Algérie
L’expérience Algérienne de l’Islam
politique
Silence, ça n’a aucun lien avec Daech !
Nedjma Merabet
Vendredi 1er septembre 2017
On peut affirmer sans trop d’hésitation
que l’expérience qu’a faite l’Algérie de
l’intégrisme puis du terrorisme, suscite
peu d’écrits fouillés. Une omerta qui
connait diverses origines : hormis le
traumatisme causé à la métropole
française et à ses élites suite à une
indépendance lourde à digérer, on peut
compter la dangereuse tendance à
expliquer le fascisme comme fatalité,
explication souvent parsemée d’effluves
culturalistes lorsqu’il s’agit d’un pays
du tiers monde.
En atteste l’article paru dans le Monde
diplomatique d’aout 2017, qui a suscité,
hors médias, des contestations chez de
nombreux algériens.
Réduire dix années d’une horrible guerre
à la seule année 1997 relève de
l’indécence tout autant que de la
manipulation des évènements, et ceci
participe de minimiser les affres subis.
Insister pour interroger les terroristes
ou les membres de leurs familles ne
restitue pas la réalité, mais sert par
contre à attiser le feu. L’enquête
réalisée est étriquée par le choix des
personnes ciblées.
Concrètement, cette période a été
le moment de défaite militaire des
groupes islamistes armés qui semaient la
terreur dans le pays, un moment clé de
la « théorie du qui tue qui »*.
Certaines hypothèses éclosent : la
débâcle des terroristes défaits, lâchés
par leurs soutiens financiers, les fit
se diviser puis s’entretuer.
Voir le corollaire
de l’intégrisme et le terrorisme, comme
un simple comportement sociologique que
l’on peut écarter d’un revers de main
est dangereux. C’est nier la véritable
nature de l’intégrisme qui relève d’une
politique fasciste, dont l’objectif est
la destruction de l’Algérie dans son
ensemble : non seulement ses forces
productives, mais aussi son histoire de
luttes révolutionnaires pour sa
souveraineté, pour son développement
économique, pour l’émancipation des
peuples du tiers monde, pour un nouvel
ordre économique.
Est-ce un hasard
que tous les musulmans dans le monde se
sont mis subitement à la pratique de la
religion de la façon la plus rigoriste
et ont modifié leurs tenues
vestimentaires ?
Doit-on rappeler le seul cas de la
France des années 80, où deux écolières
avaient « décidé de braver » la société
française et ses institutions en allant
à l’école affublées du fameux foulard,
alors qu’à cette même période, en
Algérie les femmes étaient en majorité
absolue dévoilées.
Curieusement, les
émigrés relégués dans leurs banlieues,
soumis à une exploitation inhumaine par
le capitalisme, méprisés, terrorisés par
une société « civilisée » et hostile, se
rebiffent soudain et décident de
se révolter par la tenue vestimentaire !
Le débat qui s’en était suivi, relayé
par presse aux ordres interposée avait
fini par être clos par une justice non
moins aux ordres.
Tant pis pour la laïcité, les écolières
iront à l’école avec leur foulard…
Des rapports ministériels détaillent la
politique qui a permis la
« radicalisation » des quartiers ; dont
une des mesures étaient de se
débarrasser des imams issus des dits
quartiers, pour les remplacer par des
universitaires bourgeois venus de leurs
pays d’origine, armés de diplômes
scientifiques de haut niveau, et d’une
éducation religieuse moulée dans
l’obscurité.
Ce n’est pas par
choix que les algériens semblent si
islamistes, encore que lorsqu’on creuse
un peu, on note un rejet profond de
l’islam politique qui s’opère, pour ne
trouver qu’une bigoterie habitant un
vide dont la nature a horreur, qui est
encore comblé par une pensée en
putréfaction décidée en amont, et
ailleurs.
Un vide crée lui-même par toute la
destruction qu’opère le fascisme. Les
assassinats des vaillants travailleurs
de la république : ouvriers, artistes,
cadres, syndicalistes, journalistes,
militants communistes, enseignants,
soldats … Telle était la stratégie
pensée à Washington, Paris et Londres.
L’intégrisme arrache à la nation son
« système immunitaire » dans un remake
sordide de la politique de ses maitres à
penser : le colonialisme.
D’ailleurs, de la « décennie noire »,
est née une puissante bourgeoisie
compradore, parasitaire, qui a démoli
l’économie algérienne et son industrie
(plus d’un million d’ouvriers se
retrouvent sans emploi après la
fermeture de leurs usines, pillées par
cette même bourgeoisie qui deviendra le
gardien des intérêts de l’impérialisme,
se vautrant dans la lucrative et
paresseuse activité de l’import-import
de produits superflus). C’est ainsi que
l’Algérie se retrouve privée du meilleur
de sa classe la plus avant-gardiste : le
prolétariat. Marx ne le rappellera
jamais assez, la bourgeoisie en crise a
besoin de détruire une partie des forces
productives devenues trop puissantes et
menaçantes pour elle. Les années 80
(avec ce que l’on appelle l’ « infitah » :
ouverture au libéralisme) avaient été
une période extrêmement riche en grèves
et contestations diverses, il faut le
rappeler.
La lutte contre l’intégrisme et contre
ses bras armés ( AIS, GIA …) a été menée
par le peuple tout entier. Il n’est pas
scientifique et c’est même tendancieux
de considérer que le terrorisme a été
éradiqué par la seule lutte de l’armée.
Tout un peuple a payé un lourd tribut et
voyait ses enfants mourir chaque jour
pour que l’intégrisme ne triomphe pas.
Mais ce dernier a
toute fois réussi son rôle : étouffer
les idées et la réflexion, tout autant
que les luttes sociales qui se
préparaient et qui auraient favorisé
l’avancée des peuples. Il avait pour
rôle le recul idéologique qui permet à
la bourgeoisie de grossir davantage, et
même venir en aide à ses maitres en
injectant l’argent du peuple dans des
sociétés étrangères en faillite. En
conséquence, une paupérisation
grandissante de la population comme des
luttes sociales. L’intégrisme a été
responsable de l’avancée fulgurante de
l’analphabétisme, contre lequel
l’Algérie avait pourtant obtenu de beaux
succès. Et nous n’apprendrons rien à
personne : l’analphabétisme constitue le
terreau dans lequel prolifèrent les
croyances irrationnelles et les
pratiques moyenâgeuses. En plus de
l’induction dans la société de la
pratique d’un Islam revu et corrigé
façon wahabite et réactionnaire, par
l’école, par les médias, par les prêches
dans des mosquées plus nombreuses que
jamais. Des méthodes qu’a déjà connues
le peuple algérien durant l’affreuse
colonisation française.
Voir dans l’intégrisme un monstre dans
un placard ressemble à s’y méprendre
à la façon dont on décrit Hitler. Ne
voir en lui qu’un monstre et ignorer le
bête immonde qui l’a enfanté empêche de
porter atteinte au système de production
le plus inhumain que nous connaissons ;
et les mêmes évènements seront
reproduits, et les mêmes monstres
renaitront : un nouvel Hitler, un
nouveau Zitouni, un nouveau Hattab etc…
Après tout, il serait bon de relever le
score du FN dans une France qui a
longtemps chanté le « jamais plus
jamais », pour se persuader que cette
dynamique fascisante est quasi mondiale.
Mais le fascisme
islamiste tout comme son prédécesseur
n’a pas réussi à anéantir les capacités
de résistance du peuple.
La seule façon de soigner les
traumatismes pour les peuples en
détresse est de faire disparaitre à tout
jamais les éléments de nature à remettre
sur scelle les divers fascismes,
c'est-à-dire un système économique
débarrassé du profit et de
l’exploitation. Pour seule preuve
historique, le peuple algérien n’a pas
eu besoin de psychothérapie après les
traumatismes du colonialisme, il était
bien trop occupé à construire un avenir
plus radieux, lorsque c’était encore
possible, avant que la roue ne s’inverse
à nouveau.
Les innombrables psychanalystes,
psychologues et autres magiciens de la
guérison capitaliste n’ont rien pu faire
contre la décadence d’une société
occidentale dont les meurs et les
valeurs s’enfoncent dans une violence et
une perversion jusque là peu
connues dans l’histoire de l’humanité.
Les groupes pharmaceutiques sont quant à
eux là pour veiller à ce qu’on dope
suffisamment les populations de
psychotropes, qu’elles soient
traumatisées ou non. Des prescriptions
non seulemen immédiatement rentables,
mais qui aident à prévenir les élans
contestataires.
Le véritable mal pour les populations
musulmanes opprimées, c’est cette
indigence politique qui rabâche les
conséquences et fait le silence sur les
causes, à l’heure ou l’Islam politique a
montré son vrai visage ainsi que les
intérêts qu’il sert.
-
La théorie du « qui-tue-qui » a été
lancée, principalement dans les
médias mass français, visant à
accuser l’armée des massacres,
tandis que les islamistes
revendiquaient et ces massacres et
leur guerre menée contre l’état
algérien.
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