Syrie
Alep : Tu parles d’une trêve !
Mouna Alno-Nakhal
Mardi 26 avril 2016
« Je t’écris ces quelques
lignes pour te dire où nous en sommes.
Contrairement à ce que soutiennent De
Mistura et vos médias menteurs, la trêve
s’est traduite, pour nous, par encore
plus de sang et de larmes sans, je te le
répète, que je ne songe un seul instant
à quitter. Pas question !
Il y a
quelques jours, je te confiais mon
bonheur d’avoir enfin pu profiter d’un
bain chaud. La lumière et l’eau nous
étaient revenues me confortant dans
l’idée que Poutine et surtout Obama
avaient vraiment la volonté d’en finir
avec ces têtes de boucs de Saoudiens. La
grande bataille d’Alep, que nous
attendons depuis deux ans, ne serait
donc pas aussi meurtrière que nous le
craignions ?
En
réalité : tu parles d’une trêve ! Depuis
3 jours, ça barde. Mardi [19 avril]
trois roquettes, expédiées par les
monstres hollywoodiens, sont tombés sur
ton quartier à 200 mètres de là où
j’habite maintenant.
Nous n’y
comprenons plus rien. Nous guettons les
explications de nos politiciens à la
télévision mais, mis à part leur
certitude qu’Alep ne sera pas sacrifiée
sur l’autel des intérêts bien compris de
tous les gouvernements étrangers qui
nous sont tombés dessus, aucun d’entre
eux ne répond à nos questions. Sans
doute parce qu’eux non plus ne
comprennent pas grand-chose à ce qui se
joue dans l’ombre contre notre ville.
Une ville qui revit la folie meurtrière
de notre voisin du nord… ». KS
« Nous n’y
comprenons plus rien » ! Les gens d’Alep
ont réellement pensé que leur ville
était à deux doigts d’être libérée grâce
à l’avancée de leur armée nationale,
soutenue par les forces aériennes russes
avant leur « retrait partiel ». Pourquoi
leur ville se retrouve-t-elle de nouveau
dans l’œil du cyclone, alors que tous
parlaient d’une trêve qui se
maintenait ? Une question légitime qui
sonne comme un reproche visant le
gouvernement syrien et, plus
discrètement, la Russie, lesquels
auraient décidé d’un commun accord de
s’arrêter en si bonne voie.
Nasser Kandil,
une plume résistante que certains
considèrent comme trop optimiste,
expliquait récemment que le but de cette
trêve était aussi de permettre à l’État
syrien et à la Russie de soustraire la
participation du Front Al-Nosra -alias
Al-Qaïda en Syrie- aux pourparlers de
paix de Genève 3 sous couvert du
« groupe de Riyad », retenu jusqu’à ces
derniers jours comme seul représentant
de l’opposition syrienne par les
employeurs de M. De Mistura, alors qu’il
est notoirement infesté par les hommes
de main des Al-Saoud et d’Erdogan,
soutenus par le camp des USA et déguisés
sous l’uniforme des prétendus rebelles
« modérés ».
M. Kandil
concluait que la guerre contre le Front
al-Nosra était aussi importante que la
guerre contre Daech et que ce n’est
qu’une fois que le nord syrien en serait
débarrassé que la guerre contre Daech
deviendrait l’affaire du monde entier et
non seulement celle de la Syrie.
Si Nasser
Kandil a raison et vu que le groupe de
Riyad a décidé de bouder la dernière
session de Genève 3, est-il venu le
temps de pourparlers uniquement entre
Syriens patriotes, à Genève ou ailleurs,
qui ne soient plus torpillés par de
prétendus soucis humanitaires, priorité
hypocrite des opposants du « Groupe de
Riyad » et de Ban Ki-moon, maintenant
que les terroristes d’Al-Nosra ont
ouvertement rompu ladite trêve en
bombardant avec leurs canons de l’enfer
ou autres engins plus perfectionnés, de
préférence en pleine nuit, tous les
quartiers résidentiels d’Alep échappant
à leur contrôle [1] ?
Est-il venu
le temps pour que les Onusiens,
prétendant secourir d’un côté, ne
ferment plus les yeux sur les massacres
au coup par coup commis d’un autre côté
et, plus particulièrement, dans Alep et
ses environs ?
Sinon, nous
sommes en droit de nous demander s’ils
cherchent à ce qu’Alep atteigne le point
d’orgue de la catastrophe humaine
qu’elle endure depuis 2012, dans le but
de déclencher une intervention
humanitaire sous chapitre VII, afin de
mettre la Syrie sous la tutelle de l’ONU
et prolonger son calvaire le temps
qu’il leur faudra pour achever ses
citoyens qui refusent de s’incliner. Un
scénario si bien rôdé en Irak, en Libye
et ailleurs, qu’il n’est pas nécessaire
d’être un géo-stratège distingué pour
l’évoquer.
Il faut
savoir qu’entre le 27 février, date du
début de la trêve, et le 22 avril, les
services statistiques à Alep ont
enregistré 440 décès ou blessures graves
par des tirs de mortier lancés par les
terroristes « modérés » [2].
Le 24 avril,
félicité à la télévision nationale
syrienne pour avoir obtenu le plus grand
nombre de voix aux dernières élections
législatives du 13 avril 2016 [3],
M. Farès Chehabi, Président de la
chambre de commerce et d’industrie
d’Alep, qui n’a jamais ménagé les
manquements du gouvernement syrien alors
que le Conseil de l’Union européenne
le mettait sur sa liste de sanctions dès
septembre 2011 avec la mention « apporte
un soutien économique au régime
syrien », répondait en ces termes :
« Ces dernières
24 heures, Alep a déploré 15 morts, 120
blessés, 300 tirs sur l’ensemble des
quartiers de la ville sans aucune
exception dont 7 mosquées au moment même
de la prière du midi ; 60 magasins et 80
maisons ont été totalement détruits [en
plus de deux écoles juste avant les
examens de fin d’année]. Nous nous
battons pour notre existence, car notre
résistance en Syrie et plus
particulièrement à Alep est la première
ligne de défense contre le plus féroce
de nos ennemis : l’ennemi ottoman qui
voudrait nous faire revivre les
événements de 1916 quand Sélim 1er
est entré dans notre région. La chute
d’Alep signifie la chute de la Syrie.
Par conséquent, nous ne défendons pas
uniquement notre ville ; nous défendons
notre identité, notre vie, notre avenir,
notre pays et toute l’humanité. D’où le
prix exorbitant que nous sommes en train
de payer » [4].
La
journée d’hier a été tout aussi
sanglante. Cette fois-ci, elle a plus
particulièrement semé la mort dans le
quartier majoritairement arménien de
Sleimaniyeh. Supportez la vue de ce
dernier carnage en visionnant la vidéo
de la journaliste syrienne Kinana
Allouche [5] et mettez un voile
sur vos consciences en éteignant les
lumières de vos monuments en
commémoration du génocide des Arméniens
[6]. Vous n’empêcherez pas les
Syriens arméniens de dénoncer
l’hypocrisie d’un monde occidental qui
se prétend plus humain que leurs
bourreaux. Continuez à « verser du sel »
sur leurs blessures d’hier et
aujourd’hui tout autant que sur les
plaies ouvertes de tous leurs
compatriotes syriens. Écoutez-les hurler
leur colère et leur souffrance. Écoutez
cet Arménien crier sa détermination :
« Nous sommes
des Arméniens, cela suffit. Ils veulent
continuer à nous exterminer. Ils veulent
que nous quittions cette terre. Nous ne
quitterons pas ! C’est assez ! Assez !
J’en appelle à notre Armée et à notre
Président. Exterminez-les tous !
Président Bachar, débarrassez-nous de
cette vermine. Accrochez-moi à une bombe
et envoyez-moi les éliminer tous ! »
Écoutez
tous ceux qui l’entourent vous dire
qu’ils résisteront encore et encore,
tout en avouant leur détresse :
« C’est parce
qu’Alep leur résiste qu’ils veulent la
détruire. Nous faisons tous partie de
notre armée. Assez de destructions !
Khalass ! Khalass ! Nos enfants meurent.
Nos maisons, nos magasins, tout ce que
nous possédons est détruit. Nous voulons
que le gouvernement prenne la décision
d’en finir avec eux. Il ne le fait pas.
Il nous rendra des comptes. Alep est
oubliée ! Oubliée ! »
Voilà le
résultat des mensonges des gouvernements
et des médias occidentaux qui ont
pactisé avec ceux qui seraient plus
méprisables qu’ils ne le sont : les
dictateurs turcs, saoudiens, qataris et
israéliens, ces derniers n’attendant que
la chute d’Alep pour annexer
illégitimement le Golan occupé et ainsi
boucler la ceinture de misère, de
terreur et d’horreur du nord au sud de
la Syrie.
Quant à
Obama qui aurait la
volonté d’en finir avec les Saoudiens,
l’avenir le dira. Quoi qu’il en soit,
l’administration américaine depuis le
début de cette guerre internationale
contre la Syrie nous a habitués à une
duplicité dite pragmatique. Elle prétend
diriger les pourparlers de Genève vers
une solution politique en partenariat
avec la Russie, mais en même temps elle
pérennise la guerre en Syrie et la
souffrance des Syriens, fermant les yeux
sur l’entrée récente de milliers de
terroristes armés via la Turquie,
couvrant la fourniture de tonnes de
munitions, d’armes, avec désormais des
missiles sol-air et, par conséquent,
étranglant Alep. Les témoignages à ce
sujet dans la presse US ne
manquent pas [7].
Monsieur
Chehabi a sans doute raison. Alep est
désormais à la croisée des chemins :
soit elle tombe entre les mains des
prétendus opposants soutenus d’une
manière ou d’une autre par le bloc
Otan-Israël-Arabie saoudite-Qatar, alors
la Syrie tombera et la région entrera
dans un tunnel obscur qui finira par
atteindre les États amis et ennemis,
sans pour autant éviter une guerre
contre le terrorisme par les grandes et
petites puissances, lesquelles se
précipiteront pour se partager son corps
démembré; soit elle reste debout malgré
ses plaies sanguinolentes, alors la
Syrie restera debout et sa résistance
aura raison de tous ceux, terroristes
compris, qui ont juré de ramener les
pays de la région à l’âge de pierre par
un jeu d’alliances improbables et
d’intérêts mal pensés. Tous les pays de
la région sauf un, pour prétendument se
faire pardonner leur crime du passé.
Mais que de crimes ont-ils commis
depuis !
Puissent la
Résistance des gens d’Alep et l’Armée
syrienne triompher, pour le bien de la
Syrie et de toute l’humanité.
Mouna Alno-Nakhal
26/04/2016
Sources :
[1]
https://www.youtube.com/watch?v=kVPsrJSs-LA&feature=youtu.be
[2]
https://www.youtube.com/watch?v=jDOneL4ju0s&feature=youtu.be
[3]
https://othersuns.wordpress.com/2011/09/03/syria-eu-adds-the-presidents-of-aleppo-and-damascus-chamber-of-industry-and-tarif-akhras-and-issam-anbouda-to-the-sanction-list/
[4]
https://www.youtube.com/watch?v=mOaCkFR_eIw&feature=youtu.be
[5]
https://www.facebook.com/KinanaAllouchePage/videos/1027228087314422/
[6] La Tour Eiffel s'éteint en mémoire
du génocide des Arméniens
http://www.lemonde.fr/europe/video/2015/04/25/la-tour-eiffel-s-eteint-en-memoire-du-genocide-armenien_4622582_3214.html
[7] Guerre en Syrie : seconde
mi-temps.Changera-t-on d’arbitre avant
la fin des prolongations?
http://www.mondialisation.ca/guerre-en-syrie-seconde-mi-temps-changera-t-on-darbitre-avant-la-fin-des-prolongations/5521738
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