Algérie Résistance
Du syndicalisme d’Eugène Debs et
d’Aïssat Idir
à celui du corrompu
Abdelmadjid Sidi Saïd
Mohsen Abdelmoumen
Dimanche 30 juillet 2017
English version here À l’heure où les
acquis sociaux se désintègrent pendant
que le syndicalisme se vautre dans les
privilèges et la connivence avec le
patronat, il n’est pas inutile de se
souvenir de ceux qui ont lutté et sont
morts pour défendre la classe ouvrière.
Partout dans le monde, des hommes se
sont dressés à mains nues face à la
violence du système capitaliste et/ou
colonialiste pour la juste
reconnaissance des droits des
travailleurs. L’Américain Eugène Debs et
l’Algérien Aïssat Idir étaient de ces
hommes-là.
Eugène Debs, né en
1855 dans l’Indiana, est l’un des
fondateurs du syndicat des IWW (Industrial
Workers of the World : les
Travailleurs Industriels du Monde). Il a
été candidat à la présidentielle pour le
parti socialiste US à cinq reprises.
Ouvrier du chemin de fer dès l’âge de 14
ans, il devient chauffeur et participe
quelques années plus tard à la fondation
de la Fraternité des chauffeurs, dont il
devient secrétaire en 1880. En 1884, il
est élu à la législature de l’État de
l’Indiana pour le Parti démocrate. En
1893, il organise l’un des premiers
syndicats industriel aux États-Unis, le
Syndicat américain des chemins de fer
(ARU : American Railway Union). En avril
1894, le syndicat engage un conflit
social contre le Great Northern
Railway et obtient satisfaction de
la plupart de ses revendications. La
même année, Debs est emprisonné pour son
soutien à la grève de l’entreprise de
construction de wagons Pullman à
Chicago, qui avait affecté la plupart
des lignes à l’ouest de Detroit, et plus
de 250 000 travailleurs dans 27 États.
Debs lit les œuvres de Karl Marx pendant
ses six mois de détention et, après sa
libération en 1895, commence sa carrière
d’homme politique socialiste. Il est
candidat à l’élection présidentielle
américaine de 1900, 1904, 1908, 1912 et
1920 pour le Parti socialiste US. Le 30
juin 1918, Debs est arrêté et condamné à
10 ans de prison pour avoir prononcé un
discours contre l’engagement américain
dans la 1ère guerre mondiale.
Il est également déchu à vie de ses
droits électoraux pour avoir enfreint l’Espionage
Act (la loi sur l’espionnage). Il
est emprisonné le 13 avril 1919, à l’âge
de 64 ans, ce qui entraîne une
manifestation regroupant des
syndicalistes, socialistes, anarchistes
et communistes, manifestation qui
dégénère en émeutes et en violents
affrontements avec la police le 1er
mai à Cleveland dans l’Ohio. Il se
présente à l’élection présidentielle de
1920 alors qu’il est détenu au
pénitencier fédéral d’Atlanta en
Géorgie. Il obtient le deuxième meilleur
score du parti socialiste jamais obtenu
avec 919 799 voix (3.4%). Il écrit des
articles critiques sur le système
carcéral et le 25 décembre 1921, il est
gracié par le président Harding. Lorsque
Debs a été libéré du pénitencier
d’Atlanta, les autres prisonniers l’ont
salué avec un grand cri de joie et une
foule de 50 000 personnes ont fêté en
musique son retour à Terre Haute. En
1924, Debs a été nommé pour le prix
Nobel de la paix par le socialiste
finlandais Karl H. Wiik au motif que
« Debs a commencé à travailler
activement pour la paix pendant la
Première Guerre mondiale, principalement
parce qu’il considérait la guerre comme
étant dans l’intérêt du capitalisme ».
Il a passé les dernières années de
sa vie à essayer de recouvrer sa santé
qui avait été gravement altérée par
l’internement pénitentiaire. Eugène Debs
s’éteint pour insuffisance cardiaque le
20 octobre 1926 au sanatorium d’Elmhurst
dans l’Illinois, à l’âge de 70 ans.
Aïssat Idir est un
syndicaliste algérien né en 1915 sous
l’occupation coloniale française dans la
wilaya de Tizi Ouzou, il est le
fondateur de l’UGTA (Union générale des
travailleurs algériens). Issu d’un
milieu modeste, il est orphelin de sa
mère à l’âge de six ans et rejoint la
famille de son oncle à Tunis. Il y fait
des études supérieures en droit et en
économie jusqu’en 1938, et son service
militaire dont il sort avec le grade de
sergent. Il rentre à Alger où il est
reçu au concours de recrutement du
personnel des ateliers industriels
aéronautiques d’Afrique du Nord à Bordj
El Bahri où il restera près de 10 ans.
Il y est promu cadre supérieur à la
comptabilité et est chargé du contrôle
des filiales de l’entreprise en Afrique
du Nord. Au cours de ses voyages, il
apprend à connaître le milieu syndical
tunisien et s’investit dans le
syndicalisme. Il est élu par ses
camarades dans la commission exécutive
pour les travailleurs du secteur d’État,
affiliée au syndicat communiste
français, et examine la possibilité de
fonder une organisation syndicale
algérienne autonome. Dans les années
1946-47, Aïssat participe à la rédaction
du journal clandestin du Parti du peuple
algérien, La Nation Algérienne,
où il est en charge de la rubrique « Le
prolétariat algérien ». Soupçonné
d’avoir des relations avec l’OS
(l’Organisation spéciale), il est arrêté
quelques jours en 1950. L’entreprise où
il travaille le licencie aussitôt. Il
trouve un poste de chef de service à la
CACOBAT (Caisse des Congés et du Chômage
– Intempéries des Travailleurs du
secteur du Bâtiment et des Travaux
Publics) et adhère au syndicat CGT de
l’entreprise. De 1949 à 1954, il anime
un groupe de syndicalistes affiliés au
Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques puis il choisit de
soutenir le FLN (Front de Libération
Nationale). Il est arrêté et incarcéré
quelque temps pour ses activités
syndicales, puis relâché en décembre
1954. Soutenu par le FLN, le congrès du
26 février 1956 signe la création de
l’UGTA et place Aïssat Idir à sa tête en
tant que secrétaire général. Pendant
deux mois, Aïssat se consacre à la mise
en route du syndicat et établit des
liens avec la Confédération
internationale des syndicats libres
(CISL). Des grèves patriotiques
soutenues par le syndicat conduisent à
une arrestation massive des dirigeants
les 23 et 24 mai 1956. Aïssat est arrêté
avec une quarantaine de syndicalistes.
Soupçonné d’être un membre du Comité de
coordination et d’exécution, il est
torturé par les parachutistes français
du colonel Bigeard qui ne sauront jamais
qu’Aïssat était affilié au Conseil
national de la Révolution algérienne. Il
est inculpé d’atteinte à la sûreté
externe de l’État français et est
incarcéré jusqu’à son acquittement le 13
janvier 1959. Il est à nouveau arrêté
dès sa sortie de prison et est transféré
à la prison de Birtraria. Le 17 janvier,
il est hospitalisé pour brûlures graves.
L’armée française déclare qu’il a voulu
se suicider, ce que nie Aïssat, puis
prétend que le prisonnier a mis le feu à
sa paillasse en fumant. La CISL
entreprend de vaines démarches pour le
faire transférer dans un hôpital pour
grands brûlés et alerte l’opinion
publique sur le sort du syndicaliste.
Aïssat Idir succombe à ses blessures
entre le 25 et le 27 juillet 1959, à 44
ans, soulevant une vague d’indignation
dans le milieu syndical international.
Après cette
évocation de deux hommes illustres qui
ont sacrifié leur liberté et leur vie
pour un idéal de justice et de liberté,
il est difficile de descendre dans la
fange de la scélératesse et de la
trahison dont le porte-étendard est
Abdelmadjid Sidi Saïd, « syndicaliste »
algérien et secrétaire général de l’UGTA
dont j’ai évoqué plus haut la vie et
l’engagement du fondateur. Sidi Saïd, ce
faux syndicaliste, est un traître de
classe qui a fini par soutenir les
oligarques et leur chef Ali Haddad,
patron du FCE (Forum des chefs
d’entreprise), un mafieux qui défraie
régulièrement la chronique pour ses
détournements, malversations, fuite de
capitaux, et qui s’est rebellé contre le
gouvernement algérien qui lui a tout
donné. Proche du clan des Bouteflika,
Ali Haddad a volé des milliards de
dollars à l’Algérie en obtenant des
chantiers de travaux publics en gré à
gré, en empruntant auprès des banques (1
milliard de dollars qu’il ne rembourse
pas, mettant ainsi les banques en
difficulté), en empochant des avances
sans réaliser les travaux dont il a la
charge ou en les faisant traîner pendant
des années et en les bâclant. Pour
couronner le tout, il ne paye pas ses
impôts. Il a acquis diverses propriétés
à l’étranger dont, entre autres, un
hôtel de luxe, le Palace Hôtel à
Barcelone, pour la coquette somme de 68
millions d’euros, ainsi qu’une banque et
une usine de céramique, toujours en
Espagne. Bien sûr, tout ceci n’est une
goutte d’eau dans un océan de billets de
banque volés par cet escroc qui a
commencé son business pendant la
décennie noire en traficotant avec les
terroristes. Aujourd’hui en disgrâce,
Ali Haddad se voit rappelé à l’ordre
chaque jour avec des mises en demeure
provenant de divers ministères (Défense,
Travaux publics, Ressources en eau) pour
qu’il achève les travaux qui sont en
rade depuis des années. Mais ce criminel
économique notoire, plutôt que de faire
profil bas, se rebiffe et attaque le
gouvernement algérien, lui réclamant une
dizaine de milliards de dinars (±US $100
millions) d’impayés.
Sidi Saïd, censé
défendre les travailleurs, s’est ligué
avec ce patron mafieux dans ce qui n’est
rien d‘autre qu’une tentative de coup
d’État de l’oligarchie pour se préserver
des enquêtes qui sont menées contre eux.
Il s’agit d’une situation inédite où le
secrétaire général d’un grand syndicat
s’avère être un délinquant qui a
accumulé des milliards tout au long de
ses vingt années à la tête de l’UGTA,
qui a détourné les œuvres sociales
d’Algérie Poste dont le montant s’élève
à 400 milliards de centimes (± $3 600
000) pour, entre autres, acquérir des
biens immobiliers en France. Sidi Saïd
s’était déjà illustré lors du procès
Khalifa lorsqu’il avait avoué avoir
dilapidé l’argent de la CNAS (caisse
nationale des assurances sociales) dont
il était le président du Conseil
d’Administration, en transférant
plusieurs millions de dollars, à l’aide
d’un faux procès verbal, à la Khalifa
Bank qui a fait faillite. Sidi Saïd a
également favorisé ses fils qui sont
chefs d’entreprise et font des affaires
avec Ali Haddad et des membres de son
FCE. Il a succédé à Abdelhak Benhamouda,
syndicaliste intègre, martyr assassiné
en 1997 par les terroristes, qui a
toujours pris la défense des
travailleurs. Bafouant sa mission, Sidi
Saïd a utilisé l’UGTA dans le but de
s’enrichir par des pratiques mafieuses
au détriment des travailleurs algériens.
Il mérite un châtiment. Le nom de ce
bandit ne doit plus être associé au
sigle glorieux de l’UGTA. Ce traître
doit être traduit en justice avec toutes
les autres brebis galeuses qui ont pillé
l’Algérie. La purge entamée par le
gouvernement algérien doit s’étendre à
tous ceux qui ont dilapidé l’argent du
peuple et aux responsables qui ont
permis que cela se produise. Nous
voulons que ces gens soient jugés et
punis, sinon toute cette agitation n’est
que de la poudre aux yeux.
Sidi Saïd, je te
connais très bien, toi le lâche, le
traître, souviens-toi, ya El Roumi.
Tu craignais mes mots, des mots qui ont
toujours soutenu les prolétaires
algériens, et je suis fier de t’avoir
fait peur et d’avoir défendu jusqu’au
bout la lutte des travailleurs
algériens. Toi et tes semblables vous
êtes vendus aux oligarques pour des
privilèges, tu voulais obtenir un poste
pour ton fils chez ETRHB, l’entreprise
d’Ali Haddad, une villa à Club des Pins,
des gardes du corps et je n’oublie pas
que tu offrais régulièrement des chèques
à des journalistes qui te ciraient les
pompes. Le moment de ton départ est
arrivé et tout le monde en sera heureux.
Les corrompus tels que toi et tes
complices êtes la gangrène de mon pays.
Votre fin et la neutralisation de vos
maîtres est une nécessité historique.
Bien que cette
« opération mains propres » du premier
ministre Abdelmadjid Tebboune ait tout
l’air d’une tentative de rendre une
virginité à Saïd Bouteflika en vue de la
succession monarchique de son frère, ou
à préparer le 5ème mandat
d’Abdelaziz Bouteflika avec un nouveau
casting, nous ne pouvons qu’encourager
le Premier ministre à continuer à
pourchasser les corrompus, même s’il
semble avoir reculé en invitant Ali
Haddad et Sidi Saïd à une réunion ce
dimanche 30/07 au Palais du
Gouvernement. Si, par contre, cette
opération est menée à terme, personne ne
pleurera ces crapules. Au contraire,
nous nous réjouirons de voir ces
prédateurs économiques en prison. Je
n’ai pas cessé de combattre les
oligarques à travers mes articles, et
particulièrement Ali Haddad, le
prête-nom de Saïd Bouteflika. Les
évènements me donnent raison et je ne
vais pas bouder mon plaisir. Cependant,
nous voulons la tête de ceux qui ont
permis l’ascension des Ali Haddad,
Ouyahia, Sellal, Ould Abbes, Bouchouareb,
Mohamed Laïd Benamor, Chakib Khelil,
Tliba, Amar Ghoul, les frères Kouninef,
Takhout, etc. Sans oublier Amar
Saadani qui a disparu des radars mais
qui a détourné les fonds (US$ 27.5
millions) des terres agricoles et qui
n’a jamais été puni, ni Ould Kaddour,
l’actuel PDG de la Sonatrach bien qu’il
ait été emprisonné pour intelligence
avec l’ennemi, ni Anis Ramani, alias
Mohamed Mokadem, une prostituée de la
presse qui s’est enrichi en quelques
années et dont les câbles Wikileaks
révèlent qu’il est un supplétif des
services US. Tous ces oligarques se sont
bâti un empire sous l’ère Bouteflika en
saignant l’Algérie à blanc, à commencer
par le frère cadet du président, Saïd
Bouteflika, chef de cette clique de
mafieux. N’oublions pas que le clan des
Bouteflika a dissous le SIE (service
d’intelligence économique) relevant du
DRS pour empêcher les enquêteurs
d’investiguer et de révéler au grand
jour les diverses malversations
perpétrées par ces corrompus. De
nombreux officiers de valeur et intègres
du DRS se sont retrouvés soit en prison
soit à la retraite anticipée, alors
qu’ils n’avaient fait que leur devoir.
Il faudrait des milliers de pages pour
énumérer les exactions, malversations,
détournements, trahisons, fuite de
capitaux, surfacturation, et j’en passe,
de ces gangsters en col blanc. Il faut
que tous soient jugés et pourquoi pas
dans des tribunaux populaires. À partir
du moment où ces crapules se réclament
appartenir au clan de Saïd Bouteflika,
que celui-ci soit également traduit en
justice ! Tous doivent être punis et
jetés en prison, leurs biens saisis par
l’État. L’argent qu’ils ont volé au
peuple algérien doit être restitué,
leurs comptes en banque à l’étranger
doivent être gelés et l’argent rapatrié.
Nous devons neutraliser les corrompus,
la survie de notre patrie en dépend et
c’est notre devoir envers nos martyrs.
Mohsen
Abdelmoumen
Published in
American Herald Tribune, July 29, 2017:
http://ahtribune.com/world/africa/1813-eugene-debs-aissat-idir-sidi-said.html
Reçu de l'auteur pour
publication
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