Syrie
Hajin / Syrie : Pourquoi les États
occidentaux coalisés entretiennent-ils
une armée
sans oser l’engager sur le
terrain ?
Bachar al-Jaafari
Mercredi 27 février 2019
« Pourquoi entretenir une armée
que l’on n’ose pas engager ? » Telle est
l’une des questions posées par le
Colonel François-Régis Légrier dans son
article « remarquable » [1], intitulé « La
bataille d’Hajin : victoire tactique,
défaite stratégique ? » [2], publié
par la Revue Défense Nationale de
Février 2019 dans la rubrique
« opinion », mais aussitôt retiré au
motif qu’il critiquait la stratégie de
la coalition internationale dans la
guerre contre l’organisation État
islamique en Irak et en Syrie [3].
À la faveur
de la réunion quasi-mensuelle du Conseil
de sécurité sur la situation humanitaire
en Syrie ce 26 février, le délégué
permanent de la Syrie aux Nations Unis a
répondu à la question du Colonel
français [NdT].
Monsieur le
Président,
Il y cinq ans
et plus exactement le 22 février 2014,
le Conseil de sécurité adoptait la
résolution 2139 concernant la situation
humanitaire en mon pays. Permettez que
je vous rappelle ce que j’avais dit à
cette même tribune : « Soutenir
humainement les Syriens ne peut être
réalisé, justement et efficacement, qu’à
la condition de joindre les actes aux
paroles pour empêcher la politisation
des questions humanitaires, et stopper
le terrorisme dû à différentes
organisations dont celles en relation
avec le réseau d’Al-Qaïda. Ce terrorisme
est la cause essentielle des souffrances
du peuple syrien. »
Parole
toujours valable aujourd’hui, car
comment se fait-il que des États, dont
certains sont des membres permanents du
Conseil de sécurité, prétendent
s’inquiéter de la situation humanitaire
en Syrie et, en même temps, soutiennent
le terrorisme, déploient illégalement
leurs forces militaires sur son
territoire et commettent des agressions
successives entraînant mort et blessures
de milliers de civils syriens, dont une
majorité de femmes et d’enfants, et
destruction des infrastructures ?
Autant de
faits reconnus par le Colonel français
François-Régis Légrier, responsable du
groupe de l’artillerie française au sein
de la Coalition illégitime agressant mon
pays, dans un article de la « Revue
Défense Nationale » il y a quelques
jours.
Je citerai
quelques passages du Colonel qui précise
que la volonté de la Coalition de
limiter ses pertes a mené à
l’augmentation considérable du nombre de
victimes civiles et à la destruction
massive des infrastructures, alors
qu’elle aurait pu régler le sort des
combattants ciblés plus rapidement et
plus efficacement par le simple envoi de
1000 soldats sur le terrain, avant de se
demander « Combien de villes syriennes
devront subir le sort d’Hajin pour
comprendre que nous faisons fausse
route ? et aussi : « Pourquoi disposer
d’une armée et ne pas oser l’engager sur
le terrain ? ».
« Certes,
la bataille d’Hajin a été gagnée mais de
façon très poussive, à un coût
exorbitant et au prix de nombreuses
destructions. Certes, les Occidentaux,
en refusant d’engager des troupes au
sol, ont limité les risques et notamment
celui d’avoir à s’expliquer devant
l’opinion. Mais ce refus interroge :
pourquoi entretenir une armée que l’on
n’ose pas engager ? […] Extrêmement à
l’aise pour remplir les grands
états-majors multinationaux d’une
ribambelle d’officiers, les nations
occidentales n’ont pas eu la volonté
politique d’envoyer 1000 combattants
aguerris régler en quelques semaines le
sort de la poche d’Hajin et épargner à
la population plusieurs mois de guerre
[…] … la seule réaction a été
d’intensifier les frappes aériennes et
donc d’augmenter encore le nombre de
destructions. Hajin a subi le même sort
que Mossoul et Raqqa : une destruction
quasi complète […] … nous avons prolongé
inutilement le conflit et donc contribué
à augmenter le nombre de victimes au
sein de la population. Nous avons
détruit massivement les infrastructures
et donné à la population une détestable
image de ce que peut être une libération
à l’occidentale […] Combien d’Hajin
faudra-t-il pour comprendre que nous
faisons fausse route ? »
[Article censuré du Colonel
Légrier : extraits correspondant aux
passages retenus par le Dr Bachar
al-Jaafari ; NdT].
Pour répondre
à la question je rappellerai la
prédiction prononcée dans cette même
enceinte par l’ex-président des
États-Unis, Barak Obama : « La
Coalition internationale aura besoin de
trente années pour réussir à éliminer le
terrorisme en Syrie ».
Une
prédiction en parfaite concordance avec
les observations du Colonel Légrier,
lesquelles confirment ce que nous
n’avons cessé de dire quant aux
objectifs de la Coalition internationale
illégitime en Syrie : elle n’a jamais
cherché à lutter contre le terrorisme,
mais à l’exploiter afin d’affaiblir le
potentiel de l’État syrien, prolonger la
guerre et noyer les États et le peuple
de notre région dans le chaos des
conflits illusoires.
Dr Bachar
al-Jaafari
26/02/2019
Traduction : Mouna Alno-Nakhal
Source : [The
Syrian Mission to the United Nations]
Notes :
[1][La
bataille d’Hajin : victoire tactique,
défaite stratégique ? Un article
remarquable du colonel Légrier.]
[2][La
bataille d’Hajin : victoire tactique,
défaite stratégique ? Le texte…]
[3][«La
bataille d’Hajin : victoire tactique,
défaite stratégique ? », le texte qui
embarrasse l’armée française]
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