Syrie
Mettre fin aux souffrances des
Syriens
commence par admettre certaines vérités…
Bachar al-Jaafari
Jeudi 20 juin 2019
À la demande de la Belgique, de
l’Allemagne, du Koweït et des
États-Unis, le Conseil de sécurité de
l'ONU s'est réuni mardi 18 juin dans
l’après-midi pour une réunion décidée à
la hâte afin de discuter de la situation
« spécialement dangereuse » à Idleb [*].
Pour
mémoire,
ci-dessous la traduction intégrale de
l’intervention du délégué permanent de
la Syrie aux Nations Unis, le Docteur
Bachar al-Jaafari [NdT].
Merci
Monsieur le Président,
La tenue de
cette réunion du Conseil de sécurité
arrive au bon moment vu qu’elle nous
offre l’opportunité, ainsi qu’à d’autres
États, de vous brosser le tableau des
attaques lancées par les groupes
terroristes armés, [rassemblés] à Idleb,
sur les villes et les villages voisins,
notamment le Rif d’Alep, les Rifs du
nord de Hama et de Lattaquié.
Parlant
d’attaques, je vous signale que la
dernière en date est le massacre commis
il y a deux jours au sud d'Alep, dans le
village de Doueihi ; un crime ayant fait
12 morts et plus de 16 blessés en pleine
célébration d’un mariage. Une attaque
qui a transformé la vie tranquille des
habitants en une terreur difficilement
descriptible, suite aux déflagrations de
projectiles lancés par les terroristes
du « Front al-Nosra » soutenus par le
régime turc d'Erdogan. Les corps des
martyrs et des blessés, principalement
des femmes et des enfants, se sont
retrouvés dispersés dans les ruelles du
village tandis que les maisons des
habitants et les propriétés publiques et
privées, y compris le Centre de soins et
la mosquée, ont été grandement
détruites.
Ce crime
barbare s’inscrit dans toute une série
de crimes commis par ces groupes
terroristes dirigés par « Hay’at tahrir
al-Cham », alias le « Front al-Nosra »,
organisation terroriste inscrite sur la
liste du Conseil de sécurité des
organisations et entités terroristes en
tant que succursales d’Al-Qaïda en
Syrie. Des crimes qui requièrent une
condamnation claire et sans détours de
la part de ce Conseil.
Monsieur
le Président,
Je citerai,
très brièvement, certains de ces crimes
ayant tous entraîné la mort de dizaines
de civils innocents et les blessures de
centaines d’autres, dont un grand nombre
de femmes et d’enfants. Autrement dit,
je me contenterai d’évoquer les victimes
civiles sans parler des victimes
militaires :
-
Le ciblage de la ville de
Squelbié et des villages d’Aïn
al-Kouroum et de Balhassine le 25
mai par des dizaines de projectiles
-
Le ciblage des villes de
Salhab et de Squelbié le 26 mai par
plus de 30 projectiles.
-
Le ciblage de la ville de
Qamhani les 29 et 31 mai par nombre
de roquettes.
-
Le ciblage des villages de
Qal’at al-Madif, Karakate et Chatha
au nord et au nord-ouest de Hama par
des dizaines de roquettes et de
missiles.
-
Le ciblage répété de
nombreuses régions du Gouvernorat
d’Alep par des dizaines de roquettes
et de missiles.
-
Le ciblage de la ville de
Jablé par nombre de missiles
-
Le ciblage répété de la ville
de Mhardeh par des dizaines de
missiles, le dernier en date s’étant
produit à l’aube de ce jour.
Ceci, sans
compter le ciblage continu des positions
de l’Armée arabe syrienne et des Forces
alliées russes, notamment l’aéroport de
Hmeimim, par des missiles et des drones
piégés.
Et vu que
certains se plaisent à nous poser des
questions, il serait bon qu’ils se
posent et nous posent les questions
suivantes :
-
Qui fournit toutes ces armes
aux terroristes ?
-
D’où viennent ces armes ? Par
parachutes, d’une autre planète ? Ou
bien d’États Membres à l’intérieur
ou à l’extérieur de ce Conseil ?
-
D’où viennent ces quantités
considérables d’armes, mais aussi de
terroristes ? N’avons-nous pas été
envahis par 100 000 terroristes
étrangers à partir de notre seule
frontière avec la Turquie ? Combien
de fois l’avons-nous répété devant
ce Conseil et ailleurs, tandis que
l’une de ses sous-commissions
confirmait la véracité de nos
déclarations quant au fait que 101
États Membres de cette Organisation
[des Nations-Unies] exportaient du
pur terrorisme vers la Syrie ?
Monsieur
le Président,Les
déclarations entendues aujourd’hui, dans
cette enceinte, indiquent une
conscience, partagée par tous, quant à
la nécessité de traiter un problème posé
par Idleb. C’est en tout cas ce que nous
avons compris des exposés de nos
collègues : Idleb pose problème !
Idleb la
Syrienne évidemment. Je ne parle pas
d’Idleb en Floride, en Grande Bretagne
ou en France… Pourtant, le mois dernier,
le 17 mai, je vous avais démontré avec
moult détails que la cause de ce
problème est la persistance du régime
turc et de ses associés à fournir toutes
sortes de soutien aux groupes
terroristes et à se dérober aux
obligations découlant de l’Accord de
désescalade militaire et des engagements
pris à Astana et à Sotchi. Ce qui a
permis à l'organisation terroriste
Hay’at tanrir al-Cham -laquelle compte
dans ses rangs des dizaines de milliers
de terroristes étrangers dont plus de
15 000 européens- de contrôler la
quasi-totalité de la ville d’Idleb et
certaines régions voisines du nord-ouest
de la Syrie, de créer un foyer de
terrorisme défiant l’État syrien, de
prendre des centaines de milliers de
civils comme boucliers humains.
Des civils
contre lesquels ils commettent les
crimes les plus odieux, répandant mort
et destruction ; exploitant les
installations civiles, y compris les
hôpitaux et les écoles transformées en
casernes militaires, centres de
détention et de torture ; assassinant
tous ceux qui rejettent l’idéologie
takfiriste extrémiste et ses
dispositions obscurantistes.
À ce propos,
lorsque certains collègues -parmi
lesquels figurent à notre grand regret
M. Lowcock et Mme DiCarlo [respectivement,
Secrétaire général adjoint aux affaires
humanitaires, Bureau de la coordination
des affaires humanitaires (OCHA) et
Coordonnateur des secours d’urgence ;
Secrétaire générale adjointe aux
affaires politiques ayant succédé à
Jeffrey Feltman ; NdT] dont je ne
sais quelles sont les sources, vous
disent que 27 installations médicales
ou, plus exactement, 27 hôpitaux ont été
ciblés à Idleb, je vous dis que :
-
La capitale, Damas, où vivent
8 millions d’âmes ne compte que 8
hôpitaux publics intra-muros et 9
hôpitaux à la périphérie, soit un
total de 8+9=17 hôpitaux, sans plus.
Si l’on ajoute les 10 hôpitaux
privés, l’on n’arrive même pas à 30
hôpitaux pour une capitale où
résident 8 millions d’habitants.
-
Tandis qu’Alep compte 11
hôpitaux publics, plus 10 hôpitaux
privés. D’où 21 hôpitaux dans la
deuxième ville du pays où résident 5
millions d’âmes.
-
Quant à Idleb, la ville compte
4 hôpitaux publics et 4 hôpitaux
privés, d’où 8 hôpitaux au maximum.
Par
conséquent, d’où vient ce chiffre de 27
hôpitaux ciblés à Idleb ? Qu’ils aient
l’obligeance de nous indiquer leurs
sources. Quant à moi, je vous dis
publiquement que ces déclarations sont
de la désinformation et des mensonges.
N’importe quelle source à l’origine de
ces informations est destinée à vous
égarer. Il n’y a pas 27 hôpitaux à
Idleb !
Maintenant,
pour répondre à ma collègue
l’ambassadeur britannique : si
l’organisation des « Casques blancs »
tient une pièce située dans la cave d’un
quelconque immeuble et s’en sert comme
base de lancement de ses projectiles,
c’est autre chose. Ce n’est pas un
hôpital. C’est ce qui s’appelle « make-shift
medical facility » [installations
médicales précaires]. Et
c’est, plus exactement, une clownerie et
du cinéma à propos d’une chose qu’on a
désignée par hôpital mais qui se trouve
être une simple pièce d’un sous-sol,
destinée à frapper les civils et les
soldats de l’Armée arabe syrienne.
Par ailleurs,
vu qu’aujourd’hui les sentiments
« humanitaires » débordent de partout,
je vous parlerai d’un autre scandale.
Savez-vous, Mesdames et Messieurs,
qu’après 8 années de sanctions -dites
« mesures coercitives unilatérales » car
illégitimes et non décidées par vous-
les États-Unis et l’Union européenne
persistent dans leur interdiction
d’export d’équipements médicaux pour IRM
et CT-Scan, et même de fils
chirurgicaux, vers la Syrie ? Quelle est
donc cette empathie humanitaire qui
interdit l’exportation de ces matériaux
et équipements à nos médecins et
chirurgiens qui en ont un grand besoin ?
À défaut de parler de crime, c’est une
honte et c’est le moins que l’on puisse
en dire. Mais, l’OCHA ne voit rien
évidemment, Mme DiCarlo et les porte
plumes de l’humanitaire non plus !
Le
gouvernement syrien et ses alliés ne
ciblent absolument pas les hôpitaux et
les écoles, car ces hôpitaux et ces
écoles, sont nos hôpitaux et nos écoles.
Monsieur
le Président,
L'application
des principes du droit international,
des dispositions de la Charte et des
résolutions de ce Conseil en rapport
avec le terrorisme, nécessite dans ce
cas précis de soutenir les efforts de
l'État syrien et de ses alliés dans leur
lutte contre le terrorisme ainsi que la
création d’un partenariat à cet effet,
vu qu’ils sont la partie concernée par
l’éradication du terrorisme et
l’amélioration de la situation
humanitaire en Syrie, au lieu d’appeler
à la tenue de ces sessions
spectaculaires, de divulguer des
informations trompeuses et de fabriquer
des accusations contre la Syrie et ses
alliés afin de porter secours aux
groupes terroristes, faire obstruction
aux procédures légitimes engagées par
l’État syrien dans le but de protéger
ses citoyens en les débarrassant de la
mainmise des organisations terroristes
qui en font leurs boucliers humains.
Par
conséquent, il est nécessaire
d’abandonner totalement toute tentative
d’atteinte à la souveraineté, l'unité et
l'intégrité territoriale de la Syrie, de
cesser toute tentative d'exploitation de
la crise afin de servir les agendas
destructeurs de certains États et de
leurs complices, de renoncer aux
politiques sélectives systématiquement
et incontestablement partisanes.
Des
politiques qui se reflètent dans le fait
que certains États Membres ferment les
yeux sur les crimes commis par les
groupes terroristes, sur le rôle des
gouvernements d’États notoirement connus
pour leur soutien au terrorisme, sur les
crimes de guerre et les crimes contre
l'humanité commis par la « Coalition
internationale » illégitime à Raqqa, à
Deir ez-Zor, à Hajine, à Al-Baghouz,
etc. -comme l’a évoqué mon cher collègue
l’ambassadeur de Russie, qu’il en soit
remercié-, et sur la détention de
dizaines de milliers de civils syriens
par les forces d’occupation
étatsuniennes au camp d’Al-Roukbane.
Et pour la
centième fois, nous rappelons que le
camp d’Al-Roukbane est une terre
syrienne occupée par des forces
américaines qui couvent une faction
terroriste du nom de « Maghawir
al-Thawra », lesquels touchent 100 000
Livres syriennes pour chaque civil qui
souhaite quitter le camp ; ce sur quoi
les Américains ferment les yeux
évidemment.
Monsieur
le Président,
Mettre fin
aux souffrances des Syriens à Idlib et
dans d'autres régions exige :
Premièrement : Contrer
les principales causes de ces
souffrances. À savoir, les politiques
des gouvernements qui parrainent le
terrorisme, les agissements des
organisations terroristes et des milices
ainsi instrumentalisées, les crimes
incessants commis par ladite « Coalition
internationale », y compris les
incendies délibérés des récoltes d’orge
et de blé. À ce propos, il y a deux
jours, le régime turc a publié une
annonce en langue arabe, adressée aux
agriculteurs syriens, pour leur faire
savoir que le gouvernement turc était
disposé à acheter leurs récoltes en
Livres turques. En d’autres termes, ce
qui n’aura pas été brûlé pourra être
vendu à la Turquie au quart de son prix.
Ce qui n’empêche pas qu’on nous accuse
de nuire à la Turquie. Non, ce n’est pas
le cas. Le régime turc ne respecte
absolument pas les règles de bon
voisinage. S’il possédait une once de
sagesse politique, il réfléchirait à
l’avenir, abstraction faite du droit
international et des accords organisant
les relations entre la Turquie et la
Syrie. C’est ce qu’il devrait faire :
tenir compte de l’avenir, car nous
sommes présents dans cette région par le
fait de la Géographie et de l’Histoire.
Le régime d’Erdogan ne devrait pas
ouvrir nos frontières communes aux
dizaines de milliers de terroristes
étrangers et à toutes sortes d’armes
dont les armes chimiques venues de
Benghazi, via Istanbul, à Khan al-Assal
près d’Alep. Un parcours que je vous ai
maintes fois rapporté, les produits
chimiques ayant été acheminés par un
terroriste syrien travaillant pour les
Services du renseignement turcs : le
nommé Haytham al-Kassar. Autant
d’informations en votre possession, vu
les 800 courriers détaillés que nous
vous avons adressés. Mais, certains
refusent de lire.
Deuxièmement : Mettre
fin à la présence illégale des forces
américaines et turques sur le territoire
de la République arabe syrienne et, en
conséquence, aux souffrances de millions
de civils dans les régions contrôlées
par ces mêmes forces.
Troisièmement : Lever
immédiatement et sans conditions les
mesures économiques coercitives
unilatérales et illégitimes imposées au
peuple syrien ; lesquelles constituent
un terrorisme économique et une punition
collective.
Quatrièmement : Faire
cesser la politisation délibérée et
systématique de la situation humanitaire
ainsi que son exploitation à des fins
totalement contraires aux principes de
l'action humanitaire.
Cinquièmement :
Soutenir les efforts de l'État syrien en
vue de la reconstruction de ce qui a été
détruit par le terrorisme -je vous
laisse juge du but recherché par ces
destructions- ; faciliter le retour des
Syriens déplacés dans la dignité et la
sécurité et travailler à diriger les
promesses des donateurs dans ce sens.
Monsieur
le Président,
En dépit de
l'adoption de plus de 46 résolutions en
rapport avec la lutte contre le
terrorisme par le Conseil de sécurité,
de la guerre terroriste imposée à mon
pays depuis presque neuf années, de ses
conséquences et du rôle tenu par les
gouvernements de certains pays pour la
prolonger, certains en dehors et au sein
même de ce Conseil continuent à
exploiter le terrorisme jusqu’à y voir
un partenaire, au lieu de construire un
partenariat avec la Syrie pour
l’éradiquer. Là aussi, je vous laisse
juge du but de telles manœuvres.
Ici, je
réaffirme que le gouvernement syrien ne
pliera pas devant la guerre terroriste
qui lui est imposée, ne permettra pas
que la vie de ses citoyens continue à
être ainsi menacée, continuera à exercer
ses droits souverains et
constitutionnels et à s’appuyer sur les
dispositions de la Charte et les
principes du droit international pour
défendre son territoire et ses citoyens,
lutter contre le terrorisme et mettre
fin à la présence étrangère illégitime
sur l’ensemble de la République arabe
syrienne.
Néanmoins, le
gouvernement de mon pays reste engagé
dans la concrétisation d’une solution
politique permettant aux Syriens de
faire leur choix et de décider de leur
avenir, par le dialogue mené par
eux-mêmes, sans ingérence étrangère,
d’une manière garantissant la
souveraineté, l'indépendance, l'unité et
l'intégrité territoriale de la Syrie.
Merci,
Monsieur le Président.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué
permanent de la Syrie auprès des Nations
Unies
18/06/2019
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Source :
https://www.youtube.com/watch?v=jX16ksfNFbE
[*] [Conseil
de sécurité: appels pressants pour
contenir le conflit dans le nord-ouest
syrien et éviter des conséquences
humanitaires et politiques dévastatrices]
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
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