revendication politique (pour l’égalité
et contre le racisme), on passe à une
posture morale : «C’est pas
bien d’agresser mon pote parce qu’il est
arabe, sois gentil avec lui»,
selon Abdelaziz Chaambi du Collectif des
Musulmans de France. Au contraire, Convergence
84 place les questions de
citoyenneté au centre de son action et
refuse d’être réduite à un combat
négatif du type « Touche pas à mon
pote » ancré sur les tensions sociales
entre « nationaux » et personnes
immigrées ou issues de l’immigration.
Mais Farida
Belghoul, celle qui a été à l’origine du
REID (Remédiation Educative
Individualisée à Domicile),
n’a jamais été ni écoutée ni entendue
par les élites politiques. Quand
elle demandera, quelques années plus
tard, des subventions pour combattre
l’illettrisme dans les quartiers
populaires via l’instruction à domicile,
elle ne recevra aucun soutien de la part
des pouvoirs publics. Ceux-ci ne sont
pourtant pas avares quand il s’agit de
financer les « politiques de la ville »
et les associations qui enferment les
jeunes issus de l’immigration dans leurs
stéréotypes identitaires négatifs sous
le prétexte du "droit à la différence"
en éludant la question pourtant
fondamentale de l’égalité.
Sortir de
l’antiracisme institutionnel
SOS-Racisme, tout
comme
la LICRA ou
NPNS, est un appareil idéologique
d’État – le montant des cotisations ne
couvre que 2 % des ressources de
l’association… – aux mains des sionistes
pour stigmatiser les musulmans et leurs
pratiques religieuses et disqualifier
leur combat contre le colonialisme et le
racisme. En bons petits soldats de
l’oligarchie, le PS et ses satellites ne
se trompent d’ailleurs pas en prenant
pour cible l’Islam,
l’un des derniers remparts contre le
mondialisme. Ce faisant, SOS-Racisme
contribue à banaliser l’islamophobie
qui ne cesse de progresser en France.
L’antiracisme authentique, au contraire
de l’antiracisme institutionnel,
reconnaît à juste titre dans l’apartheid
sioniste pratiqué par Israël une forme
particulièrement virulente de
discrimination raciale. L’ONU avait
d’ailleurs en son temps
assimilé l’un à l’autre.
L’hypocrisie du pouvoir socialiste est à
son comble quand il tente de masquer son
islamophobie obsessionnelle sous l’alibi
du « féminisme républicain » ou de la
laïcité pour tenter de lui donner un
vernis « progressiste ». Mais cette
manipulation grossière cache de moins en
moins la politique du deux poids/deux
mesures pratiquée par le PS et ses pions
associatifs. Ainsi, en février 2006,
SOS-Racisme prend position en faveur de
la publication des caricatures de
Mahomet du journal Jylland-Postens dans
Charlie Hebdo en signant une
pétition de soutien. Dominique Sopo,
président de SOS Racisme, sera même
témoin de Charlie Hebdo au
procès des caricatures. À cette
occasion, SOS-Racisme affirme un
attachement très fort à la laïcité,
considérée comme un pilier fondamental
aussi bien du vivre-ensemble que comme
une condition essentielle à l’existence
d’un régime démocratique en co-signant
une
tribune contre l’intégrisme religieux
(comprendre musulman) parue dans
Libération en novembre 2011. A
l’opposé, en bonne officine sioniste,
SOS-Racisme
poursuit sans relâche les quenelliers.
Enfin, et sans surprise, SOS-Racisme et
la LICRA, au contraire du MRAP,
n’ont pas porté plainte contre Manuel
Valls pour ses propos tenus contre
les Roms. En réalité, SOS-Racisme
poursuit sans vergogne la ligne
islamophobe du PS.
Les musulmans,
appelés régulièrement à jouer
les boucs émissaires dans l’Europe
en crise, seront les premiers à prendre
conscience de ce jeu de dupes qui, en
dernier lieu, ne sert que les intérêts
de l’oligarchie. Cela ne peut que les
conduire à se détourner toujours plus du
PS duquel ils n’ont rien à attendre.
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