La Voix de la
Russie
Transit du gaz russe vers l’UE via
l’Ukraine ?
Fini. Tout passera par la Turquie
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Maroš
Šefčovič - © Photo: AFP/JOHN THYS
Jeudi 15 janvier 2015
Les politiciens bruxellois ont
tendance à faire les comédiens.
Malheureusement, bien souvent la comédie
tourne à la tragédie mais ainsi en
est-il. Quant à la « surprise » des
dirigeants de Bruxelles sur le fait que
désormais le gaz russe destiné à l’UE
passera par la Turquie et non pas par
l’Ukraine, cela fait bien sourire…
En effet, la nouvelle était
assez récente mais ne datait tout de
même pas d’hier. La visite du président
russe Vladimir Poutine en Turquie en
décembre de l’année qui vient de
s’écouler avait pourtant mis tous les
points sur les « i ». A savoir que la
Turquie a confirmé une fois encore
qu’elle ne se joindra pas aux «
sanctions » occidentales contre la
Russie, au contraire la Turquie y voyant
une énorme opportunité d’accroitre le
partenariat bilatéral avec son voisin du
nord, un partenariat déjà fort
important, compte tenu notamment du
niveau des relations économiques et
commerciales (la Russie est tout
simplement le deuxième partenaire
commercial de la Turquie).
L’autre point clé de cette
visite chez un partenaire stratégique
concernait bien évidemment l’aspect
gazier. Gazprom ayant décidé
d’abandonner à juste titre la
construction du projet « South Stream »
et se focaliser sur la construction
commune avec la société turque de
transport des hydrocarbures Botas d’un
second gazoduc russo-turque qui passera
sous la mer Noire. L’UE ne s’y attendait
alors pas, pas plus que la junte
néofasciste de Kiev. Et pourtant ni en
Russie, ni en Turquie, on ne s’amuse à
jeter des paroles en l’air. Accord
signé, il faut se mettre au travail.
Cependant, le
vice-président pour l’énergie de la
Commission européenne, Maroš Šefčovič,
en visite à Moscou hier, a exprimé toute
sa « surprise » quant au fait que
désormais le gaz russe allant vers l’UE
transitera de moins en moins par la «
new Ukraine », jusqu’au moment où notre
gaz ne transitera tout simplement plus
par cette zone. Tout passera alors via
notre voisin du sud, la Turquie en
l’occurrence. Les technocrates de
Bruxelles sont quand même incroyables.
En arrivant à Moscou, M. Šefčovič
s’attendait certainement qu’on lui
annonce que l’accord signé entre la
Russie et la Turquie en décembre dernier
n’était qu’un poisson d’avril hivernal,
et qu’en général il n’allait jamais se
réaliser. Pourtant, c’est tout autre
chose qu’il a entendu de la part du PDG
de Gazprom, Alexeï Miller : « A l’
avenir, Gazprom cessera tout transit de
gaz destiné à l’Union européenne via
l’Ukraine, pour se focaliser sur la
Turquie ».Point.
Et devant le « grand
étonnement » de son homologue de l’UE,
M. Miller a ajouté : « qu’en cas
de refus de l’UE de travailler selon les
nouvelles réalités, les volumes de gaz
russe destinés à l’Union européenne,
iront vers d’autres marchés ».Vraiment
difficile d’y ajouter quelque chose si
ce n’est trois points importants :
1) Cette manœuvre de la
Russie et un véritable triple coup
contre Washington et Bruxelles. La junte
de Kiev, pour laquelle les USA & UE sont
désormais censés porter entière
responsabilité, a du fil à retordre.
L’Ukraine, ou plutôt ce qu’il en reste,
se trouvant déjà dans une situation
chaotique, devra désormais oublier les
sommes fort importantes que la Russie
lui versait pour le transit de notre gaz
allant aux consommateurs de l’Union
européenne. Un transit d’ailleurs trop
souvent source de chantage de Kiev
envers Moscou. Fini. Aux nouveaux «
parrains » d’en prendre donc soin. Ce
n’est plus le problème de la Russie de
garder à flot l’économie ukrainienne.
Une réalité donc à laquelle il leur
faudra là-encore bien s’adapter.
2) La Turquie en sort
également gagnante. Et possèdera
désormais des leviers supplémentaires de
pression sur l’UE.
3) Quant à la Russie, elle
a montré une fois encore que c’est bien
elle qui choisit avec qui elle fera
affaire et avec qui elle ne fera pas. La
Turquie étant un partenaire beaucoup
plus fiable que l’Ukraine « nouvelle
version ». Et malgré des désaccords
évidents sur des questions de politique
internationale, surtout en ce qui
concerne la Syrie, où Moscou et Ankara
partagent des positions pratiquement
diamétralement opposées, et dans une
moindre mesure sur la Crimée, les deux
pays ont montré qu’ils ont aussi et
surtout un bon nombre de positions
communes. Et en premier lieu, celui de
la défense de leurs intérêts nationaux
réciproques. La Turquie a beau être
membre de l’OTAN, et ne pas partager un
certain nombre de positions avec la
Russie, elle a au moins le mérite d’être
capable de mener une politique
indépendante et souveraine, surtout
lorsque cela touche à ses intérêts les
plus stratégiques.
Le tout à la très grande
différence des nombreuses colonies
étasuniennes sur le continent européen.
© 2005—2015 La
Voix de la Russie
Publié le 20 janvier 2015 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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