Accueil Luc Michel Dossiers Auteurs Communiqués Agenda Invitation à lire Liens Ressources
Dernières mises à jour Les rapports du CPI Le Hamas Les vidéos BDS Ziad Medoukh Centre de la Paix Gaza Université al-Aqsa Gaza Qui? Pourquoi?

Google
sur le web sur Palestine Solidarité

 

 
Centre Palestinien
d'Information



WAFA


 
Invitation à lire





BDS



Solidarité



Produits palestiniens



Eurasie-Afrique


 
En direct d'Iran



Agence syrienne



Agences Russes




 
Radio Chine

Internationale
 
Palestine Solidarité
sur Facebook



Palestine Solidarité
sur VKontakte



 


   


Interview

Dr. Abderrahmane Mebtoul :
« L’Algérie reste confrontée à des défis importants »

Mohsen Abdelmoumen


Dr. Abderrahmane Mebtoul. DR.

Dimanche 12 août 2018

English version here

Mohsen Abdelmoumen : Quel est, aujourd’hui, le seuil d’équilibre, le prix du baril qui permet à l’Algérie de ne plus puiser dans ses réserves de devises, mais de les reconstituer ? (Quel serait aujourd’hui le prix du baril qui permettrait à l’Algérie…)

Dr. Abderrahmane Mebtoul : Les  réserves de change proviennent essentiellement des exportations des hydrocarbures (98% avec les dérivés) dont le  prix moyen du baril de pétrole algérien est passé de 112 dollars juin 2014 à 45 dollars moyenne annuelle  2016 à 53,97 dollars en 2017. Elles ont évolué ainsi : 162,2 milliards de dollars en 2010, 182 en 2011, 190 en 2012, 194 en 2013, 180 en 2014, 144 en 2015, 114 en 2016 et 96 milliards de dollars (hors DTS) fin 2017 et hors réserves d’or, l’Algérie possédant 173 tonnes d’une valeur, au cours de l’once actuel, d’environ 7 milliards de dollars et, selon le FMI dans son rapport du 20 juillet 2018, qui risque de terminer à 12/13 milliards de dollars fin 2022 avec une très forte récession économique. Selon le Fonds monétaire international (FMI) dans son nouveau rapport sur les perspectives de croissance dans la région Moyen Orient-Afrique du Nord-Afghanistan-Pakistan (MOANAP), l’Algérie avait besoin d’un baril à 87,6 USD pour atteindre son équilibre budgétaire en 2016 contre 60 dollars/baril en 2007, 80 dollars en 2009, 125 dollars en 2010, 140 dollars en 2012, 110 dollars en 2015. Pour 2017, dans le cadre de la Loi de finance 2017, le  niveau est proche de 75 dollars sur la base des dépenses et du déficit clôturé. Pour 2018, le projet de la Loi de finances complémentaire de 2018, approuvé le  5 juin 2018 par le Conseil des ministres, prévoit une enveloppe de 500 milliards dinars supplémentaires (environ 4,4 milliards de dollars) en autorisations de programme, permettant de relancer une série de projets, notamment sociaux, qui avaient été gelés ces dernières années du fait de la tension financière sur le budget de l’État et qui seront financés en concours temporaires par le Fonds national d’investissement (FNI). Il s’agira notamment de voies ferrées et de rocades à réaliser ou à moderniser au profit du nouveau Port centre d’El Hamdania (Cherchell) et de l’augmentation de l’exploitation des mines de phosphates, ainsi que de la modernisation du port d’Annaba en liaison avec ce même projet et le méga projet du Port Centre d’El Hamdania. Ce projet a été confié à une société mixte de droit algérien composée du Groupe public des services portuaires et de deux compagnies chinoises que sont CSCEC (China state construction corporation) et CHEC (China harbour engineering company) avec pour objectif d’être  aussi un pôle de développement industriel relié aux réseaux ferroviaire et autoroutier et bénéficiant, dans sa proximité immédiate, de deux sites totalisant 2.000 hectares destinés à accueillir des projets industriels. Le trafic portuaire de marchandises dans la région centre du pays devrait atteindre, à l’horizon 2050, un volume de 35 millions de tonnes de marchandises/an et 2 millions de conteneurs de 20 pieds annuellement, contre 10,5 millions de tonnes traités actuellement par les ports d’Alger et de Ténès. Le projet, d’un coût global de 3,3 milliards de dollars, sera financé dans le cadre d’un crédit chinois à long terme, le délai total de réalisation du projet étant de sept ans.

Pour répondre directement à votre question, au vu de la dépense publique actuelle, des dépenses improductives, des subventions généralisées sans ciblage, des surcoûts et d’une mauvaise gestion pour ne pas dire corruption, il faut un baril d’environ 100 dollars pour ne pas puiser dans les réserves de change et éventuellement les augmenter. Mais avec une grande rigueur budgétaire, une meilleure gouvernance, un changement de cap de la politique économique actuelle, avec un baril entre 60/70 dollars, l’Algérie peut s’en sortir, car elle possède des atouts. L’endettement est faible, 20% du PIB, la dette extérieure 2,5% du PIB  et le secteur bancaire reste capitalisé, le ratio de solvabilité étant de 17% au 01 janvier 2017.

Comment évolue ce seuil ? Je crois comprendre qu’il monte sur la durée, le gouvernement augmentant les dépenses publiques année après année.

Les chiffres contenus dans le plan d’action de l’actuel gouvernement font état d’une dépense publique de 70 milliards de dollars entre 2000 et 2004, de 193,8 milliards de dollars entre 2005 et 2009, de 202,41 milliards de dollars entre 2009 et 2014, et de 64,3 milliards de dollars de 2015 à 2017. Au total,  les programmes de développement ont nécessité une enveloppe de  531,8 milliards de dollars durant la période allant de 2001 à 2017, dont une grande partie en devises, et le budget de fonctionnement et de gestion pour la même période a nécessité une dépense de l’ordre de 649,9 milliards de dollars, soit au total 1 187,7 milliards de dollars. L’Algérie reste confrontée à des défis importants, posés par la baisse des prix du pétrole il y a quatre ans. En dépit d’un ajustement budgétaire important en 2017, les déficits budgétaire et du compte courant extérieur demeurent élevés. La loi de finances 2018 prévoit des dépenses budgétaires en très forte hausse par rapport à l’année 2017. Ces dépenses devraient s’élever à plus de 8 600 milliards de dinars (près de 75 milliards de dollars), ce qui provoquera également une forte hausse du déficit budgétaire programmé à 2 100 milliards de dinars (environ 18 milliards de dollars). Donc la dépense publique liée à la croissance  sera fonction de l’évolution du cours du pétrole et du gaz. Cependant, je mets en garde le gouvernement contre l’utilisation excessive de la planche à billets sans objectifs précis (voir le cas du Venezuela, la première réserve mondiale en pétrole, certes un pétrole lourd, mais un pays en semi-faillite) qui aura un impact inflationniste et accélèrera les sorties de devises indirectement via les importations, nous enfermant dans un cercle vicieux pénalisant les couches les plus défavorisées, et donc des tensions sociales sont à venir. Contrairement à certains discours populiste, ce mode de financement a un effet inflationniste, l’Algérie souffrant de rigidités structurelles contrairement aux pays développés ou existe une flexibilité des facteurs de production. Ainsi, malgré toutes les mesures souvent bureaucratiques sans vision stratégique, entre 2009/2017, certaines restrictions des importations qui ont paralysé plusieurs secteurs et favorisé le processus inflationniste, le résultat est très mitigé. Cette embellie récente de l’envolée du cours,  si elle se maintenait, limiterait le recours au financement non  conventionnel prévu de 17/18 milliards de dollars uniquement pour 2018. En effet, la loi de finances établie à 50 dollars le baril pour un cours moyen de 70 dollars durant toute l’année occasionnerait environ 12 milliards de dollars par rapport à ce plafond. D’où l’importance pour l’Algérie de comprendre l’évolution des mutations énergétiques mondiales déterminantes pour son économie, avec un quota OPEP de 1,2 millions de barils jour. Le cours du Brent a été le 10 juin 2018 de 76,40 dollars le Brent et de 65,57 dollars le WTI,  encore que 33% des recettes de l’Algérie proviennent du gaz naturel dont le cours pour juin 2018 était de 2,90 dollars. Le MBTU (en nette baisse par rapport à avril 2017) est déconnecté vis-à-vis du pétrole, surtout avec le développement accéléré au niveau mondial du marché spot. Je recense plusieurs facteurs déterminants interdépendants des cours du pétrole 2018/2020/2030 pour évaluer l’évolution du seuil, facteurs essentiellement exogènes dont l’Algérie a une marge d’action limitée.

Tout d’abord, il y a les tensions géostratégiques au Moyen Orient, notamment en Syrie, la position des USA vis-à-vis de l’Accord avec l’Iran, certes atténué par la position européenne, et le fait que le monde a connu un froid inégalé accroissant la demande. Ensuite, comme vient de le souligner le rapport de janvier 2018 de la Banque mondiale, il y a une reprise de la croissance pour 2018, mais avec une prévision de ralentissement pour 2019 sans réformes de l’économie mondiale en Europe, aux USA et notamment en Chine et en l’Inde. Une autre raison est le respect, globalement, du quota des membres de l’OPEP décidé en décembre 2016 à Vienne avec des perspectives de reconduction de l’accord, notamment de l’Arabie saoudite. L’OPEP, dans sa totalité, représente 33% de la commercialisation mondiale, 67% se faisant hors OPEP, l’introduction du pétrole-gaz schistes américain ayant bouleversé toute la carté énergétique mondiale. Selon  les observateurs internationaux, le cours souhaitable ne devrait pas se situer à 70 dollars pour ne pas pénaliser la croissance mondiale afin d’éviter l’entrée massive du pétrole et du gaz de schiste US dont les gisements marginaux, qui sont les plus nombreux, deviennent rentables à un cours supérieur à 60 dollars, inondant ainsi le marché. L’AIE vient de faire savoir en ce mois de janvier 2018, que la production américaine, pour 2018, et si le cours se maintient supérieur à 60 dollars, dépasserait pour la première fois la production de l’Arabie saoudite. Considérons également l’entente hors OPEP entre l’Arabie saoudite et la Russie, ces deux pays produisant plus de 10 millions de barils/jour. Il y a aussi la situation politique en Arabie saoudite, les Bourses ne voyant pas encore clair dans l’action du prince héritier dans la lutte contre la corruption, avec la crainte de tensions politiques internes, mais surtout de la vente de 5% d’actions d’une partie de la grande société Aramco, afin de maintenir l’action à un niveau élevé, vente qui a été reportée. Ajoutons la tension au Kurdistan, cette zone produisant environ 500 000 barils/jour, la baisse de la production vénézuélienne, les tensions en Libye et au Nigeria. Il y a aussi la faiblesse du dollar par rapport à l’euro. Et enfin, il faut considérer la baisse ou la hausse des stocks américains, tout en n’oubliant pas les stocks chinois.

Quels efforts ont été entrepris ces dernières années pour sortir de la dépendance aux exportations d’hydrocarbures, et avec quel résultat ?

En ce mois d’août 2018, il faut être réaliste, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. L’Algérie est le premier producteur africain de gaz et le troisième producteur de pétrole derrière le Nigéria et l’Angola. En termes d’énergies renouvelables, le programme national vise à installer une capacité de 22 000 mégawatts, ainsi que l’économie de 9% d’énergie à l’horizon 2030. Bien que les objectifs fixés par le gouvernement soient ambitieux, ils semblent atteignables dans des délais plus larges compte tenu des efforts consentis par l’Algérie dans ce domaine et dans le cas où ils perdurent. Cependant, l’Algérie possède d’importantes potentialités hors hydrocarbures : plus de 1000 km de côtes, un paysage diversifié (Nord-Hauts plateaux, désert), les nouvelles technologies, l’agriculture importante (tout en étant réaliste, car l’Algérie est un pays semi aride). Le développement industriel selon le programme du gouvernement vise la promotion de l’activité industrielle par l’instauration d’une dynamique territoriale autour des centres techniques industriels, de consortiums et de clusters, pour permettre le renforcement des capacités et la diversification des produits des filières industrielles. Dans le cadre des politiques de développement de l’activité industrielle, les filières prioritaires qui devraient bénéficier d’avantages fiscaux sont : sidérurgiques, mécaniques et métalliques, électriques et électroniques, agro-alimentaires, manufacturiers, la chimie-plastique (Sonatrach ambitionnant de développer cette filière avec de grandes compagnies) et pharmaceutiques (le secteur de l’industrie pharmaceutique est estimé à 3,3 Mrd d’euros à fin 2016), les matériaux de construction (en 2017, nous avons connu l’autosatisfaction en ciment et la filiale Lafarge Alger a commencé l’exportation). Des projets de clusters permettront d’encourager la création, la participation et le renforcement des associations professionnelles constituant un espace intermédiaire de concertation et de consultation, à l’effet de dégager des visions consensuelles sur le moyen et le long terme concernant le développement industriel ainsi que l’émergence d’une véritable sous-traitance, actuellement embryonnaire, par le renforcement des relations industrie-université-grandes écoles-instituts pour la promotion de la recherche, du développement et de l’innovation dans les entreprises industrielles. Les efforts de recherche relayés par les clusters permettront ainsi aux entreprises de persévérer et de rester dans le cadre de l’innovation pour une meilleure compétitivité au niveau national et international. Mais il faut être réaliste, leur part dans les exportations est très faible, car il faut tenir compte à la fois de la concurrence internationale très rude (la mondialisation est une réalité), du coût et des normes de qualité, la solution étant de travailler en réseaux grâce à un partenariat gagnant-gagnant avec des firmes multinationales de renom pour pénétrer les marchés et acquérir le transfert de technologie. L’objectif est la création de consortiums d’exportation compétitifs et concurrentiels qui combinent avantageusement savoir faire, rayonnement international et adaptabilité. En effet, le tissu économique selon l’ONS est constitué à 83% de petits commerces-services avec la dominance en termes juridiques des sociétés de personnes et des SARL, et très peu de sociétés par actions. Ce sont d’abord la majorité des PMI-PME privées algériennes gérées souvent avec la famille restreinte qui doivent ouvrir leur capital si elles veulent être compétitives, avant de vouloir entrer dans le capital des entreprises publiques. Le secteur industriel représente 6,3% du produit intérieur brut (PIB) et sur ces 6,3%, 95/97% sont des petites PMI-PME peu initiées au management stratégique et à l’innovation technologique, la concentration du privé étant dans le BTPH qui dépend fondamentalement de la dépense publique. Le secteur privé productif dans la sphère réelle, notamment les PMI-PME majoritaires, connait un niveau d’endettement assez élevé auprès des banques. Le secteur privé exportateur est marginal, les quelques cas qui exportent étant d’ailleurs confrontés à de nombreuses contraintes. Ils ne peuvent permettre à eux seuls une dynamisation globale de la production hors hydrocarbures, nécessitant des milliers d’entrepreneurs dynamiques. Si le secteur privé réalise 80% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures du pays, qui représente d’ailleurs moins de 2/3% du total des exportations contre 97/98% pour Sonatrach, sa part dans l’investissement productif est négligeable, certaines sources donnant moins de 2/3% par an du total de l’investissement entre 2010 et 2017.

D’une manière générale, que représente le secteur privé algérien face au chiffre d’affaires de Sonatrach qui contribue directement et indirectement, via la dépense publique, via les hydrocarbures, à plus de 80% du produit intérieur brut ? Par ailleurs, le secteur public et privé dépend à plus de 75% des équipements et des matières premières importées donc dépendant de la ressource hydrocarbures. Un exemple patent pour le montage des voitures uniquement pour 2017 ; la vitesse de croisière n’ayant pas été atteinte, on s’oriente vers près de 2 milliards de dollars d’importation, le montant pouvant doubler voire tripler. Qu’en sera-t-il du taux d’intégration et des perspectives d’exportation ? Quant au secteur public marchand hors hydrocarbures, ce n’est pas uniquement une question de financement puisque le secteur public a été assaini à plus de 70 milliards de dollars entre 1971 et 2017 et plus de 75% sont revenus à la case de départ. Ce secteur a besoin d’un savoir-faire managérial et technologique et on revient à l’économie de la connaissance (le savoir) sans laquelle aucun développement n’est possible en ce XXIème siècle. Enfin, le secteur informel représente plus de 50% du produit intérieur brut hors hydrocarbures, à ne pas confondre avec la masse monétaire en circulation. Concernant justement la sphère informelle, il y a des données contradictoires alors que trois méthodes d’évaluation existent : par rapport au PIB, par rapport à la masse monétaire en circulation et par rapport à l’emploi occupé donnant des taux différents (voir l’étude du professeur Abderrahmane Mebtoul à l’Institut Français des Relations Internationales -IFRI- Paris, décembre 2016 : le poids de la sphère informelle au Maghreb).

Il suffit, pour répondre à votre question, d’analyser à la fois la balance commerciale et la balance des paiements. La valeur des exportations (source douanes algériennes) a été de 45,0 milliards de dollars en 2005, de 54,6 en 2006, 60,1 en 2007, 79,3 en 2008, 45,2 en 2009 (avec la crise mondiale), 57,0 en 2010 et 73,5 milliards de dollars en 2011. En 2012 : 71,8 milliards de dollars dont 69,8 (Hydrocarbures – H -), en 2013 : 64,8 milliards de dollars dont 63,8 (H), en 2014 : 60,1 milliards de dollars dont 58 (H), en 2015 : 34,5 milliards de dollars dont 33,1 (H) ; en 2016 : 29,3 milliards de dollars dont 27,9 (H), en 2017 : 34,5 milliards USD dont 33 (H). Les dernières données des trois premiers mois de 2018 montrent que les hydrocarbures ont représenté l’essentiel des ventes algériennes à l’étranger (93,6% du montant global des exportations) en s’établissant à 10,03 mds USD contre 8,388 mds USD de janvier à mars 2017, soit une hausse de 1,64 mds USD (+19,6%). La valeur des importations a été de 20,0 milliards de dollars en 2005, 21,4 en 2006, 27,6 en 2007, 36,5 en 2008, 39,3 en 2009, 40,5 en 2010 et 47,2 en 2011. Selon les différents rapports officiels entre 2012 à fin mars 2018 relatant l’évolution de la balance commerciale, les importations ont évolué ainsi : 2012 : 51,5 milliards de dollars ; 2013 : 54,9 ; 2014 : 59,6 ; 2015 : 52,6 ; 2016 : 49,7 ; 2017 : 48,7 milliards de dollars. Pour le premier trimestre 2018, les importations ont légèrement reculé à 11,2 mds USD contre 11,92 mds USD à la même période de l’année écoulée, soit une baisse de 714 millions de dollars (seulement – 6%), ce qui nous donnerait en tendance annuelle fin 2018 : environ 45 milliards de dollars. Cependant, les donnés statistiques précédentes doivent être interprétées avec précaution. Le seul document de référence n’étant pas la balance commerciale, mais la balance de paiement. Aux sorties de devises d’environ 45 milliards de dollars de biens fin 2018, il faudrait ajouter les sorties de devises des services qui ont fluctué annuellement entre 10/11 milliards de dollars entre 2010 et 2017 et les transferts légaux de capitaux, ce qui nous donnerait un montant de sorties de devises fluctuant entre 55/60 milliards de dollars pour 2018. En tenant compte des exportations, le solde net de sortie de devises se situerait entre 15/16 milliards de dollars donnant des réserves de change fin 2018 : entre 83/85 milliards de dollars. C’est pourquoi la Banque Mondiale prévoit une aggravation du déficit du budget en 2018 en raison du maintien des dépenses publiques à un niveau élevé non compensé par une hausse des recettes. Le déficit budgétaire devrait atteindre 11,4 % du PIB. Les perspectives sont encore plus mauvaises pour les réserves de change dont le montant (17 mois d’importations à la fin de 2017) pourrait ne plus représenter que cinq mois d’importation d’ici fin 2020, soit un niveau proche de 30 milliards de dollars. Même analyse du côté de la COFACE française  et du FMI qui n’entrevoient pas d’amélioration sensible du déficit des paiements courants de l’Algérie qui continuera de s’élever à 9,3% du PIB en 2018 puis à 9,7% en 2019.

Comment dynamiser  les filières algériennes hors hydrocarbures ?

Comme analysé précédemment, cela dépasse le cadre strictement économique. Enjeu énorme de pouvoir, le grand défi est de dynamiser le système financier, poumon du développement, afin qu’il ne soit plus un acteur passif de la redistribution de la rente des hydrocarbures dans le sillage des sphères de la clientèle. L’Algérie a une économie de nature publique avec une gestion centralisée, et les réformes structurelles de fond tardent à se concrétiser sur le terrain. Le système financier algérien est actuellement dans l’incapacité d’autonomiser la sphère financière de la sphère publique, car elle est totalement articulée à la sphère publiqueLa totalité des activités quelle que soit leur nature se nourrit de flux budgétaires, c’est-à-dire que l’essence même du financement est lié à la capacité réelle ou supposée du trésor via la rente des hydrocarbures. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement en Algérie, opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la banque d’Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite refinancées par le trésor public sous la forme d’assainissement, puisque pour l’Algérie, cette transformation n’est plus dans le champ de l’entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures), dans cette relation, le système financier algérien est passif. Ainsi, le marché bancaire algérien est totalement dominé par les banques publiques, les banques privées, malgré leur nombre, étant marginales en volume de transactions, avec, au niveau public, la dominance de la BEA, communément appelée la banque de la Sonatrach. La bourse d’Alger, création administrative de 1996 qui aurait pu dynamiser le secteur productif, est en léthargie, les plus grandes sociétés algériennes comme Sonatrach, Sonelgaz et plusieurs grands groupes privés n’étant pas cotés en bourse. L’important pour une bourse fiable est le nombre d’acteurs fiables au niveau de ce marché pour l’instant limité. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 200.000 spectateurs sans équipe pour disputer la partie. Les autorités algériennes se sont donc contentées de construire le stade, mais sans joueurs. La richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Cela implique la synchronisation de la sphère réelle et de la sphère financière, de la dynamique économique et de la dynamique sociale, au sein d‘une stratégie tenant compte des enjeux géostratégiques et de la transformation rapide du monde face à un bouleversement de la chaîne mondiale des valeurs et posant cette question : dans quels segments de filières l’Algérie peut-elle avoir un avantage comparatif ? Par ailleurs, la nouvelle démarche pour le gouvernement algérien, s’il veut dynamiser les sections hors hydrocarbures, est d’avoir une vision stratégique du couple démonopolisation/privatisation. On ne doit pas confondre privatisation et démonopolisation complémentaire, toutes deux étant des processus éminemment politiques allant vers le désengagement de l’État de la sphère économique afin qu’il se consacre à son rôle de régulateur stratégique. La privatisation est un transfert de propriété d’unités existantes vers le secteur privé et la démonopolisation consiste à favoriser le nouvel investissement privé. L’objectif de la démonopolisation et de la privatisation doivent renforcer la mutation systémique de la transition d’une économie administrée vers une économie de marché concurrentielle. Nous sommes dans le flou du fait de discours contradictoires de certains responsables et du fait du manque de vision stratégique. C’est qu’historiquement, le secteur privé algérien s’est développé longtemps à l’ombre du secteur d’État selon le fameux slogan, secteur privé facteur complémentaire du secteur d’État. Un véritable secteur privé productif a besoin d‘autonomie. Or, tous les rapports internationaux sont unanimes : entre 2010 et 2017, le milieu d’affaires contraignant dont la bureaucratie paralysante et la sphère informelle dominante, ont freiné les véritables entrepreneurs producteurs de richesse. La raison essentielle est liée aux contraintes d’environnement : bureaucratie pour plus de 50%, un système financier administré (plus de 90% des crédits octroyés sont le fait de banques publiques), un système socio-éducatif  inadapté et enfin l’épineux problème du foncier. À cela s’ajoute une méfiance vis-à-vis du privé tant local qu’international du fait que les tenants de la rente ont peur de perdre des parcelles de pouvoir. Cela explique d’ailleurs ces alliances entre la sphère bureaucratique et certaines sphères privées spéculatives mues par des gains de court terme via la rente. Or, le véritable dynamisme de l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, suppose une autonomie de décision face aux contraintes tant internes qu’internationales, en évoluant au sein de la mondialisation caractérisée par l’incertitude, la turbulence et l’urgence de prendre des décisions en temps réel. Il faut donc s’attaquer à l’essentiel qui est le renouvellement de la gouvernance, liée à une profonde moralisation de ceux qui gèrent la Cité. Sans vision stratégique, comment adapter l’Algérie à la mondialisation par plus d’espaces de libertés, en levant les contraintes d’environnement afin de permettre l’épanouissement de l’entreprise créatrice de richesses ? Il ne faut pas s’attendre à une véritable relance économique dont le fondement est l’accélération des réformes qui doivent reposer sur une transparence totale et une large adhésion sociale. En cas d’absence de vision stratégique axée sur la concurrence, le processus de libéralisation, qui doit être maîtrisée grâce à l’État régulateur, s’avérera un échec patent avec le risque de passage d’un nouveau monopole privé spéculateur, favorisé par le Monopole source d’inefficience. Comme nous l’avons montré dans plusieurs contributions nationales et internationales récentes en posant la problématique du futur rôle de l’État dans ses relations avec le marché, il s’agit de faire naître le marché dans un contexte de non marché à travers cette mutation systémique bouleversant la cohérence des anciens réseaux pour créer une dynamique nouvelle à travers de nouveaux réseaux acquis aux réformes (de nouvelles forces sociales) dans le cadre d’une nouvelle cohérence synchronisée avec les mutations de l’économie mondiale. Cette dynamique sociale est seule à même d’éviter ce manque ce cohérence et de visibilité dans la politique socio-économique dont les changements perpétuels de cadres juridiques (fonction des rapports de force au niveau du pouvoir) en sont l’illustration où plusieurs centres de décisions politiques, atomisant les décisions, rendent volontairement opaques les décisions. Aussi, insérer le secteur privé sans distinction avec un secteur d’État, comme le stipule la nouvelle Constitution, suppose une volonté politique de libéralisation conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale, ce qui ne signifie pas la fin des entreprises publiques ayant de brillants managers qui doivent évoluer dans un cadre concurrentiel supposant leur autonomie dans la gestion en ce monde turbulent et incertain et devant prendre des décisions de management stratégique en temps réel. Or, le retour à la gestion administrée ne peut que bloquer les énergies créatrices. La réussite de la dynamisation du secteur économique, du secteur d’État concurrentiel, du secteur privé national et international, est intiment liée à l’approfondissement de la  réforme globale, dont la réussite est conditionnée par une plus grande visibilité dans la politique socio-économique, un État de Droit et la démocratisation des décisions économiques. On doit éviter ce slogan creux de bradage du patrimoine public, d’éviter de diaboliser tant le secteur privé national qu’international qui créent de la richesse. En bref, l’État entrepreneur et exploitant direct doit s’effacer peu à peu pour laisser place à un État exerçant la puissance publique et qui sera conforté dans ses missions naturelles d’arbitrage et de régulation. D’une manière générale, ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne pas l’être demain. Car ce que l’on entend par secteur stratégique et non stratégique doit être appréhendé non en statique mais en dynamique du fait à la fois de l’évolution du monde et de la structure de l’économie algérienne. Ainsi la règle des 51/49% qui se fonde sur une vision idéologique dépassée, a fait fuir des investisseurs étrangers créateurs potentiels de valeur ajoutée à terme, notamment des PMI-PME innovantes. C’est ce qui ressort du rapport 2018 sur l’investissement dans le monde, publié le 06 juin 2018 par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Les IDE (investissements directs étrangers) ont chuté de 26%, 1,2 milliards de dollars en 2017, malgré l’ensemble de mesures incitatives accordées dans le cadre de la nouvelle loi sur l’investissement, alors qu’en 2016, ils avaient atteint 1,665 milliards de dollars où certains partenaires étrangers prennent peu de risques, les surcoûts étant supportés par l’Algérie, toujours via la rente, ce qui me semble inapproprié sans avoir défini ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas à partir de critères objectifs (voir interview A. Mebtoul dans Jeune Afrique 2012). Le blocage de l’investissement en Algérie ne réside pas en des changements de lois ou en l’élaboration de stratégies utopiques, d’une vision bureaucratique, comme on ne combat pas la sphère informelle par des mesures administratives autoritaires mais en s’attaquant au fonctionnement de la société. Nous devons nous orienter vers une société participative et citoyenne, en un mot instaurer la démocratie tout en ne reniant pas notre authenticité, le dialogue des cultures combattant toute forme d’intolérance.

Quelles sont les raisons des retards et des surcoûts accumulés de l’autoroute Est-Ouest  et comment expliquer les carences administratives ?

L’autoroute Est-Ouest est d’une distance de 1216 km avec un profil en travers: 2×3 voies où 24 wilayas sont desservies ayant prévu des aires de repos, des stations-service, des relais routiers et des centres d’entretien et d’exploitation de l’autoroute. L’autoroute Est-Ouest n’a pas modifié le paysage routier national puisqu’elle a pour l’essentiel suivi le tracé des nationales 4 et 5, qui rallient Alger à Oran et Alger à Constantine. En revanche, elle risque de bouleverser la vie économique des 19 wilayas directement traversées et des 24 desservies. Dans un pays où 85% des échanges commerciaux s’effectuent par la route, l’impact risque de se faire sentir rapidement. Onze tunnels ont été percés sur deux fois trois voies et 390 ouvrages d’art ont été réalisés, dont 25 viaducs, pour joindre les frontières tunisienne, à l’Est, et marocaine, à l’Ouest. Le programme d’équipement consiste en la réalisation de 42 stations-service, 76 aires de repos (motels, aires de stationnement, aires de jeux…), 57 gares de péage, 70 échangeurs et 22 postes de garde de la gendarmerie et autant de points de garde de la Protection civile. À cela il faudra prévoir les coûts d’entretien car on oublie souvent qu’une route s’entretient et, selon les normes internationales, cela varie entre 84.000 dollars à 135.000 dollars/an et par km. Cela pose le problème du coût du péage. Programmée initialement à 7 milliards de dollars et devant être livré en 2010, le dernier tronçon livré au début de l’année 2019 avec 12 voies pour relier l’autoroute est-ouest au projet de l’autoroute des Hauts Plateaux avec un coût estimé par le gouvernement en 2017 à environ 13 milliards de dollars pour 1 216 kilomètres, ce qui fixe le prix moyen de réalisation d’un kilomètre d’autoroute à près de 11 millions de dollars. Aux 13 milliards de dollars déjà dépensés, il faudra encore ajouter des frais annuels d’entretien. Ces montants seront, sans doute, supérieurs à la normale en raison des nombreuses malfaçons commises lors de sa réalisation et au retard accusé sur le passage au régime payant. Les automobilistes payeront leurs déplacements sur l’autoroute Est – Ouest à partir de 2018. Selon le projet préparé par le ministère des Travaux publics et des Transports, le péage sur cette autoroute sera calculé sur la base d’un tarif de 1,2 DA le kilomètre. Certains directeurs des travaux publics justifient le retard de la livraison de l’autoroute Est-ouest par des problèmes liés à l’indemnisation des propriétaires des terres qui ont fait l’objet d’expropriationPour illustrer leurs propos, certains de ces directeurs ont affirmé que dans la ville de Médéa, le prix du mètre carré ne dépasse pas les 450 dinars (cours moyen 115 dinars = un dollar en 2017) et entre 700 et 1000 dinars à Bejaia. Dans la wilaya de Tizi-Ouzou, les services des domaines ont proposé aux expropriés la somme de 1200 dinars le m2 et entre 700 et 900 de dinars à Bouira. Une grande partie des propriétaires ont refusé le prix proposé. Pour en revenir au coût de l’autoroute Est-Ouest, tout projet fiable doit clairement mettre en relief la hiérarchie des objectifs, les résultats escomptés par secteurs, la portée, les indicateurs performance, les indicateurs des objectifs et des échéanciers précis et enfin l’hypothèse de risques. Or, les responsables de ce projet s’en tiennent vaguement au descriptif technique sans se préoccuper des coûts, ce qui devrait être en principe la préoccupation principale tant du gouvernement, du ministre que des managers. Pour les comparaisons internationales, il existe des variations selon qu’il y ait contrainte ou pas, mais il faut éviter les comparaisons hasardeuses et ne comparer que ce qui est comparable. En Algérie, tous les facteurs sont favorables : la main-d’œuvre est au moins 10 fois moins chère qu’en Europe ; il n’y a relativement presque pas d’intempéries ; les matériaux utilisés en grande quantité, les agrégats (tuf, sables et graviers) ne coûtent pratiquement que leurs frais d’extraction et le concassage, le carburant est 5 à 7 fois moins cher, les loyers, l’électricité et le gaz aussi, les occupations temporaires de terrains qui coûtent des fortunes en Europe ne sont même pas payantes en Algérie lorsqu’il s’agit de terrains relevant du domaine public ; mais il y a des problèmes administratifs et des procédures bureaucratiques, sans compter les expropriations et les démolitions qui sont sources de surcoûts.

Qu’en est-il du taux de chômage et du taux d’inflation officiel en Algérie ?  Les chiffres sont-ils fiables ?

Il existe une loi économique universelle, le taux d’emploi est fonction de la pression démographique, du taux de croissance  et des structures des taux de productivité relevant d’entreprises compétitives à valeur ajoutée qui doivent à l’avenir concilier flexibilité et sécurité du collectif des travailleurs, à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale. On ne crée pas des emplois par décret, la solution de facilité étant la création d’emplois dans l’administration. Le taux de chômage officiel est fortement biaisé incluant les sureffectifs tant des administrations que des entreprises publiques, des emplois temporaires fictifs (5 mois non créateurs de valeur ajoutée comme par exemple pour faire et refaire des trottoirs) et les emplois dans la sphère informelle. Paradoxalement, du fait de l’allocation sectorielle d’investissement via la dépense publique fortement biaisée privilégiant les emplois à très faibles qualification comme le BTPH (70% de la dépense publique), les diplômés ont plus de chance d’être chômeurs, et cela explique le faible taux de croissance et de productivité. Il faudra créer entre 300.000/400.000 postes de travail par an entre 2017/2020, qui s‘ajoutent au taux actuel du chômage, sous estimé du fait de la pression démographique et de l’entrée sur le marché du travail de la population féminine sous-estimée dans les statistiques, afin de résoudre le lancinant problème du chômage. Que deviendront les 2 millions d’étudiants sortis des universités entre 2018 et 2020 ? Entre 2000 et 2017, le taux de croissance moyen en Algérie n’a pas dépassé 3% en moyenne. Bien que ce taux puisse faire rêver beaucoup de pays européens, il faut relativiser, car le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente et un accroissement appliqué à un produit intérieur brut faible (PIB) donne globalement un taux faible. Bien que l’indice de développement humain (IDH) du PNUD soit plus fiable pour mesurer les performances d’un pays, le produit intérieur brut (PIB) a évolué de 2001 à 2017 de la façon suivante : 2001, 4 227 milliards de dinars ; – 2005, 7 562 milliards de dinars ; – 2009, 9 968 milliards de dinars (effet de la crise) ; – 2010, 11 191 milliards de dinars ; – 2015, 16 952 milliards de dinars et 175,49 milliards de dollars en 2016. Dans son dernier rapport pour 2017, le FMI classe ainsi les pays du Maghreb en termes de PIB nominal : – 1er Egypte, PIB 336.3 milliards de dollars ; – 2e Algérie, PIB 156.1 milliards de dollars ; – 3e Maroc, PIB 101.4 milliards de dollars ; – 4e Tunisie, PIB 42.06 milliards de dollars. Et pour l’Afrique : 1er Nigéria, PIB 405.4 milliards de dollars ; – 2e Ghana, PIB 42.69 milliards de dollars ; – 3e Côte d’Ivoire, PIB 36.16 milliards de dollars ; – 4e Sénégal, PIB 14.77 milliards de dollars ; – 5e Mali, PIB 14.05 milliards de dollars. Selon la banque mondiale et le FMI, il sera difficile pour le taux de croissance du PIB de l’Algérie de dépasser le seuil de 2% sur la période 2019/2020, ce qui représente une progression anémique pour un pays à revenu intermédiaire comptant une très forte proportion de jeunes, et cela rend urgent le rééquilibrage des finances publiques. Mais pour avoir une appréciation objective de l’évolution du PIB algérien, il faut le corriger par l’évolution de la cotation dinar-dollar au cours officiel (toute dévaluation du dinar par rapport au dollar abaisse le PIB en valeur nominale), qui a évolué ainsi :  en 1970, le dinar était coté à 4,94 dinars pour 1 dollar ; en 1980, 5,03 dinars pour 1 dollar ; en 1995, 47,68 dinars pour 1 dollar ; en 2001, 69,20 dinars pour 1 euro et 77,26 dinars pour 1 dollar ; en 2002, 69,20 dinars pour 1 dollar ; en 2010, 74,31 dinars pour 1 dollar ; en 2013, 79,38 dinars pour 1 dollar ; en 2014, 80,06 dinars pour 1 dollar ; en 2015, 99,50 dinars pour 1 dollar ; et le 10 juin 2018, 116 dinars pour 1 dollar et 137 dinars pour 1 euro. Ce dérapage officiel du dinar voile l’importance du déficit budgétaire en gonflant artificiellement la fiscalité pétrolière et la fiscalité ordinaire à travers les taxes des produits importés (calculé en dinars) et donc l’efficacité de la dépense publique. Vient ensuite le facteur déterminant du taux de chômage, la pression démographique. La population algérienne a évolué de la manière suivante : en 1950, 8,87 millions d’habitants ; en 1960, 11,27 ; en 1970, 14,69 ; en 1980, 19,47 ; en 1990, 26,24 ; 2010, 37,06 ; au 1er janvier 2016, 40,61 ; au 1er janvier 2017, 41,3 ; au 1er janvier 2018, 42,4 millions d’habitants. Les  chiffres donnés par l’ONS (Office national des Statistiques) sur les prévisions de l’évolution de la population algérienne d’ici 2030 serait de 51,026 millions. Et selon l’hypothèse du rythme actuel de 2,4 enfants par femme d’ici à 2050 pour atteindre 65 millions d’habitants, données qui doivent être corrélées à l’espérance de vie. Alors qu’elle est de 77,1 ans pour les hommes et de 78,2 pour les femmes, l’espérance de vie sera de 81 ans pour les hommes et de 83 ans pour les femmes d’ici à 13 ans. Quelle est la répartition spatiale de la population ? Selon les données pour 2016, les 12 wilayas ayant une densité de moins de 20 habitants au km² (Djelfa, Laghouat, El Oued, Naama, El Bayedh, Ouargla, Ghardaïa, Adrar, Bechar, Tamanrasset, Illizi et Tindouf) représentent 89 % de la superficie du pays pour à peine 13 % de la population. Les 36 autres wilayas, toutes situées au Nord, ont une densité supérieure à 20 habitants au km²,  représentent 11 % de la superficie (soit environ 240 000 km2) et regroupent 87 % de la population. Il s’ensuit, face au faible taux de croissance et à la pression démographique, que la population en chômage, selon l’organe officiel algérien de la statistique ONS, était de 15,3% en 2005, 10% en 2011, 11% en 2012, 9,8% en 2012/2013, 10,6% en 2014, 11,2% en 2015, 10,5% en 2016  et reste particulièrement élevé chez les jeunes (28,3%) et chez les femmes (20,7%). Dans son rapport de 2018, le FMI a abaissé ses projections pour le chômage en Algérie à 11,2% en 2018 après avoir tablé en octobre 2017 sur 13,2%, avec une projection de 11,1% en 2019. Selon l’ONS, la structure de l’emploi, d’après le secteur d’activité, fait ressortir un secteur tertiaire (commerce et service – administration). Selon la direction générale de la Fonction publique, le nombre de fonctionnaires au 1er janvier 2015 est de 20 020 172 fonctionnaires dont 1.608.964 à temps plein (79,64%) et 411 208 agents contractuels (20,30%) et est en progression, absorbant plus de 60% de la main-d’œuvre totale, suivi par le BTP (16,6%), l’industrie (13,0%) et enfin l’agriculture (10,6%). La ventilation, selon le secteur juridique, fait ressortir une dominance du secteur privé ou mixte, soit une part relative de 58,8% de l’emploi total, incluant la sphère informelle qui, selon le ministère du Travail, occuperait entre 25/30% de la population. Le salariat constitue la forme d’emploi dominante avec 65,3% tant au niveau du secteur privé formel qu’au niveau du secteur public mais avec d’importantes disparités salariales et également d’importantes disparités observées selon le sexe. L’emploi féminin se caractérise par une plus grande concentration dans le secteur public (61,2% de l’emploi total). Quant au taux d’inflation, l’indice se calcule par rapport à la période précédente. Ainsi un taux d’inflation faible en T1 par rapport à un taux d’inflation élevé par rapport à To donne, cumulés, un taux d’inflation élevé et pose la question de l’évolution du salaire réel par rapport à ce taux cumulé. Le taux officiel a été selon l’ONS 4,5% en 2012, 8,9% en 2013, 2,92% en 2014, 4,78% en 2015, 6,40% en 2016, 5,59% en 2017. Le cours du dinar sur le marché parallèle est passé en une année, de janvier 2017 à juin 2018, de 190 dinars pour 1 euro à 210 dinars pour un dollar, bon nombre de produits vendus aux consommateurs s’alignant sur le cours de ce marché et accélérant le processus inflationniste. Pour le FMI dans son rapport d’avril 2018, l’inflation se situerait à 7,4% en 2018 et à 7,6% en 2019, la BM étant plus pessimiste en annonçant 8,1% en 2019 et 9% en 2020. Cet indice global masque les disparités et les besoins qui sont historiquement datés, les besoins évoluant. Le taux d’inflation officiel est biaisé, il doit être éclaté par produits selon le modèle de consommation par couches sociales (fonction de la stratification du revenu national), étant de surcroît comprimé artificiellement par les subventions, sinon il dépasserait les 10%. D’une manière générale, ces résultats posent l’urgence d’une nouvelle gouvernance, fondement d’une réorientation de l’actuelle politique socio-économique pour avoir forcément un taux de croissance supérieur au taux de croissance démographique, sinon le taux de chômage ira en augmentant (taux de croissance supérieur à 7/8% sur plusieurs années pour créer 350.000/400.000 nouveaux postes de travail par an). Cela ne pose t-il pas également l’impératif d’abandonner les vieux schémas des années 1970, notamment en matière de politique industrielle, afin de s’adapter à la quatrième révolution économique mondiale qui s‘annonce irréversible entre 2020/2030, fondée sur des réseaux, plus de concertation sociale et plus de décentralisation, à ne pas confondre avec la déconcentration, avatar de la mentalité bureaucratique rentière ?

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

 

Qui est le Professeur Abderrahmane Mebtoul ?

Le Professeur Abderrahmane Mebtoul est docteur d’État en sciences économiques et membre de plusieurs organisations internationales. Il est l’auteur de 20 ouvrages sur les relations internationales et sur l’économie algérienne et de plus de 700 contributions nationales et internationales. Il a été directeur d’études au Ministère de l’Énergie – Sonatrach (de 1974 à 1979 – de 1990 à 1995 – de 2000 à 2007) et a dirigé le premier audit sur Sonatrach. Il a été Directeur général et haut magistrat à la Cour des comptes (premier Conseiller) de 1980 à 1983,  expert indépendant au Conseil économique et social de 1997 à 2008, président du Conseil national des privatisations de 1996 à 1999 au rang de Ministre Délégué, expert indépendant auprès de la présidence de la République de 2007 à 2008, et expert indépendant non rémunéré auprès du Premier ministre de 2013 à 2016.

Le Pr. Mebtoul a dirigé le premier Audit sur Sonatrach entre 1974 et 1976,  le bilan de l’industrialisation 1977 à 1978, le premier audit pour le comité central du FLN  sur le secteur privé entre 1979 et 1980. Il a dirigé les audits sur les surestaries et les surcoûts au niveau BTPH en relation avec le Ministère de l’Intérieur, les 31 Walis et le Ministère de l’Habitat en 1982, a réalisé au sein de la Cour des Comptes, l’audit sur l’emploi et les salaires pour le compte de la présidence de la République en 2008, l’audit face aux mutations mondiales et les axes de la relance socio-économique de l’Algérie à l’horizon 2020/2030 pour le Premier ministère en février 2014, l’audit assisté des cadres de Sonatrach, d’experts indépendants et du Bureau d‘études Ernest Young « le prix des carburants dans un cadre concurrentiel »  pour le Ministère de l’Énergie à Alger en 2008, et l’audit « pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques » pour le Premier ministère à Alger en janvier 2015.

Le Pr. Mebtoul a écrit « l’Algérie a un répit de seulement trois ans pour changer de cap » pour le quotidien international financier français latribune.fr ;  « Destabilization of Algeria would have Geo-strategic Repercussions on all the Mediterranean and African Space » dans American Herald Tribune ; voir aussi ses contributions sur les contraintes de financement de l’économie algérienne au niveau international sur le site Mena Forum (Bruxelles – Londres) « How to Energize the Algiers Bourse ? » ; son interview pour le quotidien algérien EL Moudjahid « Nécessité de dynamiser le système financier national ». Par ailleurs, le Professeur A. Mebtoul donnera une conférence au Parlement européen en octobre 2018 sur le thème suivant : « face aux enjeux géostratégiques en Méditerranée et en Afrique, pour un partenariat gagnant-gagnant Algérie-Europe ».

Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour publication

 

 

   

Le sommaire de Mohsen Abdelmoumen
Le dossier Algérie
Les dernières mises à jour



Source : Mohsen Abdelmoumen
https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/...

Abonnement newsletter: Quotidienne - Hebdomadaire
Les avis reproduits dans les textes contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs. 
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org




Ziad Medoukh

Analyses et poèmes
 
Toumi Djaidja

Analyses

René Naba

Analyses
 
Manuel de Diéguez

Analyses

Hadassah Borreman

YECHOUROUN

Bruno Guigue

Analyses

Chems Eddine Chitour

Analyses

Mikhaïl
Gamandiy-Egorov

Afrique-Russie
 
Luc Michel

Analyses

Fadwa Nassar

Analyses et traductions
 
Robert Bibeau

Analyses
 
Salim Lamrani

Analyses
 
Manlio Dinucci

Analyses
 
Mohsen Abdelmoumen

Analyses