Algérie Résistance
Dr. Guido G. Preparata : « Ils
veulent nous transformer tous en une
société mondiale de termites »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. Guido
G. Preparata. DR.
Lundi 24 juillet 2017
English version here Mohsen
Abdelmoumen : Votre livre «Conjuring
Hitler» a reçu une critique élogieuse de
notre ami Peter Dale Scott. D’ailleurs,
je partage le point de vue de ce grand
intellectuel sur le fait que ce livre
est une œuvre essentielle dans le
travail de recherche historique. Comment
êtes-vous arrivé à des conclusions à
contre-courant des historiens de
l’establishment, à savoir qu’Hitler a
été fabriqué par les États-Unis et la
Grande Bretagne et que la 2ème Guerre
Mondiale était inévitable ?
Dr. Guido G.
Preparata : J’ai commencé comme la
plupart des Occidentaux dont l’enfance a
été imprégnée des « courants »
propagandistes typiques de la Guerre
froide : en regardant sans fin et avec
enthousiasme des films de guerre épiques
pro-alliés et anti-allemands. Mes
parents – des Italiens d’après guerre –
étaient solidement dans le camp
pro-américain, pro-israélien,
pro-capitaliste, et mon père, un
physicien universitaire, était alors
militant anti-communiste. C’est ainsi
que j’ai grandi. Nous étions des
«Américanistes» enthousiastes et nous
étions impressionnés par la «classe»
britannique. Bien que superficiellement
fiers de notre héritage «gréco-latin»,
«classique», au fond, nous avons
souffert du complexe d’infériorité
typique, propre aux ressortissants de
pays spirituellement vaincus et
insignifiants.
Puis le mur de
Berlin est tombé et la plupart d’entre
nous ont lentement commencé à émerger
d’une sorte de stupeur. Lorsque j’ai
commencé à travailler à la Banque
centrale d’Italie au milieu des années
90, j’ai choisi de consulter la
bibliothèque de la banque pendant mon
temps libre afin d’étudier les finances
nazies, que je considérais comme un
thème secret et original. Et à partir de
là, j’ai commencé à creuser. Ce dont je
me rappelais de ces films de guerre que
j’avais vu enfant était le récit,
toujours le même, et le point d’attaque
: l’action commence lorsque ces monstres
(par exemple les SS) sont déjà
complètement formés et
extraordinairement féroces et brutaux.
Cela produit du grand cinéma, bien sûr,
mais cela pose de plus grandes questions
: comment est-ce arrivé ? Comment ce
phénomène a-t-il émergé ? Comment le
monde a-t-il permis que cela se
produise? Comment cela pourrait-il être
?
J’ai passé 10 ans
de ma vie à lire et à réfléchir à ce
sujet. J’ai recueilli du matériel et des
documents d’archives en Allemagne et à
la Banque d’Angleterre, parlé à des
personnes, des experts, des politiciens,
etc. Le résultat de tout cela est
Conjuring Hitler.
Et ce que j’ai trouvé, c’est que, bien
que le phénomène du nazisme lui-même –
ses racines profondes et secrètes – soit
indubitablement allemand par des moyens
que nous n’avons pas encore pleinement
compris, les conditions politiques et
économiques dans lesquelles il lui a été
possible d’incuber et de se produire ont
été, à mon avis, incontestablement
favorisées, prédisposées, par la
Grande-Bretagne, dans une moindre mesure
par les USA, ces derniers étant entrés
plus tard dans le jeu, mais toujours
sous la direction stratégique et
incontestée de la Grande-Bretagne.
Pourquoi la
Grande-Bretagne? Parce qu’elle était, et
est encore, en quelque sorte, la
maîtresse du monde. C’est son temps.
Elle règne et, apparemment, elle fera
tout pour garder ce pouvoir.
Aujourd’hui, les États-Unis, comme nous
le savons tous, suivent simplement les
traces géopolitiques de l’Empire
britannique.
La guerre
était-elle inévitable? Oui, elle l’était
: lorsqu’en 1900, l’Allemagne pensait
pouvoir remettre en question la
domination de la Grande-Bretagne,
celle-ci, clairement, devait agir. Si
vous ajoutez à cela que la suprématie
finale de l’Allemagne, grâce à une
élaboration de stratégies intelligentes,
aurait pu entraîner une exploitation de
la Russie vers l’initiative martiale et
technologique «teutonne», alors vous
pourriez concevoir ce qui était l’ultime
cauchemar géopolitique pour les milieux
britanniques : une «alliance eurasienne»
qui aurait été, de facto, invincible. Et
le carnage qui a eu lieu dans la
première moitié du 20ème siècle est
l’historique du mouvement préventif que
les Britanniques ont été «forcés» de
mettre en branle afin d’éviter la
matérialisation de ce scénario.
«Ils» disent :
quand elle a commencé à créer des
problèmes aux environs de 1890-1900,
l’Allemagne était belligérante,
militariste, agressive et impérialiste.
Absolument. Et la Grande-Bretagne,
pourrais-je ajouter, mille fois plus. En
1914, l’Allemagne voulait une «guerre
rapide» pour consolider ce qui
apparaissait comme un royaume d’Europe
centrale avec des annexes coloniales.
Elle a plutôt obtenu la guerre de la
Grande-Bretagne : la Grande Guerre.
Vous démontrez
avec pertinence les liens qu’entretenait
Hitler avec les classes dominantes en
Grande Bretagne et aux États-Unis. Vous
vous focalisez cependant sur le rôle de
la Grande-Bretagne. Pouvez-vous nous
expliquer pourquoi ?
Pour les raisons
qui viennent d’être expliquées. Depuis
200 ans, nous jouons le jeu de
l’Angleterre, aucun autre, vraiment.
Comment
expliquez-vous que ces deux puissances,
les États-Unis et la Grande-Bretagne,
qui ont financé et soutenu le nazisme,
ont développé une machine de propagande
via Hollywood qui leur donne le beau
rôle en les montrant antinazis ?
Eh bien, lorsqu’en
1916-1917, le front de l’Est est tombé
avec la défection de la Russie,
l’Angleterre a entraîné les États-Unis.
À la longue, se sentant écrasée – car la
Première Guerre mondiale était
essentiellement un siège autour de
l’Allemagne – l’Allemagne s’est rendue.
Ce qui impliquait qu’elle n’avait pas
été vaincue sur son propre sol. En
d’autres termes, la menace
germano-eurasienne n’avait pas été
anéantie une fois pour toutes. À cette
fin, un programme a commencé, qui a duré
20 ans dans l’absolu et le plan était de
1) réorganiser l’Allemagne («la
préparer», véritablement) et 2) la
détruire encore une fois dans une guerre
à deux fronts.
Que cela ait été
effectivement planifié est attesté par
la prévision extraordinaire de Thorstein
Veblen en 1920, selon laquelle le
véritable dessein du Traité de
Versailles était de faire incuber un
régime réactionnaire en Allemagne via
une radicalisation de la classe moyenne,
et finalement de lâcher cette nouvelle
force contre la Russie soviétique,
prévision qui s’est réalisée en juin
1941. C’est impressionnant. À ma
connaissance, je suis le seul qui a eu
l’honnêteté de citer ce témoignage
unique et génial.
Mais les choses ont
évolué plus sauvagement que même un
génie comme Vleben n’aurait pu prévoir.
Le mouvement dont il a prédit
l’ascension n’était pas seulement
«réactionnaire»: c’était quelque chose
de complètement nouveau, différent, plus
sinistre et monstrueux. Les nazis ont
englouti l’ancienne garde monarchiste
qui, en 1932, avait attiré moins de 10 %
du vote populaire.
Et, en ce qui
concerne la diabolisation de l’ennemi
vaincu, les Allemands n’auraient pas pu
faire un cadeau plus magnifique aux
Anglo-américains : c’est comme s’ils
s’étaient projetés eux-mêmes
gratuitement et de manière
catastrophique comme l’Antéchrist,
vraiment. Ce qui, à l’inverse,
impliquait que les troupes et les
commandements Anglo-américains devaient
être les légions de Dieu. Ceux-ci
étaient aussi les Techno-chevaliers
d’Hiroshima, comme j’aime les appeler,
et je ne suis pas sûr de ce que Dieu ait
à faire avec tout cela. Je vois plutôt
les empreintes du Diable partout.
Quoi qu’il en soit,
à ce stade, les vainqueurs avaient le
récit le plus puissant, le mythe
militant le plus imposant que l’on
puisse imaginer : c’est-à-dire
l’écrasement des nazis diaboliques comme
un don du Ciel, la reconnaissance
évidente de leur supériorité spirituelle
(les Alliés), de leur triomphe mérité.
Au nom mythologique duquel, en fait, ils
continuent à mener des guerres autour du
monde, en toute impunité, jusqu’à ce
jour. Pour les droits de l’homme, la
démocratie et le maintien de la paix,
disent-«ils».
Ce récit est le
plus merveilleux morceau de capital de
propagande que l’on pourrait posséder :
il a rapporté et continue à rapporter
des rentes phénoménales.
Toute tentative de «révision» sera
contrée avec la plus grande et la plus
violente réprimande. Et toute évidence
historique contradictoire sera supprimée
ou «interprétée» de manière compatible
avec la version officielle,
naturellement.
Le livre
«L’idéologie de la tyrannie» explique
entre autre l’œuvre de Foucault, le
postmodernisme, George Bataille et ses
adeptes, mais il évoque également la
faillite de la gauche. Cette synthèse
que vous avez établie ne mène-t-elle pas
une fatalité, c’est-à-dire la guerre,
voire la fin de l’humanité ?
La «fin de
l’humanité» résonne de manière
dramatique et terrifiante. Mais en un
sens, oui : je pense qu’ils veulent nous
transformer tous en une société mondiale
de termites. Et ils sont en train de
réussir.
Pouvez-vous
expliquer à notre lectorat votre concept
de «technostructure» ?
Le concept n’est
pas original. Il peut être trouvé chez
une variété d’auteurs qui ont décrit
l’automatisation de la société dans les
années 1960 et 1970.
Il est largement
reconnu que la plupart de nos
interactions sociales sont gérées et
passent par des « structures »
(sociétés, ministères, organisations,
etc.), certainement pas «le marché» (on
estime aujourd’hui que le marché ne gère
pas plus de 20 % de toutes les
transactions économiques). La
«Technostructure» est ce qui est connu
dans l’iconographie pop sous le nom de
«La Matrice»: c’est-à-dire un appareil
géant et sans âme de coordination
sociale, qui transcende «Gauche» et
«Droite», «Public» et «Privé», et
cherche à contrôler l’humanité, en fait,
comme une termitière, une fourmilière,
une ruche.
Je ne vois pas la
Technostructure comme les gauchistes
postmodernes, cependant. C’est-à-dire
comme une sorte de monstre sans tête,
qui a émergé de nulle part et qui vit et
respire à travers une hallucination
collective et inconsciente. Je trouve
cette interprétation (à la Baudrillard)
un boniment postmoderne, dans le sens où
elle utilise des astuces discursives
(métaphores psychologiques) pour cacher
des malversations politiques :
c’est-à-dire la responsabilité
(criminelle) de ceux qui sont en charge
de la Matrice elle-même (les élites), en
fait. C’est un discours pervers qui
corrompt. Je considère la
Technostructure comme un développement
conscient des hiérarchies du pouvoir
dans notre ère hypermoderne et
solidement menée par un leadership
spécifique – des Anglo-américains
métropolitains blancs et leurs vassaux
européens – qui savent parfaitement ce
qu’ils font et comment ils le font.
Comment
expliquez-vous l’émergence des LGBT et
quel est le but final de cette
organisation ?
J’ai consacré
un article en deux parties sur ce
même sujet dans mon blog
Ad Triarios, vers
lequel je voudrais très vivement diriger
le lecteur : là-bas, je discute en
détail de cette importante question.
En substance, voici
la façon dont je perçois l’histoire.
Pour consolider
leur mainmise sur la société, les
pouvoirs doivent renforcer le contrôle
d’une part, et anticiper toute sorte de
résistance (intellectuelle ou
émotionnelle) d’autre part.
Ce type
d’opération, qu’ils calibrent tous les
jours, se déroule, comme nous le savons,
sur plusieurs fronts : le contrôle de la
croyance et du désir, la propagande, les
récits, etc., ainsi que des
conditionnements économiques de toutes
sortes, bien sûr.
Il apparaît que,
bien que docile et malléable, le vieux
modèle patriarcal mâle du soutien de
famille gagnant assez pour nourrir
confortablement une famille de 4 ou 5
bouches – l’ancienne norme de la classe
moyenne – doit avoir été estimé comme
étant peu fiable et incontrôlable.
Malgré toutes les contraintes, le noyau
de la classe moyenne semblait encore
jouir d’une «trop grande indépendance»,
à la fois financière et spirituelle.
Ils ont donc dû défaire ce modèle, en
quelque sorte. Cela a pris du temps
parce que, de facto, beaucoup dépendait
de l’image du «macho», socialement
parlant. De toute évidence, ce travail
de redéfinition sociétale signifiait
affaiblir le noyau familial lui-même. Le
macho a servi ses objectifs, il est
temps de le jeter, de le mettre au
rebut, et le Système est donc en train
de le faire en l’immolant publiquement
dans un grand jeu de terreur
systématique.
Ils organisent
toujours leurs campagnes avec une grande
habileté : c’est-à-dire en tirant parti
des dysfonctionnements réels et
tangibles tels que, d’une part, le
statut moindre, semi-halluciné, futile,
et souvent dégradant de la femme sous
cette tutelle du macho (la publicité
cynique aux clichés sexistes des années
50 est typique à et égard). Ils tirent
parti de véritables problèmes pour
promouvoir obliquement un programme
complètement différent, qui n’a rien à
voir avec la désaffection spirituelle
des femmes, mais est conçu pour la
manipuler.
Vous avez donc eu
le féminisme. Le résultat, cependant,
était que les femmes n’étaient pas du
tout «émancipées», comme on le leur
avait «promis» : elles ont quitté le
confinement halluciné de la cuisine
uniquement pour rejoindre leurs époux en
faisant les mêmes travaux abrutissants
pour un salaire moindre, et en général,
moins de rémunérations pour les deux
déclarant des impôts ensemble.
Et maintenant, vous
avez moins d’argent, plus d’inquiétudes
et la même quantité de stress qui
s’accumule affectant les deux parents.
Dans les années
1980, ils ont appliqué cette astuce à la
«race». Les États-Unis sont un pays
raciste qui, apparemment, n’est pas
disposé à guérir de cette maladie
psychologique. Ainsi, au lieu d’attaquer
le problème de front, les chefs de la
propagande ont conçu un simple moyen
discursif pour couvrir et supprimer le
problème : par un régime de terreur et
de censure systématique, c’est-à-dire
«politiquement correct», strictement
imposé par les Blancs, ils ont
simplement interdit – ils ont banni du
discours – des mots et des expressions
qui pourraient être interprétés comme
«racistes».
Socialement,
économiquement, rien n’a changé, rien ne
devait changer dans le «ghetto», lequel
mot, dans le processus, a été lui aussi
interdit.
Donc, la meilleure
façon de garder l’ordre social intact et
immuable et de préserver la trêve
sociale avec les non-Blancs en Amérique,
en particulier les Noirs, est d’utiliser
cette novlangue pour plutôt les vanter,
et prévenir ainsi l’énonciation de toute
«insulte». L’hypocrisie et le
surréalisme de cet arrangement ont été
mis en relief très audacieusement lors
les dernières élections américaines,
mais le phénomène social se développe
depuis plus de 30 ans avec des résultats
extraordinaires et d’une grande portée.
L’effet de cette
technique/politique discursive est
remarquable : elle maintient le statu
quo d’une part, mais elle provoque aussi
deux situations supplémentaires et
cruciales : 1) elle divise les gens
(homme contre femme, Noir contre Blanc)
et, plus important 2) elle promeut,
d’autre part, un œcuménisme complètement
faux par lequel nous sommes
implicitement attelés, via un travail
(précaire) et un lavage de cerveau, à la
Structure Elle-même. S’il y a de
l’insécurité de l’emploi, de la
division, de la méfiance, des
dissensions tout autour, alors l’«État»
avec ses quotas raciaux (discrimination
positive) et des proclamations
fanatiquement solennelles de respect
pour l’altérité et la diversité émerge
comme unique bouée de salut.
Nous avons donc
bouclé la boucle avec le noyau familial
miné et des emplois administrés au
compte-goutte, et nous nous approchons,
lentement mais sûrement, d’un modèle de
société d’insectes.
Le dernier, mais
certainement pas le moindre, élément
d’ingénierie dans ce puzzle mécanique
tourne autour de la question de la
procréation et du sexe – ou «genre»
comme c’est maintenant à la mode de le
dire. D’où toute cette insistance
extraordinaire, surtout aux États-Unis,
sur l’avortement. Il s’agit de
l’administration capillaire de la
fonction et de l’allocation des
ressources dans la fourmilière humaine.
Comme tout est centralisé et que rien
n’est vraiment laissé au hasard, il est
clair que la question de la procréation
et du sexe est d’une importance
primordiale pour la Technostructure.
Et c’est alors que
ce mouvement LGBT entre en jeu. Ce n’est
que le dernier acte de cette grande
production rationnelle de «diversité».
Il y a de grands intérêts et de l’argent
derrière cela; tout cela est évident.
Pourquoi ? Pourquoi les blancs de
l’élite, qui sont les gens les plus
racistes, sexistes et homophobes de la
planète, tout d’un coup éprouvent-ils
une telle préoccupation maniaque pour le
destin civil, pour les soi-disant
«droits» des homosexuels et des
transsexuels – comme si rien d’autre
n’importait à la gauche du spectre
politique ? Cela semble absurde.
Et la seule raison
de ce martèlement de propagande est, je
pense, d’influer sur l’esprit des gens –
tout comme les mâles blancs en charge de
ce jeu ont réussi à conditionner les
gens à affirmer que les mâles blancs
sont la race la plus effroyable de la
planète (comment ils ont réussi ça est
ahurissant) – que le «genre» est une
construction phallocratique et, par
conséquent, l’est aussi la «famille» et
le rôle géniteur des deux sexes.
Ce que le Système
veut, ce sont des larves humaines
asexuées ou sexuellement
interchangeables qui peuvent se
transformer à volonté en travailleurs,
guerriers et/ou reproducteurs.
Les femmes, par
exemple, occupent maintenant une place
prépondérante aux plus hauts échelons de
l’armée américaine et il y a un an, les
gros bonnets ont levé l’interdiction aux
transsexuels de s’engager dans l’armée
américaine. CQFD.
Ainsi le «genre» techno-structurel est
un aliment discursif pour les masses en
attente d’une réglementation appropriée
dans la ruche. Là-haut, au sommet, parmi
les élites eugénisées, le modèle
patriarcal et machiste peut être
conservé (éventuellement avec quelques
modifications), car ils pensent et
gèrent toujours les choses selon des
termes classiquement féodaux.
La question de
la violence est très présente dans vos
œuvres, allant du nazisme aux guerres
impérialistes, etc. Quel est d’après
vous le meilleur moyen de casser un
processus violent ?
Oui, je me suis
fortement fixé là-dessus : sur ce que
Tolstoï a appelé «La loi de la
violence».
Comment s’en
débarrasser? Question très difficile.
Depuis quelque
temps, j’ai commencé l’étude de divers
nouveaux domaines (psychologie
criminelle et sociale, zoologie et
entomologie, et épistémologie
bouddhiste) afin de comprendre un peu
comment fonctionne notre psyché, ce
qu’est la conscience, comment nous
formons le désir, et comment l’hypnose
joue dans tout cela. Je viens de
commencer, j’espère que je vais avoir
des réponses semi-décentes assez tôt.
Comme réponse
préliminaire à cette question vitale, ma
conviction, surtout à la lumière de la
profonde influence que la Théorie de la
Classe de Loisir de Vleben a exercée sur
ma façon de penser, j’ai tendance à
croire que nous devons nous dépouiller
nous-mêmes pour arracher en quelque
sorte de notre «châssis» psychique tout
vestige, toute strate, toute couche
superposée de ce que Vleben a identifié
et qualifié de «traits barbares». Ce
sont des manifestations, des façons
d’être d’une mentalité prédatrice – une
mentalité, c’est-à-dire qui caractérise
une tendance constante, persévérante, à
«devancer» les autres, à les tyranniser
– soit brutalement, soit sous une forme
psychologique subtile, les repousser,
exploiter (le travail des autres bien
entendu), penser en termes claniques et
d’exclusion, s’en prendre à tout ce que
l’esprit ainsi disposé perçoit comme
faible. À première vue, ces définitions
peuvent sembler banales et
moralisatrices, mais ce n’est pas le
cas. Si l’on réfléchit à cela, on se
rendra compte que les structures
hiérarchiques internes de notre société
sont organisées, pour la plupart, sinon
dans leur totalité, selon ces mêmes
lignes. La grande majorité d’entre nous
l’ont appris dès leur plus jeune âge,
pas tant pour coopérer que pour garantir
une position de privilège. Par exemple,
pensez à la fierté de tous ces parents –
tous ces pères et mères qui ont dépensé
des dizaines de milliers de dollars en
frais scolaires – parce que leurs
enfants sont «établis» de manière
tellement prestigieuse.
Mais y a-t-il
vraiment de quoi être fier ? Que vos
enfants aient réussi avec ténacité à
gagner beaucoup d’argent ? C’est très
bien, oui, tout le monde ne peut pas le
faire. Mais qu’en est-il de la beauté,
de faire de belles choses ? Qu’en est-il
de la coopération ou de la paix ?
Dans la foire
d’empoigne quotidienne, nous nous
efforçons d’«attraper» pour nous-mêmes
et pour les nôtres, une part et/ou une
place d’«intérêts personnels» : laissons
le reste se débrouiller et/ou griller en
enfer (on s’en fiche).
C’est ce «logiciel»
psychique que l’on doit supprimer, en
gros, de notre appareil sensoriel – à
travers un travail patient de
rééducation, grâce à une nouvelle
conception des programmes scolaires,
dans laquelle les priorités doivent être
modifiées, de nouveaux sujets introduits
(par exemple, l’étude obligatoire de la
musique et de l’harmonie, du premier au
dernier niveau), et pour lesquels une
approche globale de l’apprentissage et
de la pratique devrait être développée.
Il est entendu
qu’une telle révision du système
éducatif devrait aller de pair avec un
important mouvement de rénovation dans
la société elle-même, et surtout dans le
secteur économique (réforme monétaire,
agriculture biologique, végétarisme,
etc.)
Vous avez étudié
le phénomène terroriste. Ne pensez-vous
pas que le terrorisme de Daesh et d’Al
Qaïda financés et soutenus par les
États-Unis et la Grande Bretagne sont
dans la continuité du nazisme puisque
servant les mêmes intérêts, ceux de
l’impérialisme US et de ses alliés
britanniques, français, et européens ?
Dans un sens, oui.
De toute évidence, le nazisme et le
terrorisme islamiste sont des entités
très différentes, mais je suppose que
vous pourriez interpréter l’Allemagne
nazie comme un mouvement terroriste
national géant qui a finalement été
utilisé pour «pousser» des événements
dans une certaine direction afin de
déclencher d’autres réactions qui
finiraient par résoudre les problèmes en
faveur des manipulateurs (ce qui, par
définition, est précisément ce pour quoi
le terrorisme a été inventé). La
principale différence étant dans ce cas
que l’Allemagne était une «nation
terroriste» et que les groupes
islamistes, au lieu de cela, sont des
forces de violence politique qui «se
déplacent» dans le cadre de ce qui est
maintenant proverbialement connu comme
«des réseaux informels». L’analogie est
globalement justifiée, je pense.
Comment
expliquez-vous l’absence totale d’un
mouvement anti-impérialiste très fort au
moment où l’impérialisme est en train de
casser des pays et des nations ? Mais où
est passée la résistance à
l’impérialisme ?
C’est une question
avec laquelle j’ai bataillé sans relâche
depuis le 9/11. «Ils» ont mis les choses
en place de telle sorte qu’à moins que
vous ne puissiez prouver
systématiquement que tous les incidents
d’incitation et les guerres (au moins
depuis l’époque de la Guerre froide, de
manière systématique, mais même avant)
sont fausses et mises en scène (des deux
côtés), à moins que vous ne puissiez le
faire de façon convaincante,
c’est-à-dire surmonter l’inertie, la
peur et les allégeances superstitieuses
des gens, vous vous briserez les dents
contre un mur de briques solides.
Ils ne vous écouteront pas. Ils vous
étiquetteront comme un dingue, un cinglé
de la conspiration ou je ne sais quoi.
Pensez à Golfe Un,
Irak Deux, mais aussi à l’incident du
Golfe du Tonkin, à Pearl Harbor, à la
Drôle de Guerre en 1940, au show des
Procès de Staline, etc.
C’est une mise en scène constante. De la
théâtralité.
Et puis, il y a la
«masse». Nous. Apparemment, nous voulons
simplement nous débrouiller, manger,
boire, et faire la fête. Honnêtement,
qui veut vraiment passer, disons, cinq
heures ou plus par jour à lire des
nouvelles et à dénoncer ceci ou cela ?
Et pourtant, beaucoup d’entre nous
sentent qu’ils doivent le faire.
En général, les
gens veulent une sécurité d’emploi et
vivre leur vie en paix. C’est difficile,
car il faut gagner sa vie, sans parler
quand vous avez des enfants. Et en plus
de cela, on doit s’inquiéter d’être
trompé par les «intérêts de l’État» en
croyant à l’existence de divers
«ennemis», en allant à la guerre, le
«mauvais» genre de guerre, en achetant
de la nourriture qui est du poison, etc.
Et c’est difficile, parce que la grande
majorité d’entre nous dépendent du
Système, totalement.
Comment peut-on se
rebeller ? À quel prix ? Et pour quoi
faire ? Vous protestez contre
l’injustice, vous défiez, vous dénoncez,
non-violemment, c’est entendu. Bien.
Combien vont se lever et suivre, pour
protester civilement ? Combien vont se
lever et être dénombrés ? Qu’est-ce que
tout cela signifierait à la fin? Pour ma
modeste part, j’ai essayé de dénoncer
les mensonges et les injustices, dans le
hic et nunc (ici et maintenant), et je
me suis invariablement retrouvé
complètement seul.
Entre parenthèses,
dans un de ses airs, Sheryl Crow, la
popstar, chante à propos d’un
« All-American Rebel ». Et je me
demande: qu’est-ce qu’un « All-American
Rebel » ? Je n’ai jamais rien vu,
entendu ni lu à propos d’un seul. Où est
«la rébellion», aux États-Unis ou
ailleurs ? Où sont les héros
(politiques) ? Que font réellement les
héros ? Que signifient-ils dans
l’iconographie pop ? Avons-nous vraiment
besoin de héros ? Et si oui, pour
accomplir quoi exactement ?
Et qui dit,
d’ailleurs, que l’homme ou la femme
moyen(ne) veut se rebeller, même si il
ou elle ne croit pas à une partie de ce
qu’il ou elle lui a dit ? Il y a, encore
une fois, cette mentalité barbare qui
empêche que l’on voit les choses telles
qu’elles sont. Lorsque vous pourchassez
le bonheur toute votre vie – comme 99 %
des gens – vous êtes attaché à un
certain mode de vie, à un certain modus
vivendi ; vous devenez dépendant de la
Structure, vous en devenez forcément
fidèle.
Dans mon court
essai «Technostructure», j’ai en effet
reconnu qu’il n’est pas moins vrai que,
souvent, le sentiment dominant au sein
de la masse n’est pas tant l’indignation
défiante que l’absence frustrante
d’identité, de raison d’être. Tout le
monde veut être un patron ; tout le
monde veut une part de l’activité de
Hollywood ; tout le monde veut être
célèbre, tout le monde veut des
admirateurs, des groupies et des amis ;
tout le monde veut du glamour, des corps
raffermis et un train de vie à la mode ;
tout le monde veut faire partie du grand
récit du pouvoir.
Veblen, encore une
fois, l’a dit : les couches inférieures
de la société sont hyper conservatrices
; elles protesteront quand elles seront
affamées, sinon c’est peu probable dans
leur processus mental, compte tenu de la
débilité spirituelle à laquelle elles
sont continuellement soumises, elles
sont essentiellement barbares.
En somme, les
réactions populaires sont divisées selon
la strate sociale dans laquelle vous
vivez.
En principe, la
dissidence, le cas échéant, ne peut
provenir que de la classe moyenne. Les
classes moyennes supérieures et les
aristocraties hypermodernes sont
responsables : leur travail est de
résister au changement. Des classes
inférieures, nous avons parlé.
Si vous faites partie de la classe
moyenne (intelligentsia), vous pouvez
vous permettre de contester si vous
provenez d’un milieu riche qui pourrait
vous avoir permis de débarrasser votre
esprit des obscurcissements barbares
(grâce à une éducation bien guidée, des
études et de bons enseignants) et qui
vous donne la liberté et la facilité
financière pour penser et dire ce que
vous croyez vraiment. Nous parlons ici
d’une minorité très exiguë.
Pour la plupart, la
strate moyenne est généralement encline
à chercher du plaisir, sans plus. Ils le
font en acceptant le compromis et en
gardant le silence, quand ils sont
quelque peu éveillés, ou, comme c’est
généralement le cas, en se comportant de
façon erratique, ils sont dans la
confusion par la lutte acharnée entre un
sentiment sain d’un côté et des
habitudes barbares, violentes de l’autre
– habitudes qui les associent
organiquement aux structures de soutien
du Système (par exemple, l’achat à
l’intérieur du système actuel
d’exploitation bancaire-financier, le
«soutien patriotique» de la guerre, le
racisme implicite, l’allégeance à
l’oligarchie, etc.).
Au «bas de la
pyramide», comme on dit, les gens sont
trop occupés à joindre les deux bouts :
ils n’ont pas le temps de lire des
livres, d’étudier de la musique, de
discuter d’actualités, de se soucier de
la Syrie ou de commenter la dernière
exégèse de Heidegger. Ils se fichent
éperdument de l’histoire d’Hitler, du
9/11, des mécanismes plus profonds du
terrorisme ou du sort de la dissidence.
Ce qui est également le cas pour une
grande partie de la strate moyenne
hédoniste, comme cela a été dit.
Certes, dans les
années 1960, jusqu’à la fin des années
1970, nous avons vu que la classe
moyenne initiait des mouvements de
protestation au nom universel de la
justice sociale et de la paix. Il y
avait du bon en cela. Et dans une large
mesure, ces mouvements semblent avoir
été sincères. Ils ont suscité des
inquiétudes à l’Establishment.
Ils n’existent
plus. Ils ont été vaincus
systématiquement. Je raconte une partie
de cette histoire dans mon The Ideology
of Tyranny (ndlr : L’idéologie de la
tyrannie).
Cependant, si vous
regardez de plus près, vous remarquez
aussi que toute cette agitation
d’enthousiasme populaire qui a animé les
années 60 était elle-même très
chorégraphiée. Prenez le Vietnam : ce
n’est pas par hasard que les gens ont
commencé à descendre massivement dans
les rues pour protester contre la guerre
en 1968. C’est-à-dire au moment même où
l’appareil savait que la guerre était
perdue. C’est-à-dire que rien ne se
passe réellement dans notre Système, à
moins qu’un composant de ce dernier ne
le permette.
C’était facile/plus
facile de «protester» pendant la guerre
froide ; il était facile de frapper la
position dissidente à l’époque parce que
la Gauche établie était déjà là pour
vous fournir une étape pour le faire ;
tout avait été payé. Il ne fallait aucun
cran pour être provocant ; ils voulaient
que vous le fassiez. Le modèle politique
choisi pour porter le pouvoir était
alors un antagonisme dichotomique : les
«camps» étaient pré-arrangés ; il
fallait en choisir un, et «militer».
C’était manifeste en Europe. Nous, les
Italiens, nous nous souvenons fort bien
de cela (en particulier les dix années
de guerre civile latente et de
terrorisme dans les années 1970) ; nous
avions le parti communiste le plus
puissant d’Europe.
Et, en Europe, la descendance de ces
communistes malheureux qui se
manifestaient si vigoureusement contre
«l’impérialisme américain» dans les
années 70 et 80 forme de nos jours les
«Américanistes» les plus enthousiastes
de la planète : tous des «libéraux». Ils
ont été ceux qui ont versé des larmes de
béatitude quand Obama a été élu
président en 2008. Tant pour la
cohérence intellectuelle que pour la
«culture de la dissidence».
Lorsque cette sorte
de théâtralité a perdu son utilité,
encore une fois, elle a été éliminée. Et
l’ensemble de l’appareil «Rouge», jadis
si imposant et impressionnant, disparaît
du jour au lendemain sans un bruit. Et
maintenant, ô surprise, personne, nulle
part, ne descend plus dans les rues. La
volonté politique, l’argent et les
arrangements sociaux conçus dans cette
intention ne sont plus là pour soutenir
les masses critiques à continuer ce type
de spectacle. Et notez qu’à ce
moment-là, les marches éraient
exclusivement au bénéfice des partis de
gauche, pas à celui de la justice
sociale ou de la paix en soi. Dans une
large mesure, il s’agissait d’une
dissidence artificielle.
La «gauche» a été
dépouillée de ce dispositif; elle est
maintenant nue. Vous pouvez voir de quoi
elle est faite : le groupe habituel de
bourgeois qui fera tout ce que les
argentiers de la classe supérieure leur
diront de faire. Et aujourd’hui, en
effet, la gauche a été entièrement
réduite à être la plate-forme des LGBT.
La «gauche» n’existe pas, elle n’a
jamais existé vraiment.
On pourrait ainsi
conclure que nous avons bouclé la boucle
vers une triste fin. Mais encore une
fois, y a-t-il de quoi être triste ? Et
je me demande : y a-t-il eu un âge d’or
de la dissidence ? Est-ce qu’il y a eu
un véritable temps de gloire, de
conscience et de résistance de masse
contre le fléau de l’injustice et la
perpétuation de la violence ?
Je ne crois pas. À
la fin, ceux qui se sont opposés de
manière responsable et inconditionnelle
à la violence et à l’injustice ont
toujours été, malheureusement, très peu
nombreux. Des loups solitaires.
Cela changera
peut-être. Je l’espère.
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est le Dr.
Guido Giacomo Preparata ?
Né à Boston,
Massachussetts, le 25 octobre 1968, le
Dr. Preparata a vécu aux États-Unis, en
France et en Italie. Il a obtenu son
baccalauréat en Économie à la Libera
Università Internazionale degli Studi
Sociali (LUISS, Rome, Italie), une
maîtrise en Économie et un doctorat en
Economie Politique à l’Université de
Californie du Sud (Los Angeles, USA), et
un Master of Philosophy en Criminologie
à l’Université de Cambridge (UK).
D’autres études supérieures et de
premier cycle dans l’histoire
financière, les mathématiques
appliquées, la théorie économique et
l’économie internationale ont été
achevées à l’Université de Stanford, à
l’Université de Californie, à Los
Angeles (UCLA), à l’Institut de
technologie de Californie (Caltech) et à
la London School of Economics (LSE).
Le Dr. Preparata a
d’abord travaillé comme chercheur
associé à l’Electric Power Research
Institute (EPRI, Palo Alto, États-Unis).
Par la suite, il rejoint la division de
recherche du département de supervision
et de réglementation de la Banque
centrale d’Italie; et de 2000 à 2008, il
a enseigné l’économie politique à
l’Université de Washington. En 2005, en
tant que professeur invité d’économie et
boursier Fulbright à l’Université de
Jordanie, à Amman, il a mené des
recherches sur l’islam politique, le
terrorisme et l’économie islamique. En
2012, il a rejoint l’Université
Pontificale Gregorienne, à Rome, en tant
que Maître de conférences en Sciences
sociales, et avant d’être venu au
Grégorien, il a été Maître de
Conférences à l’Université Polytechnique
de Kwantlen à Vancouver, au Canada, où
il a enseigné la sociologie et la
psychologie de Comportement criminel.
Guido Preparata vit
à Taiwan avec son épouse et ses deux
filles.
Le site de Guido Preparata
Published in
American Herald Tribune, July 23, 2017: http://ahtribune.com/in-depth/1802-guido-g-preparata.html
Reçu de l'auteur pour
publication
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