Monde
Grèce : quand le « remède » tue
le malade
Nicolas Bourgoin
© Nicolas
Bourgoin
Jeudi 26 mai 2016
Et si l’austérité imposée à la Grèce
par l’oligarchie financière servait une
politique malthusienne de réduction de
sa population ? Cette hypothèse a
priori délirante trouve des
arguments dans la démantèlement du
système de santé publique grec qui a
déjà fait des milliers de victimes et
qui, poussé à son terme, privera de
couverture maladie un nombre
considérable de personnes. De fait, la
population grecque diminue et a
déjà perdu 350.000 habitants depuis
2007. On sait par ailleurs que la Grèce
n’est qu’un
terrain d’essai et cette expérience
dévastatrice est destinée à être
généralisée à l’échelle de l’Europe,
puis du monde. Purger la population
d’une partie de ses éléments est en
réalité nécessaire à l’oligarchie
mondialiste pour résoudre un problème
démographique crucial pour sa domination
: comment la minorité qu’elle constitue
peut exercer sa dictature contre des
populations en extension continue et
soumises à des conditions de vie
toujours plus dégradées ? Les élites
mondialistes ne cachent pas leurs
projets :
au contrôle des masses par puçage
électronique se combineront les
politiques malthusiennes de
réduction de la population mondiale.
Bienvenue en Grèce, laboratoire
européen du « capitalisme du désastre »
où sont testées les limites de la
résistance humaine : un taux de chômage
(officiel) à 28 %, un tiers de la
population vivant sous le seuil de
pauvreté, plus d’un tiers sans
couverture maladie,
des services publics en déliquescence
laminés par des cures d’austérité
draconiennes, un patrimoine public
(sites archéologiques, îles, forêts,
aéroports, compagnie de gaz ou
d’électricité, …)
bradé pour une bouchée de pain à des
sociétés privées… et une population
à bout se souffle, devenue incapable de
se défendre. La raison de cette
capitulation ? le traumatisme provoqué
par la violence de la crise imposée au
peuple grec par l’oligarchie bancaire,
sapant toute capacité de résistance à la
destruction systématique de la sphère
publique : attendre une crise de
grande envergure, puis, pendant que les
citoyens sont encore sous le choc,
vendre l’État morceau par morceau, à des
intérêts privés avant de s’arranger pour
pérenniser les « réformes » à la hâte est
un bon résumé de ce qu’ont subi les
Grecs. Ce véritable coup d’État
financier a nécessité plusieurs
phases de préparation décrites dans mon
billet précédent.
Cible stratégique de la politique de
la troïka : le système de santé
publique. Son démantèlement est en cours
avec une énième réforme qui
aggravera encore la situation sanitaire
du pays. Le journal britannique
The Lancet en dresse un tableau
effrayant : une espérance de vie en
baisse de trois ans, un taux de natalité
qui a régressé au niveau des années
1950, un taux de mortalité infantile qui
a augmenté (officiellement) de moitié,
près de 20 % d’enfants qui naissent avec
un poids inférieur à la normale, 21 % de
morts nés et
40 % de suicides en plus depuis le
début de la crise. Bénéfice immédiat
pour l’oligarchie : l’ouverture du
marché de la santé aux assurances
privées dont les bénéfices en 2012 ont
cru de 20 % par rapport à la période
antérieure à la crise. Mais derrière
cette recherche de rentabilité à court
terme se cache un projet à moyen terme :
faire diminuer la population en la
privant d’accès aux soins médicaux.
Cette gestion malthusienne au service de
la gouvernance globale est expliquée par
les oligarques eux-mêmes qui s’appuient
souvent sur la théorie du réchauffement
climatique pour la justifier.
Appliquée à la Grèce, la stratégie de
l’élite pour faire plier le peuple puis
le faire mourir à petit feu peut se
résumer très simplement :
Première étape :
plonger la population grecque dans la
misère après avoir préalablement fait
entrer le pays dans la zone euro. C’est
ce à quoi s’est employée activement la
banque Goldman Sachs
en maquillant les comptes de la Grèce pour
sous-estimer ses dettes et ses déficits
déjà élevés. Cela a permis le
déclenchement d’une crise de la dette
européenne qui a étranglé financièrement
la Grèce par une montée de ses taux
d’intérêt et s’est étendue à d’autres
États. Face au risque de défaut
souverain, les investisseurs imposent
des taux d’emprunt impraticables à la
Grèce, qui ne peut alors plus se
financer. Ces plans successifs sont
assortis de conditions drastiques
d’austérité, mettant en péril
l’équilibre social du pays. La sécurité
sociale part en lambeaux, le ramassage
des ordures n’est plus assuré, les
musées ferment les uns après les autres,
la télévision publique n’émet plus, les
livres disparaissent peu à peu des
écoles, les enfants tombent d’inanition…
Les salaires du privé ont baissé de
moitié, le SMIC est ramené à 586 euros
bruts, faisant tomber le salaire moyen à
803 euros en 2012 puis en 2013 à 580
euros, soit l’équivalent du
salaire moyen chinois. La Grèce est
désormais considérée comme
un pays du Tiers-Monde.
Tous les prêts octroyés à la Grèce
ont été d’autant moins susceptibles de
faire redémarrer son économie qu’ils ont
été
en grande partie captés par l’oligarchie
financière : les banques grecques
(pour 58 milliards), les créanciers de
l’État grec (pour 101 milliards), la
plupart des banques et fonds
d’investissement ont reçu l’essentiel
des aides débloquées par l’UE et le FMI
depuis 2010, soit 207 milliards d’euros.
Les trois-quarts de l’aide attribuée
n’ont pas bénéficié aux citoyens
mais, directement ou indirectement, au
secteur financier. Seuls 46 milliards
ont servi à renflouer les comptes
publics – et toujours sous forme de
prêts, tandis que dans le même temps 34
milliards ont été versés par l’État à
ses créanciers en intérêt de la dette.
Deuxième étape : une
fois la Grèce mise à genoux, le
démantèlement du système de santé,
justifié pour raison d’économies, peut
commencer avec les réductions drastiques
des financements publics qui réduiront
l’offre de soins. Le budget des hôpitaux
publics a diminué de moitié entre 2010
et 2014 et le personnel du secteur
public de santé a été
massivement licencié. Les
conséquences : fermetures de services
hospitaliers, diminution des effectifs
et des salaires, manque de matériel et
de médicaments, exil du personnel
médical vers le secteur privé, fuites
des cerveaux à l’étranger (7000 médecins
ont déjà quitté la Grèce depuis 3 ans)
et arrêt progressif de la recherche
médicale. Le président de l’Union des
médecins hospitaliers de Grèce (OENGE),
Dimitris Varnavas, a qualifié de «
bombe sanitaire » la situation de
pénurie de personnel dans le Système
National de Santé (ESY) et dans
l’Organisation Nationale des Services de
Santé (EOPYY).
Troisième étape :
privatiser l’assurance maladie afin de
priver d’accès aux soins une part
croissante de la population, le poids
des dépenses de santé étant alors
supportés par les malades eux-mêmes qui
deviennent trop pauvres pour se soigner.
Les dépenses de l’État pour la
couverture maladie ont diminué de moitié
entre 2010, celui des investissements
publics pour l’achat de médicaments dans
les mêmes proportions alors que les
besoins ne cessent d’augmenter,
paupérisation et maladie allant souvent
de pair. Près de
30 % des Grecs vivent désormais sans
couverture sociale. La pauvreté
endémique combinée à la privatisation de
la santé a des effets catastrophiques en
termes d’accès aux soins, notamment pour
les milliers d’enfants de parents non
assurés
qui ne peuvent même plus être vaccinés
et se retrouvent de ce fait exclus de
l’école. C’est le système de soins de
santé primaires qui se voit aujourd’hui
menacé de
liquidation pure et simple avec la
fermeture de
la totalité des centres de santé. De
plus en plus de malades meurent, faute
de soins, en particulier
ceux atteints d’un cancer qui sont
livrés à eux-mêmes et ne
reçoivent de traitement qu’en phase
avancée. Le ministre de la Santé
Grec a bien résumé le principe de sa
politique :
ceux qui ne s’adaptent pas, meurent.
L’expérience grecque est destinée à
être généralisée à l’échelle de l’Europe
entière grâce à la crise de la dette,
providentielle pour les élites, qui
paralyse la capacité de résistance des
populations à la libéralisation totale
des services publics. Cela fait au moins
20 ans que l’oligarchie attendait ce
moment :
La fenêtre d’opportunité durant
laquelle un ordre mondial pacifique et
indépendant peut être construit, ne sera
pas ouverte très longtemps. Nous sommes
à l’orée d’une transformation globale.
Tout ce dont nous avons besoin est une
crise majeure appropriée et les nations
accepteront le Nouvel Ordre Mondial.
(David Rockfeller, 23 septembre
1994).
Nous y sommes. Et quand l’Europe se
sera effondrée économiquement sous
l’effet de cette « stratégie
du choc« , les victimes de ces
purges préventives seront autant de
révoltés en moins que l’oligarchie devra
écraser pour maintenir sa domination. La
Russie post-soviétique est un bon
exemple de ce genre de bouleversement :
un des effets de la « thérapie de choc »
de Boris Elstine a été de faire baisser
l’espérance de vie des russes passée
de 69,5 ans en 1988 à 64,5 ans en 1994
de même que la fécondité (de 2,1 à 1,4
enfants par femme), provoquant une
hémorragie continue de la population,
qui a perdu 5 millions d’habitants entre
1988 et 2008. En Grèce, près de 120.000
personnes sont décédées en 2012,
un record depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale. Si une
réduction de
80 % ou même
50 % de la population à l’échelle du
monde peut paraître excessive, et en
l’état invérifiable, une chose est sûre
: le nombre de personnes sacrifiées sur
l’autel de l’austérité ne cessera de
croître au cours des prochaines années.
Publié le 27 mai
2016 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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