Interview
Le Dr. T. J. Coles : « Contrairement à
la guerre,
la paix n’est pas une
activité rentable »
Mohsen Abdelmoumen
Dr. T. J.
Coles. DR.
Vendredi 14 décembre 2018 English version here
Mohsen
Abdelmoumen : Dans votre livre
magistral « Britain’s Secret wars« ,
vous démontrez la face cachée de la
politique britannique et son implication
directe dans des conflits majeurs via
ses services de renseignement. Ne
pensez-vous pas que la Grande Bretagne
est responsable, comme son allié les
USA, du chaos qui règne dans des zones
comme le Moyen Orient et le Sahel ?
Le Dr. T. J.
Coles : Oui. La Grande-Bretagne a
des responsabilités à la fois
historiques et contemporaines dans une
grande partie du carnage au
Moyen-Orient, en Asie centrale et
ailleurs. Il y a différents degrés de
responsabilité. Lorsqu’un gang commet un
crime, par exemple un meurtre et un vol
à main armée, chaque membre du gang est
condamné par un tribunal en fonction de
son degré de participation au crime. La
personne qui a appuyé sur la gâchette
est le meurtrier, son associé est le
complice, etc. Le même principe
s’applique ou, si nous nous soucions de
moralité, devrait s’appliquer aux
affaires internationales. À l’heure
actuelle, les États-Unis sont la
superpuissance mondiale. Ils assument
donc l’essentiel de la responsabilité
pour envahir l’Afghanistan, lancer des
drones sur des Pakistanais, des
Somaliens et des Yéménites, envahir
l’Irak et utiliser des terroristes par
procuration en Syrie et en Libye.
Mais la
Grande-Bretagne et plus récemment la
France sont également impliquées. Les
dirigeants de ces pays doivent donc
également assumer la responsabilité de
leurs actes.
En ce qui concerne
la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni a une
longue histoire d’utilisation de la
violence contre les Arabes, les Kurdes
et les autres peuples de la région.
L’Afghanistan n’a jamais envahi le
Royaume-Uni, mais les récentes
opérations militaires britanniques en
Afghanistan marquent la quatrième
invasion de ce pays en moins de 200 ans.
Historiquement, le Royaume-Uni voulait
s’assurer que l’Afghanistan servirait de
voie commerciale et de rempart contre
les invasions de sa principale prise
coloniale, l’Inde. Lors de la Troisième
Guerre anglo-afghane (1919), les
colonisateurs qui utilisaient les forces
aériennes britanniques nouvellement
créées s’interrogeaient sur «les règles
applicables à ce type de cricket» (Sir
John Maffey), ce qui signifie le meurtre
fortuit d’Afghans par la puissance
aérienne. La même chose s’applique à
l’Irak. La Grande-Bretagne a
essentiellement envahi l’Irak à la fin
des années 1830, lorsque des navires de
commerce armés ont navigué sur les
fleuves Tigre et Euphrate, apportant ce
que les colonialistes ont qualifié de
«civilisation» aux «fils de l’anarchie»
(secrétaire particulier de Sir Percy
Cox, R.E. Cheeseman). Dans les années
1920, la puissance aérienne britannique
a été également utilisée contre les
Irakiens. Les colonialistes de l’époque
appelaient cela «fesser» les vilains
irakiens, qu’ils considéraient comme des
enfants (administrateur colonial, B.H.
Bourdillon). À ce moment-là, les
intérêts de la Grande-Bretagne en Irak,
en Iran et dans ce qui devint l’Arabie
saoudite se référaient aux réserves de
pétrole de ces pays.
Ce genre de
responsabilité directe pour les
atrocités commises contre des sujets
coloniaux a perduré jusque après la
Seconde guerre mondiale, lorsque les
États-Unis sont devenus une
superpuissance et ont soumis un nombre
croissant de peuples, en particulier en
Amérique latine, mais de plus en plus au
Moyen-Orient, qui a été reconnu comme
étant le centre pétrolier du monde. La
Grande-Bretagne et les États-Unis ont
tué au moins un demi-million d’enfants
irakiens dans les années 1990, puis ont
assassiné un autre million de personnes
lors de l’invasion « shock and awe »
(ndlr : de choc et d’effroi) menée par
les États-Unis en 2003 et de la
déstabilisation du pays déjà fragile qui
a suivi. Les médias occidentaux ont tout
simplement supprimé les nouvelles que
les gouvernements de marionnettes
anglo-américaines, en particulier celle
de Nouri al-Maliki, étaient aussi
mauvais en termes de violations des
droits de l’homme que Daesh, l’État
islamique, qui est arrivé sur la scène
quelques années plus tard. Sous
Al-Maliki, dont les forces étaient
armées et entraînées par la
Grande-Bretagne et les États-Unis, un
millier d’Irakiens ont été condamnés à
mort, dont beaucoup d’étudiants, de
syndicalistes, de militants, etc. La
police torturait des prisonniers avec du
verre brisé et des foreuses. De nombreux
journalistes ont été tués. Amnesty
International et Human Rights Watch en
ont parlé, mais la plupart des médias ne
l’ont pas fait.
En fait, le public
britannique, grâce à l’omission des
faits par les médias, sous-estime
l’ampleur des dommages causés à l’Irak
après 2003, et même avant avec les
sanctions. Selon un sondage effectué il
y a quelques années, la plupart des
Britanniques pensaient que 10 000
Irakiens étaient morts alors que des
études épidémiologiques estiment que
plus d’un million de personnes ont perdu
la vie.
Parmi la soi-disant
intelligentsia, il y a une maigre
reconnaissance du fait que le genre de
crimes commis il y a plus d’un siècle
ont bien eu lieu et qu’ils étaient
moralement inacceptables. Richard Gott
est l’un de ces historiens. D’autres,
cependant, comme Niall Ferguson,
continuent à utiliser un langage
raciste. Il a décrit l’Iraq comme un
«bac à sable brûlé par le soleil» et
ridiculisé ce qu’il a appelé la «culture
politique attardée» du Moyen-Orient
(cité depuis son livre Colossus).
Mais essayez de
trouver une critique soutenue de la
politique étrangère britannique en ce
qui concerne les guerres plus modernes,
en particulier les moins connues. Il y a
à peine dix ans, le Royaume-Uni, en
dehors du soutien des intérêts des
États-Unis, a participé à un nettoyage
ethnique. En 2013, j’ai été le premier
chercheur ou journaliste – écrivant dans
le journal américain Peace Review
– à documenter des livraisons d’armes
britanniques au gouvernement cinghalais
du Sri Lanka. La Grande-Bretagne a vendu
les armes avant, pendant et après le
nettoyage ethnique par le gouvernement
cinghalais de 40 000 civils tamouls
entre mars et avril 2009. Depuis lors,
une seule autre personne, le journaliste
Phil Miller, a documenté la
participation britannique. Mais la
recherche de Miller est apparue dans les
médias alternatifs, pas dans les médias
grand public. Miller – qui me déteste
pour une raison ou pour une autre – a
récemment pu publier un article dans le
Guardian sur le rôle historique
de la Grande-Bretagne au Sri Lanka, dans
les années 1970, mais il n’a pas pu en
dire beaucoup sur les crimes actuels ou
récents commis dans ce pays. Telle est
la nature des médias. La même chose se
passe maintenant en Birmanie (Myanmar).
Personne ne rapporte le fait que les
forces armées britanniques entraînent
l’armée birmane à un moment où elle
procède à un nettoyage ethnique du
peuple Rohingya.
L’intervention
franco-britannique en Libye qui a
déstabilisé le Sahel et toute l’Afrique
et qui a semé le chaos n’est-elle pas
une faute politique grave dont doivent
répondre devant un tribunal les
responsables politiques à savoir le
Président Sarkozy pour la France et le
Premier ministre David Cameron pour la
Grande Bretagne ?
Il y a un schéma.
C’est également reconnu par le
journaliste belge Michel Collon.
Premièrement, les États-Unis et la
Grande-Bretagne organisent, entraînent,
arment et instruisent un réseau
terroriste. Ensuite, ils qualifient ce
réseau terroriste de « combattants de la
liberté » ou de « rebelles modérés ».
Ils ordonnent ensuite ou autorisent ce
réseau à attaquer le gouvernement d’une
nation souveraine. Rien de tout cela n’a
été rapporté dans les médias
occidentaux, ainsi les politiciens et le
public qui pourraient autrement savoir
ce qui se passe réellement et s’opposer
à la guerre restent ignorants de la
tourmente géopolitique créée par les
terroristes à la solde des Occidentaux.
Le gouvernement souverain attaqué par
les terroristes tente alors de défendre
ses intérêts, en utilisant la violence
pour le faire. Ce n’est qu’alors que les
médias occidentaux font état de la
situation. Ils rapportent la violence du
gouvernement qui se défend, ignorant
toutes les provocations des terroristes
proxys. Enfin, les gouvernements
occidentaux travaillant avec les
terroristes lancent un appel à «une
intervention humanitaire». Le plaidoyer
consiste à sauver des civils innocents
depuis un gouvernement étranger qui
défend en fait ses propres intérêts.
Autant que je
sache, ce modèle a été mis en place en
Serbie en 1999. Il y avait une région de
Serbie, le Kosovo, composée
principalement de Kosovars-Albanais.
C’étaient des civils ordinaires qui
n’étaient pas particulièrement
nationalistes. La majorité semblait
vouloir rester serbe. Mais les
États-Unis et la Grande-Bretagne
voulaient séparer la Serbie car il y
avait un pipeline d’énergie qui s’y
croisait. Les États-Unis ont donc
construit le camp militaire Bondsteel à
l’intersection. Celui qui allait devenir
secrétaire général de l’OTAN, Jaap de
Hoop Schefer, a déclaré des années plus
tard que les sociétés énergétiques
avaient essentiellement incité l’OTAN à
« intervenir » en Serbie. « Soyons
heureux que le gaz circule à nouveau »,
a-t-il déclaré. Ainsi, les États-Unis et
la Grande-Bretagne, utilisant la société
de relations publiques Ruder Finn, ont
constitué l’Armée de libération du
Kosovo (UCK) pour attiser les sentiments
sécessionnistes au Kosovo. Les
dirigeants de l’UCK ne cachaient pas
leur intention d’attaquer des cibles
gouvernementales et même civiles. En
outre, plusieurs rapports de la
Bibliothèque de la Chambre des Communes
britannique publiés avant le
bombardement de l’OTAN le confirment.
Lorsque le chef de
la Serbie, Milošević, a réagi par la
violence, les États-Unis et la
Grande-Bretagne, ou « la communauté
internationale », ont fait état
d’allégations de plus en plus absurdes
selon lesquelles des dizaines de
milliers de civils kosovars-albanais
avaient été tués par Milošević. Aucune
preuve n’a été fournie. Le gouvernement
britannique de l’époque a confirmé que 2
000 personnes des deux côtés avaient été
tuées dans la guerre civile : pas des
centaines de milliers de Kosovars, comme
on nous l’a dit. En violation du droit
international, l’OTAN a commencé à
bombarder la Serbie en mars 1999. L’OTAN
a tué quelques milliers de personnes –
nous ne le savons pas vraiment car nous
n’enquêtons pas sur nos propres crimes –
et a laissé des dizaines de milliers de
bombes à fragmentation – des petites
bombes à grappes pouvant être emportées
par le vent – dispersées dans les champs
de Serbie sur lesquelles les enfants
peuvent marcher et se faire exploser,
selon la Croix-Rouge. Voilà pour
l’intervention humanitaire.
Le même schéma
s’est répété en Libye. Pendant des
années, le Royaume-Uni a abrité des
fanatiques islamistes comme Anas
al-Libya et Ramadan Abdei à Londres et à
Manchester. Le journal de droite
Daily Mail a rapporté qu’en octobre
2010, les Britanniques entraînaient des
forces anti-Kadhafi dans une « ferme » –
ce qui signifie camp d’entraînement dans
la nomenclature du renseignement.
Parallèlement, les Britanniques ont
continué à former et à armer les forces
de Kadhafi car, en 2004, Kadhafi avait
accepté de laisser les sociétés
énergétiques occidentales exploiter les
ressources libyennes. Mais les mêmes
entreprises impliquées dans
l’exploitation de l’énergie libyenne se
sont plaint du fait que les « réformes »
de privatisation de Kadhafi étaient trop
lentes. Au même moment, les États-Unis
étaient en train d’activer pour un
changement de régime en Syrie en
finançant l’opposition à Bachar
al-Assad. La date d’octobre 2010 est
importante car elle précède le printemps
arabe libyen d’environ quatre mois.
Ainsi, contrairement à ce que prétendent
les médias, les « rebelles »
anti-Kadhafi ne faisaient pas partie du
Printemps arabe. Ces terroristes et
d’autres, ou « rebelles » comme les
appelaient les médias occidentaux, ont
essentiellement détourné le Printemps
arabe libyen, par ailleurs pacifique.
Avec des armes et un entraînement
britanniques, l’armée de Kadhafi a été
forcée d’écraser les manifestants, mais
aussi les terroristes qui étaient
également entraînés et armés par la
Grande-Bretagne. C’est la vieille
tactique de diviser pour régner. Comme
dans le cas de la Serbie en 1999, les
politiciens occidentaux ont affirmé,
toujours sans aucune preuve, que Kadhafi
était sur le point de lancer un
« nettoyage ethnique » à Benghazi – où
se trouvaient justement basés la plupart
des islamistes. En réalité, Kadhafi
aurait pu vaincre les proxys
occidentaux. Sur ce mensonge, 30 000
civils libyens ont été éliminés par
l’OTAN et par les terroristes, selon le
gouvernement fantoche du CNT (ndlr :
Conseil national de Transition)
installé par la Grande-Bretagne, les
États-Unis et la France.
La seule différence
avec le schéma en Syrie est que l’OTAN
n’est pas intervenue et que Daesh s’est
affronté aux « rebelles modérés » –
terroristes – utilisés par les
États-Unis, la France et la
Grande-Bretagne pour destituer Assad.
En ce qui concerne
le droit international, chacune de ces
actions est un crime de guerre. Le
gouvernement britannique refuse toujours
de divulguer intégralement les conseils
donnés par le Procureur général à propos
de la Libye, ce qui laisse penser que le
Procureur général avait conseillé le
Premier ministre, David Cameron, contre
l’invasion de mars 2011. Mais les
puissants ne font pas face à la justice
des tribunaux qu’ils créent et
soutiennent. La Cour pénale
internationale de La Haye a perdu toute
crédibilité, si jamais elle en a eu.
Tony Blair et George W. Bush ont commis
l’acte d’agression le plus flagrant en
envahissant l’Irak en 2003. Les
ministres tentent de faire valoir, de
manière peu convaincante, que
« l’intervention humanitaire », comme
dans le cas de la Serbie et de la Libye,
est différente ; qu’elles sont en
quelque sorte au moins légalement
discutables. Mais la réalité est qu’il
s’agissait de crimes de guerre. L’Irak,
cependant, est un cas encore plus
flagrant. Blair et Bush n’ont jamais été
jugés, même si le secrétaire général de
l’ONU à l’époque, le regretté Kofi
Annan, a déclaré que l’invasion était un
crime de guerre, et même l’enquête du
gouvernement britannique Chilcot l’a
dit, en utilisant un langage poli. Ce
sont principalement des criminels de
guerre des Balkans et des Noirs
d’Afrique qui sont jugés à La Haye.
C’est un arrangement néocolonial. En
réponse, l’Ouganda a lancé un appel aux
autres nations africaines pour qu’elles
se retirent de la juridiction de la
Cour, invoquant son hypocrisie.
Les USA et de la
Grande Bretagne, en soutenant et en
armant des groupes terroristes qui ont
fini par faire des attentats en Europe,
ne sont-ils pas coupables devant leurs
peuples pour avoir pactisé avec le
diable ?
Il existe même un
nom semi-officiel pour cela. Les
prédicateurs extrémistes, comme Omar
Bakri, l’appellent « le pacte ».
L’accord non écrit stipule qu’ils
travaillent pour les services de
renseignement britanniques et qu’en
échange, on les laisse tranquilles pour
prêcher leurs interprétations extrêmes
de l’islam, sans poursuites judiciaires
ni expulsions. Mais ce n’est pas
vraiment un pacte, étant donné que la
Grande-Bretagne a été attaquée de
manière successive, supposément par les
alliés de ces personnes – en admettant
que nous croyons à l’histoire
officielle, bien sûr. Bakri lui-même a
quitté le Royaume-Uni et a accès aux
principaux médias mainstream libanais.
Abu Hamza et Abu Qatada ont également
été extradés. Ainsi, le « pacte » n’est
qu’un écran de fumée pour les
journalistes ou les politiciens qui
posent trop de questions. La réalité est
que ces hommes ne sont que des proxys
des services de renseignement.
Le cas le plus
flagrant était celui de Salman Abedi.
J’ai mentionné son père Ramadan
ci-dessus. La ministre de l’Intérieur et
aujourd’hui Premier ministre, Theresa
May, avait, comme l’avait appelé
l’ancien officier du MI6 et expert du
renseignement Alastair Crooke, une
politique de « porte ouverte » en
matière de migration pour les
djihadistes. La famille Abedi a été
autorisée à voyager du Royaume-Uni en
Libye pendant et après la guerre de
2011, jusqu’à être sauvée par le
ministère de la Défense. Au moment où
Daesh était une force importante en
Libye, Salman est devenu majeur et est
allé s’entraîner avec eux. Si l’on en
croit les médias, il a assassiné 22
Britanniques en mai 2017 dans le cadre
d’un attentat suicide à la bombe. Ce
seul acte aurait dû à lui seul faire
tomber le gouvernement britannique. Les
titres de journaux auraient dû se lire
comme suit : « Le Premier ministre
Theresa May a eu une politique de
« porte ouverte » pour les auteurs
d’attentats suicides ». Mais rien n’a
été dit. Quelques personnes marginales
comme Nafeez Ahmed, un excellent
journaliste, et Mark Curtis, un brillant
historien, l’ont noté. John Pilger de la
gauche progressiste et Peter Oborne de
la droite libertaire étaient les seules
voix mainstream.
Mais ce n’est qu’un
cas. Les extrémistes sont liés aux
services de renseignement depuis
longtemps : Abu Qatada, décrit comme
« le bras droit de Ben Laden », Abu
Hamza, de la mosquée Finsbury Park,
Haroon Aswat, un suspect dans les
attentats de Londres en 2005, Michael
Adebolajo, supposé co-assassin du
fusilier Lee Rigby, etc. La droite crie
que le gouvernement au pouvoir, même
s’il s’agit d’un gouvernement de droit,
est « trop souple » en permettant à ces
extrémistes de vivre au Royaume-Uni. La
gauche répond : « Ces personnes ne
représentent pas l’islam ». Mais aucune
des deux parties ne peut admettre que
ces personnes sont des marionnettes des
services de renseignement. Les services
les utilisent pour diverses raisons,
notamment en tant que proxys. Ce qui est
particulièrement troublant, c’est que
dans les documents libres d’accès du
ministère de la Défense, que les médias
ne rapportent pas, il est reconnu que
les « proxys » seront utilisés par les
États dans lesquels la guerre directe ne
peut pas être engagée, et que de tels
proxys « peuvent s’avérer
difficiles à contrôler », d’où le risque
de retour de flamme pour les civils.
Nous devrions
également nous rappeler que, aussi
horribles que soient les attaques de
Londres en 2005 et de Manchester en
2017, les peuples du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord sont quotidiennement
victimes de ce type de terrorisme,
notamment de frappes de drones
américano-britanniques et françaises.
Mais au Royaume-Uni, nous ne pensons pas
que les tirs quotidiens des drones et la
menace d’être éliminé à tout moment
constituent du terrorisme. En 2014,
environ 2 500 personnes en Afghanistan,
en Irak, en Libye, en Somalie, au Yémen
et au Pakistan ont été assassinées par
des opérateurs de drones américains : la
grande majorité d’entre elles étaient
des civils et les autres étaient des
suspects, pas des « terroristes ». Les
qualifier de terroristes relève des
tribunaux internationaux ou nationaux,
et non des médias propagandistes.
Beaucoup de peuples de ces régions
vivent dans la peur constante d’être
incinérés instantanément par des
machines appelées Predators and
Reapers qui tirent des missiles
appelés Hellfire dans des opérations
comme « Widowmaker« . Les médias
occidentaux protègent soigneusement les
publics nationaux de la réalité de ce
que les drones font sur la chair et les
os des hommes, des femmes et des
enfants, ainsi que sur leur santé
mentale. Aussi, lorsque des actes
terroristes de vengeance surviennent en
Europe et aux États-Unis, il semble aux
populations nationales que ces actes
sont venus de nulle part. L’explication
donnée par la droite est que les
musulmans détestent nos libertés, etc.
Vous avez écrit
le livre très intéressant et très
documenté “Real Fake News: Techniques
of Propaganda and Deception-based Mind
Control, from Ancient Babylon to
Internet Algorithms”. Les medias
mainstream ont été impliqués dans des
guerres impérialistes en relayant la
propagande de l’armée américaine et de
ses alliés. Aujourd’hui, on remarque
qu’il y a un débat autour des fake news.
Les médias mainstream ont-ils gardé leur
crédibilité ? Ne servent-ils pas les
intérêts dominants et ce débat sur les
fake news n’est-il pas tout
simplement faux et biaisé ? Peut-on
recevoir des leçons de déontologie
journalistique de certains journaux qui
prétendent être des références comme le
NY Time, CNN, la BBC,
etc. alors qu’ils sont des médias de
propagande des intérêts dominants, des
chiens de garde ?
Les fake news
ne se limitent pas aux médias.
L’industrie médicale diffuse de fausses
informations sur le génie de ses
produits, allant même jusqu’à créer de
faux journaux pour donner à ses
médicaments des critiques positives. Les
experts du secteur rédigent des articles
et engagent des universitaires pour leur
attribuer leur nom. Au début de la
guerre, lorsque le film et la
photographie ont commencé à être
utilisés, la technologie était si
nouvelle que les correspondants de
guerre pouvaient se permettre de simuler
des scènes de bataille en faisant appel
à des acteurs. De nombreuses photos de
guerre « classique » sont en réalité des
reconstitutions. Aujourd’hui, on peut
dire que certaines images sont des
fraudes, mais à l’époque, elles
semblaient réelles à un public peu
familiarisé avec la nouvelle
technologie. Ensuite, il y a une fake
news coloniale : les famines en
Irlande au XIXe siècle étaient dues à la
rouille de la pomme de terre, alors que
la Grande-Bretagne coloniale comprenait
parfaitement que la rouille était un
élément déclencheur. Les causes
sous-jacentes de la famine étaient la
transformation de l’agriculture
irlandaise par les Britanniques en
monocultures destinées à l’exportation
et aux marchés intérieurs, comme la
pomme de terre, ainsi que l’exportation
de produits alimentaires vers le
Royaume-Uni pendant la période de
famine.
Donc, les fake
news ne sont pas nouvelles et leur
objectif général est de maintenir le
public subordonné au pouvoir.
Est-ce que cela a
changé avec Internet, où l’information
peut venir de la base? Pas tant que
cela. Si vous regardez les blogs et les
sites Web les plus populaires d’il y a
dix ou 15 ans – Huffington Post,
Politico, le Daily Beast,
Vice – vous constaterez que
beaucoup ont été créés par des
personnalités ayant travaillé pour des
journaux grand public. Ariana
Huffington, par exemple, était déjà
millionnaire lorsqu’elle a cofondé le
Huffington Post avec Andrew
Breitbart, qui, avec le soutien du
milliardaire Robert Mercer, a ensuite
fondé Breitbart News. Ainsi, sous
le prétexte d’utiliser ce nouveau média
révolutionnaire, les sites
« alternatifs » étaient dominés par des
personnalités de l’establishment. En
outre, il est important de rappeler que
nous entendons dire que les médias
traditionnels – CNN, BBC,
New York Times, etc. – ont vu
leur audience diminuer. Il est vrai que
les revenus des journaux imprimés sont
en baisse, mais si vous regardez le
classement en ligne, les sites
d’information les plus populaires ne
sont généralement pas les sources
alternatives, mais bien l’establishment
: Daily Mail, BBC, New
York Times, Yahoo !, dont les
sources sont Associated Press, Reuters,
etc.
La confiance dans
les sources grand public est en baisse
depuis des années. Certains sondages
suggèrent que même la réputée BBC
inspire maintenant moins confiance que
Wikipedia, elle-même source de
désinformation, comme l’a documenté la
journaliste Helen Buyniski. Cette baisse
constante de la confiance est due à la
simple raison que la couverture
médiatique des événements ne reflète pas
les expériences quotidiennes des
citoyens ordinaires. Aux États-Unis et
en Grande-Bretagne, la plupart des
médias sont des sociétés privées ayant
un intérêt à présenter aux citoyens une
image du monde reflétant les intérêts
et, plus important encore, les
expériences, des principaux actionnaires
et dirigeants de sociétés. Des articles
occasionnels ici ou là présentent un
tableau différent, mais le ton général
est favorable aux intérêts de l’élite.
Les soi-disant médias « libéraux »,
comme le New York Times, ont
tendance à être culturellement libéraux
en termes de soutien des droits des
homosexuels ou d’empathie envers les
réfugiés. Cela agace la droite, dont les
médias sont culturellement
« conservateurs », c’est-à-dire anti
humains. Mais quand il s’agit de
questions clés, telles que les droits
des travailleurs ou la réglementation
économique – le genre de choses qui
pourraient vraiment aider les gens
ordinaires -, ni les médias de gauche ni
ceux de droite ne reflètent les
préoccupations principales de la plupart
des gens.
Si nous examinons
les problèmes qui intéressent la plupart
des gens, ils concernent l’économie,
l’emploi et la migration. Une étude
réalisée par le Reuters Institute
et l’Université d’Oxford a analysé des
centaines d’articles de presse publiés
après la crise financière de 2008. Ils
ont constaté que la grande majorité des
informations communiquées étaient
neutres ou proches du secteur financier.
Cela ne reflétait tout simplement pas la
réalité, alors pourquoi quelqu’un
aurait-il confiance en ce type de
reportage, autant à gauche qu’à droite?
Cela se généralise. En matière de
politique étrangère, le consensus
général est que la guerre est bonne. Le
« conservateur » Fox News a vendu
l’invasion de l’Iraq en 2003 dans un
paquet de mensonges, tout comme le
« libéral » New York Times. Plus
récemment, la rhétorique du président
Trump, bien que n’étant pas la réalité,
s’est prononcée contre les guerres
étrangères. Les médias d’extrême droite
alternatifs soutiennent ce discours,
mais ils le font avec un fort parti pris
anti-islamique, allant même jusqu’à
l’islamophobie, en fait. Prenez, disons,
la couverture de Daesh par Breitbart
News. Breitbart a affirmé que
dans le numéro 15 de son magazine
djihadiste, Dabiq, Daesh avait
déclaré qu’elle attaquerait toujours les
Occidentaux car la plupart d’entre nous
sont non-musulmans. La BBC,
considérée comme une organisation de
presse libérale, en a également fait
état. La seule différence entre les
reportages est que la BBC a
laissé entendre que tous les musulmans
ne sont pas des extrémistes, alors que
Breitbart a laissé entendre que
le numéro 15 de Dabiq était
typique de l’islam.
Le problème est que
le numéro 15 était une fraude,
probablement publiée par les services de
renseignement américains. Daesh a publié
une déclaration mettant en garde ses
partisans de ne pas lire le numéro 15.
La BBC, une organisation
respectée, citait donc une fraude comme
si elle était réelle. Cette révélation
importante sur la tromperie a été
rapportée dans un seul journal, à ma
connaissance : Vice online. Nous
ne pouvons donc pas faire davantage
confiance à la soi-disant presse
alternative que nous ne pouvons faire
confiance à la presse mainstream. Nous
devons évaluer les preuves et être
sceptiques à propos de tout ce que nous
voyons, entendons et lisons, y compris
de ce que je dis.
Nous devrions
également nous méfier des vérificateurs
de faits autoproclamés. Vous ne devriez
pas laisser quelqu’un d’autre vérifier
les faits en votre nom. Comment
savez-vous s’ils vous disent la vérité ?
Prenez Snopes et son article sur
l’accord nucléaire iranien. Nulle part
dans cet article, vous ne voyez les
rapports du Bulletin of the Atomic
Scientists ou d’autres experts qui
affirment que, non seulement l’Iran a le
droit de développer de l’énergie
nucléaire, mais plusieurs rapports de
l’ONU ont confirmé qu’il ne développait
pas d’armes nucléaires. Les rapporteurs
du Bulletin notent également que
les États-Unis ont fait pression sur les
Nations Unies pour qu’elles enquêtent de
manière inconstitutionnelle sur les
installations d’armes iraniennes dans
une mesure plus grande que celle requise
par les accords. Donc, comme d’habitude,
les États-Unis sont un tyran. Mais une
question encore plus importante est : de
quel droit les États-Unis ont-ils le
droit d’imposer un quelconque « accord »
à l’Iran ou à n’importe quel pays ? Si
nous voulons respecter le droit
international, c’est à l’ONU de décider.
L’idée que les États-Unis ont un droit
naturel de faire adhérer l’Iran ou la
Corée du Nord à un accord est également
une fake news.
À propos de
votre livre éclairant « Great Brexit
Swindle », ne pensez-vous pas que le
vote pour le Brexit a été une
arnaque qui sert les intérêts des
classes dominantes, banquiers,
milliardaires, le 1%, aux dépends des
classes défavorisées ?
Les élites
britanniques, y compris les politiciens
et les entreprises, sont divisées sur
l’opportunité de « Quitter » ou
« Rester » (Leave or Remain) dans
l’UE. La majorité des élites sont
clairement en faveur de « Rester », ce
qui fait que l’agenda de Quitter est
bloqué pour le moment. Cependant, un
lobby puissant veut quitter l’UE pour
ses propres intérêts financiers, et non
dans l’intérêt des travailleurs
ordinaires ou même dans l’intérêt de
classe des compagnons de l’élite.
J’appelle les deux camps, l’un la
Faction Heseltine, d’après le partisan
néolibéral du « Rester », Michael
Heseltine, et l’autre, la Faction
Lawson, d’après le partisan
ultra-néolibéral du « Quitter », Nigel
Lawson; qui sont tous deux d’anciens
ministres conservateurs. Ainsi, l’agenda
pro-Quitter était une arnaque de la part
d’un petit nombre d’élites dirigeantes,
à savoir celles qui souhaitent
déréglementer les marchés financiers, la
faction Lawson.
Il est important de
se rappeler que plus de 50% du
financement du parti conservateur
provient de fonds spéculatifs et
d’autres institutions financières, donc,
les politiciens du « Rester » sont
soumis à un chantage financier pour
faire accepter le Brexit de la part des
institutions financières et des
donateurs des partis qui veulent
« Quitter ».
Il est clair que la
majorité des chefs d’entreprise et des
hommes politiques souhaitaient rester
dans l’Union européenne. Pour eux, la
lenteur de la croissance économique dans
une Union néolibérale était préférable à
l’incertitude du « Quitter ». Les
banques d’investissement appellent cela
« stabilité » et « prévisibilité »,
raison pour laquelle elles aiment
promouvoir des échanges ou des accords
multilatéraux en matière de commerce et
d’investissement, comme l’UE, le
Partenariat Trans-Pacifique, etc. Mais
depuis 20 ans ou plus, une nouvelle
classe de profiteurs a pris de
l’importance : les services financiers
et leurs spécialistes. Les services
financiers incluent les compagnies
d’assurance, les fonds spéculatifs, les
sociétés de liquidité, etc. Ils ont un
point de vue opposé aux néolibéraux plus
traditionnels. Ils croient que le
commerce et les investissements
bilatéraux fonctionnent mieux parce
qu’ils n’importent ni n’exportent de
produits nécessitant un assemblage et
une réimportation, comme le sont les
producteurs traditionnels. Ils
s’appuient sur des transactions
numériques nécessitant très peu de
ressources humaines. Pour eux, la
nouvelle économie, plus rentable, est de
l’argent pur : faire de l’argent à
partir de l’argent. Ils voient des
marchés lucratifs dans les économies en
croissance d’Asie. Ce sont des
ultra-néolibéraux. Donc, l’UE
néolibérale est terrible pour les
travailleurs, mais l’économie des
marchés financiers ultra-néolibéraux est
encore pire.
Le Brexit et les
retombées politiques sont dus à cette
bataille entre les néolibéraux du statu
quo qui pensent devoir continuer à faire
partie de l’UE et les ultra-néolibéraux
qui veulent la quitter. Des éléments du
parti conservateur au Royaume-Uni ont
toujours haï l’Europe, car certains des
acteurs les plus puissants, notamment la
France, ont conservé un certain contrôle
de l’État sur leur économie. Au
Royaume-Uni, les ultra-néolibéraux
veulent le moins de contrôles possibles
de la part des États, sauf lorsque
ceux-ci profitent à leurs copains. Par
exemple, ils étaient contents de
l’intervention de l’État pour renflouer
les banques après la crise de 2008-2009.
Mais ils n’étaient pas heureux lorsque
l’UE a imposé certaines règles (MIFID et
MIFID II) (ndlr : MIFID =
Directive sur les marchés d’instruments
financiers) aux transactions
financières. La Banque d’Angleterre du
gouvernement n’était pas sous le
contrôle de la Banque centrale
européenne, contrairement à ce que
pensaient beaucoup de Britanniques. Mais
les financiers privés ont été contraints
par les directives de l’UE.
Les intérêts de la
faction ultra-néolibérale ont coïncidé
avec la colère d’un grand nombre de
Britanniques de la classe ouvrière
conditionnés par la propagande des
médias visant à leur faire croire que
l’UE était responsable de leur misère
économique. Si les Britanniques avaient
été grecs ou irlandais, cela aurait été
vrai. Dans ces pays, le choix délibéré
d’imposer une austérité financière
brutale aux citoyens européens est venu
des bureaucrates de l’UE et de la
Troïka : la Commission européenne, la
Banque centrale européenne et le Fonds
monétaire international dirigé par les
États-Unis. Mais la politique fiscale et
monétaire britannique n’est pas
déterminée par l’UE car la
Grande-Bretagne n’a jamais accepté
l’euro comme monnaie ni la juridiction
de la Banque centrale européenne. En
fait, à certains égards, la
Grande-Bretagne n’a jamais vraiment
appartenu à l’UE. Elle n’a jamais
accepté l’Euro comme monnaie, n’a jamais
adhéré à l’espace Schengen de libre
circulation et a renoncé à un nombre
record d’accords. Le gouvernement
britannique cite parfois des directives
de l’UE comme prétexte pour privatiser
des biens publics. Par exemple, la
privatisation de Royal Mail, le service
postal britannique, a été adoptée en
vertu d’une directive de l’UE rendant la
privatisation obligatoire. Mais les
gouvernements britanniques successifs
étaient quand même résolus à privatiser,
indépendamment de leur appartenance à
l’UE.
Alors que cela se
poursuivait sur le plan politique, un
grave mécontentement du public vis-à-vis
du statu quo se creusait parmi les
Britanniques de la classe ouvrière, en
particulier les habitants du Nord. La
ville de Londres, dans le sud du pays,
exerce une influence disproportionnée
sur la vie des gens. C’est à Londres que
la politique est définie et que les
budgets sont finalisés. Les gens
ordinaires qui ont peu de contrôle sur
leur vie sont à la merci d’élites
politiques détestées, centrées sur
Londres. Il y a aussi beaucoup de
racisme et de xénophobie au Royaume-Uni.
Les gens disent que les travailleurs
étrangers prennent « leur » travail et
« leur » logement. Il y a une part de
vérité dans cela. Il y a une pénurie de
logements abordables et d’emplois
décents et bien rémunérés. Mais au lieu
de pousser le gouvernement, via les
représentants politiques locaux, à
dépenser plus d’argent pour la
construction de logements à loyer modéré
et d’investir dans les compétences des
travailleurs britanniques, le public a
été entraîné par les médias de droite –
le Sun, le Daily Mail et
d’autres – à blâmer les personnes
économiquement vulnérables – les
immigrants – pour leur situation
difficile. Les accords de l’UE sur la
liberté de circulation ont permis aux
migrants de Pologne et d’ailleurs
d’accéder facilement au Royaume-Uni.
C’est après le milieu des années 2000
que le véritable euroscepticisme,
c’est-à-dire la haine de l’Europe, s’est
accéléré au sein de la classe ouvrière
britannique. L’absence d’investissements
gouvernementaux, en particulier dans le
nord, une population vieillissante (les
gens ont tendance à aller de plus en
plus vers à droite en vieillissant) et
un afflux de migrants ont créé un baril
de poudre.
Après la crise
financière de 2007-2008, l’UE a imposé
des réformes financières très mineures
aux institutions à l’origine du krach.
Certaines d’entre elles n’ont pas aimé
cela et ont fait pression sur le parti
conservateur britannique pour qu’il
quitte l’UE afin d’éviter la
réglementation. Ils ont pu exploiter la
haine des travailleurs à l’égard de l’UE
et nous avons donc le Brexit. Il est
très facile de prouver ce qui se passe,
mais essayez d’en trouver mention dans
les médias.
Dans
« President Trump, Inc. », vous
évoquez les liens des conseillers de
Trump avec les grandes entreprises. La
Maison Blanche n’est-elle pas devenue
elle-même une multinationale ?
Les politiciens
américains ont toujours été dans les
poches des grandes entreprises. Mais
Trump est allé encore plus loin en
écrivant dans son livre « The America
We Deserve » (2000) que « les
non-politiciens », ce qui signifie les
hommes d’affaires – et la plupart
d’entre eux sont des hommes
-« représentent la vague de l’avenir ».
Donc, Trump est ce qui arrive quand les
grandes entreprises prennent le dessus.
Trump s’est
présenté lui-même comme un rebelle, un
outsider. C’est un non-sens. Trump est
ou était ami avec les Clinton. Il y a
des photos de lui jouant au golf avec
Bill. Il est passé de « enfermez-la » en
se référant à Hillary pendant la
campagne, à « Ce sont des gens bien. Je
ne veux pas les blesser… » en parlant
des Clinton en tant que président élu.
Les partisans de Trump et les fanatiques
comme Alex Jones souhaitent ignorer ces
faits. Trump est aussi un pur
opportuniste. Il n’est pas un idéologue
d’extrême droite comme Steve Bannon. En
1999, avec Tim Russert sur Meet the
Press, on demandait à Trump ce qu’il
pensait des républicains. Il a dit
qu’ils étaient « trop fous à droite ».
La vision de Trump à l’époque reflétait
simplement l’humeur du pays, pas son
idéologie personnelle. La plupart des
Américains étaient relativement
démocrates, d’où la victoire électorale
du démocrate Al Gore un an plus tard,
qui avait été volée pour George W. Bush
par le collège électoral. Mais alors que
les démocrates sous Obama et la
candidate Hillary Clinton se déplaçaient
davantage vers la droite, de nombreux
électeurs potentiels démocrates ont
abandonné le parti. Tandis que cela se
passait, une insurrection sous la forme
du Tea Party se déroulait à droite et
gagnait du terrain. Bien qu’il se soit
éloigné du Tea Party parce que ce
n’était pas assez à droite, Steve Bannon
s’est associé avec eux pendant un
moment. Pour rendre sa présidence
viable, Trump a estimé que le pays avait
été suffisamment radicalisé contre les
démocrates et contre les soi-disant
« républicains modérés » qu’il a
qualifiés de « fous de droite » à la fin
des années 90. C’est du pur carriérisme.
Comment Trump
a-t-il réussi? Il a gagné techniquement
à cause du système du collège électoral.
Mais les racines vont plus loin.
Pourquoi y a-t-il assez d’Américains
disposés à voter pour ce personnage
dégoûtant? De la fin de la Seconde
Guerre mondiale jusqu’au milieu des
années 1970, les États-Unis étaient une
sorte de nation au capitalisme d’État.
Les banques ont investi dans les
collectivités : logement, voitures,
avenir des populations, etc. L’économie
était relativement stable, à l’exception
de quelques récessions relativement
faibles. Pour y faire face, il existait
d’importants programmes sociaux, comme
le projet de la Great Society du
président Johnson ou la « guerre contre
la pauvreté ». Même le président Nixon a
été contraint de promulguer une
législation rédigée par des
progressistes tels que Ralph Nader. Mais
les élites financières ont également
poussé à la déréglementation économique.
Au cours des décennies suivantes,
l’ensemble du spectre politique s’est
dirigé vers la droite : les démocrates
sont devenus républicains et les
républicains sont devenus des fous
extrême-droite, ou du moins la faction
Trump.
Les conséquences
socio-économiques ont été graves. Les
pauvres ont en grande partie renoncé à
voter car les démocrates, leurs
représentants traditionnels, se sont
simplement tournés vers les élites de
Wall Street pour obtenir un financement.
Les classes moyennes et supérieures, le
genre de personnes qui ont voté pour
Trump lors de l’élection de 2016, ont
non seulement vu leur part de richesse
diminuer au cours des dernières
décennies, elles ont également été
témoins de changements démographiques.
L’accord de « libre échange » ALENA
signé par Bill Clinton a entraîné une
augmentation de la migration mexicaine,
au moment où 2 millions d’emplois
agricoles mexicains avaient été
supprimés. L’ALENA a réellement été
finalisée par George Bush I, mais les
partisans de Trump le nient en disant
que Bush était vraiment trop à gauche
(!).De plus, la population noire a
continué de croître. Ainsi, beaucoup
d’Américains blancs appartenant à la
classe moyenne, en particulier les
ruraux, voient leurs revenus diminuer,
leur qualité de vie se détériorer, la
vie de leurs enfants se durcir et ce
qu’ils voient comme « leur » pays envahi
par des « clandestins » et des Noirs.
Jusqu’à Trump, les électeurs et les
partisans républicains étaient divisés
entre les supporters du Tea Party et
ceux qui avaient des opinions moins
extrêmes. Mais aucune des deux factions
n’a particulièrement séduit les
électeurs dont le niveau de vie
s’aggravait progressivement. C’est
pourquoi les principaux donateurs de
fonds spéculatifs ont renoncé à leur
candidat Ted Cruz et ont transféré leur
argent à contrecœur vers Donald Trump,
qui a lancé un appel à ces générations
d’infortunés avec ses slogans
accrocheurs : « Enfermez-la ! »,
« Nettoyez les marécages ! », « Rendez
sa grandeur à l’Amérique ! », etc.
Les seules qualités
« rebelles » de Trump sont ses
démonstrations publiques de vulgarité.
Dans le monde réel, ses principaux
donateurs étaient les mêmes personnes
qui ont déréglementé et détruit
l’économie, le secteur financier. Alors
que les médias diffusent des inepties
sur sa prétendue sénilité, sa vie
sexuelle, ses habitudes alimentaires,
etc., les véritables politiques, ses
décrets, sont signés à huis clos avec
peu de commentaires : la mise en place
d’un groupe de travail sur davantage de
marchés financiers et de technologies
financières – ce qui conduira finalement
à un nouveau krach dans une trentaine
d’années -, la dissolution de la
réglementation climatique pour rendre la
qualité de l’air encore pire et extraire
plus de combustibles fossiles, la
renégociation de l’ALENA pour faciliter
l’exportation de davantage de
biotechnologies américaines pouvant
inclure des produits génétiquement
modifiés, l’augmentation du bombardement
du Moyen-Orient, et la poursuite du
système de missiles visant la Russie, ce
qui pourrait conduire à une guerre
nucléaire.
Dans votre livre
« Fire and Fury », vous faites un
constat de ce qu’il se passe en Asie du
Sud-Est. D’après vous, que cache
le jeu trouble de l’administration Trump
qui cible la Chine et la Corée du Nord ?
Trump est critiqué
par les médias « libéraux » pour avoir
fait ce que tout politicien sensé ferait
– ce n’est pas que Trump soit sensé ! -,
à savoir prendre des mesures pour
désamorcer les tensions avec la Corée du
Nord. La situation est extrêmement
précaire, avec les sanctions US-UE sur
la Corée du Nord poussant la population
littéralement au bord de la survie,
plongeant de nombreuses personnes – nous
n’avons pas les chiffres exacts – dans
la famine ; et avec des tests de
missiles de la Corée du Nord au-dessus
du Japon, proche allié des États-Unis.
Il y a une histoire
derrière cela. Après la Seconde Guerre
mondiale, les États-Unis ont divisé la
Corée en deux entités, le Nord et le
Sud. Dans le Sud, les États-Unis ont
collaboré avec un régime dictatorial qui
a assassiné des dizaines de milliers de
Coréens. Le prétexte pour soutenir ce
régime était l’anticommunisme. Le Nord a
été essentiellement cédé au contrôle
soviétique sous la forme d’un apaisement
des États-Unis envers Staline. Des
documents militaires américains
maintenant déclassifiés révèlent que les
planificateurs de guerre occidentaux ont
compris que Staline ne voulait pas
envahir le Sud. D’autres documents
déclassifiés révèlent que l’invasion du
Sud par le Nord en 1950 était une
réaction au renforcement militaire entre
les États-Unis et la Corée du Sud. Non
pas que cela soit justifié, mais cela
pourrait être interprété comme une forme
de guerre préventive; le mantra de
George W. Bush en 2003 lorsqu’il envahit
l’Irak. En réponse à l’invasion prévue
du Sud par le Nord, les États-Unis ont,
selon leurs propres archives militaires,
éliminé 20% de la population du Nord et
détruit 90% de ses bâtiments. D’autres
documents révèlent que le régime
nord-coréen, après avoir appris la leçon
de la brutalité absolue de l’empire et
de la machine de guerre américaines, a
construit des bunkers souterrains
fortifiés en cas d’attaques futures.
Depuis lors, les
États-Unis ont violé traité après traité
avec le Nord. Loin d’être ce pays
étrange fermé au monde, comme le
prétendent les médias occidentaux, la
Corée du Nord a été délibérément isolée
par les États-Unis. En violation de
l’accord d’armistice, les États-Unis ont
implanté des armes, peut-être
nucléaires, en Corée du Sud dans les
années 1950. Malgré cela, un rapport de
la CIA indique qu’il y a eu « une
décennie de silence » jusqu’à ce que les
États-Unis envahissent le Vietnam et
incitent la Corée du Nord à entamer des
manœuvres en riposte pour avertir les
États-Unis. Quatre phases de
renforcement ont commencé, impliquant
principalement des exercices militaires
américano-sud-coréens qui ont pris de
l’ampleur depuis les années 1960. Les
États-Unis ont même lancé des attaques
de jeux de guerre nucléaire sur le Nord.
Mais lorsque George W. Bush est arrivé
au pouvoir et a qualifié la Corée du
Nord d’ »axe du mal », la diplomatie a
disparu. Les États-Unis n’ont jamais
tenu leurs engagements de remplacer les
réacteurs nucléaires nord-coréens, de
fournir du combustible, etc. Ainsi, en
réaction, la Corée du Nord a relancé son
programme d’armement nucléaire, ce qui –
même les experts militaires américains
le concèdent ainsi que les évaluations
annuelles de la menace adressées au
Congrès -, a pour objectif de dissuader
les attaques américaines contre elle.
Essayez de trouver cela dans les médias.
Mais il est
important de rappeler que les États-Unis
n’ont aucun droit légal ou moral
d’obliger la Corée du Nord à renoncer à
son programme nucléaire, pas plus que la
Corée du Nord n’a le droit de faire
abandonner son propre programme aux
États-Unis.
En ce qui concerne
la stratégie de Trump, je pense que nous
devons examiner la situation dans son
ensemble. En matière de politique
étrangère, le Pentagone est responsable.
Il y a des lobbyistes, et les médias
sont très favorables à la guerre. Les
membres du Congrès qui votent contre les
budgets militaires et la guerre, s’il en
existe, sont considérés comme étant
non-patriotes. Le Pentagone se considère
comme le garant militaire d’une
architecture mondiale permettant aux
États-Unis de diriger le monde. Ils
appellent cela la « domination à spectre
complet » et citent les satellites qui
permettent à Internet, aux banques, aux
GPS, aux contrôles du trafic aérien, aux
transports maritimes, etc., de
fonctionner. Leur mission est de
« protéger » cette infrastructure et, ce
faisant, de façonner le monde pour les
intérêts des entreprises américaines.
Jusqu’aux années 1980, la Corée du Sud
était une sorte d’économie capitaliste.
Elle était soumise à des contrôles
étatiques, et les échanges et les
exportations se faisaient via des tarifs
relativement normaux avec le reste du
monde. Mais dans les années 1990, cela a
changé. La Corée du Sud est maintenant
une économie néolibérale. Le même schéma
se répète, mais avec moins de succès en
Chine, qui est maintenant une économie
semi-néolibérale contrôlée par l’État.
La Corée du Nord s’y dirige très
lentement. Ainsi, toute la région évolue
vers un néolibéralisme dirigé par les
États-Unis.
Je ne peux pas le
prouver, mais je suppose que les
États-Unis veulent une Corée unie et
néolibérale agissant comme un rempart
stratégique contre la Chine : pour faire
en sorte que la Chine poursuive le genre
de politiques néolibérales qui profitent
aux entreprises américaines comme Apple
et pour s’assurer que, militairement, la
Chine ne prenne pas trop d’envergure.
Les États-Unis n’autoriseraient pas
soudainement la paix et la possibilité
de réunification des deux Corées si cela
ne servait pas certains intérêts encore
peu clairs.
Votre livre
important “Human Wrongs: British
Social Policy and the Universal
Declaration of Human Rights” va à
l’encontre des idées reçues relayées par
la propagande et les medias mensonges
(vous citez notamment le décès de 20 000
retraités par an qui ne peuvent pas
payer leur chauffage, 40 000 personnes
qui succombent chaque année par la
pollution de l’air, les limites imposées
à la liberté d’expression, la
surveillance massive des Britanniques
par l’État profond, etc.). Ce
livre a le mérite de montrer le vrai
visage de la Grande Bretagne. Ne
pensez-vous pas que c’est un non-sens de
parler de droits de l’homme et de
démocratie en Grande Bretagne ?
Ce n’est pas
insensé de parler des droits de l’homme
en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne a
plus de droits de l’homme nationaux que,
par exemple, l’Arabie saoudite. Mais il
est absurde de penser que les droits ont
été donnés par les élites. L’histoire
des droits est longue. Dans divers
livres d’histoire comme celui d’A.L.
Morton, “A People’s History of
England” ou d’E.P. Thompson “The
Making of the English Working Class”,
nous voyons que les origines des
syndicats, du mouvement des femmes, de
l’affranchissement des travailleurs,
etc., ont été durement gagnées par la
résistance populaire. Par exemple, en
1700, seulement 3% de la population, la
classe aristocratique, avait le droit de
vote. En 1800, les soi-disant
Combination Acts ont été adoptés
afin d’empêcher les travailleurs de
former des associations. Celles-ci sont
devenues connues sous le nom de
syndicats. L’année prochaine marquera le
200e anniversaire du massacre de
Peterloo – le massacre de 15 personnes
qui avaient protesté contre les
conditions socio-économiques de
l’époque. En 1884, avec l’adoption de la
Third Reform Act, les hommes de
la classe ouvrière de plus de 21 ans
obtinrent le droit de vote. Les droits
qui existent aujourd’hui ne doivent pas
être négligés, mais davantage de droits
doivent être acquis. Les élites peuvent
adopter davantage de lois pour entraver
les syndicats, mais elles ne peuvent
pas, par exemple, massacrer les
Britanniques dans la rue comme elles
l’ont fait il y a 200 ans.
Cependant, par
rapport aux autres pays européens, les
droits de la Grande-Bretagne font
gravement défaut. Sur toutes sortes de
mesures, allant de la mortalité
maternelle et infantile au bien-être et
à l’espérance de vie des enfants, le
niveau de la Grande-Bretagne est très
bas. En fait, la Grande-Bretagne est
comme un pays d’Europe de l’Est, de
l’ex-Union soviétique. La raison en est
le néolibéralisme économique et,
contrairement aux pays européens, qui
sont également néolibéraux dans une
certaine mesure, à la disparition du
contrôle de l’État sur l’économie. Après
la Seconde guerre mondiale, la
Grande-Bretagne était tellement dévastée
qu’un investissement national et une
reconstruction étaient nécessaires. Le
parti travailliste naissant, alors âgé
de 45 ans à peine, a réussi à convaincre
suffisamment de personnes pour soutenir
la reconstruction de l’État dans son
ensemble. Le Service national de Santé a
été créé et la sécurité sociale garantie
pour tous. Les conservateurs (Tories)
ont détesté cette idée, mais ils ont
reconnu que tous deux bénéficiaient d’un
soutien populaire. Dans les années 1970,
le soi-disant Nouveau Conservatisme (New
Conservativism) a été créé. Le Parti
travailliste s’est déplacé plus à
droite, avec l’aide de l’argent
américain – Giles Scott-Smith a une
bonne documentation à ce sujet. Dans les
années 1980, le socialisme était dépassé
et même considéré comme dangereux. Une
austérité financière et des lois
antisyndicales de plus en plus brutales
ont été adoptées dans le contexte d’une
culture de « la cupidité, c’est bien ».
Les conséquences
socio-économiques ont été terribles.
Depuis l’année 2010 et avec l’ajout de
plus d’austérité à la suite de la crise
financière, 120 000 personnes sont
décédées des suites de restrictions
sociales. C’est un bilan mortel que
l’État islamique ne peut que rêver
d’infliger. Et c’est un choix. Si nous
comparons la Grande-Bretagne à d’autres
économies telles que l’Allemagne, la
France et l’Italie, qui appliquent des
contrôles plus stricts, nous constatons
moins de morts et moins de misère
sociale. La situation évolue maintenant
avec le néolibéral Macron au pouvoir en
France, mais la situation reste
manifestement meilleure en Europe.
J’ai écrit le livre
« Human Wrongs » en réponse au
70e anniversaire de la Déclaration
universelle des Droits de l’Homme
(DUDH). Le type de politique sociale que
j’ai mentionnée a des conséquences
extrêmes pour les plus pauvres. En fait,
la Grande-Bretagne a violé les 30
articles de la DUDH ces dernières années
; et cela ne concerne que les seuls
problèmes nationaux, sans parler de la
politique étrangère. Ceux-ci incluent le
droit à la vie et le droit de ne pas
être soumis à la torture, à des droits
plus subtils, comme le droit à un
logement décent et le droit à un salaire
suffisant. Les personnes au pouvoir
veulent exploiter la population autant
que possible, même s’il en résulte un
effondrement de la société. Dominic
Raab, un conservateur et secrétaire de
l’éphémère Brexit, est avocat de
formation. Il a écrit un livre
expliquant qu’à son avis – typique d’un
conservateur -, les droits ne devraient
pas aller au-delà d’aléas tels que « la
liberté ». Dans son livre « The
Assault on Liberty », Raab dit
clairement que la gratuité des soins de
santé et un logement décent ne devrait
pas s’étendre au niveau des droits,
contrairement à ce que dit la DUDH.
Ne pensez-vous
pas que la situation dramatique dans
laquelle se trouve Julian Assange depuis
des années est inhumaine et que
l’acharnement inouï qui le cible révèle
le vrai visage de ces fausses
démocraties occidentales ?
La torture mentale
d’Assange aux mains du Royaume-Uni, qui
l’a effectivement emprisonné, et des
États-Unis, qui n’ont pas levé la menace
de l’arrêter et peut-être de l’exécuter,
donnent l’exemple aux dénonciateurs
potentiels : faites cela et soyez puni.
Mais WikiLeaks a un
arrière plan. Il y a un mouvement
mondial, en grande partie financé par le
même genre d’élites qui nous ont donné
Donald Trump, pour faire tomber les
gouvernements. On l’appelle ridiculement
« anarcho-capitalisme », comme si
l’anarchisme et le capitalisme pouvaient
jamais aller de pair. WikiLeaks a
commencé dans ce contexte. Pour autant
que je sache, l’organisation n’a pas
reçu un sou des partisans de Trump, mais
ces soi-disant « libertaires » et
« anarchistes » sont les mêmes personnes
qui ont soutenu WikiLeaks. Vaughan Smith
au Royaume-Uni en est un exemple ; un
riche, l’élite de propriétaires terriens
qui veulent briser le système et qui a
offert une certaine protection à Assange
aussi longtemps que possible. Si vous
regardez les premières révélations de
WikiLeaks, elles ont tendance à se
concentrer sur les gouvernements des
pays pauvres, tels que la Somalie et le
Kenya, dénonçant la corruption. Cela
intéresserait vraisemblablement le
département d’État américain, qui aime
condamner la corruption à l’étranger en
tant qu’arme contre des pays qui n’ont
pas ou ne respectent pas les contrats
commerciaux conclus avec les États-Unis.
Cependant, WikiLeaks a également mis à
nu les États-Unis. Leur but était
d’exposer tout le monde. Assange ne
semblait pas se soucier de qui il avait
reçu un financement. Des courriels
révèlent qu’il était parfaitement
heureux de « tondre », selon ses mots,
la CIA et d’autres organisations. Le
pseudonyme d’Assange était « Mendax »,
qui signifie « menteur » en latin.
Personne n’a
demandé pourquoi les médias mainstream
étaient attentifs, par exemple, en
donnant une plate-forme à WikiLeaks et
en ignorant des sites de dénonciation
plus importants, comme Cryptome.
Il semblait
qu’Assange pensait pouvoir utiliser le
système, mais c’est le système qui l’a
utilisé. Ne vous méprenez pas :
WikiLeaks a fait un travail fantastique.
Je visite fréquemment le site et cite
ses fuites dans mes propres livres. Mais
s’intéresser aux soi-disant causes
libertaires signifiait qu’Assange devait
soutenir ceux qui se prétendaient
libertaires. Notez que WikiLeaks a peu
de dénonciations sur Trump. WikiLeaks a
publié des courriels soigneusement
choisis lors de la campagne
présidentielle d’Hillary Clinton, ce qui
a entraîné une baisse encore plus
marquée de son taux d’approbation, qui
était déjà bas. Cela a joué un rôle dans
le fait que Trump devienne président.
Les progressistes en ont été alarmés,
notamment le grand journaliste Allan
Nairn et la présentatrice de Democracy
Now!, Amy Goodman – tous deux d’anciens
collègues. Ils ont mis Assange sur les
charbons ardents lors d’une interview à
cause de sa politisation de WikiLeaks. À
ce moment-là, WikiLeaks s’exposait pour
ce qu’il est : un outil pour les élites
plus anarchiques, comme j’ai essayé de
le dire depuis des années.
Personne à « gauche » ne voudrait
publier mes découvertes parce que tout
le monde veut croire en un héros, en
l’occurrence Assange.
Mais, comme je le
dis, quelle que soit sa politique,
WikiLeaks a fait un excellent travail et
a fait honte à la presse mainstream.
Dans un premier temps, le New York
Times et le Guardian ont été
les piliers du succès d’Assange.
Ensuite, ils se sont retournés contre
lui. Les seuls à le défendre étaient les
progressistes. Mais quand il a publié
les courriels de Clinton à temps pour
les élections présidentielles, les
progressistes se sont retournés contre
lui. Si les soi-disant libertaires qui
soutiennent Trump pensaient que Trump
sauverait Assange, après avoir
précédemment déclaré son « amour » pour
WikiLeaks, ils se sont terriblement
trompés. Assange est maintenant pris au
piège dans une sorte de vide juridique.
Les Britanniques ont violé des articles
de la DUDH, mentionnés ci-dessus, en
arrêtant Assange ; un point signalé par
l’ONU, qui a déclaré que son traitement
par la Grande-Bretagne était contraire
au droit international.
Vous attirez
l’attention sur l’activisme contre les
accords de libre échange dans
“Privatized Planet: Free Trade as a
Weapon Against Democracy, Healthcare and
the Environment“. Ne pensez-vous pas
qu’il faut un front uni de résistants
contre le capitalisme et
l’ultralibéralisme mondialisés qui
mènent l’espèce humaine à l’extinction
et la planète à l’agonie ? Est-ce trop
tard pour peser sur les rapports de
forces et pour ramener les peuples à
décider de leur avenir ?
Il est difficile de
former un front uni contre la
mondialisation des entreprises pour
plusieurs raisons. Le principal est que
les emplois des gens dépendent des
entreprises. Au Royaume-Uni, et je
suppose que c’est la même chose
ailleurs, 9 entreprises sur 10 échouent
au cours des deux premières années. 8
entreprises sur 10, en gros, emploient
moins de 20 personnes. La mondialisation
est donc un privilège des grands
employeurs monopolistiques. Cela
signifie que la plupart des gens
comptent sur les plus grandes
entreprises pour leur travail. Comment
les gens doivent-ils manifester contre
le système même qui les emploie? C’est
un dilemme crucial.
Vient ensuite la
question de l’intérêt. Jusque dans les
années 1970, la plupart des Américains
et des Européens bénéficiaient de la
mondialisation des entreprises et d’une
économie réglementée. La plupart des
gens étaient de la classe moyenne. Ils
ont eu la possibilité d’acheter une
maison et d’élever des enfants, qui
auraient ensuite un meilleur avenir. Ce
n’était bien sûr pas le cas de tout le
monde : les minorités ethniques
constituaient, dans l’ensemble, la
principale exception. Mais généralement,
la description est correcte. Dans les
années 1970, cela a commencé à changer.
En réponse, des soi-disant héros comme
Donald Trump se présentent et font appel
aux éléments fondamentaux de la classe
moyenne ; ceux-là même qui pourraient
encore une fois bénéficier du
corporatisme. Alors, comment
pouvons-nous faire appel à de telles
personnes et les encourager à faire
pression pour une forme plus égale de
mondialisation globale?
Il y a toutes
sortes d’événements qui se déroulent
dans le monde entier. Si les
travailleurs pouvaient s’informer de ces
événements par le biais de médias
démocratisés, les chances de solidarité
et de coopération avec les élites
seraient plus grandes. Au début des
années 2000, il y a eu des grèves du
textile au Bangladesh contre les
conditions de travail déplorables dans
ce pays. Si les travailleurs
britanniques, qui vendaient les
vêtements fabriqués au Bangladesh,
avaient été informés de ces conditions,
ils auraient pu apporter leur soutien.
Au lieu de cela, l’armée bangladaise a
été appelée dans l’Opération Clean
Heart pour réprimer le soulèvement
social. La Grande-Bretagne a fourni les
armes. Quelques années plus tard, dans
l’Inde voisine, des femmes ont manifesté
devant l’une des banques centrales de
l’Inde pour annuler les dettes qui
conduisent les Indiens à vendre leurs
organes pour survivre. Cela avait été
rapporté par Reuters, si je me souviens
bien, mais avait reçu peu d’attention
ailleurs. La syndicalisation est l’un
des outils clés pour surmonter les abus
sur les êtres humains et sur
l’environnement par les entreprises. La
Colombie est l’un des cas les plus
graves. Les entreprises britanniques, ou
du moins les sociétés en copropriété,
ont vraiment exploité la guerre civile
et l’oppression gouvernementale de
prétendus éléments marxistes. Le géant
pétrolier BP, le brasseur SABMiller et
la société minière AngloGold Ashanti
opèrent en Colombie. L’armée colombienne
et ses liens chez les paramilitaires –
maintenant les gangs – ont défini les
conditions dans lesquelles les
opérations des entreprises sont
extrêmement rentables. Les
syndicalistes, les étudiants, les
politiciens de gauche, les défenseurs de
l’environnement et d’autres sont
brutalisés, intimidés, kidnappés,
torturés et même tués. Il existe des
liens entre les syndicats britanniques
et les syndicats colombiens, un lien qui
fait prendre conscience de la situation
critique des Colombiens au Royaume-Uni.
Mais nous devons
faire attention à ne pas croire les
objectifs déclarés de dirigeants comme
Trump. Trump a déchiré les traités de
mondialisation des entreprises tels que
le PTP (Partenariat Trans-Pacifique) et
l’ALÉNA renégociés pour une raison
simple : ces « accords » n’étaient pas
suffisamment rentables pour les
entreprises américaines. Le PTP
comportait des échappatoires fiscales
permettant aux pays étrangers de faire
payer aux États-Unis des taxes
dissimulées sur la valeur ajoutée. Le
public qui ne connaissait ni ne se
souciait des détails des soi-disant
accords de libre-échange a été dupé en
croyant que Trump se préoccupait des
travailleurs américains. Le fait est que
l’équipe de Trump préfère les accords
individuels ou bilatéraux. Dans une
configuration bilatérale, les États-Unis
sont la dominante des deux pays, dont la
Chine – l’essor économique de la Chine
est en grande partie un mythe, étant
donné que les principaux investisseurs
sont américains. Mais dans une
association politique, comme l’UE ou le
PTP, les États-Unis sont plus faibles.
Les intérêts des travailleurs
américains, c’est-à-dire de ne pas
adhérer au PTP, coïncidait avec les
intérêts des grandes entreprises ; avoir
un accord de « libre échange »
comprenant des dispositions contre les
taxes cachées. C’était un peu comme le
Brexit : il a profité à certaines élites
et a coïncidé avec l’opinion publique.
En outre, de plus en plus d’entreprises
comptent sur l’automatisation. Les pays
étrangers n’ont tout simplement pas
l’infrastructure nécessaire pour
assembler des produits américains avec
des robots. Les entreprises américaines
sont donc en train de se relocaliser.
Trump peut se vanter de cela en
affirmant qu’il ramène des emplois en
Amérique.
L’espoir majeur
voire l’action est concrétisé par un
engagement politique. Syriza de Grèce a
totalement vendu le peuple grec au FMI,
à la Commission européenne et à la
Banque centrale européenne – la troïka.
Mais au moins, il y a des politiques de
gauche. Ses échecs ont ouvert la voie à
la droite, la Nouvelle Démocratie, qui
est actuellement en tête des sondages.
Podemos en Espagne est un autre exemple
de progrès modérément gauchiste qui, en
cas de succès, pourrait être poussé
encore plus loin par un activisme de
base. Bien que n’étant pas encore au
pouvoir au Royaume-Uni, le Parti
travailliste de Corbyn est désormais le
plus grand parti politique en termes
d’adhésion de la base en Europe.
L’Autriche et l’Italie dirigées par des
gouvernements d’extrême droite
présentent également des dangers. Les
partis d’extrême droite et d’extrême
gauche professent un programme
antimondialisation, mais ne s’engagent
pas pleinement à mettre fin à leur
soutien à la mondialisation des
entreprises.
Nous devons agir
vite car il n’est pas du tout certain
qu’un programme d’entreprise néolibéral
puisse survivre. L’année dernière, j’ai
écrit un article pour Truthout
décrivant les nombreux peuples
autochtones du monde, les « tribus »,
comme nous les appelons avec dédain, qui
sont littéralement menacées
d’extinction. C’est ce que notre
civilisation et sa dépendance à la
cupidité des entreprises ont fait,
menant littéralement des milliers de
peuples menacés au bord de l’extinction.
Leur situation critique est un
avant-goût des choses à venir. Si nous
examinons les données sociales dans les
sociétés qui ont été touchées d’abord
par des crises financières, puis par des
programmes néolibéraux, nous constatons
des taux de mortalité massifs. Le
néolibéralisme tue littéralement. Le
néolibéralisme est un système de
cupidité institutionnalisé qui mesure
tout en termes de valeur financière. Un
système mondial basé sur ces principes
inhumains ne pourra pas survivre
longtemps.
Vous avez édité
« Voices for peace« , un livre
cosigné par plusieurs personnalités dont
j’ai interviewé certaines, comme
Kathy Kelly et Noam Chomsky. Selon vous,
les voix de ces personnalités ne
sont-elles pas très importantes dans le
combat qui est livré par les résistants
à travers le monde ?
Ces voix sont des
représentants importants. Chaque auteur
a apporté différentes choses à
l’humanité de différentes manières. Dans
les années 1970, le journaliste John
Pilger a collecté des millions de
dollars pour aider les victimes de la
famine cambodgienne. Il a littéralement
sauvé des vies. Aujourd’hui, John fait
un autre travail essentiel pour
sensibiliser les consciences aux
mensonges du gouvernement. Kathy Kelly
est associée à de nombreux groupes, en
particulier Voices for Creative
Non-Violence en Afghanistan,
fournissant des couvertures, un soutien
émotionnel, etc. Brian Terrell est un
activiste anti-drone engagé qui a été
arrêté à plusieurs reprises. Bruce K.
Gagnon a été un pionnier en matière de
sensibilisation à la militarisation de
l’espace et continue sur sa lancée en
organisant des manifestations, des
entrevues et en écrivant des articles.
Pour les Palestiniens, le fait d’avoir
des Juifs israéliens comme Ilan Pappé
pour défendre leurs droits constitue un
encouragement psychologique important.
Le livre commence
par parler d’activistes de la base,
comme ceux qui déposent des bouteilles
d’eau dans les déserts de la frontière
entre les États-Unis et le Mexique, afin
que les réfugiés mourants puissent
survivre, ou les braves volontaires qui
se procurent des bateaux et sillonnent
les eaux européennes pour rechercher des
hommes, des femmes et des enfants
réfugiés qui se noieraient sans leur
aide ou seraient victimes d’hypothermie.
Ces militants ont un sens aigu de
l’humanité et de la compassion. Ils
n’ont pas besoin de personnalités telles
que Chomsky pour les motiver, mais des
noms bien connus sont importants pour
les représenter, ainsi que leurs causes,
directement ou indirectement, auprès
d’un public plus large. La présentation
par de grands noms est un moyen
d’attirer l’attention sur un travail
important et souvent effectué sur le
terrain par d’autres, mais aussi
effectué par beaucoup de personnes
figurant dans le livre.
Vous êtes
directeur et fondateur de l’Institut
Plymouth pour la recherche sur la paix
(Plymouth Institute for Peace Research).
Pouvez-vous présenter votre organisme à
nos lecteurs ?
PIPR (Plymouth
Institute for Peace Research) a été
fondé en 2014 par mon partenaire et
moi-même afin de commémorer le début de
la Première Guerre mondiale et d’attirer
l’attention sur les guerres et
l’oppression qui se déroulent
aujourd’hui. PIPR est un site web. C’est
une organisation indépendante
autofinancée, autrement dit, son
financement est presque nul. C’était un
choix délibéré, car je ne voulais pas
que l’agenda soit façonné par les
bailleurs de fonds – ce n’est pas que je
n’avais pas d’offres. Contrairement à la
guerre, la paix n’est pas une activité
rentable. Mes livres sont la seule chose
à vendre sur le site. Il n’y a pas de
publicité. Le site contient des archives
de documents contenant ce que je
considère comme les documents les plus
importants : le plan d’expansion des
drones de l’armée américaine, le
programme « maîtriser la météo » de
l’armée de l’air américaine pour tester
les technologies de lutte contre le
changement climatique, la déclaration de
guerre au monde du Commandement spatial
américain, son programme de « domination
totale du spectre », et d’autres.
Le site propose
également des vidéos, notamment un
documentaire de la BBC traitant des
attaques terroristes perpétrées par le
MI6 et la CIA en Europe après la Seconde
Guerre mondiale, l’opération Gladio. Il
y a une page de liens vers d’autres
organisations – que je considère être –
progressistes et anti-guerre, comme
Amnesty International et Code Pink. Il y
a une page des membres honoraires. Parmi
les membres honoraires, il y a : Suaad
Genem, une Israélo-Palestinienne qui a
été chassée de son pays natal en raison
de ses engagements envers les partis
politiques laïques qui défendent les
droits des Palestiniens, Kathy Kelly que
j’ai mentionnée ci-dessus, John Pilger,
et le Dr. Cynthia McKinney, ancien
membre du Congrès et activiste. Certains
membres honoraires n’ont rien apporté au
site et ont été supprimés. D’autres se
sont révélés être des charlatans et ont
également été retirés. La page des
événements soutient Bruce K. Gagnon de
Space4Peace. Nous publions
également des articles sur divers
sujets. Au cours des dernières années,
nous avons agi en tant que site miroir
du groupe de Kathy, Voices for
Creative Non-Violence, en republiant
les articles sur leur site, dont la
plupart concernent leur travail sur le
terrain en Afghanistan.
PIPR a été créé
lorsque mon partenaire et moi vivions à
Exeter, au Royaume-Uni, et participions
à un certain nombre d’activités liées à
la paix à proximité ou à l’intérieur de
la ville : Palestine Solidarité,
anti-esclavage, Campagne contre le
désarmement nucléaire, etc. Il a semblé
judicieux d’établir et d’utiliser PIPR
comme une sorte de plateforme dans
laquelle ces activités apparemment
disparates pourraient se fondre sous la
bannière générale de la paix. En termes
d’activisme pratique et local : nous
avons marché en signe de protestation et
organisé des veilles contre la nouvelle
démolition de Gaza par Israël en 2014,
nous avons rejoint les manifestations
contre l’usine de drones UAV Engines
à Shenstone, au Royaume-Uni, nous avons
soutenu les événements Music for
Peace d’Exeter, nous avons tenu des
stands pour vendre des livres et
distribuer des tracts sur la paix au
festival Exeter Respect, nous
avons pris la parole lors du festival
des martyrs de Tolpuddle dans le Dorset,
au Royaume-Uni, et donné des conférences
ailleurs, y compris à la Cambridge
Stop the War Coalition.
Passer d’Exeter à
une zone plus rurale a rendu plus
difficile le maintien de l’activisme de
base, d’où mon intérêt actuel pour
l’écriture. Au moment où se terminaient
les commémorations de la Première Guerre
mondiale, telles qu’elles se
présentaient, le site a atteint son
objectif. À son apogée, nous obtenions
environ mille visites uniques par jour,
sans publicité ni promotion. Cela tient
uniquement à la popularité des personnes
interrogées et des contributeurs, y
compris ceux mentionnés ci-dessus, ainsi
qu’Ilan Pappé. Nos plus grandes
réussites académiques ont été
d’interviewer Noam Chomsky et de publier
l’article de Bruce K. Gagnon, cité par
le projet Censored de la Sonoma State
University dans son livre Censored 2016.
L’attention du public a été attirée par
hasard sur PIPR lorsque le livre Fire
and Fury de Michael Wolff, qui
partage son titre avec l’un de mes
livres, a été annoncé par Newsweek.
Ce dernier a publié un article sur des
livres portant le même titre que Wolff.
PIPR a été mentionné dans l’article.
C’est une honte que le grand public nous
considère comme étant d’un intérêt
périphérique suscité par la coïncidence
du succès du livre mainstream de Wolff.
Le livre de Wolff est principalement
composé de ragots sans fondement. Mais
cela en dit long sur la culture de la
renommée ainsi que sur le respect et
l’attention accordés aux personnes de
haut rang.
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est le Dr.
T. J. Coles ?
T. J. Coles est
chercheur postdoctoral au Plymouth
University’s Cognition Institute. Il
s’occupe de problèmes liés à la cécité
et aux déficiences visuelles.
Chroniqueur pour AxisOfLogic.com,
il a écrit sur la politique et les
droits de l’homme pour un certain nombre
de publications, dont CounterPunch
et Truthout. Il a écrit plusieurs
livres dont
Union Jackboot (avec Matthew
Alford) et
Manufacturing Terrorism (Clairview
Books),
Britain’s Secret Wars,
Human Wrongs,
Real Fake News,
Voice for Peace,
The Great Brexit Swindle,
President Trump, Inc. and
Fire and Fury.
Il est directeur de
Plymouth Institute for Peace Research
(PIPR).
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
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