Middle East Eye
En Cisjordanie, les colons profitent du
confinement lié au coronavirus pour
annexer des terres palestiniennes
Akram Al-Waara
Des colons
israéliens ont notamment tenté de
rétablir un « avant-poste »
dans le sud
de la Cisjordanie (MEE/Akram Al-Waraa)
Mercredi 1er avril 2020
Alors que les attaques de colons sont
monnaie courante, une nette augmentation
des violences a été constatée depuis la
proclamation de l’état d’urgence
sanitaire
Par Akram Al-Waara
– BETHLÉEM, Cisjordanie occupée
Date de publication
: Mercredi 1 avril 2020
En Cisjordanie
occupée, les colons exploitent le
confinement imposé pour ralentir la
propagation du
nouveau coronavirus afin d’annexer
des terres palestiniennes et mener des
attaques contre les civils et leurs
maisons.
Au cours des
derniers jours, au moins trois incidents
ont été rapportés, au cours desquels des
colons israéliens ont rasé des terres
palestiniennes et pavé des routes dans
les districts de Naplouse, Jérusalem et
Bethléem.
« Les colons savent
que les gens auront trop peur de venir
nombreux et de protester contre ces
tentatives, comme nous le faisions
avant. C’est donc une situation idéale
pour prendre le contrôle du territoire »
- Ghassan al-Najjar,
activiste
Un pic d’attaques
contre les Palestiniens et leurs biens a
également été observé. Middle East
Eye a documenté des violences dans
les villages de Madama, Burqa et Burin.
« D’habitude, nous
subissons des attaques de colons
plusieurs fois par mois », explique à
MEE Ghassan al-Najjar, un activiste
de Burin, un village situé à 5 km au sud
de Naplouse.
« Mais depuis que
nous avons été mis sous confinement à
cause du coronavirus, celles-ci ont
décuplé », indique le trentenaire,
ajoutant que les colons, sous la
protection des soldats israéliens, font
quotidiennement des raids dans le
village désormais.
Il ajoute que des
habitants de la colonie de Har Brakha
ont tenté de s’emparer de terres
palestiniennes à la périphérie du
village.
« Les colons savent
que les gens restent chez eux à cause du
coronavirus, alors ils essaient d’en
profiter pour nous attaquer et prendre
plus de terres », déplore l’activiste.
Une nette
augmentation des attaques
Alors que les
attaques de colons en Cisjordanie sont
monnaie courante, des militants de tout
le territoire occupé ont signalé une
nette augmentation des violences depuis
la proclamation de l’état d’urgence
sanitaire en raison de la pandémie de
coronavirus début mars.
Au sud de la
Cisjordanie, dans le district de
Bethléem,
centre de l’épidémie de coronavirus
en Palestine, le militant Mahmoud
Zawahreh, 48 ans, rapporte à MEE
que les colons ont adopté des tactiques
similaires ces derniers jours dans la
commune de Khallet al-Nahleh.
Les autorités
israéliennes détruisent les cultures
bédouines
malgré le coronavirus
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Les colons essaient
de s’emparer d’une colline de ce village
depuis 2013. Au fil des ans, raconte
Zawahreh, les colons de la méga-colonie
voisine d’Efrat ont tenté de rétablir
l’« avant-poste »
qui s’y trouvait après son démantèlement
par les forces israéliennes.
« Une décision de
justice a prouvé que les terres
appartenaient à des Palestiniens et les
tentes des colons ont été démontées »,
rappelle Zawahreh. « Jusqu’à récemment,
ils n’avaient pas tenté de revenir ici.
»
Au cours des
derniers jours, les colons sont en effet
revenus, cette fois avec davantage de
tentes, de réservoirs d’eau et de
générateurs électriques. Lundi dernier,
ils ont commencé à paver un chemin de
terre afin de créer un accès plus facile
à l’avant-poste.
« La crise du
coronavirus limite les déplacements des
Palestiniens, en particulier autour de
Bethléem, en raison de la quarantaine et
du couvre-feu imposés par le
gouvernement », explique Mahmoud
Zawahreh.
« Les colons le
savent et en profitent. Ils savent que
les gens auront trop peur de venir
nombreux et de protester contre ces
tentatives, comme nous le faisions
avant. C’est donc une situation idéale
pour eux afin de prendre le contrôle du
territoire. »
« Entre le
marteau de l’occupation et l’enclume du
coronavirus »
Alors que la
pandémie de coronavirus ne montre
aucun signe de ralentissement, les
Palestiniens se disent contraints de
choisir entre protéger leur santé et
protéger leurs terres.
« À cause des
colons et de l’occupation, nous ne
pouvons pas suivre les directives fixées
par l’Organisation mondiale de la santé
ou notre propre gouvernement pour nous
protéger du coronavirus », déclare
Ghassan al-Najjar.
« Si nous restons
chez nous, nous nous protégeons du
virus, mais nous finissons par perdre
nos terres. »
« Il est triste et
frustrant pour nous, Palestiniens, de
voir que pendant cette pandémie,
l’humanité s’unit pour se défendre et se
protéger mutuellement contre ce virus
alors qu’ici, les colons font le
contraire »
- Mahmoud
Zawahreh, activiste
Cherchant à
défendre le village tout en minimisant
l’exposition des habitants les uns aux
autres et aux colons, l’activiste et
d’autres jeunes hommes de la région de
Burin ont créé un petit groupe chargé de
protéger les terres pendant le
confinement.
« Habituellement,
tout le village vient défendre les
terres, mais maintenant, nous
travaillons en petit nombre et faisons
des roulements pour minimiser
l’exposition potentielle », décrit-il.
« C’est tout ce que nous pouvons
vraiment faire pour l’instant. »
Depuis Khallet al-Nahleh,
Mahmoud Zawahreh exhorte la communauté
internationale à faire pression sur le
gouvernement israélien pour qu’il mette
fin aux « crimes des colons » en
Cisjordanie.
« Il est triste et
frustrant pour nous, Palestiniens, de
voir que pendant cette pandémie,
l’humanité s’unit partout dans le monde
pour se défendre et se protéger
mutuellement contre ce virus alors
qu’ici, les colons font le contraire.
Ils exploitent le virus à leur avantage,
pour nuire à l’humanité des autres et
voler la terre des autres »,
dénonce-t-il.
« En Palestine,
nous sommes coincés entre le marteau de
l’occupation et l’enclume du
coronavirus. »
Traduit de
l’anglais (original).
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Publié le 5 avril 2020 avec l'aimable
autorisation de Middle East Eye
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