Sputnik
Quand la Russie dame le pion à
l’Occident
dans le Maghreb
Mikhail Gamandiy-Egorov
© Sputnik.
Dmitry Astakhov
Vendredi 13 octobre 2017
Source:
Sputnik
Personne n’est irremplaçable. Y compris
ceux qui pensaient l’être des décennies
et même des siècles durant. Le train
avance, et beaucoup le voient filer.
Coopération
renforcée avec Alger, multiplication des
conventions avec Rabat, dont un
spectaculaire accord de libre-échange
entre la Russie et le Maroc, la tournée
de Medvedev en
Afrique du Nord se solde par un
succès. Une fois encore, Moscou et les
tenants de la multipolarité bousculent
les positions de l'Occident.
Dmitri Medvedev revient di Maghreb
les mains pleines. Le Premier ministre
russe a en effet marqué des points
importants au Maroc, qui était vu
jusqu'à présent comme un allié
occidental solide. En Algérie, moins de
surprises, puisque l'alliance
stratégique entre Moscou et Alger date
de plusieurs dizaines d'années. Elle
sort néanmoins renforcée de la visite de
Medvedev, avec des promesses de
diversification des secteurs
d'interaction.
Le monde change, la
réalité géoéconomique et géopolitique
aussi. Alger comme Rabat font partie des
principaux partenaires de la Russie en
Afrique et dans le monde arabe. Si avec
la première, cette relation s'est forgée
durant la lutte d'indépendance et dans
les premières années de son obtention,
dans le cas du Maroc le partenariat
stratégique a commencé son chemin à
partir du début des années 2000.
L'Algérie fait
partie du Top 3 des principaux
partenaires de la Russie dans le secteur
de la Défense, derrière l'Inde et la
Chine. Pour la seule année 2016, Alger a
commandé à Moscou pour 924 millions de
dollars d'armements contre 1,2 milliard
pour New Delhi et 959 millions de la
part de Pékin. Mais l'interaction ne
s'arrête pas là. Les deux pays partagent
grand nombre de visions communes ou
similaires au niveau politique et de
l'actualité internationale.
Leurs intérêts
communs concernent également le secteur
énergétique, les deux pays étant de
grands producteurs de pétrole et de gaz.
Plusieurs projets dans l'industrie
agroalimentaire sont en cours de
négociation, l'Algérie s'ouvrant
potentiellement le marché russe. Une
chose est certaine: l'Algérie était,
reste et restera un partenaire
privilégié de la Russie, et ce à
plusieurs niveaux.
Dans le cas du
Maroc, les échanges avec la Russie sont
également à un niveau stratégique. Rabat
est un important fournisseur de produits
agroalimentaires sur le marché russe.
Ainsi, la Russie est-elle le principal
débouché des agrumes marocains avec 45%
de la production destinée à l'export,
contre 30% pour l'UE et 20% pour
l'Amérique du Nord. Une part de marché
qui pourrait encore croître, la Russie
s'étant dernièrement déclarée prête à
augmenter ses achats d'agrumes en
provenance du Maroc. «La part actuelle
du Maroc sur le marché russe au niveau
des agrumes est de 26%, nous sommes
prêts à ce qu'elle atteigne 50%», a fait
savoir le ministre russe de
l'Agriculture Alexandre Tkatchev.
Dans le domaine de
l'énergie, la Russie est prête à
participer à la construction au Maroc de
centrales électriques à gaz. En outre,
la pêche, l'industrie et le tourisme
représentent quant à eux des secteurs
appelés à connaître également une hausse
conséquente.
Toutes ces annonces
sont toutefois éclipsées par celle de la
création d'une zone de libre-échange
entre la Russie et le Maroc d'ici un an
au maximum.
En passant, les
producteurs européens peuvent
«remercier» une fois de plus leurs
dirigeants: au moment où la Russie est
arrivée à une autosuffisance complète
sur plusieurs secteurs de l'industrie
agroalimentaire, en augmentant au
passage ses exportations, ne serait-ce
qu'au niveau du blé, des pays non
occidentaux renforcent sans complexe
leurs positions sur ce grand marché
qu'est la Russie.
Cela confirme une
fois de plus ce que nous avons déjà
annoncé à plusieurs reprises: les
produits agroalimentaires de l'UE,
actuellement bannis de Russie en raison
des contre-sanctions, auront les plus
grandes difficultés à revenir sur ce
marché, si jamais ils y parviennent un
jour.
N'est-ce pas
l'Occident politique et médiatique qui
annonçait en grande pompe de grands
problèmes à venir pour l'économie russe
après l'adoption de sanctions
occidentales? Et qui est perdant au
final? Les producteurs de l'UE n'ont
jamais réussi à compenser leurs pertes
se chiffrant en dizaines de milliards
d'euros et en dizaines de milliers
d'emplois perdus, ni même à trouver des
marchés de remplacement.
La Russie, de son
côté, a réussi non seulement à donner
une chance unique à ses producteurs,
mais aussi à diversifier très largement
ses relations extérieures. Moscou aurait
certainement dû lancer ce processus bien
avant, comme l'a fait la Chine, et ne
pas attendre les tensions avec
l'Occident, mais mieux vaut tard que
jamais.
Le processus suit
son cours et il n'y aura certainement
pas de retour en arrière. Aux élites
européennes de réfléchir un minimum pour
ne pas perdre leurs positions
économiques encore existantes en Russie,
leur rapportant des sommes plus que
considérables, au risque de voir les
pertes se multiplier de plusieurs fois.
En ce qui concerne les pays africains,
les exemples de pays comme l'Algérie, le
Maroc, l'Afrique du Sud, l'Angola et
certains autres encore démontrent
qu'assumer sa souveraineté est tout à
fait possible: non, il n'y a pas de
peuples «élus» et «moins élus». Tous
égaux. C'est cela la multipolarité.
Aux pays sous
emprise encore des partisans de l'unipolarité
d'en tirer les conclusions qui
s'imposent.
© 2017 Sputnik
Tous droits réservés.
Publié le 14 octobre 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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