Algérie Résistance
Le Kenya, un autre modèle
de la
faillite politique en Afrique
Mohsen Abdelmoumen
L’opposition kenyane NASA en mode « Men
in Black ». DR.
Lundi 28 août 2017
English version here La récente crise du
Kenya suite aux élections
présidentielles du 8 août dernier révèle
l’aspect tribal qui sape les processus
électoraux dans les pays d’Afrique. En
effet, les courants politiques sont
souvent secondaires, la préférence
allant à l’appartenance tribale des
candidats, comme on vient encore de le
voir dans les récentes élections
kenyanes. Ces élections opposaient le
président sortant, le « libéral » Uhuru
Kenyatta, à Raila Odinga, du
« centre-gauche » et chef de
l’opposition. C’était la quatrième
campagne présidentielle de ce dernier.
L’opposition était représentée par une
coalition de 5 partis de
« centre-gauche » appelée NASA (National
Super Alliance). Les dirigeants de
l’opposition ont tous occupé des postes
de pouvoir dans les précédents
gouvernements et bien qu’ayant souvent
des intérêts contradictoires, ils ont
accepté de suivre Odinga sous la
bannière de la NASA à condition de
partager le pouvoir : Stephen Kalonzo
Musyoka chef des Kambas, Wycliffe
Musalia Mudavadi chef des Luhyas, Moses
Wetangula, et Isaac Kiprono Ruto sont
tous d’anciens ministres, des hommes
riches et puissants. Raila Odinga, quant
à lui, est un « social démocrate » qui a
fait fortune dans l’éthanol, profitant
de l’économie dérégulée du Kenya. Uhuru
Kenyatta, dont le père Jomo Kenyatta a
été le premier président du Kenya,
appartient à la puissante tribu des
Kikuyus. Raila Odinga, lui, provient de
la tribu Luo et est le fils d’Oginga
Odinga, qui a été vice-président de Jomo
Kenyatta. Les pères se sont opposés
férocement, les fils perpétuent la
tradition. Car les Kikuyus détestent les
Luos, et vice-versa. De fait, ces deux
tribus ne cessent de s’opposer depuis
l’indépendance du pays en 1963.
Après quelques
jours de flottement, le vendredi 11 août
au soir, Kenyatta est officiellement
réélu avec 54 % des voix contre 44 %
pour Odinga. Celui-ci dénonce alors une
fraude électorale massive. Sûr de sa
victoire, Odinga avait promis de
contester les résultats de l’élection
dans la rue en cas de défaite.
Immédiatement, des émeutes éclatent, des
commerces sont incendiés dans les
bidonvilles de Nairobi et de Kisumu. La
police tire à balles réelles et
plusieurs personnes sont tuées. Les
violences font 24 morts et plus de 200
blessés. Odinga veut continuer la lutte
quitte à reproduire les évènements
tragiques de 2007 qui ont fait 1500
morts et 600 000 déplacés suite à la
reconduction du président sortant le
Kikuyu Mwai Kibaki face à (déjà) le Luo
Raila Odinga, mais les divisions sont
profondes au sein de la fragile
coalition. Deux tendances s’opposent
concernant l’attitude à adopter suite à
la défaite. D’un côté, les proches d’Odinga
qui sont essentiellement des membres de
l’ethnie luo et qui préconisent des
manifestations de masse. De l’autre, les
modérés qui veulent à tout prix éviter
un bain de sang. John Kerry, à la tête
de la Fondation Carter chargée de
surveiller les élections, pèse de tout
son poids et rappelle tout le monde à
l’ordre pour faire cesses les violences.
Enfin, sous la pression internationale,
de la Maison Blanche à l’Union
européenne en passant par la Grande
Bretagne, le 16 août, Raila Odinga
renonce à son projet de faire appel à la
rue et place désormais son avenir entre
les mains des juges de la Cour suprême.
Nous avons pris
contact avec Raila Odinga mais il n’a
pas voulu répondre à nos questions parce
qu’elles étaient jugées embarrassantes
pour lui et ses amis de l’opposition qui
reçoivent leurs ordres des puissances
occidentales. La triste réalité du Kenya
et des autres pays africains, c’est que
la décision politique ne se fait pas
dans ces pays mais dans les capitales
occidentales. Ce qui se passe au Kenya
et qui est symptomatique de ce que vit
tout le continent africain, c’est qu’une
caste dirigeante pille les ressources
tout en servant les intérêts
occidentaux, comme on le voit aussi en
Algérie ou en RDC, etc. Sans l’Occident
qui est le principal appui de cette
élite, celle-ci ne pourrait se maintenir
au pouvoir plus d’un quart d’heure.
L’Afrique regorge de richesses alors que
sa population vit sous le seuil de
pauvreté et qu’une caste oligarchique
vit dans l’opulence en saignant le
continent. La principale caractéristique
de ces dirigeants est la corruption, la
fraude et le refus d’une vraie
alternance qui viendrait d’un parti ou
d’une force qui mettrait à plat leurs
alliances avec l’Occident et qui
menacerait leurs intérêts ainsi que ceux
de leurs maîtres occidentaux. La
question de l’achèvement de
l’indépendance des pays africains tels
que le Kenya et beaucoup d’autres, reste
à l’ordre du jour. Le principe de la
prédisposition à être colonisé de
l’Afrique reste à poser, comme celui de
l’indépendance. Sans de véritables
dynamiques de changement véritable qui
dépasserait le tribalisme, le népotisme,
le clientélisme et la corruption de ces
politiciens africains qui ne servent pas
les intérêts de leur pays, sans
institutions fortes tels des parlements
légitimes, et avec une presse corrompue
dans sa totalité à l’image de la caste
oligarchique dirigeante, l’Afrique
continuera à reproduire les mêmes
échecs. De fait, le combat politique qui
se déroule actuellement au Kenya et dans
certains pays africains, prend l’aspect
d’un combat de coqs plutôt que d’un
combat politique avec des enjeux majeurs
tels que la justice sociale, la liberté
d’expression, une justice indépendante
et une véritable alternance, etc.
En outre, ces
régimes despotiques tribaux font le lit
de groupes terroristes très présents en
Afrique, notamment au Kenya, tels que
Boko Haram et autres, qui profitent de
la paupérisation de la population et
recrutent pour répandre le sang dans
cette région. Le Kenya à l’instar
d’autres régimes africains est loin
d’être réformable et donc incapable
d’offrir une perspective de vie
meilleure à ses citoyens. De ce fait, la
criminalité qui caractérise ce pays et
ce continent ainsi que les vagues
migratoires et le terrorisme resteront
les seuls horizons du peuple kenyan et
des autres peuples d’Afrique tant
qu’existeront ces dirigeants corrompus
et serviles des anciens colonisateurs et
des puissances occidentales. Ces
despotes et ces opposants factices
interchangeables, dans leur aveuglement
d’avoir un pouvoir absolu, barreront la
route au progrès de leur pays en le
sacrifiant sur l’autel de leur profit
personnel et celui de leurs maîtres
occidentaux.
Mohsen
Abdelmoumen
Published in
English in American Herald Tribune: https://ahtribune.com/world/africa/1861-kenya.html
Reçu de l'auteur pour
publication
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dossier Afrique noire
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