Sputnik
La Turquie poursuit son
éloignement de l'Otan
Mikhail Gamandiy-Egorov

© Sputnik.
Eugeny Bijatov
Mercredi 7 février 2018
Source:
Sputnik
Les tensions entre la Turquie et ses
«alliés» de l'Otan restent plus vives
que jamais. Après celles entre Ankara et
Bruxelles, c'est désormais avec
Washington que les choses se corsent.
Dans la recomposition géopolitique en
cours dans la région, La Turquie et les
États-Unis se retrouvent face à face.
Soyons clairs:
jamais les USA n'ont été populaires
auprès de Turquie. Ces dernières années,
cette tendance s'est confirmée, aussi
bien dans la majorité que d'une partie
de l'opposition, notamment d'obédience
républicaine. Et le fait d'encore
appartenir à l'alliance Atlantique ne
semble plus être en mesure de stopper la
rhétorique hostile entre Ankara et
Washington. Une chose est néanmoins
certaine: le gouvernement turc ne compte
pas reculer dans la défense de ses
intérêts nationaux.
En effet, les
récents propos du Président Erdogan et
de plusieurs hauts responsables de son
gouvernement à l'encontre des États-Unis
soulignent une fois de plus la fracture
au sein de l'Alliance nord-atlantique,
dans laquelle Ankara représente
indéniablement le seul acteur menant une
politique indépendante vis-à-vis du chef
étasunien.
Depuis le début de
son opération militaire «Rameau
d'olivier» dans le Nord syrien contre
les Kurdes, préalablement coordonnée
avec la Russie, le ton du pouvoir turc
ne cesse de monter contre les USA, ces
derniers étant les alliés déclarés des
forces kurdes combattues par la Turquie.
Des forces kurdes qui par ailleurs n'ont
pas le soutien de Damas, après avoir
ouvertement décidé d'être des éléments
de déstabilisation étasunienne.
La Turquie est
allée jusqu'à avertir les USA du risque
de voir ses soldats frappés s'ils ne
quittaient pas les zones du Nord syrien,
où ils se trouvent en compagnie des YPG
kurdes:
«Si les terroristes
ne se retirent pas de Manbij en Syrie,
nous lancerons une opération militaire
dans cette région également [après celle
du canton d'Afrine, ndlr]. Dans ce cas,
les militaires américains en uniforme de
YPG seront eux aussi la cible de notre
opération», avait prévenu Bekir Bozdag,
vice-Premier ministre turc. Un message
réitéré par Mevlüt Çavuşoğlu, le chef de
la diplomatie turque.
Puis, ce fut au
tour du président Erdogan d'en rajouter,
en condamnant ouvertement la présence US
en Syrie: «On nous pose la question de
savoir quand nous achèverons notre
opération en Syrie. Et vous [les
États-Unis, ndlr], êtes-vous partis de
l'Afghanistan ou de l'Irak? Daech
n'existe plus. Alors pourquoi
restez-vous? Vous avez donc des projets
contre la Turquie, contre l'Iran, ou
peut-être, contre la Russie. Mais nous
sommes fermes. Tant que le terrorisme
menace notre sécurité, nous agirons avec
détermination», avait-il dit, en
intervenant devant les députés du groupe
parlementaire du Parti de la justice et
du développement.
La mention de
l'Iran et de la Russie, qui selon
Erdogan seraient eux aussi visés par les
actions hostiles de Washington ne doit
rien au hasard: Ankara poursuit son
rapprochement géopolitique avec Moscou
et Téhéran, en plus de liens économiques
déjà intenses. Cela s'est d'ailleurs
traduit avec l'organisation du Congrès
des peuples de la Syrie à Sotchi, dans
lequel la Turquie a apporté une sérieuse
contribution, en coordination avec les
gouvernements russe, et iranien.
Plus récemment encore, le dirigeant turc
a ouvertement accusé Trump d'avoir menti
à la Turquie, comme l'avait fait son
prédécesseur Obama, faisant référence au
large soutien militaire accordé par
Washington aux éléments armés kurdes,
considérés par Ankara comme étant
terroristes.
En conséquence,
depuis plusieurs années, les tensions
entre la Turquie —deuxième armée de
l'Otan en termes d'effectifs- et ses
«partenaires» occidentaux, y compris
étasuniens, ne font que s'exacerber.
Parallèlement à cela, le rapprochement
intraeurasien se poursuit. Et c'est
d'ailleurs logique. La Turquie comprend
aujourd'hui parfaitement qu'elle n'a
rien de positif à attendre dans ses
relations avec les élites politiques
occidentales, qu'elles soient à
Washington ou à Bruxelles. Dans cette
situation, cette puissance régionale de
premier plan sait qu'elle doit
construire son avenir avec des
partenaires de confiance, sur lesquels
elle pourra compter en cas de
difficulté. Surtout qu'elle sait
parfaitement qu'elle est elle-même dans
le collimateur de ceux qui ont initié le
chaos dans cette région.
Néanmoins, il y a
indéniablement encore des actions à
entreprendre pour la Turquie. La
première serait d'annoncer
officiellement son désir de normaliser
ses relations avec les autorités
syriennes. En effet, plusieurs
politiciens haut placés, aussi bien au
sein du gouvernement que de certaines
forces de l'opposition, reconnaissent
que ce serait la meilleure solution et
dans l'intérêt de la Turquie. Et cela
porterait un coup certain aux ennemis de
la stabilité dans cette région.
© 2017 Sputnik
Tous droits réservés.
Publié
le 10 février 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Le sommaire de Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Le
dossier Turquie
Les dernières mises à jour

|