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Tournée africaine de Sergueï Lavrov:
ce n’est qu’un début
Mikhail Gamandiy-Egorov
© Sputnik.
Evgeny Odinokov
Mardi 6 mars 2018
Source:
Sputnik Alors que la Russie
réaffirme et développe ses positions en
Afrique, l’heure est au renforcement des
liens avec les partenaires historiques
de Moscou sur ce continent. Décryptage
des réalités politico-historiques et des
perspectives dans les relations
russo-africaines.
Des paroles aux
actes: voilà comment se traduit la
relation entre la Russie et les pays du
continent africain. Alors que l'Afrique
redevient une priorité de la politique
extérieure russe, Sergueï Lavrov, le
chef de la diplomatie russe, a commencé
sa tournée africaine, lors de laquelle
il visitera cinq pays: l'Angola, la
Namibie, le Mozambique, le Zimbabwe et
l'Éthiopie.
Un choix qui ne
doit rien au hasard, histoire oblige:
ces cinq pays ont tous ont été des
alliés de l'URSS en Afrique durant la
Guerre froide.
Ainsi, le parti au
pouvoir en Angola, le Mouvement
populaire de libération de l'Angola
(MPLA), a-t-il été activement soutenu en
son temps par Cuba et l'URSS. Grâce à ce
soutien, ce pays lusophone a non
seulement pu se libérer du colonisateur
portugais, mais aussi vaincre
l'interventionnisme sud-africain du
régime d'apartheid allié à la CIA, qui
soutenait à l'époque l'Union nationale
pour l'indépendance totale de l'Angola
(UNITA) de Jonas Savimbi, un mouvement
qui luttait contre cet allié de l'Union
soviétique en Afrique. Au prix
d'innombrables victimes et de longues
années de guerre, le MPLA a eu le dessus
sur l'UNITA. Aujourd'hui, l'Angola est
un pays pleinement souverain, dont les
citoyens n'immigrent pas ou peu, et qui
se permet même d'accueillir un grand
nombre de migrants occidentaux, dont pas
moins de 200.000 Portugais qualifiés,
venus chercher une vie meilleure. Cela
sans oublier d'importants
investissements angolais dans l'économie
de Lisbonne: quelle meilleure revanche
sur l'ancienne métropole coloniale?
Il en est de même
pour la Namibie, où le parti au pouvoir,
l'Organisation du peuple du Sud-Ouest
africain (SWAPO), était, comme le MPLA
angolais et le Congrès national africain
(ANC) sud-africain, soutenu par Moscou
et La Havane. Et après des années
d'occupation par l'armée sud-africaine,
le pays accéda à l'indépendance en 1990.
Depuis, son gouvernement n'a cessé de
rappeler le rôle de la Russie et de Cuba
dans l'obtention de sa liberté. Par
ailleurs, la Namibie est aussi un pays
dont les citoyens n'immigrent pas ou
peu, surtout en comparaison avec les
pays sous «tutelle» occidentale,
pourtant «disposant» eux aussi
d'importantes ressources naturelles.
Le Mozambique était
à l'époque lui aussi un partenaire
privilégié de l'URSS. D'ailleurs, le
drapeau et les armoiries du pays sont là
pour le rappeler:
Drapeau du
Mozambique et armoiries du Mozambique
En ce qui concerne
la symbolique, côté russe, une des rues
de Moscou proche de l'Université russe
de l'Amitié des Peuples (RUDN) —au
passage, l'une des plus internationales
au monde- porte le nom de Samora Machel,
le père de l'indépendance mozambicaine.
Au Zimbabwe,
plusieurs membres du parti au pouvoir, à
savoir l'Union nationale africaine du
Zimbabwe —Front patriotique (ZANU-PF),
sont historiquement liés pour certains à
Pékin, pour d'autres à Moscou, et ce
depuis la lutte pour l'indépendance.
Enfin et en ce qui
concerne l'Éthiopie, au-delà d'avoir été
l'un des principaux alliés africains de
l'URSS au temps de la Guerre froide, ce
pays partage des relations historiques
et spirituelles avec la Russie, et ce
depuis
l'époque des Tsars.
Cela s'est
notamment traduit par le soutien accordé
par l'Empire russe à l'Éthiopie durant
la Première Guerre italo-éthiopienne
(1895-1896), qui a permis à cette
dernière de rester le seul pays africain
à n'avoir jamais été colonisé.
Autre point
important, Addis-Abeba, la capitale
éthiopienne, accueille le siège de
l'Union africaine (UA), avec laquelle la
Russie souhaite développer ses
relations. Ainsi, Sergueï Lavrov a-t-il
programmé plusieurs rencontres avec de
hauts diplomates de l'UA durant sa
tournée
Mais les liens
entre la Russie et ces cinq pays ne sont
pas uniquement historiques et
politiques. De nombreuses entreprises
russes opèrent sur place, notamment dans
le secteur minier en Angola, en Namibie
et au Zimbabwe.
Des projets dans
les domaines de l'énergie sont tout à
fait possibles au Mozambique. Par
ailleurs, le Zimbabwe et l'Éthiopie
présentent un intérêt particulier pour
les entreprises russes spécialisées dans
la production et l'exportation
d'engrais, à un moment où la Russie
renforce ses partenariats directs avec
ses clients sur place, au détriment des
intermédiaires, bien souvent ni Russes
ni Africains. L'Angola, lui, fait partie
des principaux partenaires africains de
la Russie dans le domaine de la Défense.
Une interaction appelée à croître avec
les quatre autres pays cités. Ainsi, la
Banque russe pour le commerce extérieur
(VTB), deuxième banque de Russie,
dispose-t-elle d'un bureau de
représentation à Luanda. Tout est donc
là pour faciliter les échanges entre la
Russie et ces pays.
L'un des grands
atouts dont dispose indéniablement la
Russie pour la suite de cette
collaboration est qu'une large partie
des élites politico-économiques de ces
pays sont prorusses, notamment pour les
raisons mentionnées plus haut.
S'ajoute à cela la poursuite de la
formation dans les universités russes
d'un grand nombre d'étudiants africains
issus de ces pays, une jeunesse appelée
à prendre le flambeau des relations
russo-africaines.
Le choix des pays
de cette tournée de Lavrov en Afrique
est donc tout à fait pertinent, mais la
Russie ne compte pas s'arrêter en si bon
chemin et interagira activement avec
tout pays du continent qui le
souhaitera. C'est probablement le
message principal de Moscou à
destination de l'Afrique: l'alternative
russe est bien lancée et ne compte pas
reculer.
© 2017 Sputnik
Tous droits réservés.
Publié
le 8 mars 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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