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Pourquoi Erdogan est-il à nouveau en
Russie ?
Mikhail Gamandiy-Egorov
© REUTERS/ Umit Bektas
Mardi 2 mai 2017
Source:
Sputnik
Trois rencontres Poutine-Erdogan en neuf
mois, le dialogue Moscou-Ankara
s’intensifie. En effet, au-delà des
convergences économiques et des
divergences sur la Syrie, les deux pays
partagent de vrais intérêts
stratégiques. La Turquie ira-t-elle au
bout de cette logique de dialogue ?
Éléments de réponse.
Le président turc
Erdogan sera de nouveau en Russie le
3 mai prochain. Il s'agit tout de même
de la troisième visite officielle du
président turc en Russie en seulement
neuf mois. Après la rencontre d'août
2016 à Saint-Pétersbourg qui a
officialisé la normalisation des
relations entre les deux pays, puis
celle de Moscou en mars dernier dans le
cadre de la réunion du Conseil de
coopération de haut niveau
Russie-Turquie, c'est désormais à Sotchi
qu'aura lieu cette nouvelle rencontre
Poutine-Erdogan.
Les deux présidents
ont un ordre du jour chargé, à commencer
par la poursuite de la levée des
sanctions commerciales russes décidées
après la crise de novembre-décembre
2015. Les projets stratégiques et
commerciaux sont aussi nombreux: Turkish
Stream, centrale nucléaire d'Akkuyu,
achat par la Turquie des systèmes russes
S-400. Si sur la plupart de ces points,
les chances de succès sont plutôt
importantes, la Syrie reste, elle, une
pierre d'achoppement entre les deux
États.
En effet, la Russie
reste ferme sur sa position qui stipule
que seul le peuple syrien peut décider
de son avenir, ce qui passe au préalable
par l'éradication du terrorisme en
Syrie. La Turquie, elle, campe sur ses
positions anti-Assad. Néanmoins et
malgré ce désaccord évident, les deux
pays continuent de collaborer dans le
cadre du processus d'Astana, en
coordination également avec l'Iran.
Plus généralement,
Erdogan doit se faire à l'idée que la
Russie ne changera pas son approche
vis-à-vis de la Syrie. Et tenant compte
de cette réalité, il devrait en effet
surtout se focaliser sur la poursuite du
développement des relations bilatérales,
aussi bien dans les sphères économique,
que politique et culturelle. Les
intérêts réciproques sont flagrants.
Beaucoup d'entreprises turques attendent
avec impatience la levée totale des
restrictions pour pouvoir revenir à leur
chiffre d'affaires avec la Russie
d'avant les sanctions, voire de le
développer plus encore: les 100
milliards de dollars d'échange à
l'horizon 2020-2023 restent l'objectif
déclaré des deux côtés.
Certains se
demandent à juste titre si la Russie
peut faire confiance à la Turquie,
notamment en raison du jeu trouble
qu'elle mène depuis plusieurs années en
Syrie, l'allié de la Russie, sans
oublier aussi le coup de poignard dans
le dos de novembre 2015. Certes, il y a
des choses qui ne s'oublient pas
facilement et seul le temps pourra
rétablir une confiance totale entre les
deux pays. Néanmoins, les dirigeants des
deux pays savent que les deux peuples
sont liés l'un à l'autre et qu'il faut
en tenir compte.
Gardons aussi à
l'esprit que la Turquie a été le seul
pays membre de l'OTAN à ne pas s'être
joint aux sanctions occidentales contre
la Russie. Dans un intérêt purement
commercial direz-vous. Certes, mais le
fait est là: le leadership turc n'a pas
suivi aveuglement les élites
occidentales, notamment bruxelloises,
qui ont préféré sacrifier les intérêts
de leurs producteurs en suivant
aveuglement les prérogatives de
Washington.
Il faut reconnaître aussi à l'AKP
d'Erdogan que c'est bien sous sa
direction que les relations
russo-turques avaient augmenté
considérablement, pour atteindre un
niveau sans précédent avant la crise de
fin 2015. La Turquie reste également le
seul pays membre de l'OTAN qui s'est «
permis » une collaboration militaire,
certes limitée, avec la Russie. Les
frappes conjointes contre Daech dans le
Nord syrien, de même que les exercices
entre marines militaires des deux pays
ont prouvé qu'il y a une perspective
réelle, à condition de ne pas mettre de
l'huile sur le feu là où il faut éviter
d'en mettre: la Syrie.
Enfin, le tout
dernier référendum national donnant
désormais à Erdogan encore plus de
pouvoir ne semble pas changer sa
politique en direction de la Russie,
tout au contraire. En témoigne une
nouvelle visite prévue pour le 3 mai. En
passant et en lisant la presse
mainstream, on constate que les
relations russo-turques font souffler un
vent d'inquiétude évident au sein des
élites occidentales. Cela est évidemment
leur problème, mais c'est très
révélateur.
Pour récapituler,
Ankara doit se faire définitivement à
l'idée que Moscou ne lâchera pas son
allié syrien. Ankara doit également
admettre qu'Assad représente la seule
option fiable pour l'avenir de la Syrie.
Ankara doit ensuite contribuer plus
efficacement à faire pression sur les
groupes armés, notamment ceux
participant au processus d'Astana, pour
qu'ils se joignent une bonne fois pour
toutes à la réconciliation nationale
lancée par Damas. Enfin, la Turquie doit
commencer à respecter pleinement la
souveraineté de son voisin syrien,
sachant que plus vite la Syrie
retrouvera la paix et la stabilité,
mieux ce sera pour la Turquie, qui doit
aussi faire face aujourd'hui à la menace
terroriste et au séparatisme.
La Turquie ne peut
pas manquer de s'apercevoir que la
Russie est probablement son seul
partenaire important, qui respecte
réellement sa souveraineté, malgré les
divergences entre les deux pays. Le
temps de prendre une décision
stratégique pour le futur de l'État turc
s'approche. Le leadership turc le
fera-t-il? C'est une autre question.
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Tous droits réservés.
Publié le 3 mai 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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