Interview
Dr. Abderrahmane Mebtoul :
« L’Algérie
reste confrontée à des défis importants
»
Mohsen Abdelmoumen
Dr.
Abderrahmane Mebtoul. DR.
Dimanche 12 août 2018 English version here
Mohsen
Abdelmoumen : Quel est, aujourd’hui,
le seuil d’équilibre, le prix du baril
qui permet à l’Algérie de ne plus puiser
dans ses réserves de devises, mais de
les reconstituer ? (Quel serait
aujourd’hui le prix du baril qui
permettrait à l’Algérie…)
Dr.
Abderrahmane Mebtoul : Les réserves
de change proviennent essentiellement
des exportations des hydrocarbures (98%
avec les dérivés) dont le prix moyen du
baril de pétrole algérien est passé de
112 dollars juin 2014 à 45 dollars
moyenne annuelle 2016 à 53,97 dollars
en 2017. Elles ont évolué ainsi :
162,2 milliards de dollars en 2010, 182
en 2011, 190 en 2012, 194 en 2013, 180
en 2014, 144 en 2015, 114 en 2016 et 96
milliards de dollars (hors DTS) fin 2017
et hors réserves d’or, l’Algérie
possédant 173 tonnes d’une valeur, au
cours de l’once actuel, d’environ 7
milliards de dollars et, selon le FMI
dans son rapport du 20 juillet 2018,
qui risque de terminer à 12/13 milliards
de dollars fin 2022 avec une très forte
récession économique. Selon le Fonds
monétaire international (FMI) dans son
nouveau rapport sur les perspectives de
croissance dans la région Moyen
Orient-Afrique du
Nord-Afghanistan-Pakistan
(MOANAP), l’Algérie avait besoin d’un
baril à 87,6 USD pour atteindre son
équilibre budgétaire en 2016 contre 60
dollars/baril en 2007, 80 dollars en
2009, 125 dollars en 2010, 140 dollars
en 2012, 110 dollars en 2015. Pour
2017, dans le cadre de la Loi de finance
2017, le niveau est proche de 75
dollars sur la base des dépenses et du
déficit clôturé. Pour 2018, le projet de
la Loi de finances complémentaire de
2018, approuvé le 5 juin 2018 par le
Conseil des ministres, prévoit une
enveloppe de 500 milliards
dinars supplémentaires (environ 4,4
milliards de dollars) en autorisations
de programme, permettant de relancer une
série de projets, notamment sociaux, qui
avaient été gelés ces dernières années
du fait de la tension financière sur le
budget de l’État et qui seront financés
en concours temporaires par le Fonds
national d’investissement (FNI). Il
s’agira notamment de voies ferrées et de
rocades à réaliser ou à moderniser au
profit du nouveau Port centre d’El
Hamdania (Cherchell) et de
l’augmentation de l’exploitation des
mines de phosphates, ainsi que de la
modernisation du port d’Annaba en
liaison avec ce même projet et le méga
projet du Port Centre d’El Hamdania. Ce
projet a été confié à une société mixte
de droit algérien composée du Groupe
public des services portuaires et de
deux compagnies chinoises que sont CSCEC
(China state construction corporation)
et CHEC (China harbour engineering
company) avec pour objectif
d’être aussi un pôle de développement
industriel relié aux réseaux ferroviaire
et autoroutier et bénéficiant, dans sa
proximité immédiate, de deux sites
totalisant 2.000 hectares destinés à
accueillir des projets industriels. Le
trafic portuaire de marchandises dans la
région centre du pays devrait atteindre,
à l’horizon 2050, un volume de 35
millions de tonnes de marchandises/an et
2 millions de conteneurs de 20 pieds
annuellement, contre 10,5 millions de
tonnes traités actuellement par les
ports d’Alger et de Ténès. Le projet,
d’un coût global de 3,3 milliards de
dollars, sera financé dans le cadre d’un
crédit chinois à long terme, le délai
total de réalisation du projet étant de
sept ans.
Pour répondre
directement à votre question, au vu de
la dépense publique actuelle, des
dépenses improductives, des subventions
généralisées sans ciblage, des surcoûts
et d’une mauvaise gestion pour ne pas
dire corruption, il faut un baril
d’environ 100 dollars pour ne pas puiser
dans les réserves de change et
éventuellement les augmenter. Mais
avec une grande rigueur budgétaire, une
meilleure gouvernance, un changement de
cap de la politique économique actuelle,
avec un baril entre 60/70 dollars,
l’Algérie peut s’en sortir, car elle
possède des atouts. L’endettement est
faible, 20% du PIB, la dette extérieure
2,5% du PIB et le secteur bancaire
reste capitalisé, le ratio de
solvabilité étant de 17% au 01 janvier
2017.
Comment évolue
ce seuil ? Je crois comprendre qu’il
monte sur la durée, le gouvernement
augmentant les dépenses publiques année
après année.
Les chiffres
contenus dans le plan d’action de
l’actuel gouvernement font état d’une
dépense publique de 70 milliards de
dollars entre 2000 et 2004, de 193,8
milliards de dollars entre 2005 et 2009,
de 202,41 milliards de dollars
entre 2009 et 2014, et de 64,3 milliards
de dollars de 2015 à 2017. Au
total, les programmes de développement
ont nécessité une enveloppe de 531,8
milliards de dollars durant la période
allant de 2001 à 2017, dont une grande
partie en devises, et le budget de
fonctionnement et de gestion pour la
même période a nécessité une dépense de
l’ordre de 649,9 milliards de dollars,
soit au total 1 187,7 milliards de
dollars. L’Algérie reste
confrontée à des défis importants, posés
par la baisse des prix du pétrole il y a
quatre ans. En dépit d’un ajustement
budgétaire important en 2017, les
déficits budgétaire et du compte courant
extérieur demeurent élevés. La loi de
finances 2018 prévoit des dépenses
budgétaires en très forte hausse par
rapport à l’année 2017. Ces dépenses
devraient s’élever à plus de 8 600
milliards de dinars (près de 75
milliards de dollars), ce qui provoquera
également une forte hausse du déficit
budgétaire programmé à 2 100 milliards
de dinars (environ 18 milliards de
dollars). Donc la dépense publique liée
à la croissance sera fonction de
l’évolution du cours du pétrole et du
gaz. Cependant, je mets en garde le
gouvernement contre l’utilisation
excessive de la planche à billets sans
objectifs précis (voir le cas du
Venezuela, la première réserve mondiale
en pétrole, certes un pétrole
lourd, mais un pays en semi-faillite)
qui aura un impact inflationniste et
accélèrera les sorties de devises
indirectement via les importations, nous
enfermant dans un cercle vicieux
pénalisant les couches les plus
défavorisées, et donc des tensions
sociales sont à venir. Contrairement à
certains discours populiste, ce mode de
financement a un effet inflationniste,
l’Algérie souffrant de rigidités
structurelles contrairement aux pays
développés ou existe une flexibilité des
facteurs de production. Ainsi, malgré
toutes les mesures souvent
bureaucratiques sans vision stratégique,
entre 2009/2017, certaines restrictions
des importations qui ont paralysé
plusieurs secteurs et favorisé le
processus inflationniste, le résultat
est très mitigé. Cette embellie récente
de l’envolée du cours, si elle se
maintenait, limiterait le recours
au financement non
conventionnel prévu de 17/18 milliards
de dollars uniquement pour 2018. En
effet, la loi de finances établie à 50
dollars le baril pour un cours moyen de
70 dollars durant
toute l’année occasionnerait environ 12
milliards de dollars par rapport à ce
plafond. D’où l’importance pour
l’Algérie de comprendre l’évolution des
mutations énergétiques mondiales
déterminantes pour son économie, avec un
quota OPEP de 1,2 millions de barils
jour. Le cours du Brent a été le 10 juin
2018 de 76,40 dollars le Brent et de
65,57 dollars le WTI, encore que
33% des recettes de l’Algérie
proviennent du gaz naturel dont le cours
pour juin 2018 était de 2,90 dollars. Le
MBTU (en nette baisse par rapport à
avril 2017) est déconnecté vis-à-vis du
pétrole, surtout avec le développement
accéléré au niveau mondial du marché
spot. Je recense plusieurs facteurs
déterminants interdépendants des
cours du pétrole 2018/2020/2030 pour
évaluer l’évolution du seuil, facteurs
essentiellement exogènes dont
l’Algérie a une marge d’action limitée.
Tout d’abord, il y
a les tensions géostratégiques au Moyen
Orient, notamment en Syrie, la position
des USA vis-à-vis de l’Accord avec
l’Iran, certes atténué par la position
européenne, et le fait que le monde a
connu un froid inégalé accroissant la
demande. Ensuite, comme vient de le
souligner le rapport de janvier 2018 de
la Banque mondiale, il y a une reprise
de la croissance pour 2018, mais avec
une prévision de ralentissement pour
2019 sans réformes de l’économie
mondiale en Europe, aux USA et notamment
en Chine et en l’Inde. Une autre raison
est le respect, globalement, du quota
des membres de l’OPEP décidé en décembre
2016 à Vienne avec des perspectives de
reconduction de l’accord, notamment de
l’Arabie saoudite. L’OPEP, dans sa
totalité, représente 33% de la
commercialisation mondiale, 67% se
faisant hors OPEP, l’introduction du
pétrole-gaz schistes américain ayant
bouleversé toute la carté énergétique
mondiale. Selon les observateurs
internationaux, le cours souhaitable ne
devrait pas se situer à 70 dollars pour
ne pas pénaliser la croissance
mondiale afin d’éviter l’entrée massive
du pétrole et du gaz de schiste US dont
les gisements marginaux, qui sont les
plus nombreux, deviennent rentables à un
cours supérieur à 60 dollars, inondant
ainsi le marché. L’AIE vient de faire
savoir en ce mois de janvier 2018, que
la production américaine, pour 2018, et
si le cours se maintient supérieur à 60
dollars, dépasserait pour la première
fois la production de l’Arabie
saoudite. Considérons également
l’entente hors OPEP entre l’Arabie
saoudite et la Russie, ces deux pays
produisant plus de 10 millions de
barils/jour. Il y a aussi la situation
politique en Arabie saoudite, les
Bourses ne voyant pas encore clair dans
l’action du prince héritier dans la
lutte contre la corruption, avec la
crainte de tensions politiques internes,
mais surtout de la vente de 5% d’actions
d’une partie de la grande société
Aramco, afin de maintenir l’action à un
niveau élevé, vente qui a été
reportée. Ajoutons la tension au
Kurdistan, cette zone produisant environ
500 000 barils/jour, la baisse de la
production vénézuélienne, les tensions
en Libye et au Nigeria. Il y a aussi la
faiblesse du dollar par rapport à
l’euro. Et enfin, il faut considérer la
baisse ou la hausse des stocks
américains, tout en n’oubliant pas les
stocks chinois.
Quels efforts
ont été entrepris ces dernières années
pour sortir de la dépendance aux
exportations d’hydrocarbures, et avec
quel résultat ?
En ce mois d’août
2018, il faut être réaliste, Sonatrach
c’est l’Algérie et l’Algérie c’est
Sonatrach. L’Algérie est le premier
producteur africain de gaz et le
troisième producteur de pétrole derrière
le Nigéria et l’Angola. En termes
d’énergies renouvelables, le programme
national vise à installer une capacité
de 22 000 mégawatts, ainsi que
l’économie de 9% d’énergie à l’horizon
2030. Bien que les objectifs fixés par
le gouvernement soient ambitieux, ils
semblent atteignables dans des délais
plus larges compte tenu des efforts
consentis par l’Algérie dans ce domaine
et dans le cas où ils perdurent.
Cependant, l’Algérie possède
d’importantes potentialités hors
hydrocarbures : plus de 1000 km de
côtes, un paysage diversifié (Nord-Hauts
plateaux, désert), les nouvelles
technologies, l’agriculture importante
(tout en étant réaliste, car
l’Algérie est un pays semi aride). Le
développement industriel selon le
programme du gouvernement vise la
promotion de l’activité industrielle par
l’instauration d’une dynamique
territoriale autour des centres
techniques industriels, de consortiums
et de clusters, pour permettre le
renforcement des capacités et la
diversification des produits des
filières industrielles. Dans le cadre
des politiques de développement de
l’activité industrielle, les filières
prioritaires qui devraient bénéficier
d’avantages fiscaux sont :
sidérurgiques, mécaniques et
métalliques, électriques et
électroniques, agro-alimentaires,
manufacturiers, la chimie-plastique
(Sonatrach ambitionnant de développer
cette filière avec de grandes
compagnies) et pharmaceutiques (le
secteur de l’industrie pharmaceutique
est estimé à 3,3 Mrd d’euros à fin
2016), les matériaux de construction (en
2017, nous avons connu
l’autosatisfaction en ciment et la
filiale Lafarge Alger a commencé
l’exportation). Des projets de clusters
permettront d’encourager la création, la
participation et le renforcement des
associations professionnelles
constituant un espace intermédiaire de
concertation et de consultation, à
l’effet de dégager des visions
consensuelles sur le moyen et le long
terme concernant le développement
industriel ainsi que l’émergence d’une
véritable sous-traitance, actuellement
embryonnaire, par le renforcement des
relations industrie-université-grandes
écoles-instituts pour la promotion de la
recherche, du développement et de
l’innovation dans les entreprises
industrielles. Les efforts de
recherche relayés par les clusters
permettront ainsi aux entreprises de
persévérer et de rester dans le cadre de
l’innovation pour une meilleure
compétitivité au niveau national et
international. Mais il faut être
réaliste, leur part dans les
exportations est très faible, car il
faut tenir compte à la fois de la
concurrence internationale très rude (la
mondialisation est une réalité), du coût
et des normes de qualité, la solution
étant de travailler en réseaux grâce à
un partenariat gagnant-gagnant avec des
firmes multinationales de renom pour
pénétrer les marchés et acquérir le
transfert de technologie. L’objectif est
la création de consortiums d’exportation
compétitifs et concurrentiels qui
combinent avantageusement savoir faire,
rayonnement international et
adaptabilité. En effet, le tissu
économique selon l’ONS est constitué à
83% de petits commerces-services avec la
dominance en termes juridiques des
sociétés de personnes et des SARL, et
très peu de sociétés par actions. Ce
sont d’abord la majorité des PMI-PME
privées algériennes gérées souvent avec
la famille restreinte qui doivent ouvrir
leur capital si elles veulent être
compétitives, avant de vouloir entrer
dans le capital des entreprises
publiques. Le secteur industriel
représente 6,3% du produit intérieur
brut (PIB) et sur ces 6,3%, 95/97% sont
des petites PMI-PME peu initiées au
management stratégique et à l’innovation
technologique, la concentration du
privé étant dans le BTPH qui dépend
fondamentalement de la dépense publique.
Le secteur privé productif dans la
sphère réelle, notamment les PMI-PME
majoritaires, connait un niveau
d’endettement assez élevé auprès des
banques. Le secteur privé exportateur
est marginal, les quelques cas qui
exportent étant d’ailleurs confrontés à
de nombreuses contraintes. Ils ne
peuvent permettre à eux seuls une
dynamisation globale de la production
hors hydrocarbures, nécessitant des
milliers d’entrepreneurs
dynamiques. Si le secteur privé réalise
80% de la valeur ajoutée hors
hydrocarbures du pays, qui représente
d’ailleurs moins de 2/3% du total des
exportations contre 97/98% pour
Sonatrach, sa part dans
l’investissement productif est
négligeable, certaines sources
donnant moins de 2/3% par an du total de
l’investissement entre 2010 et 2017.
D’une manière
générale, que représente le secteur
privé algérien face au chiffre
d’affaires de Sonatrach qui contribue
directement et indirectement, via la
dépense publique, via les hydrocarbures,
à plus de 80% du produit intérieur brut
? Par ailleurs, le secteur public et
privé dépend à plus de 75% des
équipements et des matières premières
importées donc dépendant de la ressource
hydrocarbures. Un exemple patent pour le
montage des voitures uniquement pour
2017 ; la vitesse de croisière n’ayant
pas été atteinte, on s’oriente vers près
de 2 milliards de dollars d’importation,
le montant pouvant doubler voire
tripler. Qu’en sera-t-il du taux
d’intégration et des perspectives
d’exportation ? Quant au secteur public
marchand hors hydrocarbures, ce n’est
pas uniquement une question de
financement puisque le secteur public a
été assaini à plus de 70 milliards de
dollars entre 1971 et 2017 et plus de
75% sont revenus à la case de départ. Ce
secteur a besoin d’un savoir-faire
managérial et technologique et on
revient à l’économie de la connaissance
(le savoir) sans laquelle aucun
développement n’est possible en ce
XXIème siècle. Enfin, le secteur
informel représente plus de 50% du
produit intérieur brut hors
hydrocarbures, à ne pas confondre avec
la masse monétaire en circulation.
Concernant justement la sphère
informelle, il y a des données
contradictoires alors que trois méthodes
d’évaluation existent : par rapport au
PIB, par rapport à la masse monétaire en
circulation et par rapport à l’emploi
occupé donnant des taux différents (voir
l’étude du professeur Abderrahmane
Mebtoul à l’Institut Français des
Relations Internationales -IFRI- Paris,
décembre 2016 : le poids de la sphère
informelle au Maghreb).
Il suffit, pour
répondre à votre question, d’analyser à
la fois la balance commerciale et
la balance des paiements. La valeur des
exportations (source douanes
algériennes) a été de 45,0 milliards de
dollars en 2005, de 54,6 en 2006, 60,1
en 2007, 79,3 en 2008, 45,2 en 2009
(avec la crise mondiale), 57,0 en
2010 et 73,5 milliards de dollars en
2011. En 2012 : 71,8 milliards de
dollars dont 69,8 (Hydrocarbures – H -),
en 2013 : 64,8 milliards de dollars dont
63,8 (H), en 2014 : 60,1 milliards de
dollars dont 58 (H), en 2015 : 34,5
milliards de dollars dont 33,1 (H) ; en
2016 : 29,3 milliards de dollars dont
27,9 (H), en 2017 : 34,5 milliards USD
dont 33 (H). Les dernières données des
trois premiers mois de 2018 montrent
que les hydrocarbures ont représenté
l’essentiel des ventes algériennes à
l’étranger (93,6% du montant global des
exportations) en s’établissant à 10,03
mds USD contre 8,388 mds USD de janvier
à mars 2017, soit une hausse de 1,64 mds
USD (+19,6%). La valeur des
importations a été de 20,0 milliards de
dollars en 2005, 21,4 en 2006, 27,6 en
2007, 36,5 en 2008, 39,3 en 2009, 40,5
en 2010 et 47,2 en 2011. Selon les
différents rapports officiels entre 2012
à fin mars 2018 relatant l’évolution de
la balance commerciale, les importations
ont évolué ainsi : 2012 : 51,5
milliards de dollars ; 2013 : 54,9 ;
2014 : 59,6 ; 2015 : 52,6 ; 2016 :
49,7 ; 2017 : 48,7 milliards de dollars.
Pour le premier trimestre 2018, les
importations ont légèrement reculé à
11,2 mds USD contre 11,92 mds USD à la
même période de l’année écoulée, soit
une baisse de 714 millions de dollars
(seulement – 6%), ce qui nous
donnerait en tendance annuelle
fin 2018 : environ 45 milliards de
dollars. Cependant, les donnés
statistiques précédentes doivent être
interprétées avec précaution. Le seul
document de référence n’étant pas la
balance commerciale, mais la balance de
paiement. Aux sorties de devises
d’environ 45 milliards de dollars de
biens fin 2018, il faudrait ajouter les
sorties de devises des services qui ont
fluctué annuellement entre 10/11
milliards de dollars entre 2010 et 2017
et les transferts légaux de capitaux, ce
qui nous donnerait un montant de sorties
de devises fluctuant entre 55/60
milliards de dollars pour 2018. En
tenant compte des exportations, le solde
net de sortie de devises se situerait
entre 15/16 milliards de dollars donnant
des réserves de change fin 2018 : entre
83/85 milliards de dollars. C’est
pourquoi la Banque Mondiale prévoit une
aggravation du déficit du budget en 2018
en raison du maintien des dépenses
publiques à un niveau élevé non compensé
par une hausse des recettes. Le déficit
budgétaire devrait atteindre 11,4 % du
PIB. Les perspectives sont encore
plus mauvaises pour les réserves de
change dont le montant (17 mois
d’importations à la fin de 2017)
pourrait ne plus représenter que cinq
mois d’importation d’ici fin 2020, soit
un niveau proche de 30 milliards de
dollars. Même analyse du côté de la
COFACE française et du FMI qui
n’entrevoient pas d’amélioration
sensible du déficit des paiements
courants de l’Algérie qui continuera de
s’élever à 9,3% du PIB en 2018 puis à
9,7% en 2019.
Comment
dynamiser les filières algériennes hors
hydrocarbures ?
Comme analysé
précédemment, cela dépasse le cadre
strictement économique. Enjeu énorme de
pouvoir, le grand défi est de dynamiser
le système financier, poumon du
développement, afin qu’il ne soit plus
un acteur passif de la redistribution de
la rente des hydrocarbures dans le
sillage des sphères de la
clientèle. L’Algérie a une économie de
nature publique avec une gestion
centralisée, et les réformes
structurelles de fond tardent à se
concrétiser sur le terrain. Le système
financier algérien est actuellement dans
l’incapacité d’autonomiser la sphère
financière de la sphère publique, car
elle est totalement articulée à la
sphère publique. La totalité des
activités quelle que soit leur nature se
nourrit de flux budgétaires,
c’est-à-dire que l’essence même du
financement est lié à la capacité réelle
ou supposée du trésor via la rente des
hydrocarbures. On peut considérer que
les conduits d’irrigation, les banques
commerciales et d’investissement en
Algérie, opèrent non plus à partir d’une
épargne puisée du marché, éventuellement
un reliquat du travail, mais par les
avances récurrentes (tirage :
réescompte) auprès de la banque
d’Algérie pour les entreprise publiques
qui sont ensuite refinancées par le
trésor public sous la forme
d’assainissement, puisque pour
l’Algérie, cette transformation n’est
plus dans le champ de l’entreprise mais
se déplace dans le champ institutionnel
(répartition de la rente des
hydrocarbures), dans cette relation, le
système financier algérien est
passif. Ainsi, le marché bancaire
algérien est totalement dominé par les
banques publiques, les banques privées,
malgré leur nombre, étant marginales en
volume de transactions, avec, au niveau
public, la dominance de la BEA,
communément appelée la banque de la
Sonatrach. La bourse d’Alger, création
administrative de 1996 qui aurait pu
dynamiser le secteur productif, est en
léthargie, les plus grandes sociétés
algériennes comme Sonatrach, Sonelgaz et
plusieurs grands groupes privés n’étant
pas cotés en bourse. L’important pour
une bourse fiable est le nombre
d’acteurs fiables au niveau de ce marché
pour l’instant limité. Imaginez-vous un
très beau stade de football pouvant
accueillir plus de 200.000 spectateurs
sans équipe pour disputer la partie. Les
autorités algériennes se sont donc
contentées de construire le stade, mais
sans joueurs. La richesse ne peut
apparaître que dans le cadre de la
transformation du stock de monnaie en
stock de capital, et là est toute la
problématique du développement. Cela
implique la synchronisation de la sphère
réelle et de la sphère financière, de la
dynamique économique et de la dynamique
sociale, au sein d‘une stratégie tenant
compte des enjeux géostratégiques et de
la transformation rapide du monde face à
un bouleversement de la chaîne mondiale
des valeurs et posant cette question :
dans quels segments de filières
l’Algérie peut-elle avoir un avantage
comparatif ? Par ailleurs, la nouvelle
démarche pour le gouvernement algérien,
s’il veut dynamiser les sections hors
hydrocarbures, est d’avoir une vision
stratégique du couple
démonopolisation/privatisation. On ne
doit pas confondre privatisation et
démonopolisation complémentaire, toutes
deux étant des processus éminemment
politiques allant vers le désengagement
de l’État de la sphère économique afin
qu’il se consacre à son rôle de
régulateur stratégique. La
privatisation est un transfert de
propriété d’unités existantes vers le
secteur privé et la démonopolisation
consiste à favoriser le nouvel
investissement privé. L’objectif de la
démonopolisation et de la
privatisation doivent renforcer la
mutation systémique de la
transition d’une économie administrée
vers une économie de marché
concurrentielle. Nous sommes dans le
flou du fait de discours contradictoires
de certains responsables et du fait du
manque de vision stratégique. C’est
qu’historiquement, le secteur privé
algérien s’est développé longtemps à
l’ombre du secteur d’État selon le
fameux slogan, secteur privé facteur
complémentaire du secteur d’État. Un
véritable secteur privé productif a
besoin d‘autonomie. Or, tous les
rapports internationaux sont unanimes :
entre 2010 et 2017, le milieu d’affaires
contraignant dont la bureaucratie
paralysante et la sphère informelle
dominante, ont freiné les véritables
entrepreneurs producteurs de richesse.
La raison essentielle est liée aux
contraintes d’environnement :
bureaucratie pour plus de 50%, un
système financier administré (plus de
90% des crédits octroyés sont le fait de
banques publiques), un système
socio-éducatif inadapté et enfin
l’épineux problème du foncier. À cela
s’ajoute une méfiance vis-à-vis du privé
tant local qu’international du fait que
les tenants de la rente ont peur de
perdre des parcelles de pouvoir. Cela
explique d’ailleurs ces alliances entre
la sphère bureaucratique et certaines
sphères privées spéculatives mues par
des gains de court terme via la rente.
Or, le véritable dynamisme de
l’entreprise, qu’elle soit publique ou
privée, suppose une autonomie de
décision face aux contraintes tant
internes qu’internationales, en évoluant
au sein de la mondialisation
caractérisée par l’incertitude, la
turbulence et l’urgence de prendre des
décisions en temps réel. Il faut donc
s’attaquer à l’essentiel qui est le
renouvellement de la gouvernance, liée à
une profonde moralisation de ceux qui
gèrent la Cité. Sans vision stratégique,
comment adapter l’Algérie à la
mondialisation par plus d’espaces de
libertés, en levant les contraintes
d’environnement afin de permettre
l’épanouissement de l’entreprise
créatrice de richesses ? Il ne faut pas
s’attendre à une véritable relance
économique dont le fondement est
l’accélération des réformes qui doivent
reposer sur une transparence totale et
une large adhésion sociale. En cas
d’absence de vision stratégique axée sur
la concurrence, le processus de
libéralisation, qui doit être maîtrisée
grâce à l’État régulateur, s’avérera un
échec patent avec le risque de passage
d’un nouveau monopole privé spéculateur,
favorisé par le Monopole source
d’inefficience. Comme nous l’avons
montré dans plusieurs contributions
nationales et internationales récentes
en posant la problématique du futur rôle
de l’État dans ses relations avec le
marché, il s’agit de faire naître le
marché dans un contexte de non marché à
travers cette mutation systémique
bouleversant la cohérence des anciens
réseaux pour créer une dynamique
nouvelle à travers de nouveaux réseaux
acquis aux réformes (de nouvelles forces
sociales) dans le cadre d’une nouvelle
cohérence synchronisée avec les
mutations de l’économie mondiale. Cette
dynamique sociale est seule à même
d’éviter ce manque ce cohérence et de
visibilité dans la politique
socio-économique dont les changements
perpétuels de cadres juridiques
(fonction des rapports de force au
niveau du pouvoir) en sont
l’illustration où plusieurs centres de
décisions politiques, atomisant les
décisions, rendent volontairement
opaques les décisions. Aussi, insérer le
secteur privé sans distinction avec
un secteur d’État, comme le stipule la
nouvelle Constitution, suppose une
volonté politique de libéralisation
conciliant l’efficacité économique et
une profonde justice sociale, ce qui ne
signifie pas la fin des entreprises
publiques ayant de brillants
managers qui doivent évoluer dans un
cadre concurrentiel supposant leur
autonomie dans la gestion en ce
monde turbulent et incertain et devant
prendre des décisions de management
stratégique en temps réel. Or, le retour
à la gestion administrée ne peut que
bloquer les énergies créatrices.
La réussite de la dynamisation du
secteur économique, du secteur d’État
concurrentiel, du secteur privé national
et international, est intiment liée à
l’approfondissement de la réforme
globale, dont la réussite est
conditionnée par une plus grande
visibilité dans la politique
socio-économique, un État de Droit et la
démocratisation des décisions
économiques. On doit éviter ce slogan
creux de bradage du patrimoine public,
d’éviter de diaboliser tant le secteur
privé national qu’international qui
créent de la richesse. En bref, l’État
entrepreneur et exploitant direct doit
s’effacer peu à peu pour laisser place à
un État exerçant la puissance publique
et qui sera conforté dans ses missions
naturelles d’arbitrage et de régulation.
D’une manière générale, ce qui est
stratégique aujourd’hui peut ne pas
l’être demain. Car ce que l’on entend
par secteur stratégique et non
stratégique doit être appréhendé non en
statique mais en dynamique du fait à la
fois de l’évolution du monde et de la
structure de l’économie
algérienne. Ainsi la règle des
51/49% qui se fonde sur une vision
idéologique dépassée, a fait fuir des
investisseurs étrangers créateurs
potentiels de valeur ajoutée à terme,
notamment des PMI-PME innovantes. C’est
ce qui ressort du rapport 2018 sur
l’investissement dans le monde, publié
le 06 juin 2018 par la Conférence des
Nations unies sur le commerce et le
développement (Cnuced). Les IDE
(investissements directs étrangers)
ont chuté de 26%, 1,2 milliards de
dollars en 2017, malgré l’ensemble de
mesures incitatives accordées dans le
cadre de la nouvelle loi sur
l’investissement, alors qu’en 2016, ils
avaient atteint 1,665 milliards de
dollars où certains partenaires
étrangers prennent peu de risques,
les surcoûts étant supportés par
l’Algérie, toujours via la rente, ce qui
me semble inapproprié sans avoir défini
ce qui est stratégique et ce qui ne
l’est pas à partir de critères
objectifs (voir interview A. Mebtoul
dans Jeune Afrique 2012). Le
blocage de l’investissement en
Algérie ne réside pas en des changements
de lois ou en l’élaboration de
stratégies utopiques, d’une vision
bureaucratique, comme on ne combat pas
la sphère informelle par des mesures
administratives autoritaires mais en
s’attaquant au fonctionnement de la
société. Nous devons nous orienter vers
une société participative et citoyenne,
en un mot instaurer la démocratie tout
en ne reniant pas notre authenticité, le
dialogue des cultures combattant toute
forme d’intolérance.
Quelles sont les
raisons des retards et des surcoûts
accumulés de l’autoroute Est-Ouest et
comment expliquer les carences
administratives ?
L’autoroute
Est-Ouest est d’une distance de 1216 km
avec un profil en travers: 2×3 voies où
24 wilayas sont desservies ayant prévu
des aires de repos, des
stations-service, des relais routiers et
des centres d’entretien et
d’exploitation de l’autoroute.
L’autoroute Est-Ouest n’a pas modifié le
paysage routier national puisqu’elle a
pour l’essentiel suivi le tracé des
nationales 4 et 5, qui rallient Alger à
Oran et Alger à Constantine. En
revanche, elle risque de bouleverser la
vie économique des 19 wilayas
directement traversées et des 24
desservies. Dans un pays où 85% des
échanges commerciaux s’effectuent par la
route, l’impact risque de se faire
sentir rapidement. Onze tunnels ont
été percés sur deux fois trois voies et
390 ouvrages d’art ont été réalisés,
dont 25 viaducs, pour joindre les
frontières tunisienne, à l’Est, et
marocaine, à l’Ouest. Le programme
d’équipement consiste en la réalisation
de 42 stations-service, 76 aires de
repos (motels, aires de stationnement,
aires de jeux…), 57 gares de péage, 70
échangeurs et 22 postes de garde de la
gendarmerie et autant de points de garde
de la Protection civile. À cela il
faudra prévoir les coûts d’entretien car
on oublie souvent qu’une route
s’entretient et, selon les normes
internationales, cela varie entre 84.000
dollars à 135.000 dollars/an et par km.
Cela pose le problème du coût du péage. Programmée
initialement à 7 milliards de dollars et
devant être livré en 2010, le dernier
tronçon livré au début de l’année 2019
avec 12 voies pour relier l’autoroute
est-ouest au projet de l’autoroute des
Hauts Plateaux avec un coût estimé par
le gouvernement en 2017 à environ 13
milliards de dollars pour 1 216
kilomètres, ce qui fixe le prix moyen de
réalisation d’un kilomètre d’autoroute à
près de 11 millions de dollars. Aux 13
milliards de dollars déjà dépensés, il
faudra encore ajouter des frais annuels
d’entretien. Ces montants seront, sans
doute, supérieurs à la normale en raison
des nombreuses malfaçons commises lors
de sa réalisation et au retard accusé
sur le passage au régime payant. Les
automobilistes payeront leurs
déplacements sur l’autoroute Est – Ouest
à partir de 2018. Selon le projet
préparé par le ministère des Travaux
publics et des Transports, le péage sur
cette autoroute sera calculé sur la base
d’un tarif de 1,2 DA le
kilomètre. Certains directeurs des
travaux publics justifient le retard de
la livraison de l’autoroute Est-ouest
par des problèmes liés à l’indemnisation
des propriétaires des terres qui ont
fait l’objet d’expropriation. Pour
illustrer leurs propos, certains de ces
directeurs ont affirmé que dans la ville
de Médéa, le prix du mètre carré ne
dépasse pas les 450 dinars (cours moyen
115 dinars = un dollar en 2017) et entre
700 et 1000 dinars à Bejaia. Dans la
wilaya de Tizi-Ouzou, les services des
domaines ont proposé aux expropriés la
somme de 1200 dinars le m2 et entre 700
et 900 de dinars à Bouira. Une grande
partie des propriétaires ont refusé le
prix proposé. Pour en revenir au coût de
l’autoroute Est-Ouest, tout projet
fiable doit clairement mettre en relief
la hiérarchie des objectifs, les
résultats escomptés par secteurs, la
portée, les indicateurs performance, les
indicateurs des objectifs et des
échéanciers précis et enfin l’hypothèse
de risques. Or, les responsables de ce
projet s’en tiennent vaguement au
descriptif technique sans se préoccuper
des coûts, ce qui devrait être en
principe la préoccupation principale
tant du gouvernement, du ministre que
des managers. Pour les comparaisons
internationales, il existe des
variations selon qu’il y ait contrainte
ou pas, mais il faut éviter les
comparaisons hasardeuses et ne comparer
que ce qui est comparable. En Algérie,
tous les facteurs sont favorables : la
main-d’œuvre est au moins 10 fois moins
chère qu’en Europe ; il n’y a
relativement presque pas d’intempéries ;
les matériaux utilisés en grande
quantité, les agrégats (tuf, sables et
graviers) ne coûtent pratiquement que
leurs frais d’extraction et le
concassage, le carburant est 5 à 7 fois
moins cher, les loyers, l’électricité et
le gaz aussi, les occupations
temporaires de terrains qui coûtent des
fortunes en Europe ne sont même pas
payantes en Algérie lorsqu’il s’agit de
terrains relevant du domaine public ;
mais il y a des problèmes administratifs
et des procédures bureaucratiques, sans
compter les expropriations et les
démolitions qui sont sources de
surcoûts.
Qu’en est-il du
taux de chômage et du taux d’inflation
officiel en Algérie ? Les chiffres
sont-ils fiables ?
Il existe une loi
économique universelle, le taux d’emploi
est fonction de la pression
démographique, du taux de croissance et
des structures des taux de productivité
relevant d’entreprises compétitives à
valeur ajoutée qui doivent à l’avenir
concilier flexibilité et sécurité du
collectif des travailleurs, à l’aube de
la quatrième révolution économique
mondiale. On ne crée pas des emplois par
décret, la solution de facilité étant la
création d’emplois dans
l’administration. Le taux de
chômage officiel est fortement biaisé
incluant les sureffectifs tant des
administrations que des entreprises
publiques, des emplois temporaires
fictifs (5 mois non créateurs de valeur
ajoutée comme par exemple pour faire et
refaire des trottoirs) et les emplois
dans la sphère informelle.
Paradoxalement, du fait de l’allocation
sectorielle d’investissement via la
dépense publique fortement biaisée
privilégiant les emplois à très faibles
qualification comme le BTPH (70% de la
dépense publique), les diplômés ont plus
de chance d’être chômeurs, et cela
explique le faible taux de croissance et
de productivité. Il faudra créer entre
300.000/400.000 postes de travail par an
entre 2017/2020, qui s‘ajoutent au taux
actuel du chômage, sous estimé du fait
de la pression démographique et de
l’entrée sur le marché du travail de la
population féminine sous-estimée dans
les statistiques, afin de résoudre le
lancinant problème du chômage. Que
deviendront les 2 millions d’étudiants
sortis des universités entre 2018 et
2020 ? Entre 2000 et 2017, le taux de
croissance moyen en Algérie n’a pas
dépassé 3% en moyenne. Bien que ce taux
puisse faire rêver beaucoup de pays
européens, il faut relativiser, car le
taux de croissance se calcule par
rapport à la période précédente et un
accroissement appliqué à un produit
intérieur brut faible (PIB) donne
globalement un taux faible.
Bien que l’indice de développement
humain (IDH) du PNUD soit plus fiable
pour mesurer les performances d’un pays, le produit
intérieur brut (PIB) a évolué de 2001 à
2017 de la façon suivante : 2001, 4 227
milliards de dinars ; – 2005, 7 562
milliards de dinars ; – 2009, 9 968
milliards de dinars (effet de la
crise) ; – 2010, 11 191 milliards de
dinars ; – 2015, 16 952 milliards de
dinars et 175,49 milliards de dollars en
2016. Dans son dernier rapport pour
2017, le FMI classe ainsi les pays du
Maghreb en termes de PIB nominal : – 1er
Egypte, PIB 336.3 milliards de
dollars ; – 2e Algérie, PIB 156.1
milliards de dollars ; – 3e Maroc, PIB
101.4 milliards de dollars ; – 4e
Tunisie, PIB 42.06 milliards de dollars.
Et pour l’Afrique : 1er Nigéria,
PIB 405.4 milliards de dollars ; – 2e
Ghana, PIB 42.69 milliards de dollars ;
– 3e Côte d’Ivoire, PIB 36.16 milliards
de dollars ; – 4e Sénégal, PIB 14.77
milliards de dollars ; – 5e Mali, PIB
14.05 milliards de dollars. Selon la
banque mondiale et le FMI, il sera
difficile pour le taux de croissance du
PIB de l’Algérie de dépasser le seuil de
2% sur la période 2019/2020, ce qui
représente une progression anémique pour
un pays à revenu intermédiaire comptant
une très forte proportion de jeunes, et
cela rend urgent le rééquilibrage des
finances publiques. Mais pour avoir une
appréciation objective de l’évolution du
PIB algérien, il faut le corriger par
l’évolution de la cotation dinar-dollar
au cours officiel (toute dévaluation du
dinar par rapport au dollar abaisse le
PIB en valeur nominale), qui a évolué
ainsi : en 1970, le dinar était
coté à 4,94 dinars pour 1 dollar ;
en 1980, 5,03 dinars pour 1 dollar ;
en 1995, 47,68 dinars pour 1 dollar ;
en 2001, 69,20 dinars pour 1 euro et
77,26 dinars pour 1 dollar ; en 2002,
69,20 dinars pour 1 dollar ; en
2010, 74,31 dinars pour 1 dollar ; en
2013, 79,38 dinars pour 1 dollar ; en
2014, 80,06 dinars pour 1 dollar ;
en 2015, 99,50 dinars pour 1 dollar ; et
le 10 juin 2018, 116 dinars pour 1
dollar et 137 dinars pour 1 euro.
Ce dérapage officiel du dinar voile
l’importance du déficit budgétaire en
gonflant artificiellement la fiscalité
pétrolière et la fiscalité ordinaire à
travers les taxes des produits
importés (calculé en dinars) et donc
l’efficacité de la dépense publique.
Vient ensuite le facteur déterminant du
taux de chômage, la pression
démographique. La population
algérienne a évolué de la manière
suivante : en 1950, 8,87 millions
d’habitants ; en 1960, 11,27 ; en 1970,
14,69 ; en 1980, 19,47 ; en 1990,
26,24 ; 2010, 37,06 ; au 1er janvier
2016, 40,61 ; au 1er janvier 2017,
41,3 ; au 1er janvier 2018, 42,4
millions d’habitants. Les chiffres
donnés par l’ONS (Office national des
Statistiques) sur les prévisions de
l’évolution de la population algérienne
d’ici 2030 serait de 51,026 millions. Et selon
l’hypothèse du rythme actuel de 2,4
enfants par femme d’ici à 2050 pour
atteindre 65 millions d’habitants,
données qui doivent être corrélées à
l’espérance de vie. Alors qu’elle est de
77,1 ans pour les hommes et de 78,2 pour
les femmes, l’espérance de vie sera de
81 ans pour les hommes et de 83 ans pour
les femmes d’ici à 13 ans. Quelle est
la répartition spatiale de la
population ? Selon les données pour
2016, les 12 wilayas ayant une densité
de moins de 20 habitants au km² (Djelfa,
Laghouat, El Oued, Naama, El Bayedh,
Ouargla, Ghardaïa, Adrar, Bechar,
Tamanrasset, Illizi et Tindouf)
représentent 89 % de la superficie du
pays pour à peine 13 % de la population.
Les 36 autres wilayas, toutes situées au
Nord, ont une densité supérieure à 20
habitants au km², représentent 11 % de
la superficie (soit environ 240 000 km2)
et regroupent 87 % de la population. Il
s’ensuit, face au faible taux de
croissance et à la pression
démographique, que la population en
chômage, selon l’organe officiel
algérien de la statistique ONS, était de
15,3% en 2005, 10% en 2011, 11% en 2012,
9,8% en 2012/2013, 10,6% en 2014, 11,2%
en 2015, 10,5% en 2016 et reste
particulièrement élevé chez les jeunes
(28,3%) et chez les femmes (20,7%). Dans
son rapport de 2018, le FMI a abaissé
ses projections pour le chômage en
Algérie à 11,2% en 2018 après avoir
tablé en octobre 2017 sur 13,2%, avec
une projection de 11,1% en
2019. Selon l’ONS, la structure de
l’emploi, d’après le secteur d’activité,
fait ressortir un secteur tertiaire
(commerce et service – administration).
Selon la direction générale de la
Fonction publique, le nombre de
fonctionnaires au 1er janvier 2015 est
de 20 020 172 fonctionnaires dont
1.608.964 à temps plein (79,64%) et 411
208 agents contractuels (20,30%) et est
en progression, absorbant plus de 60% de
la main-d’œuvre totale, suivi par le BTP
(16,6%), l’industrie (13,0%) et enfin
l’agriculture (10,6%). La ventilation,
selon le secteur juridique, fait
ressortir une dominance du secteur privé
ou mixte, soit une part relative de
58,8% de l’emploi total, incluant la
sphère informelle qui, selon le
ministère du Travail, occuperait entre
25/30% de la population. Le salariat
constitue la forme d’emploi dominante
avec 65,3% tant au niveau du secteur
privé formel qu’au niveau du secteur
public mais avec d’importantes
disparités salariales et également
d’importantes disparités observées selon
le sexe. L’emploi féminin se caractérise
par une plus grande concentration dans
le secteur public (61,2% de l’emploi
total). Quant au taux
d’inflation, l’indice se calcule par
rapport à la période précédente. Ainsi
un taux d’inflation faible en T1 par
rapport à un taux d’inflation élevé par
rapport à To donne, cumulés, un taux
d’inflation élevé et pose la question de
l’évolution du salaire réel par rapport
à ce taux cumulé. Le taux officiel a été
selon l’ONS 4,5% en 2012, 8,9% en 2013,
2,92% en 2014, 4,78% en 2015, 6,40% en
2016, 5,59% en 2017. Le cours du dinar
sur le marché parallèle est passé en une
année, de janvier 2017 à juin 2018, de
190 dinars pour 1 euro à 210 dinars pour
un dollar, bon nombre de produits vendus
aux consommateurs s’alignant sur le
cours de ce marché et accélérant le
processus inflationniste. Pour le FMI
dans son rapport d’avril
2018, l’inflation se situerait à 7,4% en
2018 et à 7,6% en 2019, la BM étant plus
pessimiste en annonçant 8,1% en 2019 et
9% en 2020. Cet indice global
masque les disparités et les besoins qui
sont historiquement datés, les besoins
évoluant. Le taux d’inflation
officiel est biaisé, il doit être éclaté
par produits selon le modèle de
consommation par couches sociales
(fonction de la stratification du revenu
national), étant de surcroît comprimé
artificiellement par les
subventions, sinon il dépasserait les
10%. D’une manière générale, ces
résultats posent l’urgence d’une
nouvelle gouvernance, fondement d’une
réorientation de l’actuelle politique
socio-économique pour avoir forcément un
taux de croissance supérieur au taux
de croissance démographique, sinon le
taux de chômage ira en augmentant (taux
de croissance supérieur à 7/8% sur
plusieurs années pour créer
350.000/400.000 nouveaux postes de
travail par an). Cela ne pose t-il pas
également l’impératif d’abandonner les
vieux schémas des années 1970, notamment
en matière de politique industrielle,
afin de s’adapter à la quatrième
révolution économique mondiale qui
s‘annonce irréversible entre 2020/2030,
fondée sur des réseaux, plus de
concertation sociale et plus de
décentralisation, à ne pas confondre
avec la déconcentration, avatar de la
mentalité bureaucratique rentière ?
Interview
réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est le
Professeur Abderrahmane Mebtoul ?
Le Professeur
Abderrahmane Mebtoul est docteur d’État
en sciences économiques et membre de
plusieurs organisations internationales.
Il est l’auteur de 20 ouvrages sur les
relations internationales et sur
l’économie algérienne et de plus de 700
contributions nationales et
internationales. Il a été directeur
d’études au Ministère de l’Énergie –
Sonatrach (de 1974 à 1979 – de 1990 à
1995 – de 2000 à 2007) et a dirigé le
premier audit sur Sonatrach. Il a été
Directeur général et haut magistrat à la
Cour des comptes (premier Conseiller) de
1980 à 1983, expert indépendant au
Conseil économique et social de 1997 à
2008, président du Conseil national des
privatisations de 1996 à 1999 au rang de
Ministre Délégué, expert indépendant
auprès de la présidence de la République
de 2007 à 2008, et expert indépendant
non rémunéré auprès du Premier ministre de
2013 à 2016.
Le Pr. Mebtoul a
dirigé le premier Audit sur Sonatrach
entre 1974 et 1976, le bilan de
l’industrialisation 1977 à 1978, le
premier audit pour le comité central du
FLN sur le secteur privé entre 1979 et
1980. Il a dirigé les audits sur les
surestaries et les surcoûts au
niveau BTPH en relation avec le
Ministère de l’Intérieur, les 31 Walis
et le Ministère de l’Habitat en 1982, a
réalisé au sein de la Cour des Comptes,
l’audit sur l’emploi et les salaires
pour le compte de la présidence de la
République en 2008, l’audit face aux
mutations mondiales et les axes de la
relance socio-économique de l’Algérie à
l’horizon 2020/2030 pour le Premier
ministère en février 2014,
l’audit assisté des cadres de Sonatrach,
d’experts indépendants et du Bureau
d‘études Ernest Young « le prix des
carburants dans un cadre concurrentiel »
pour le Ministère de l’Énergie à Alger
en 2008, et l’audit « pétrole et gaz de
schiste, opportunités et risques » pour
le Premier ministère à Alger en janvier
2015.
Le Pr. Mebtoul a
écrit « l’Algérie a un répit de
seulement trois ans pour changer de cap
» pour le quotidien international
financier français latribune.fr ;
« Destabilization of Algeria would have
Geo-strategic Repercussions on all the
Mediterranean and African Space » dans
American Herald Tribune ; voir
aussi ses contributions sur les
contraintes de financement de l’économie
algérienne au niveau international sur
le site
Mena Forum (Bruxelles – Londres)
« How to Energize the Algiers Bourse
? » ; son interview pour le
quotidien algérien
EL Moudjahid « Nécessité de
dynamiser le système financier national
». Par ailleurs, le Professeur A.
Mebtoul donnera une conférence au
Parlement européen en octobre 2018 sur
le thème suivant : « face aux enjeux
géostratégiques en Méditerranée et en
Afrique, pour un partenariat
gagnant-gagnant Algérie-Europe ».
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour
publication
Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
Le
dossier Algérie
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