La liberté d’expression chez les
donneurs de leçons
et dans la « nouvelle » Ukraine
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Mardi 29 avril 2014
La liberté d’expression. Un
droit censé être inébranlable et
pourtant de plus en plus remis en cause
par justement ceux qui s’autoproclament
à chaque bonne et moins bonne occasion
être les défenseurs absolus de cette
même liberté, partout et toujours.
Par ceux qui ont toujours
crié qu’il s’agit d’un droit « sacré »
auquel il est tout simplement interdit
de toucher. Et la réalité ?
La réalité est
malheureusement (pour eux) toute autre.
On ne parlera pas aujourd’hui du
problème de pensée unique qui règne chez
nos « partenaires » occidentaux, ainsi
que des pressions exercées sur les
journalistes pour qu’ils suivent à la
lettre la politique rédactionnelle du
mainstream. Après tout, libre à chacun
d’accepter cette donne ou de ne pas
l’accepter, s’agissant dans le cas
présent d’un choix avant tout moral,
plus qu’autre chose.
Aujourd’hui nous traiterons
cette dite « liberté d’expression »
version occidentale, mais également et à
travers un certain nombre d’exemples la
situation qui prévaut dans ce domaine à
l’heure actuelle dans la « nouvelle »
Ukraine, puisqu’il s’agit de l’actualité
phare du moment. Un pays pourtant et si
l’on croit le mainstream, être censé
avoir retrouvé les « valeurs
démocratiques », à l’instar des « amis »
(ou plutôt des instigateurs)
outre-Atlantique et bruxellois. On verra
ce qu’il en est vraiment.
Commençons par les
instigateurs. Il est vrai qu’à l’heure
des nouvelles technologies, y compris en
matière de communication, il existe
d’énormes moyens d’obtenir différentes
sources d’information. Cela évidemment
ne ravit en rien l’élite médiatique
occidentale, qui à l’instar de son élite
politique ayant déjà perdu le monopole
de la politique internationale et le
statut de gendarme mondial, s’apprête
elle aussi à être détrônée. Plusieurs
raisons à cela. La principale
probablement étant qu’à force de mentir
sur des sujets critiques et lorsqu’un
grand nombre de vies humaines sont « en
jeu », l’opinion publique aux quatre
coins du monde, y compris leur propre
opinion publique, commence à se
détourner massivement de ces
médias-mensonges.
Et aujourd’hui face aux
médias du mainstream, il y a une chaine
TV d’information continue qui pose un
grand problème. Il s’agit de RT,
précédemment appelée Russia Today,
chaîne russe diffusant à l’heure
actuelle en langue anglaise, arabe,
espagnole et russe. Un média
d’information alternative (il faut bien
le dire) ayant atteint une popularité
énorme sur tous les continents sans
exception. A ce titre, en été dernier,
elle a dépassé le chiffre d’un milliard
de visionnages sur Youtube (faisant
d’elle la chaîne d’information la plus
regardée sur le principal site mondial
d’hébergement de vidéos), et où elle
compte aujourd’hui près de 1,3 million
d’abonnés. RT a par
ailleurs une portée mondiale de plus de
630 millions de personnes, soit plus de
25% de tous les abonnés du câble à
travers le monde.
Eh bien cette chaine pose
beaucoup de problèmes, aussi bien à
l’élite médiatique que politique
occidentales, qui désormais ne cachent
plus le fait qu’elle devient extrêmement
gênante pour leurs intérêts. Principale
raison à cela ? Une approche différente
dans l’apport de l’information, en
faisant la lumière sur des faits et
réalités que CNN, BBC,
France 24 et compagnie
préfèrent elles cacher… Désormais on
entend pratiquement ouvertement et de la
part des officiels occidentaux les plus
gradés, ainsi que de la part des
représentants de lobbies concernés, le
désir de limiter (ou de préférence
carrément stopper) la diffusion de
RT, partout où cela serait
possible. Le secrétaire d’Etat étasunien
John Kerry a pour sa part « nommé » la
chaine russe internationale comme étant
« le porte-voix de la propagande de la
Russie ». La direction de RT
a immédiatement réclamé des excuses et
surtout de présenter des preuves et
faits réels qui confirmeraient ces
accusations sans fondement. La
rédactrice en chef de RT,
Margarita Simonian, a par ailleurs écrit
sur son compte Twitter « qu’il est
surprenant que le secrétaire d’Etat
Kerry, dans un temps difficile et
humiliant pour sa patrie, ne trouve rien
de mieux que de s’inquiéter pour notre
chaine TV ».Elle a par ailleurs
noté que cela en dit long sur la liberté
d’expression dans les USA contemporains.
Le ministre russe des Affaires
étrangères, Sergueï Lavrov, a pour sa
part accusé la propagande des USA de
vouloir dénigrer la Russie et a jugé le
ton de son homologue étasunien
inacceptable.
En parlant d’ailleurs de
propagande et à ce titre, Kerry
aurait-il oublié l’exemple flagrant
d’août 2008 ? Lorsqu’un présentateur de
la chaine TV étasunienne Fox News
avait tout fait pour faire taire deux
témoins ossètes, une jeune fille et sa
tante, venues témoigner de l’attaque de
la capitale sud-ossète Tskhinval par le
régime criminel de Saakachvili, après
qu’il s’était rendu compte qu’elles
remettaient ouvertement en cause la
version officielle des USA. Ou de la
manière comment les médias étasuniens
couvraient (et couvrent encore) les
interventions criminelles de leur pays
en Yougoslavie, Irak, Libye ou la crise
syrienne. En tout cas et ce qui est sûr,
c’est que de plus en plus de « voix »
venant des élites politiques et
médiatiques occidentales (USA et
Grande-Bretagne en premier lieu) «
s’élèvent » dans leur combat contre
RT et les médias russes
diffusant à l’étranger. Dire la vérité
en étant professionnels, efficaces et
appréciés, constitue donc désormais un
grave « danger » pour les élites
occidentales. Un « danger » dont il faut
tout faire pour se débarrasser.
D’accord, on a compris mais le monde
n’est pas aveugle.
Passons à l’Ukraine.
Certains journalistes et hommes
politiques occidentaux continuent
ardemment d’affirmer que l’Ukraine « se
porte de mieux en mieux » depuis que les
« nouvelles autorités » (putschistes)
ont « accédé au pouvoir » (par les
armes), à Kiev. On n’abordera pas les
énormes soucis économiques et financiers
actuels de l’Ukraine qui la mènent droit
vers la catastrophe, pure et simple.
Concentrons-nous sur l’aspect de la
liberté d’expression, notamment pour les
journalistes.
Eh bien, voici la réalité
avec plusieurs exemples assez
révélateurs à l’appui :
- Dernièrement, les
pseudo-autorités de Kiev ont demandé à
tous les journalistes ukrainiens de «
suivre à la ligne » la politique
informationnelle « voulue » par le
nouveau pouvoir. Cela en dit long.
- Lors des nombreux débats
en Russie au sujet de la crise
ukrainienne, bon nombre de journalistes
ukrainiens y sont invités et y prennent
part en avançant librement leur «
version » des faits. Y compris le
représentant en Russie de l’Agence
d’information ukrainienne UNIAN, détenue
par l’oligarque israélo-ukrainien Igor
Kolomoïsky, soutenant ouvertement et
ardemment les putschistes de Kiev. Les
journalistes russes, eux, sont tout
simplement désormais interdits d’entrée
sur le territoire ukrainien. Ceux qui
s’y trouvaient ou s’y trouvent font,
eux, face à des menaces et des attaques
incessantes. Comme l’atteste d’ailleurs
la photo du lien suivant :http://www.rg.ru/2014/04/26/journalist-site-anons.html,
où l’on voit un journaliste russe
(correspondant du média LifeNews),
Sergueï Golyandine, être mis à genoux
par des militaires ukrainiens qui
pointent leurs armes sur lui, au
checkpoint entre les régions de Kharkov
et Donetsk (sachant parfaitement qu’il
est journaliste…).
- Et autre exemple
significatif pour montrer l’état de la
liberté d’expression dans la « nouvelle
» Ukraine pro-occidentale et la manière
d’appliquer cette « liberté » : les
autorités putschistes de Kiev ont
interdit la diffusion des chaines TV
russes sur tous les territoires étant
sous leur occupation. Parallèlement,
toutes les villes des régions de Donetsk
et Lougansk, qui sont aujourd’hui
contrôlées par les résistants
antifascistes, ont vu le rétablissement
de la diffusion des chaines russes, mais
aucune interdiction n’a été pratiquée à
l’encontre des chaines TV ukrainiennes…
Devenant par la même occasion les seuls
endroits d’un pays jadis uni (bien que
très artificiellement) où existe encore
la pluralité des opinions. Et c’est ce
qui constitue probablement la meilleure
réponse possible.
Questions logiques qui
ressortent de tout cela : qui représente
mieux la pluralité des opinions ? Qui
défend mieux la liberté d’expression ?
Et autre question que je pense légitime,
lorsque X ou Y affirme défendre et
représenter la « liberté, la vérité et
la démocratie », pourquoi doit-il avoir
peur d’une opinion divergente ? Ou les
donneurs de leçons avec leurs
marionnettes ont-ils désormais
officiellement adopté le totalitarisme
fasciste comme modèle de développement ?
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