Opinion
La Turquie recrutera-t-elle l’OTAN
au service de Daech ?
Nasser Kandil
Mercredi 25 novembre 2015
Ce matin, 24 novembre, un Su-24
russe a été abattu par la Turquie au
dessus de la Syrie [1]. Voici, en bref,
la réaction de M. Nasser Kandil,
directeur du quotidien libanais Al-Binaa,
suite aux propos de M. Vladimir Poutine
à l’issue de sa rencontre avec le roi de
Jordanie, censée « aider à élaborer, au
sein des représentants de la communauté
militaire et du renseignement, une
qualification commune des groupes et des
individus permettant éventuellement de
les désigner comme terroristes, avec
l’objectif d’y parvenir pour le début du
processus politique en Syrie, sous les
auspices des Nations Unies » [2] :
En bref :
-
L’avion russe
abattu par la Turquie inaugure une étape
d’escalade qui devrait consacrer celui
qui imposera les lignes rouges à ne pas
franchir dans la guerre en Syrie.
-
La Turquie veut
sa part turkmène de Syrie, sa zone
tampon, et veut éviter que certains
groupes armés ne finissent par figurer
sur la liste des organisations
terroristes.
-
La Russie a mis
sa réputation de grande puissance
dans la balance, laquelle ne laisse
aucune chance à la complaisance ;
témoins en sont les termes choisis
utilisés par le président Poutine.
-
La Russie
continuera de cibler les groupes armés
soutenus par la Turquie à la frontière
turco-syrienne, au risque d’un
accrochage, préventif mais contrôlé,
qui pourrait aller jusqu’à abattre des
avions turcs et éventuellement des
frappes à l’intérieur du territoire
turc.
-
Ankara s’appuie
sur le feu vert de Washington et le
soutien encourageant de l’Arabie
saoudite.
-
Les affrontements
en cours, sur le terrain syrien,
reflètent la recherche des équilibres
futurs reposant sur la discrimination
entre « groupes de l’opposition armée »
dont les représentants seraient
acceptables à la table du dialogue
inter-syrien, et les « groupes
terroristes », [Ce que Vienne 2 n’a pas
réglé, malgré les efforts de la Russie,
NdT]
-
La Russie est
décidée et considère que la Turquie
tente de recruter l’OTAN au service de
Daech.
-
La direction
turque est stupide et arrogante ; elle
aura à payer le prix de ses intrigues
par un échec humiliant.
-
L'OTAN n’osera
pas couvrir une confrontation entre la
Turquie et la Russie, d’autant plus que
la dernière résolution du Conseil de
sécurité a consacré le rôle de la Russie
dans la lutte contre le terrorisme
auprès de Washington, Londres et Paris
[S’il s’agit de la Résolution non
contraignante 2249, adoptée le 20
novembre 2015, les réserves ne manquent
pas [3][4], NdT].
Ce bref
billet de M. Nasser Kandil, mérite de
revenir sur la réaction du président
Vladimir Poutine lui-même. Nous
précisons que nous traduisons ses propos
à partir d’une vidéo de Russia Today
doublée par deux fonds sonores : les
traductions simultanées en arabe et en
anglais. Nous espérons donc ne pas trop
nous éloigner des termes employés par M.
Poutine :
« Ces
événements sortent du cadre de la lutte
contre le terrorisme. Il est normal que
nos soldats héroïques partis combattre
le terrorisme en arrivent à sacrifier
leur vie. Mais concernant les victimes
d’aujourd’hui, il s’agit d’un coup porté
dans notre dos par des complices du
terrorisme. Je ne peux décrire autrement
ce qui vient de se passer.
L’avion en
question est tombé en territoire syrien
à 4 Kms des frontières turques. Il
volait à une altitude de 6000 m et à 1
Km de la frontière turque. Et, en tous
cas, nos pilotes et nos avions ne
menaçaient en aucune manière la Turquie.
C’est parfaitement clair. Ils menaient
une opération contre Daech dans une
région montagneuse où s’étaient
retranchés des terroristes armés venus
de la Fédération de Russie. Ils ont
accompli leurs missions essentielles
consistant en des frappes préventives
pour protéger la Russie. Ceux qui les
ont attaqués doivent aussi être
considérés comme des terroristes.
Il y a
quelques temps, nous avions prouvé et
confirmé que d’énormes quantités de
pétrole [et de produits dérivés] étaient
acheminés vers la Turquie par ces mêmes
terroristes, d’où les sommes d’argent
importantes, payées d’ici et de là, à
leur disposition.
Voilà que
nous recevons un coup dans le dos, parce
que nous combattons le terrorisme et
alors que nous avions convenu avec nos
partenaires américains de nos actions
aériennes ; la Turquie faisant partie de
ceux qui ont déclaré combattre le
terrorisme dans les rangs de la
coalition américaine.
Daech dispose
d’un pécule se comptant en centaines de
millions de dollars grâce à la vente du
pétrole à la Turquie et, en plus,
bénéficie de la protection des forces de
nombreux pays ; ce qui explique pourquoi
ces terroristes se comportent d’une
manière aussi féroce et ensauvagée
contre tout le monde, y compris les pays
européens.
Évidemment,
nous allons analyser tout ce qui s’est
passé et la tragédie d’aujourd’hui aura
de sérieuses répercussions sur nos
relations avec la Turquie, avec laquelle
nous nous sommes toujours comportés, non
seulement comme un pays voisin, mais
comme un État ami. Nous pensons savoir
qui a voulu que les choses se passent
comme elles se sont passées, mais nous
n’en avons pas la certitude.
Ceci dit, au
lieu de nous contacter immédiatement,
nous croyons savoir que la Turquie s’est
adressée à ses associés de l’OTAN pour
régler la question, comme si c’était
nous qui avions abattu un avion russe et
que ce n’était pas un avion russe qui
avait été abattu. Veulent-ils mettre
l’Otan au service de Daech ?
Je comprends
que tout État a des intérêts régionaux.
Nous traitons cela avec respect. Mais
nous ne supporterons jamais que des
crimes, tel celui d’aujourd’hui,
puissent être commis.
Naturellement, nous pensons que la
communauté internationale trouvera en
elle-même la force de combattre ce mal
absolu. Pour cela, nous comptons
beaucoup sur le travail efficace des
États de la région.
Nous sommes
heureux, votre majesté, de notre visite.
Nous continuerons à travailler avec
vous, avec vos forces spéciales et vos
militaires, comme nous travaillerons
avec ceux d’autres pays. Je vous
remercie ».
Et ce
soir, nous apprenons par France 24 que
M. Hollande, en visite à Washington, a
affirmé : « la France n'interviendra pas
au sol, ce sont les forces locales que
nous allons accompagner, que nous aidons
déjà depuis plusieurs mois qui vont
faire ce travail au sol, une fois que
nous aurons porté les coups qui
permettront à ces forces-là d'agir ».
Quelles
forces locales compte-t-il donc
accompagner ? Seraient-ce les forces de
Ahrar al-Cham et de Jaïch al-Islam
pudiquement rangées sur la liste
des « groupes armés non étatiques » en
attente de blanchiment aux yeux de
l’opinion publique et/ou les prétendues
forces démocratiques arabo-kurdes tenues
sur les fonds baptismaux par les
États-Unis ? Un avion français
risquerait-il le même sort que le
bombardier russe s’il arrivait que le
gouvernement turc ne soit pas satisfait
de ses services ?
Sources :
Top News Nasser kandil
http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=5367
Vidéo You Tube : Russia Today
arabic
https://www.youtube.com/watch?v=kxZmyL8xXEE&feature=youtu.be
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] Un Su-24
russe abattu par les Turcs au dessus de
la Syrie
http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=269718&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=37&s1=1
[2] Syrie : de Vienne 1 à Vienne
2, un champ de mines ?
http://reseauinternational.net/syrie-de-vienne-1-a-vienne-2-un-champ-de-mines/
[3] Quelle
coalition voulons-nous face à Daech ?
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article6567
[4] Attentats
de Paris: la France obtient une
résolution au Conseil de Sécurité
http://www.mondialisation.ca/attentats-de-paris-la-france-obtient-une-resolution-au-conseil-de-securite/5490806
[5] Obama :
"Nous devons faire davantage" avec la
France
http://www.france24.com/fr/20151124-direct-video-conference-presse-hollande-obama-lutte-terrorisme-etat-islamique-syrie-irak
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