Intervention
Bachar al-Jaafari : Ceux qui
disent qu’Idleb
est effectivement une
zone de désescalade
ne savent pas de
quoi ils parlent !
Lundi 10 septembre 2018
Pour mémoire,
intervention du délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies le 7
septembre 2018 devant le Conseil de
sécurité, présidé jusqu’à la fin du mois
par la déléguée permanente des
États-Unis ; les discussions ayant porté
quasi exclusivement sur la situation
« humanitaire » à Idleb...
Merci Madame
la Présidente,
Permettez que
je commence par un petit clin d’œil
éducatif pour expliquer à mes collègues
ce que signifient les accords d’Astana.
L’Accord
d’Astana 4, aux délibérations duquel
j’ai participé, avait pour objectif la
création de « zones de désescalade » en
Syrie, était limité à six mois,
renouvelable si les « groupes armés »
concernés par l’accord respectaient le
cessez-le-feu et se séparaient des
« groupes terroristes armés » exclus de
ce même accord. Ce qui ne fut pas le cas
à Idleb, puisque les groupes armés ont
refusé de se séparer des groupes
terroristes armés ou, plus exactement,
puisque leurs sponsors ont refusé que
cette séparation ait lieu.
De plus, les
terroristes d’Idleb ont lancé 400 drones
sur la base russe de Hmeimim, à
Lattaquié, et ont bombardé quasi
quotidiennement la ville d’Alep depuis
environ un an et demi, en dépit de ces
accords. C’est pourquoi, celui qui dit
qu’Idleb est une zone de désescalade est
dans l’erreur et ne sait pas de quoi il
parle. Cette zone est tombée parce que
les groupes armés n’ont pas respecté les
conditions de l’Accord d’Astana 4.
Cette simple
introduction devrait donc expliquer aux
membres de ce Conseil pourquoi les
choses en sont arrivées là où elles sont
à Idleb. Mais, naturellement, le
problème remonte à plus loin et a
commencé avec la « Conférence de
Vienne » de novembre 2015, conférence à
laquelle la Syrie n’était pas invitée et
n’a donc pas participé.
Pour rappel
[*], les participants à cette conférence
ont décidé de charger la Jordanie
d’établir la liste des terroristes et
des non terroristes, puis ont demandé à
l’Arabie saoudite de préciser qui était
dans l’opposition et qui ne l’était pas.
Ce qui n’a toujours pas été fait, parce
que les États protecteurs du terrorisme
refusent de distinguer le terroriste de
l’opposant armé.
Le processus
d’Astana a tenté de résoudre ce problème
par la création des zones de
désescalade. Mais l’expérience a échoué
à Idleb, les groupes armés et les
groupes terroristes armés n’ayant
respecté ni les conditions de la
Conférence de Vienne, ni les accords
d’Astana.
Ma collègue
déléguée de la Grande-Bretagne et M. de
Mistura ont estimé qu’une faible
minorité de combattants armés étaient
présents à Idleb. C’est vrai. Mais cette
faible minorité correspond à 50 000
terroristes ! Que diriez-vous, chère
collègue déléguée de la Grande-Bretagne,
si l’un de ces quatre matins 50 000
terroristes se répandaient dans
Manchester pour y semer leurs méfaits,
tandis que nous en parlerions comme
d’une « opposition britannique armée
modérée » et que l’OCHA [le
Bureau de la
coordination des affaires humanitaires]
se mettait à leur envoyer des aides pour
les garder en vie ?
Telle est
l’exacte absurdité de la situation à
Idleb.
Madame la
Présidente,
L’un des
étranges paradoxes du moment est que
certains membres de cette organisation
se trouvent face à un défi sans
précédent du fait que la présidence se
pose en juge et ennemi à la fois. Hier,
vous avez imposé l’examen de la
situation au Nicaragua, alors qu’elle ne
menace en rien la paix et la sécurité
internationales. Aujourd’hui, vous
imposez l’examen de la situation à
Idlib, une partie chère à nos cœurs en
Syrie. Demain, viendra le tour du
Venezuela. Ensuite, il semble que ce
sera le tour de l’Iran, comme nous
l’avons compris de l’agenda des travaux
du Conseil de sécurité de ce mois-ci.
Le sentiment
de haine tenace que vous suscitez à
notre encontre depuis des décennies n’a
jamais été notre option, car nous
faisons partie des États fondateurs de
cette organisation, lesquels avaient foi
en la paix et en la possibilité
d’épargner les horreurs et les malheurs
des guerres à l’humanité.
Il est
désormais habituel que les trois membres
permanents du Conseil de sécurité [USA,
Grande-Bretagne, France ; Ndt] profitent
de leurs périodes de présidence pour
manœuvrer contre mon pays et mon
gouvernement, convoquant des centaines
de réunions, déclenchant de fausses
alarmes, multipliant les accusations,
les menaces et les intimidations à
chaque avancée de l’Armée syrienne et de
ses alliés dans leur combat contre les
groupes terroristes armés, à leur solde.
À cette
tribune, nous affirmons pour la millième
fois que les gouvernements de ces trois
pays occidentaux, ainsi que leurs outils
dans la région, sont directement
responsables des souffrances de notre
peuple, à l’intérieur et à l’extérieur
de nos frontières, en exacerbant la
crise et en cherchant à la prolonger
aussi longtemps que possible par
l’exploitation du terrorisme wahhabite
et takfiri, d’origine saoudienne.
Un terrorisme
qu'ils ont généré dès les années
quatre-vingt du siècle dernier et pour
lequel leurs services du renseignement
ont imaginé des appellations trompeuses,
telles l’État du khalifat islamique,
l’Armée de l’Islam, le Front al-Nosra,
l’Armée islamique du Turkestan, Harakat
Nour el-din al-Zinki, etc. Des
appellations qui n’ont rien à voir avec
la Syrie, ni de près, ni de loin. Des
terroristes devenus les instruments de
leur politique étrangère afin de régler
leurs comptes avec les pays refusant
leurs diktats.
L’action
menée par le gouvernement syrien pour
expulser les terroristes de la province
d’Idleb -laquelle se situe en Syrie, non
en Somalie, pour qui aurait besoin d’un
cours de géographie- est un droit
souverain garanti par les principes du
droit international, les dispositions de
la Charte, les résolutions du Conseil de
sécurité relatives à la lutte contre le
terrorisme et les accords d’Astana. Une
action menée à la demande de millions de
Syriens, y compris les habitants d'Idleb
assiégés par les organisations
terroristes, lesquels nous adressent
quotidiennement des milliers de
suppliques nous demandant de les libérer
du terrorisme.
Par
conséquent, aucun État et aucune entité
n’ont le droit de faire commerce,
politiquement ou médiatiquement, de la
souffrance de nos civils à Idleb dans le
but de dissuader le gouvernement syrien
de rétablir la sécurité, la stabilité et
une vie normale aux citoyens de cette
province.
Ceux qui
prennent la défense de certains éléments
appartenant aux organisations
terroristes présentes dans Idleb et ses
environs ne font que tenter
désespérément de les sauver, afin de
retarder leur date de péremption et de
les recycler ailleurs en tant
qu’« oppositions armées très modérées ».
Nous les verrons réapparaître au Yémen,
dans les montagnes de Qandil en Irak, en
Afghanistan, au Nigeria, etc. Nous
verrons...
L’État syrien
est le plus concerné par la sécurité des
siens. C’est pourquoi il a donné la
priorité aux processus de réconciliation
et a accordé aux groupes armés
suffisamment de temps pour qu’ils se
décident à déposer les armes et à se
séparer des groupes terroristes armés,
exclus de l’Accord d’Astana 4.
À cet égard,
ceux qui ont facilité la venue des
terroristes étrangers dans mon pays -des
terroristes que le Secrétariat des
Nations Unies se plaît à qualifier
d’« éléments non étatiques » et que son
Excellence, l’ambassadeur de France,
préfère désigner par le mot « jihadistes »-
à commencer par le gouvernement turc,
peuvent encore les retirer d’Idleb,
exactement comme ils ont procédé pour
les « Casques blancs » qu’ils ont
évacués clandestinement, avec la
coopération d’Israël et de la Jordanie,
avant de les renvoyer à Idleb pour
préparer leur crime terroriste d’une
nouvelle attaque chimique.
Au cas où les
groupes terroristes armés refusent de
déposer leurs armes et de quitter le
territoire syrien pour retourner là d’où
ils sont venus, le gouvernement syrien
-conscient de ses responsabilités
humaines face aux conséquences de la
libération d’Idleb des griffes du Front
al-Nosra et autres organisations
terroristes exclues des accords
d’Astana- a pris les précautions et les
dispositions nécessaires à la protection
des civils, notamment par l’aménagement
de couloirs de sortie sécurisés comme
cela a déjà été fait dans d’autres
régions libérées, ainsi que par la
fourniture d’abris, de nourriture, de
médicaments et de soins médicaux. Il a
aussi pris l’initiative d’inviter les
organisations internationales
travaillant en Syrie à se préparer à
répondre aux besoins humanitaires les
plus urgents.
Et puisque
nous parlons du Front al-Nosra, sachez
que les gouvernements des États-Unis, de
la Grande Bretagne, de la France et de
l’Ukraine ont mis un an à accepter
d’inscrire « Hay’at tahrir al-Cham »,
alias al-Nosra, alias al-Qaïda, alias
les criminels qui ont attaqué New York,
sur la liste des entités terroristes de
l’ONU.
La République
arabe syrienne est déterminée à
combattre et à éliminer le terrorisme,
tout comme elle est déterminée à libérer
l’ensemble de son territoire de toute
sorte d’occupation étrangère. Et,
aujourd’hui, se tenir à ses côtés dans
le combat contre le terrorisme est un
véritable critère de bonne foi et de
respect du droit international et des
principes de la Charte des Nations
Unies.
Quant aux
informations que nous vous avons
transmises à propos des organisations
terroristes et des « Casques blancs » se
préparant à utiliser des armes chimique
afin d’incriminer le gouvernement syrien
et ainsi justifier une nouvelle
agression tripartite, nous demandons
aujourd’hui aux trois gouvernements,
capables de les influencer, de les en
empêcher.
Madame la
Présidente,
Je vous
annonce que l'investissement dans le
terrorisme a échoué en Syrie, et que la
libération d'Idleb du Front al-Nosra et
organisations affiliées enfoncera le
dernier clou de son cercueil, brisant
les espoirs de ceux qui y ont investi
des milliards de dollars et de ceux dont
les lamentations résonnent dans les
couloirs de cette organisation,
exactement comme ils ont réagi lorsque
l’Armée syrienne était sur le point de
libérer les quartiers Est d’Alep, la
Ghouta orientale, Daraa, Quneitra et les
campagnes alentour.
Madame la
Présidente,
Pour finir,
je voudrais adresser une remarque à
l’assistant du délégué du Koweït pour
lui rappeler qu’en 2012, un député du
parlement koweitien du nom d’Al-Tabtabi
avait organisé -sous le slogan
« Rassemblez-vous sur la voie du jihad
en Syrie »- une campagne destinée à
l’envoi de terroristes en Syrie, aidé en
cela par un groupe de députés
salafistes, wahhabites et takfiristes.
Un député du parlement koweitien !
D’autres
koweitiens, tel le nommé Chafi al-Ajami
que nous avons réussi à inscrire sur la
liste des individus terroristes de
l’ONU, malgré la réticence de certaines
délégations pendant des années, a lui
aussi prétendu être un homme religieux
et nous a expédié des milliers de
terroristes et des milliards de dollars
pour soutenir le terrorisme.
Un autre
étrange koweitien nommé Al-Qoutaïri,
anciennement sergent dans l’armée
koweitienne, nous a aussi envoyé son lot
de terroristes plus 500 millions de
dollars pour soutenir le terrorisme,
comme l’a rapporté le New York Times qui
lui a consacré un long article, dont mon
frère, son Excellence l’ambassadeur du
Koweït, doit se souvenir.
Voilà ce que
nous avons reçu de nos frères du Koweït.
C’est notre collègue koweitien qui nous
appelle « frères ». Mais moi, je ne sais
pas de quelle sorte de frères il s’agit.
Caïn et Abel n’étaient pas ainsi !
En tout cas,
quand nous nous sommes tenus aux côtés
du Koweït, nous lui avons envoyé des
forces militaires pour le soutenir, non
des terroristes !
Merci Madame
la Présidente
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies
07/09/2018
Transcription et traduction par Mouna
Alno-Nakhal
Source :
Mission syrienne à l’ONU
https://www.youtube.com/watch?v=cv8Jyo_1iy4
[*] Pour
rappel :
Syrie : de
Vienne 1 à Vienne 2, un champ de mines ?
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.mouna_alno-nakhal.201115.htm
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
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